dimanche 24 février 2013


RETRO 24 Février 

La violence verbale perdure sur les plateaux

On a cru qu’après l’assassinat de Chokri Belaid  la violence verbale et les tensions dans les studios et sur les plateaux de télé allaient s’atténuer. Or, passés quelques jours, les acteurs de la scène politique sont non seulement revenus à leurs anciennes habitudes mais leurs propos ont décuplé de violence. Et les exemples les plus criards sont légion : mardi dernier,  sur Hannibal-TV, Hechmi Hamdi président d’El Aridha versa un flot de reproches, diatribes et invectives versant carrément dans  la diffamation, accusant Hamadi Jebali de « Haggar » (méprisant autrement dit ), de «perdant» et de « traitre». Pis, il ne trouva pas mieux que d’affirmer, au nom de tous les habitants de Sidi Bouzid, que« Si Jebali venait à être reconduit par Ennahdha cela représenterait une humiliation pour eux tous» (sic).
Sur les chaînes de radio ce n’était pas mieux, puisque  une vidéo, enregistré dans un studio, a circulé sur les réseaux sociaux montrant Bahri Jelassi , président du parti de l’ouverture et de la fidélité, dans un état de déchainement total  prenant à partie son interlocuteur dont l’intervention lui a déplu. Fou -furieux il a failli s’en prendre physiquement au journaliste lui reprochant le choix de l’intervenant, tout en proférant des mots orduriers sans que cela ne le dérange outre mesure, provoquant le dégout de tous ceux qui ont visionné la vidéo.
Il faut le dire, la violence verbale et les tensions perdurent sur les plateaux. Or après l’assassinat infâme du président du mouvement des patriotes démocrates et face à la situation très grave et délicate que traverse le pays, peut-on aujourd’hui se permettre de tels écarts, en produisant des discours incitant à la haine et à l’agression politique, peut-on, encore, débattre dans la tension et la violence verbale ? Lesquelles  ont largement contribué à la situation dramatique que nous vivons aujourd’hui. Aux politiques de mesurer leurs propos, d’avoir plus d’humilité et moins d’arrogance, surtout ceux au pouvoir.
Aux médias audio-visuels, de leur côté, de faire preuve de professionnalisme et d’objectivité et de  prendre leur responsabilité par un choix dosé des invités. En évitant de faire appel, juste pour le sensationnalisme, à des personnes qui ne peuvent produire que des clashs et des shows de bas étage tant leurs propos querelleurs et tapageurs sont  irresponsables et générateurs de haine. Ce qui ne fait qu’envenimer la situation. Mais ce serait nettement mieux si, répétons-le encore une fois, les autorités activaient les décrets 115 et 116 et la mise sur pieds de la Haica (Haute autorité de l’information et de la communication audiovisuelle). Et les dramatiques évènements vécues par notre pays tout récemment ne le montre que trop bien.

Un œil sur l’actualité économique

Un nouveau magazine d’information économique hebdomadaire, intitulé Aîn ala El Iktissad, (Un œil sur l’économie) diffusé tous les mardis vers 18H20, vient de voir le jour sur El Watanya 1. Voilà qui nous sort des débats partisans politiques pour nous plonger dan la réalité du monde économique qui touche directement au vécu des citoyens. Justement le premier numéro de l’émission a été consacré à la sinistrose qui frappe le secteur du tourisme ainsi que la question de l'endettement du secteur. Cela sur fond de reportages, chiffres et interventions d’experts et de spécialistes sur le plateau qui, pour le moins,  maîtrisaient  leur sujet. Franchement il y a de quoi tirer la sonnette d’alarme en voyant les hôtels fermés ou en déprime en l’absence de touristes. Mais ce qui est encore plus désolant c’est de découvrir ces images d’hôtels saccagés par des casseurs et par ceux pour, qui, le tourisme est illicite. Comment se fera la reprise du secteur dans ces conditions lamentables ? C’est pourquoi les invités ont insisté sur la nécessité du rétablissement de la sécurité dans le pays.
Ce magazine, qui se veut un œil sur l’actualité économique, est articulé autour de plusieurs rubriques dont « Mostalah wa Hikayat», autrement dit « Un concept et des histoires» dans un but de vulgarisation. Exemple : c’est quoi la bourse ? A quoi sert-elle ? Mais, l’on remarque parfois que l’explication de ces notions est assez laborieuse. Or, quelques illustrations, entre dessins, animation et graphiques, peuvent contribuer à faciliter leur compréhension par le plus grand nombre.
La forme est assez dynamique dans l’ensemble, la présentatrice et les invités, qui lui font face, sont debout, mais on pourra, cependant, reprocher à la journaliste Yosr Sahraoui, cette tendance à avoir le nez dans ses feuilles, faute de téléprompteur.
Au final l’on ne s’ennuie nullement à regarder ce magazine informatif et utile, conçu par Samira Mahdaoui et réalisé par Sonia Nefzi, d’autant que l’on y apprend des choses. Ce qui n’est pas rien, loin de là.
S.D.

