lundi 20 juillet 2015

RETROVISION

De l’inconscience
 Les faiseurs de fictions, sous nos cieux, ont-ils vraiment idée de ce que représente le terrorisme ? En tout cas, à la lumière de certains sitcoms et feuilletons, il se révèle que ce n’est point le cas. Citons l’exemple des sitcoms Bolice et Ambulance, diffusées sur Ettasiaâ, qui sont des parodies calquées sur des productions occidentales, entre américaines, françaises et anglaises. Dans les deux sitcoms citées, les personnages de terroristes sont parodiés d’une manière telle qu’ils en deviennent sympathiques. Comme si on pouvait tourner en dérision le terrorisme n’importe comment et gratuitement juste pour faire rire les téléspectateurs, courant, ainsi, le risque de banaliser le phénomène. visiblement, les scénaristes, réalisateurs et comédiens qui s’adonnent à ce genre d’exercice sont inconscients du danger que représentent des individus cruels, dangereux et inhumains. Et pour être édifié, il suffit de regarder les vidéos dans lesquelles les journalistes occidentaux, auxquels il a été permis de rencontrer des chefs de groupes terroristes, racontent l’effroi qu’ils ressentent encore après leur séjour dans les régions conquises par Daech. Ces journalistes ont jeté un cri d’alarme sur la cruauté et la sauvagerie de ces criminels qui recrutent des jeunes, et même des enfants, à tour de bras. D’ailleurs, le journaliste allemand Jurgen Todenhöfen, en immersion dans l’organisation de l’Etat islamique, n’a-t-il pas révélé, dans plusieurs interviews, que des enfants âgés de 8 ans ont commis des assassinats et des attentats au nom de l’Etat islamique. C’est pourquoi il est vraiment temps que les personnages de «salafistes», de «terroristes» and co soient construits de manière sérieuse et profonde et non banale et folklorique. Que ceux qui réalisent des sitcoms cessent de prendre le terrorisme à la légère et de faire, au contraire, œuvre utile en contribuant à conscientiser les citoyens au danger du phénomène sur l’ensemble du pays. Car le fléau du terrorisme, on le sait, n’engendre que mort, épouvante, cruauté, insécurité, drames, tragédies, effondrement des valeurs et règne de l’ignorance sous couvert de principes religieux. Cela sans compter l’écroulement de l’Etat et ses institutions, au profit du crime, de la terreur et de la dictature. C’est pourquoi les médias audiovisuels, dans des émissions de tous genres, fictions, reportages, enquêtes, débats, devraient avoir pour mission d’impliquer les citoyens en les conscientisant, de manière rationnelle, à la dangerosité du fléau rampant du terrorisme dont nul n’est à l’abri.
Typiquement tunisien 
Ce qui va suivre est typiquement tunisien car, ailleurs, dans d’autres contrées, nous n’avons jamais vu des acteurs défiler dans une émission radio, en l’occurrence Romdhane show, sur Mosaïque FM, pour passer un long moment à évaluer aussi bien les fictions ramadanesques dans lesquelles ils ont joué que d’autres. Pis, ces acteurs et actrices critiquent la prestation de leurs collègues. Certes, c’est l’animateur Hédi Zaïem qui le leur demande, mais les interviewés peuvent refuser de répondre car partout ailleurs dans le monde ce sont, généralement, les journalistes, les critiques, voire les téléspectateurs qui jugent ce genre de productions télévisuelles. Mais sous nos cieux, on a même entendu des actrices qui refusent toute critique, à l’image de Maryam Ben Mami, qui s’est permis d’insulter le peuple en le qualifiant de «schizophrène» (sic). On a également entendu des journalistes défendre des fictions diffusées sur la chaîne où ils travaillent. Ainsi, Lotfi Laâmari, qui travaille à Al Hiwar Ettounsi depuis une année, a défendu bec et ongles le feuilleton Ouled Moufida, toujours dans Romdhane show sur Mosaïque FM. Cette fiction de Sami Fehri, dont le scénario est puisé ici et là de certaines fictions américaines dont Sons of Anarchy (pour le générique notamment), a réussi à rafler les meilleurs taux d’audience, selon des mesures d’audimat qui ne sont pas très fiables, car très peu scientifiques, vu essentiellement le manque de moyens technologiques rigoureux et précis. Pis, de prétendus scénaristes nous servent des idées, des faits et des situations plagiées, le tout sans âme ni vision, et où pullulent des scènes gratuites de beuveries, où toutes les femmes, sans exception, sont des traînées et tous les jeunes sont des fêtards inconscients comme, notamment, dans Hkayet tounssia (Histoires tunisiennes), feuilleton diffusé sur Al Hiwar Ettounsi, qui bat, paraît-il, les records d’audience car, et il faut le dire, tout le monde sait que Naouret el Hawa est rediffusée le lendemain à 18h00 sur Al Wataniya 2, alors que les fictions diffusées sur Al Hiwar Ettounsi ne le sont qu’une seule et unique fois. Le pic d’audience au profit de Histoires tunisiennes de Nada Mezni Hafaïedh est donc compréhensible et logique. Enfin, disons que toutes ces fictions n’ont que faire de l’image de la femme, des jeunes, des enfants et du reste de la société tunisienne en général. Car l’important pour les faiseurs et les diffuseurs, c’est de réaliser de l’audience et un bon audimat en accumulant des scènes invraisemblables qui choquent au maximum. Côté réalisation, ce n’est pas mieux car, soit c’est le ronron, certains réalisateurs se complaisant dans la redondance stylistique, ou alors c’est carrément l’imitation pâle du style américain, comme c’est la cas dans Ambulance de Lassaâd Oueslati, Calquée sur la série française H, ou la sitcom parodique Bolice et le feuilleton Leïlet Echak, tous deux réalisés par Mejdi Smiri. Or, il est temps que réalisateurs, jeunes et moins jeunes cessent de copier et de plagier, pour inventer et créer leur propre style et vision de l’art et du monde.
 S.D.