RETROVISION 17 février
Besma Belaïd : la force tranquille

Les téléspectateurs l’ont découverte après l’assassinat de Chokri Belaïd : Besma Khalfaoui Belaïd incarne cette force tranquille de plus en plus rare de nos jours dans un pays où les crises de nerfs, les tensions et la violence, en tous genres, sont devenues notre pain quotidien.
Cette dame-courage, si sereine, si stoïque face à l’épreuve de la mort et de la perte d’un être cher, le compagnon d’une tranche de vie qui, plus est, est l’une des figures les plus marquantes de l’opposition. Leader charismatique de l’extrême gauche, il était l’une des voix les plus courageuses et les plus libres du pays.
Un orateur hors pair, défenseur des pauvres et des opprimés, dont les seuls credo étaient : la liberté, la justice sociale, les Droits de l’homme, le dialogue ainsi que le refus de la violence politique, l’extrémisme et l’obscurantisme.
Or, justement, Chokri Belaïd, dans la Tunisie actuelle, marquée par la violence et la tension, a été victime de ses idées que sa femme, avec toute la détermination du monde, a juré de défendre jusqu’au bout, en poursuivant le combat qu’il a entamé.
Paroles d’avocate doublée d’une militante discrète, fuyant la célébrité et les médias, agissant en arrière-plan, derrière son époux. Mais ne dit-on pas que «derrière chaque grand homme il y a une femme». Et le plus souvent «une grande femme», ce qui est bien le cas ici. Puisque aux premiers instantanés et séquences diffusés par les médias et Internet, le monde entier découvre un visage,  certes marqué par la douleur et la détresse, mais ô combien amène, serein et empreint de détermination.
Mais d’où lui vient cette force, quand d’autres, femmes ou hommes, auraient été effondrés par un pareil malheur? «C’est de l"amour des gens et de la force du martyr que je tire la mienne», a-t-elle répondu à un animateur qui lui a posé la question.
Les scènes et images reflétant, justement, cette force tranquille sont nombreuses : quand elle brandit le V de la Victoire sur l’Avenue Habib Bourguiba, au moment où l’ambulance, transportant la dépouille de son mari, passe devant le ministère de l’Intérieur.
Quand elle appelle au calme la marée humaine qui a accompagné le martyr à sa dernière demeure et qu’à la vue des centaines de milliers de personnes accourues spontanément à ces obsèques nationales, elle commente : «Qu’ils sont beaux les Tunisiens!».
Des funérailles historiques qui ont généré tant d’images fortes dont l’une si significative : rarement on a vu des femmes assister en si grand nombre ou assister tout court à des obséques fussent-elles nationales. Les seules exceptions étant celles de Moncef Bey, Farhat Hached et  Bourguiba.
Tout ce beau monde, frappé par ce drame, éploré, triste et en larmes, s’est déplacé pour dire non à l’assassinat et à la violence politiques, pour dire non à l’extrémisme, au wahhabisme  que le martyr, symbole du militantisme sincère et de la parole libre, a tant de fois fustigé et dénoncé sur les plateaux de télé, appelant au dialogue et à la tenue d’un congrès national contre l’assassinat politique : «Une ligne rouge», ne cessait-il de répéter.
Autre image marquante : quand malgré les provocations des casseurs manipulés, les heurts, les violences, les gaz lacrymogènes, les voitures incendiées et autres forfaits pour entacher les funérailles, la foule a résisté pour mieux marquer son refus des actes de violence, tout en manifestant sa colère contre le gouvernement et les assassins de Chokri Belaïd.
Et cette image de la petite Neïrouz, âgée de 8 ans, le regard aussi vif et intelligent que celui de son père, fait preuve du même courage et bon sens que ses parents, en déclarant devant la caméra: «Mon père a vécu militant, il est mort en héros».
Et cette scène où dans un élan de compassion et de solidarité, Besma Khalfaoui rend visite à la veuve de l’agent de sécurité Lotfi Zar, tué le même jour que Chokri Belaïd, en accomplissant son devoir de protection de la Tunisie face aux casseurs. Un geste qu’elle qualifie de «réconciliateur» et «d’unificateur» contre la violence d’où qu’elle vienne.
Enfin, cette séquence où elle se rend devant l’Assemblée nationale pour protester contre l’échec du gouvernement à arrêter la violence et à assurer la protection de son mari, appelant ainsi à  sa démission.
Voilà des images et des séquences éloquentes qui ont fait le tour du monde et dont on devrait normalement tirer les leçons. Mais est-ce le cas jusqu’ici?
Au final, on ne peut que souhaiter bon vent à Besma Khalfaoui et à ses camarades du Parti des patriotes démocratiques unifié pour la suite du combat.
Bon vent!

S.D.


RETRO 10 Février

L’assassinat de Chokri Belaid
Ils ne tairont pas les voix de la liberté

Le mercredi 6 février la Tunisie s’est réveillée sur la tragique nouvelle de l’assassinat du militant Chokri Belaid, secrétaire général du parti des patriotes démocrates unifié et l’un des chefs charismatiques du Front Populaire. Une bonne vingtaine de minutes après, l’information commence à circuler sur les réseaux sociaux et à être annoncée par les médias audiovisuels  d’ici et d’ailleurs.
Les radios locales se focalisent  sur ce meurtre tragique, minute par minute. Mais il faudra attendre les infos de 13 heures pour que la chaîne El Watania annonce le drame alors que les satellitaires internationales l’ont fait depuis quatre bonnes heures. Il n’empêche que durant l’après midi et la soirée les principales chaînes locales ont consacré leur programme au meurtre lâche et infâme du militant de gauche qui s’est engagé depuis sa prime jeunesse dans un long combat pour la liberté, la dignité, les droits de l’homme et la démocratie.
Au menu : débats, témoignages et reportages sur les heurts qui se sont déroulés devant le ministère de l’intérieur, à l’avenue Bourguiba, entre les manifestants et les forces de l’ordre qui ont eu l’ordre de les empêcher de passer en utilisant des  gaz lacrymogène. Pourtant les manifestants rendaient un dernier hommage au disparu en accompagnant le convoi transportant la dépouille du martyr. Ce qui a fait dire à une vieille dame voilée très en colère sur El Hiwar Ettounssi : «Ceux qui use de  gaz lacrymogène sur une  dépouille n’est pas musulman», une autre renchérit : «assassiner une personne aussi proche du peuple quasiment devant sa femme et ses enfants est horrible. Nous avons cohabité avec les Italiens, les Français, les juifs, mais on n’a jamais vu une telle haine et cet assassinat perpétré, de surcroît,  par des tunisiens, ce doigt avec lequel j’ai voté pour Ennahdha, je voudrais le couper».
 Les slogans lancés dont le fameux «Dégage» et autre tel : «Non à Ghannouchi» et la vue des séquences de milliers de manifestants dispersés par les Bop, dans un mouvement de flux et reflux rappellent la journée historique du 14 janvier. Des scènes semblables d’affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité se sont répétées dans plusieurs gouvernorats du pays et ont été diffusés par la plupart des chaînes locales exprimant, ainsi, le cri du cœur des citoyens et leur ras le bol de la situation politique, sociale et économique qui prévaut dans le pays : «Celui qui tue ne connait  pas Dieu» lance un vieil homme, une jeune femme en larmes éplorée s’écrie : «Je pleure la Tunisie, je pleure les militants qui ont tant milité et qu’on assassine devant leur domicile, aujourd’hui c’est Chokri, demain c’est Hamma Hammami, après demain c’est  Maya Jeribi, de son côté un jeune homme au bord de la crise de nerfs s’enflamme : « Vous les gens d’Ennahdha , laissez nous vivre, laissez la Tunisie en paix, vous avez divisé le pays».
Bref, ce qui ressort en substance des débats sur les plateaux de radio et de télés auxquels ont participé des hommes politiques, des Constituants et autres activistes, choqués et ébranlés par le meurtre du militant Chokri Belaid, est que les raisons de cet assassinat et de la violence politique qui s’amplifie dans nos murs, ne sont autres que l’incitation et les appels à la haine en toute impunité. Il est vrai qu’on a bien vu une vidéo montrant un Imam à Zarzis traiter Chokri Belaid et Ahmed Néjib Chebbi de mécréants appelant carrément à les liquider. Mais y a-t-il eu  une réaction de la part des autorités et du gouvernement à cette incitation au meurtre ? Non bien sûr.
Disons, pour notre part, que mis à part les mosquées, les plateaux de télé, notamment, ne sont pas dénués de violence verbale surtout que certains participants en sont presque venus aux mains, rappelez-vous Bahri Jelassi sur Ettounssia et Tunisna. Les agressions desdites ligues de protection de la révolution : le meurtre de Lotfi Nagdh, les attaques des locaux de l’Ugtt et de certains partis sont restés impunis. Et ces faux prédicateurs wahhabites qui appellent  à la destruction de mausolées millénaires dont déjà plus de 40 ont été saccagés ! Sans compter les enquêtes sur les événements du 9 avril, les agressions d’hommes politiques, d’artistes et de journalistes et autres forfaits dont l’appel au meurtre de Béji Caid Essebssi, sont demeurées sans suite. Pis, le militant disparu savait qu’il était visé et avait même déclaré dans une dernière intervention sur Nessma-Tv que «Le communiqué final du conseil de la Choura d’Ennahdha qui soutenait et réclamait la liberté pour les personnes impliquées dans l’assassinat de Lotfi Nagdh représentait une «Caution » pour les groupes terroristes et un  «feu vert » donné aux tueurs et aux agresseurs».
Mais, le meurtre du secrétaire général du Pdpu, que certains ont comparé à celui de l’immense Farhat Hached, a eu un effet contraire à celui escompté, car non seulement ces assassins, ces terroristes et leurs commanditaires qui servent l’obscurantisme et ses forces occultes n’ont pas réussi à semer la peur et la panique dans les esprits des opposants mais ont plutôt réussi, par leur acte vil et honteux, à immortaliser Chokri Belaid en tant que figure du militantisme tunisien.
Le macabre message des commanditaires du crime n’aura pas réussi à faire taire les voix de la liberté des téméraires  militants de tous bords, lesquelles  continueront à creuser le sillon de la démocratie,  que nous voulons voir naître, coûte que coûte, sous nos cieux. Mais à condition que les caches d’armes soient débusquées, que les ligues de protection de la révolution soient dissoutes afin de pouvoir entamer, sans violence, un vrai processus qui nous mènera à bon port aux prochaines élections.
Ceux qui n’acceptent pas le dialogue et le débat d’idées et préfère utiliser la force, la violence et le terrorisme qu’ils retournent d’où ils sont venus. Car, la violence, le terrorisme et l’obscurantisme ne font pas partie de nos habitudes. Faut-il attendre un meilleur sort pour le pays ? Si oui on peut dire que la mort de Chokri Belaid y aura largement  contribué.
Disons, enfin, que tous ces débats, reportages et témoignages ont été d’une bonne teneur et que c’est là le résultat d’un traitement  de l’information en toute liberté.
S.D.

Rétrovision du 3 FEVRIER

L’enfance voilée et volée
Que de double discours ! Que d’hypocrisie ! Que de revirement ! C’était là le lot des téléspectateurs qui était au rendez-vous de l’un des sujets traités de l’émission Al Tassiaâ Massaan (9h00 du soir) sur Attounssia qui a été consacrée à la venue du prédicateur koweitien Nabil Al Aouadi sous nos cieux. Ce prédicateur wahhabite interdit de prêche dans son propre pays (et comme ils sont devenus nombreux à envahir notre pays !) a débarqué chez nous afin de donner des conférences religieuses et nous faire la leçon, comme si la Tunisie d’Ezzitouna avait besoin de ces gens-là pour l’éducation religieuse de ses citoyens. Mais le pire c’est que ledit cheikh était là pour semer à tous vents ses idées obscurantistes, étrangères à notre Islam de tradition malékite modéré, en nous gratifiant de son projet «Nour Yaktamel» (sic) (Lumière accomplie) qui consiste à préconiser le port du voile pour les petites filles dés l’âge de 3 ans.
A cette agression de l’enfance qu’on voile et qu’on vole tout le monde s’attendait à une énergique condamnation de Sihem Badi, ministre de la femme et de la famille et de l’enfance, qui a intervenu au cours de l’émission, mais que nenni puisqu’on a eu droit a un discours politique partisan où elle défendait l’indéfendable tout en déplaçant le problème vers «les dangers de la drogue, d’internet, de la culture occidentale et tutti quanti» (sic). Or, quand on attrape des dealers la main dans le sac on les arrête, idem pour ceux qui abusent nos enfants sur internet, mais quand on voit des photos et des images si parlantes montrant à Zarzis des visages voilés, dont certains carrément en pleurs. Quand on voit l’innocence volée et qu’on ne lève pas le petit doigt pour leur venir en aide  pour les préserver, les protéger de tout endoctrinement c’est, pour le moins, faire fi de toute responsabilité en ne prenant aucune disposition légale. Mais la ministre le peut-elle vraiment quand une telle personne aux prêches ridicules (celle notamment contre Spongebob, personnage central d’un dessin animé américain) est accueillie par le directeur du cabinet présidentiel, Imed Daimi en personne ? Depuis quand un prédicateur invité par une association est-il accueilli par un responsable de la présidence, lorsqu’ailleurs, en Arabie Saoudite, c’est le délégué de Ryad qui a accueilli notre président fut-il provisoire ? 
Bref, la ministre «confiante en la société tunisienne estime que cette réalité tragique ne demande pas une intervention de sa part, mais qu’il faudra attendre de mener un combat d’idées, de mettre en place un programme éducatif outre la création d’une instance indépendante pour la protection de l’enfance, mais pas question de renvoyer chez lui le prédicateur» (resic).Tout un programme, donc, mais le temps qu’il voit le jour, si jamais il le voit, le courant extrémiste et wahhabite aura fait son lit et emporté sur son passage tout un modèle de société modérée.
Ainsi, les séquences montrant ces prêcheurs faisant le tour de notre pays dans des convois spectaculaires, grosses bagnoles précédés de motards, affichant la puissance de l’argent, car de plus en plus tout s’achète et tout se vend, sont de plus en plus fréquentes. Et laissent deviner une stratégie programmée de radicalisation de la société, mais aussi de division et de discorde comme l’a observé Om Zied, journaliste, activiste et présidente de l’association «Vigilance», sur le plateau d’Ettassiaâ. Nabil Al Aouadi, qui n’en croyait pas lui-même ses yeux, est venu chez nous sans crier gare, mais aussi sans visa, bien qu’il soit porteur d’un projet obscurantiste, tandis que, affirme Om Zied, «moi-même et d’autres personnes progressistes n’avons pu obtenir un visa pour le Koweït». Pis, Chokri Belaid,  secrétaire général du parti des Patriotes démocrates unifié, s’est étonné que «ces prédicateurs de la discorde soient reçus à bras ouverts alors que la militante palestinienne Leila Khaled et le secrétaire général du Front démocratique de la libération de la Palestine, Nayef Hawatmeh, n’ont pas été autorisés à entrer dans le pays ». Ainsi laisser ces prédicateurs radicaux défiler sous nos cieux pour susciter la zizanie et la division dans le sombre dessein de changer notre modèle de société modéré et tolérant «nous éloigne, comme l’a affirmé Om Zied, de nos véritables problèmes et des réels objectifs de la révolution».
De son côté cet autre invité de l’émission, Abdelfettah Mourou, vice-président d’Ennahdha, ne savait plus où donner de la tête, soutenant à la fois qu’en tant que savant ce prêcheur était le bienvenue, mais que son projet de voiler les petites filles en bas âge était contre la tradition. «Mieux», après l’émission A. Mourou s’est empressé de préciser sur sa page facebook «qu’il n’était pas contre la venue du cheikh, mais que certaines de ces Fatwa, dont on pourrait se passer, sont contraires à la tradition islamique ». Double langage ? Faudrait-il rappeler ici le discours tenu par le vice président d’Ennahdha au prédicateur wahhabite Wajdi Ghnim, quand il a martelé : «Ce sont nos adversaires politiques, mais nous ne devons pas afficher notre inimité, parce nous ciblons leurs enfants et petits enfants qui sont entre nos mains, il ne faut pas brusquer les choses mais plutôt attendre les prochaines générations qui seront séparées de leurs parents par la pensée, puisque nous détenons tous les ministères importants, l’éducation, la justice, la santé, l’enseignement supérieur, etc.» (sic). Il s’agit donc d’une conquête des esprits par étape, mais, toujours selon Mourou, : «l’étape suivante sera plus difficile, car  le pouvoir est entre nos mains et nous risquons de nous amollir». Tout est dit. (Voir la vidéo sur le net). Encore «mieux», 80 constituants de l’Assemblée constituante appartenant à plusieurs partis ont signé une motion demandant le renvoi de Nabil Aouadi et dénonçant cette agression ainsi que l’instrumentalisation des enfants à des fins politiques, mais les députés d’Ennahdha s’y sont opposés.
Ainsi, la succession de ces prédicateurs dans nos murs relève bel et bien d’une stratégie à long terme qui, de surcroît, a la bénédiction du pouvoir en place, à preuve rien n’y fit, ni les larmes des petites filles, ni le cri d’alarme de la société civile et des forces progressistes, puisque cet individu continue, comme si de rien n’était, à faire sa tournée de «conférencier», même à la mosquée de Carthage, au nez et à la barbe de ceux qui, à quelques encablures de là, se sont gargarisés, des décennies durant, de discours prônant la démocratie, la tolérance et les des droits de l’Homme.
S.D.

Entretien avec Jawhar Ben Mbarek, juriste, universitaire et militant de la société civile


"Je pense qu'on s'achemine vers l'article 19"

«La décision est entre les mains de Rached Ghannouchi qui tire toutes les ficelles»

Suite à la démission de Hamadi Jebali, la formation d’un nouveau gouvernement — avec ou sans lui — doit être avalisée par l’Assemblée nationale constituante (ANC). De la sorte et malgré toutes les précautions prises par Jebali et certains experts en droit constitutionnel, le débat glisse désormais vers le champ du droit constitutionnel et de l’organisation  provisoire des pouvoirs publics.
Deux articles de la petite Constitution, le 15 et le 19 en l’occurrence, se trouvent par la force des choses au cœur d’un débat technique mais incontournable.
Il s’agit en fait de savoir si le président de la République provisoire peut oui ou non charger une personnalité en dehors de la majorité relative à l’ANC pour former le nouveau gouvernement.
De même, les observateurs s’interrogent sur le vide juridique quant au délai de désignation du futur candidat à la primature.
Afin d’éclairer nos lecteurs, nous avons donné la parole à Jawhar Ben Mbarek, juriste, universitaire et militant de la société civile.

Après la démission de Hamadi Jebali, sommes-nous dans le cas de figure de l’article 15 ou de l’article 19 ?
Le président de la République a une marge de manœuvre pour choisir la configuration qu’il veut, car le règlement provisoire des pouvoirs publics n’évoque pas clairement le cas d’une démission du gouvernement. En fait se présentent deux hypothèses.
La première concerne l’article 15, mais qui évoque plutôt la formation du premier gouvernement Jebali.
La deuxième concerne l’article 19 où deux cas de figure sont possibles: celle d’une motion de censure qui aboutit à une démission évoquée dans l’alinéa trois. Dans ce cas, cela permet au président de la République de nommer la personne la plus apte et il n’est pas obligé de nommer une personnalité issue du parti qui a la majorité relative, c’est-à-dire qui a le plus de sièges à la Constituante.
Le deuxième cas de figure est évoqué par l’article 19, dans le dernier alinéa, qui traite de la question d’empêchement du chef du gouvernement, mais ne traite pas de démission.

Et si l’on se trouve dans la configuration de l’article 15 ?
A ce moment-là, le président nomme le candidat du parti détenant le plus de sièges à l’ANC, c’est-à-dire Ennahdha. Mais je pense que, vu les procédures prévues, le délai de 15 jours pour former le gouvernement, l’on s’acheminera vers l’article 19, surtout si l’on tient compte des conditions fixées par le Conseil de la choura d’Ennahdha qui a opté pour un gouvernement d’union nationale. Car peu de partis politiques s’engageront dans ce gouvernement, outre qu’Ennahdha ne prendra pas le risque politique majeur de former un gouvernement monocolore avec des partis satellitaires.
Par conséquent, l’on s’acheminera, dans les 20 jours qui suivent, après l’échec du premier candidat à former son gouvernement, vers l’article 19. D’autant qu’il existe un autre problème : le règlement ne prévoit pas un délai concernant la nomination, par le président de la République, d’un nouveau chef de gouvernement. Le président peut donc rester un jour, des semaines, des mois, voire indéfiniment, pour nommer un candidat.
A mon avis, la situation est la suivante : en cas de non-reconduction de Hamadi Jebali, le président de la République pourrait nommer dans les 3 ou 4 jours qui viennent le nouveau candidat d’Ennahdha qui entamera des tractations pour former son gouvernement et qui aboutiraient, selon moi, à un échec qui amènerait le président à appliquer l’article 19. Je pense que dans cette deuxième phase, il nommera Hamadi Jebali de nouveau.

Et si Hamadi Jebali est reconduit d’emblée ?
La reconduction de Hamadi Jebali reste une éventualité. Rien n’est exclu, les tractations continuent. Mais si Jebali est reconduit d’emblée, soit qu’il renonce à certaines de ses conditions, soit qu’Ennahdha doit revoir sa position concernant surtout les ministères de souveraineté auxquels elle devrait renoncer. Sinon, c’est l’échec qui se profile au bout du chemin.

Tout compte fait, est-ce que Jebali n’aurait pas dû soumettre directement sa proposition à l’ANC afin de créer une dynamique politique de reconfiguration de l’échiquier politique ?
Jebali n’a pas voulu prendre le risque d’être désavoué par l’ANC. Car il n’était pas certain que ses sympathisants à l’intérieur de son propre parti, estimés à une trentaine, allaient voter pour lui. Sans compter que les constituants d’El Wafa et d’El Aridha rejettent son initiative.
Je pense qu’il a bien manœuvré, quoiqu’il ait eu les mains liées, préférant démissionner que d’être désavoué par l’ANC.
D’autre part, il avait la possibilité de faire un remaniement ministériel sans se présenter devant l’ANC, mais cela aurait conduit à une crise et donc à une situation de blocage pour passer les lois. Sans compter que l’ANC peut présenter une motion de censure contre le chef du gouvernement qui sera démis de ses fonctions dans la semaine qui suit.

Ne pensez-vous pas que ce sont les radicaux qui cueilleront les fruits mûrs de cette crise ?
Bien évidemment. La décision est actuellement entre les mains du président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi. C’est lui qui tire toutes les ficelles. Mais il faudrait qu’il y ait des concessions de part et d’autre aussi bien de Jebali que de Ghannouchi afin d’éviter l’échec et la radicalisation politique.
Propos recueillis par Samira DAMI

Profanation du Mémorial dédié à Chokri Belaid


 "Un rassemblement contre la violence et la barbarie"

«C’est lâche et criminel. Oser saccager et profaner un  mémorial en souvenir du martyr Chokri Belaïd, c’est l’assassiner une  seconde fois», lance une femme emmitouflée dans son manteau noir lors du rassemblement de protestation qui s’est tenu hier vers 18h00 à El Menzah VI. Cela s’est passé à la place où a été  assassiné le leader Chokri Belaïd et où a été érigée, à sa mémoire,  une sculpture en marbre réalisée par des artistes plasticiens.
Quelques centaines de personnes, entre citoyens, voisins, militants et politiques, ont défié le froid et la pluie pour venir  manifester leur colère et condamner cet acte qu’ils jugent «inqualifiable».
Disposée en cercle autour de bougies, des gerbes de fleurs qui ont été piétinées par des inconnus, la foule scande : «Emploi, liberté et dignité».
Prenant la parole, un militant du Ppdu (Parti des patriotes démocrates unifié) a condamné cet acte barbare indiquant que «les assassins de Chokri Belaïd recourent, encore une fois, au mépris de l’Etat, à la violence en profanant la sculpture commémorative dédiée à sa mémoire».
Il a enfin condamné cet acte  de vandalisme à travers lequel Chokri Belaïd a été assassiné une seconde fois. Basma Belaïd, qui se trouvait parmi la foule, a pour sa part déclaré que «les profanateurs du mémorial dédié à Chokri Belaïd sont dépourvus de toute humanité. En fait, les assassins qui le craignent autant mort que vivant lui envient l’amour des gens. Cet acte ne fait qu’ancrer davantage ma volonté et ma détermination à poursuivre l’action militante».
Abdelmajid Belaïd, frère du martyr, l’air triste et chagriné, ne comprend pas que des «humains» puissent s’attaquer à un  mémorial. Pourtant, dimanche dernier, 3.000 personnes parmi lesquelles des opposants et autres personnalités de la société  civile se sont rassemblées de  leur plein gré sur l’esplanade d’El Menzah VI, à l’initiative d’un groupe d’artistes, entre musiciens, hommes et femmes de théâtre, plasticiens, pour assister à la manifestation intitulée «A  qui profite le crime ?».
Tous exigeaient la vérité sur cet assassinat et sur les auteurs du crime. Tous ont rendu hommage au martyr à travers des chants, des discours, des dessins, des peintures et une sculpture installée vers 19h00 et profanée deux heures plus tard,  quand la place était dans l’obscurité totale et que des inconnus ont déplacé le socle et détruit la sculpture.

«Bientôt du nouveau sur l’assassinat de Chokri Belaïd»

Le frère du défunt commente cet acte lâche: «L’art invite à l’amour, Chokri prônait l’amour du prochain et l’union de tous les partis et citoyens pour l’échange et le dialogue. Or, ces assassins et profanateurs sont contre l’art et l’amour. Ils n’ont pas cette culture. Mais qu’à cela ne tienne, le syndicat des artistes plasticiens s’est engagé à réaliser une énorme sculpture qui sera installée à la place du martyr Chokri Belaïd».
D’ailleurs le syndicat a, dans un communiqué, exprimé «son rejet et sa ferme condamnation de tels actes qui témoignent encore une fois d’un nouvel épisode de la spirale de la violence ciblant les politiques, les artistes et les défenseurs des libertés».
Salah Zghidi, un des acteurs politiques les plus importants de la place, est venu lui aussi assister au rassemblement. Il raconte : «J’étais avec Basma Khalfaoui-Belaïd quand on a entendu la mauvaise nouvelle après 21h00. Cela m’a mis hors de moi. Peut-on descendra aussi bas ?
Comment des gens peuvent-ils en arriver à profaner une petite sculpture à la gloire d’un mort et  piétiner des gerbes de fleurs ? Certains ont dit que c’est un acte “lâche”, moi je dirai plutôt dégueulasse car on peut être lâche en politique, mais là c’est écœurant.
En voyant la scène de profanation commise par les obscurantistes, je me suis rappelé la Fatwa d’un mufti saoudien qui a interdit aux parents et proches qui visitent leur malade à l’hôpital d’offrir des fleurs, car d’abord cela relève de la culture occidentale et qu’ensuite les fleurs éloignent le malade de Dieu qu’il doit prier à tout instant.
Mais d’où sortent ces gens. On savait qu’il y avait des islamistes et des obscurantistes mais on ne savait pas qu’ils étaient capables de tels actes criminels».
Et d’ajouter concernant le rassemblement spontané pour condamner cet acte vil : «Je salue tout ce beau monde et toutes ces personnes scandalisées par cet acte ignoble et qui sont là pour rejeter toute violence et condamner la barbarie et l’obscurantisme. Il est maintenant capital d’agir pour que la vérité soit dévoilée et que le peuple sache qui est derrière l’assassinat infâme de Chokri Belaïd.
D’ailleurs, on envisage de constituer un comité pour connaître la vérité sur l’assassinat du martyr. Il sera composé de juristes, avocats, journalistes, défenseurs des droits de l’Homme et autres et nous ferons en sorte de faire pression sur les ministères de l’Intérieur et de la Justice et nous communiquerons au fur et à mesure les informations dont nous disposerons. L’opinion publique doit connaître la vérité car  13 jours après l’assassinat nous n’avons aucune information, alors que normalement, le ministère de l’Intérieur doit organiser chaque jour un point de presse sur ce meurtre».
Interrogé sur cette question, Abdelmajid Belaïd répond: «On nous a informés que très bientôt il y aura du nouveau. Espérons !».
On remarque d’ailleurs le même souci chez les participants;  plusieurs conversations tournent autour du retard accusé par l’enquête sur l’assassinat de Chokri Belaïd puisque  la vérité n’est pas près d’être dévoilée.
«C’est tragi-comique», commente une  femme qui ajoute: «On est tous là, on est fatigués, on est venus directement de notre travail, on a laissé nos enfants pour venir protester contre la violence politique et exprimer notre refus de voir davantage de sang couler dans notre pays».

 Précisions du ministère de l’Intérieur
Le ministère de l’Intérieur a décidé de mettre en place une patrouille de police permanente pour protéger le domicile de Besma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaïd, suite à la destruction dimanche soir de la sculpture érigée à sa mémoire sur les lieux où il a été assassiné.
Le porte-parole officiel du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, a déclaré, hier, à l’agence TAP que le ministère a chargé depuis quelques jours une patrouille de police mobile d’assurer la protection du domicile de Besma Khalfaoui, indiquant  que les agents de police ont inspecté hier les dégâts subis par la sculpture commémorative et procédé à l’ouverture d’une enquête pour dévoiler les auteurs de cet acte.
S’agissant du déroulement de l’enquête sur l’assassinat le 6 février 2013 de l’homme politique et opposant Chokri Belaïd, Khaled Tarrouche a indiqué que «l’enquête progresse pour découvrir les criminels».
Sur un autre plan, le porte-parole officiel du ministère de l’Intérieur a affirmé que le ministère a reçu de nombreuses demandes d’hommes politiques et de journalistes réclamant une protection, précisant que les moyens disponibles «ne permettent pas d’assurer une protection rapprochée à toute personne qui la demande sauf en cas de menaces sérieuses».
«Le ministère de l’Intérieur est en train d’examiner les demandes de protection et de vérifier la gravité des menaces», a-t-il noté, relevant que des unités sécuritaires assurent actuellement la protection de plusieurs acteurs politiques et journalistes.
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 19-02-2013

Sadok Belaid, professeur de Droit constitutionnel à La Presse


"En cas de démission de Jebali, son remplaçant pourrait être issu d'un autre parti" 

Demain, samedi, Hamadi Jebali, chef du gouvernement, annoncera la composition du nouveau gouvernement et, dans l’hypothèse où elle serait rejetée, il présentera sa démission au président de la République.
La Presse a approché le constitutionnaliste Sadok Belaïd, professeur de droit constitutionnel et ancien doyen de la faculté de Droit de Tunis, pour envisager avec lui les conséquences d’une telle éventualité. Entretien.


Si l’initiative et l’annonce de la composition du gouvernement par Hamadi Jebali sont rejetées et qu’il en vient à présenter sa démission au président de la République, comme il l’a annoncé, qu’adviendra-t-il au plan constitutionnel ?
C’est un gouvernement qui se démet de ses fonctions. Or la petite Constitution, comme on l’appelle, n’évoque pas le cas précis de démission du gouvernement. Elle n’évoque que la motion de censure, le renvoi du gouvernement par l’Assemblée nationale constituante (ANC). La petite Constitution est un texte juridique imparfait qui présente beaucoup de lacunes. Lacunes qui n’empêchent pas le chef du gouvernement d’exercer le droit de démissionner, un choix ouvert à tous les dirigeants politiques par les Constitutions démocratiques.
Personne ne peut obliger le Premier ministre et les ministres de demeurer dans leurs fonctions s’ils désirent démissionner. Le chef du gouvernement n’est pas un esclave, il occupe son poste par sa volonté et par la confiance accordée par l’ANC, c’est son droit naturel donc de présenter sa démission au président de la République, autorité suprême dans le pays, qui a le pouvoir de désigner le chef de gouvernement.
Maintenant, une fois saisi de la démission du chef du gouvernement, le président de la République a le droit et le pouvoir de le remplacer et de désigner un futur chef de gouvernement.
Le texte de la petite Constitution énonce que dans ce cas, le président de la République n’est pas obligé de désigner un chef de gouvernement issu du parti dominant. Il a le droit de désigner la personne qu’il juge la plus indiquée.
Mon interprétation de ce texte est que le président de la République a la possibilité de nommer soit une personnalité de l’intérieur ou de l’extérieur de la Constituante.
Dans ce contexte et devant une nouvelle perspective qu’on n’envisageait pas, car on envisageait que le gouvernement de la Troïka une fois installée allait exercer le pouvoir jusqu’aux prochaines élections. Dans leur esprit, les nahdhaouis jouissent d’une majorité très solide, très cohérente, ils ne prévoyaient, donc, ni changement, ni bouleversement et pensaient continuer à exercer le pouvoir jusqu’à la fin de leur mission.

Et si Moncef Marzouki désignait de nouveau Hamadi Jebali comme futur chef de gouvernement, qu’en adviendra-t-il constitutionnellement ?
Rien n’empêche le président de la République de désigner à nouveau Hamadi Jebali. Moncef Marzouki procédera à des consultations avec les différents partis et groupes parlementaires en vue de nommer la personnalité la plus apte à former le nouveau gouvernement, selon les procédures et délais stipulés dans l’article 15. Le chef du gouvernement pressenti sera chargé, ainsi, de constituer un nouveau gouvernement et de présenter le résultat de ses consultations dans un délai de 15 jours au président de la République qui en informera le président de l’ANC. Laquelle se réunira en plénière dans les trois jours qui suivent pour voter la confiance ou le rejet du nouveau gouvernement, et ce, à la majorité absolue.
Si l’ANC rejette le gouvernement on se retrouvera dans une situation de blocage car la petite Constitution n’a pas prévu ce cas précis.

Comment voyez-vous et jugez-vous la situation au vu des consultations et réactions actuelles des différents partis ? 
A mon avis il y a beaucoup d’incertitudes, beaucoup d’ambiguïtés. Les tractations se font généralement entre les partis politiques connus. Or j’ai remarqué que les consultations englobent des diplomates étrangers européens et arabes, ce qui est tout à fait étrange. Je n’ai jamais vu un chef de gouvernement procéder de cette manière avec toute cette dimension et cette publicité.
L’autre élément frappant, c’est l’incertitude de ce bras de fer entre Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, qui propose un gouvernement panaché entre des compétences nationales et des politiques, et Hamadi Jebali qui s’en tient à un gouvernement de compétences indépendantes.
Si Ghannouchi n’en démord pas, le parti d’Ennahdha n’avance pas, lui, en rangs serrés. Il est divisé entre ceux qui approuvent la décision de Jebali, ceux qui la refusent complètement et ceux qui sont pour un gouvernement mixte.
Bref, le bras de fer entre Ghannouchi, qui n’accepte pas la contestation, et Jebali qui joue sa carrière politique et son appartenance à Ennahdha, n’est pas rassurant et plonge le pays dans l’incertitude.  

Comment sortir de cette crise s’il y a blocage total? 
Cela fait plusieurs mois que j’ai dit que la monopolisation du pouvoir par un parti ou un groupe de partis nous dirige tout droit vers l’impasse. Car il est inacceptable que l’avenir du pays soit décidé par une seule tendance ou mouvance politique, qu’elle soit de gauche ou de droite. J’ai alors prôné, pour éviter cette impasse prévisible qu’il ne faudrait pas limiter le débat aux partis mais de l’ouvrir sur la société civile qui est plus large que la société politique.
Il est donc impératif d’associer aux partis politiques toutes les organisations syndicales, ouvrières et patronales, ainsi que toutes les composantes de la société civile et l’élite du pays, entre intellectuels, universitaires, artistes, avocats, médecins, architectes et autres qui sont jusqu’ici évincés du débat.
Sachez que sans consensus on n’arrivera pas à une solution. Au contraire, on ne fera que s’enfoncer davantage dans la crise et dans sa manifestation la plus violente : l’assassinat politique. Or, quand ce processus s’enclenche, on ne sait plus quand il s’arrêtera. Car la violence politique implique des actions d’autodéfense et d’agression où se mêlent plusieurs parties: lesdites ligues de protection de la révolution, les interventions étrangères, El Qaïda, etc., sans compter l’envoi de prédicateurs par certains pays arabes dans une volonté manifeste de changer le modèle social et culturel du pays.
Partant, que Jebali réussisse ou non, il est temps d’ouvrir un dialogue national sur la base de l’initiative de l’Ugtt qui a été approuvée et acceptée par tous les partis, à l’exception d’Ennahdha et du CPR, et ce, bien avant qu’on en arrive à l’assassinat politique.
Je ne pense pas qu’il y ait actuellement sur la table une autre initiative que celle de l’Ugtt, dont le texte très clair et très simple dit: «Réunissons-nous, sans exclusion aucune, pour étudier et nous mettre d’accord sur un certain nombre de questions capitales et déterminantes pour le pays».
Car, je le répète, il est anormal qu’un seul parti impose ses vues à tout le monde.
Certains diront c’est long et ça va prendre beaucoup de temps. Or, c’est l’absence de dialogue qui a été à l’origine de la crise actuelle. Si on ne dialogue pas, on va perpétuer le désaccord, la mésentente ainsi que la chaîne d’actions et de réactions à la violence politique.

Que pensez-vous, enfin, du Conseil des sages constitué par le chef du gouvernement ?
C’est la première décision qu’il a prise depuis son initiative. Mais je ne salue ni le courage ni l’originalité de la constitution d’un Conseil des sages, vu sa composition très peu conforme à la décision de Jebali de former un gouvernement de compétences nationales indépendantes. Or on remarque que sur les quinze membres de ce Conseil, au moins neuf, soit les deux tiers, sont connus pour leur appartenance ou leur sympathie accentuée pour Ennahdha.
Je ne vois pas dans la composition de ce Conseil des sages un bon présage pour la formation du nouveau gouvernement car j’imagine difficilement que les sages dans ce pays soient pour la plupart des nahdhaouis ou des sympathisants.
Après avoir parlé d’indépendants, Jebali a désigné un collège proche d’un parti politique. Donc il y a contradiction et si le gouvernement venait à être constitué de la même façon, ce serait regrettable.
Je crains, donc, que l’idée d’un gouvernement soi-disant de compétences et d’indépendants ne s’écroule face aux critiques de l’opposition. Je crains ainsi que Jebali ne confonde indépendance politique et loyauté à sa propre personne.
Alors nous n’aurions rien fait que remplacer une loyauté à Ghannouchi par une autre à Jebali, avec tous les risques que cela comporte.

Initiative de Jebali

Le feuilleton continue

 Toujours à la recherche d’un compromis pour la formation d’un... nouveau gouvernement, des acteurs du paysage politique national — Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol, Mohamed Jmour, secrétaire général adjoint du Ppdu  livrent à La Presse les positions de leurs partis.
Entre le soutien absolu à la proposition du chef du gouvernement, l’appel pressant à un dialogue national et l’attachement à la légitimité générée par les élections du 23 octobre 2011, les avis divergent, donnant l’impression que le feuilleton du remaniement ministériel se poursuit de plus belle.
Témoignages.

Mohamed Bennour (porte-parole d’Ettakatol) : « Oui pour l’initiative Jebali qui sert l’intérêt national »

«La chance de la Tunisie, c’est qu’une telle initiative émane du secrétaire général du parti qui a la majorité au sein de l’Assemblée constituante et qui a la responsabilité de diriger le gouvernement.
Aujourd’hui, le salut de la Tunisie dépend de la réussite de cette initiative qui met la direction du gouvernement et du pays en dehors des enjeux des partis politiques.
Le conflit d’intérêts des partis qui a prévalu depuis la constitution du gouvernement de la Troïka a mis en échec tout effort déployé par ce gouvernement. Il y a, aujourd’hui, une opportunité d’un gouvernement de compétences qui devrait être, à mon avis, soutenu par tous les partis politiques, les organisations nationales, notamment l’Ugtt et la société civile.
La proposition de ce gouvernement de compétences, qui serait conduit par Hamadi Jebali, qui jouit aujourd’hui de la confiance des Tunisiennes et des Tunisiens, est l’unique chance de sortie de la crise actuelle.
Les tergiversations qui tendent à maintenir une personnalité politique proche du parti Ennahdha à la tête d’un ministère régalien n’ont pas lieu d’être, après l’assassinat de Chokri Belaïd.
Le peuple tunisien a besoin d’un gouvernement clairement neutre dont la seule mission est de servir la patrie. Le message du peuple est clair : «La patrie au-dessus des partis».
La position d’Ettakatol a été clairement exprimée par Mustapha Ben Jaâfar au cours de la conférence de presse qu’il a tenue, hier, notre parti soutient l’initiative Jebali et met à sa disposition les ministres d’Ettakatol qui font partie de son équipe gouvernementale et qui sont prêts à quitter ce gouvernement dès qu’il en formera un nouveau.
Les ministères de souveraineté : l’Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères doivent être dirigés par des personnalités neutres. Et c’est ce que réclame maintenant la majorité des Tunisiens après l’assassinat de Chokri Belaïd. Il est impossible et irréaliste de revenir à la case départ.
Le parti Ennahdha est mis devant sa responsabilité historique pour appuyer son propre secrétaire général et il n’a pas le choix de faire autrement car il y va de l’intérêt de la Tunisie».

Mohamed Jmour (secrétaire général adjoint du Parti des patriotes démocrates unifié) : «La proposition de Jebali doit être l’aboutissement d’un dialogue national»

«La position de notre parti concernant l’initiative Jebali est la même que celle du Front populaire. Position que nous avons élaborée ensemble.
Nous n’avons jamais cessé, avant l’assassinat du martyr Chokri Belaïd, de réclamer un gouvernement réduit formé de compétences nationales jouissant du consensus de toutes les forces politiques, des organisations nationales et des composantes de la société civile. Mais à la condition d’un programme clair au sein d’un congrès de salut national. Cela sans compter la nécessité de dévoiler la vérité sur les commanditaires et les exécutants du lâche assassinat de notre camarade.
Le gouvernement a aujourd’hui pour tâche de dissoudre les milices parallèles aux structures étatiques, dont les ligues de protection de la révolution, de prendre les mesures sécuritaires et socioéconomiques nécessaires et d’élaborer un agenda où serait annoncée la date de la finalisation de la rédaction de la Constitution et de l’organisation des élections.
Mais M. Jebali veut nommer unilatéralement le gouvernement sans consultation, sans agenda ni délais clairs des différentes échéances politiques. C’est pour cette raison que nous avons jugé la proposition du chef du gouvernement en deçà des attentes des forces démocratiques, des organisations nationales et de la société civile.
La proposition de Jebali est la nôtre et nous l’avons présentée depuis des mois. Le chef du gouvernement l’a adoptée mais tant que cette proposition n’est pas l’aboutissement d’un dialogue et d’un consensus pour un programme minima, elle a de fortes chances de capoter».
Concernant l’enquête sur l’assassinat de Chokri Belaïd, Mohamed Jmour a ajouté : «Il n’y a aucune nouvelle attestant une avancée sérieuse pour l’identification des criminels. Le juge d’instruction a entendu hier votre collègue Soufiane Ben Farhat et Ahmed Néjib Chebbi du Parti républicain, il entendra aujourd’hui Mme Besma Khalfaoui, la veuve de Chokri Belaïd, une convocation verbale par l’intermédiaire d’un collègue lui ayant été adressée.
J’ai moi-même donné des informations au juge d’instruction et je pense qu’il en tiendra compte. Mais jusqu’ici il n’y a rien de nouveau à propos de l’enquête à moins que le juge ne veuille taire les indices découverts pour préserver le secret de l’instruction.  
Samira DAMI 

Assassinat de Chokri Belaid

Graves révélations de Zied Héni au juge d'instruction

 Notre confrère Zied El Hani, membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et de la Fédération africaine des journalistes (FAJ), a été entendu hier par le juge d’instruction du 13e bureau du Tribunal de première instance de Tunis, au sujet de ses déclarations sur l’assassinat du martyr Chokri Belaïd. 
Interrogé sur les péripéties de l’audition, Zied El Hani nous a déclaré : «J’ai d’abord exigé que mes avocats soient présents au cours de l’instruction. A défaut, j’aurais refusé d’être auditionné. Le juge qui a assuré l’audition a été très courtois et a enregistré tout ce que j’ai jugé important de révéler dans cette audition qui s’est tenue sur la base d’une requête que j’ai adressée au procureur de la République sur le plateau de Nessma TV, lui demandant d’ouvrir une instruction judiciaire concernant des informations importantes et d’une grande gravité, se rapportant à l’assassinat de Chokri Belaïd, et qui m’ont été rapportées par une source sécuritaire. J’ai demandé à ce que toutes les personnes citées soient entendues par le juge d’instruction».
Rappelon que Zied El Hani a fait, samedi dernier sur le plateau de Nessma TV, des  déclarations sur la probable implication du directeur général des services spéciaux au ministère de l’Intérieur dans  l’assassinat de Chokri Belaïd.

«Mon devoir de journaliste et de citoyen»

L’un des  avocats de Zied  El Hani,  Fawzi Mrad, a déclaré aux médias que «mon  client a fait, au cours de  l’audition, de  très graves révélations en citant des  noms de responsables de  partis et  du gouvernement». L’avocat a  refusé de révéler les  noms cités  par Zied  El Hani afin de  respecter le secret de l’instruction.
Interrogé sur les  raisons qui l’ont poussé à s’adresser  à un média pour faire  ces révélations et non directement au procureur de la  République, comme cela se fait de  manière légale, Ziad El Hani a expliqué : «D’abord, c’est parce  que mon  devoir de  journaliste l’exige, ensuite c’est par  crainte d’être liquidé, vu la gravité des  informations, et de partir, ainsi, avec mon secret».
A la question de savoir s’il est optimiste quant au déroulement de cette affaire dans la transparence et la légalité,  Zied El Hani a répondu : «Je suis toujours optimiste… Ce qui est sûr, c’est que je suis soulagé et satisfait d’avoir témoigné et signé le procès-verbal de l’audition, car je pense que j’ai fait mon devoir de journaliste et de citoyen. Le processus est enclenché, une trace de l’affaire existe et tôt ou tard on en connaîtra les tenants et les aboutissants».
Enfin, Zied El Hani a tenu à nous informer de l’issue de l’audition : «Sachez que vers la fin de l’instruction devant le juge, avant que je ne signe le procès-verbal, des agents de la BAT (Brigade antiterroristes) ont investi le bureau  pour me faire comparaître devant le procureur de la République. Ce que mes avocats ont refusé, exigeant que la convocation soit lancée par la voie légale. Après avoir signé le procès-verbal, mes avocats m’ont emmené, en scandant l’hymne national, à la bibliothèque des avocats, jusqu’à ce que le procureur de la République ait renoncé à cette convocation intempestive. Je suis enfin sorti du tribunal escorté de mes confrères et consœurs».
Zied El Hani explique cette convocation avortée comme suit : «Je crois qu’il y a une partie qui a déposé plainte contre moi. Peut-être qu’il s’agit du ministère de l’Intérieur. Or, si c’est le cas, je demande le transfert du dossier à la justice militaire. Car quand une affaire concerne un haut fonctionnaire sécuritaire ou militaire, c’est la justice militaire qui se saisit du dossier».

Assassinat de Chokri Belaïd

Conférence de presse du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu) : «Nous continuerons le combat»

 «C’est après-demain qu’auront lieu les funérailles du camarade martyr Chokri Belaïd, secrétaire général du Ppdu»,  a affirmé Mohamed Jmour, secrétaire général adjoint du Ppdu, lors de la conférence donnée  hier par les membres du Bureau politique du parti. Cela se passait au sein de son propre siège, devant un parterre  de journalistes tunisiens et étrangers ainsi qu’un grand nombre de  partisans touchés au vif et  endeuillés par l’assassinat de leur camarade, militant dès sa prime jeunesse, dans la lignée des  patriotes démocrates et connu pour son  courage et son franc-parler.
Concernant les auteurs de l’assassinat, Mohamed Jmour a affirmé «qu’il s’agit d’assassins professionnels qui l’ont surveillé et qui, selon le  chef du district de la sûreté d’El Menzah VI, sont venus à plusieurs reprises sur les lieux du crime.
Ils connaissaient ses habitudes et ses horaires. Les coups de feu ont été tirés à bout portant et sur des points vitaux du corps: la première balle a été tirée en plein  cœur, la deuxième a atteint le cou, la troisième la poitrine et la quatrième  l’épaule. Avouez que personne ne peut en sortir vivant. Sachez, en outre, que le commissariat de police n’était qu’à 150 mètres du domicile du camarade  martyr».
Mohamed Jmour a, également, indiqué que «Chokri Belaïd devait rencontrer, hier matin, le secrétaire général de l’Ugtt, Houcine Abassi, pour discuter de la situation du pays et réactiver la conférence sur le dialogue national et, donc, l’initiative de la Centrale syndicale.
Or, justement, lors de la conférence de presse organisée la veille par le Ppdu, le camarade Belaïd avait dénoncé la violence politique et les dangers qu’elle faisait courir au pays, appelant à l’organisation d’un congrès national réunissant tous les partis démocratiques qui refusent la violence, pour  lutter contre ce phénomène inadmissible et dangereux, dont il imputait la responsabilité à Ennahdha.
L’assassinat de notre camarade représente l’assassinat de toutes les valeurs et credo qu’il symbolise».

Une version des faits : une manœuvre

A une question de La Presse concernant les différentes versions livrées çà et là par certains témoins du crime, et notamment la version de la journaliste Nadia Daoud, alléguant que «le chauffeur du secrétaire général du Ppdu  pourrait être un complice des assassins, étant donné qu’il n’a montré aucune surprise, ayant affiché un grand sang-froid lors de l’assassinat», Mohamed Jmour a qualifié cette version «de manœuvre dont le but est encore une fois de travestir la vérité».
Et de préciser : «Le chauffeur du camarade Chokri Belaïd est un homme de confiance et nous n’avons aucun différend au sein de notre parti. Le chauffeur a été  surpris par les tirs et était sous le choc. Chokri Belaïd est  mort sur place. Il y avait beaucoup de sang à l’intérieur et à l’extérieur de la voiture».
Chokri Belaïd était visé, selon les membres du Bureau politique du Ppdu : «Nous avions avisé, à plusieurs reprises, le ministère de l’Intérieur qu’il existait une volonté maléfique de liquider notre camarade. Et plusieurs faits le prouvent: d’abord la campagne dans les mosquées, où de prétendus imams ont qualifié le camarade C. Belaïd de mécréant et d’apostat, déclarant son “sang licite”.
Il a reçu, ensuite, il y a quelques semaines, des menaces  au cours d’une conférence de presse à Amilcar. Nous avons avisé le ministre de l’Intérieur qui n’a pas donné suite, n’y accordant aucune importance, les prenant à la légère. Il a également reçu des menaces au Kef, quand des milices ont envahi la tribune avec l’intention de l’assassiner, ce qu’il n’a pas caché, loin de là».

«Ennahdha est derrière cet assassinat»

Ziad Lakhdar, membre du bureau politique du Ppdu, a, de son côté, fait remarquer que «le ministère de l’Intérieur et la présidence étaient au courant des menaces qui visaient Chokri Belaïd. C’est pourquoi nous imputons la responsabilité de son assassinat au ministre de l’Intérieur, Ali Laârayedh, et à Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha.
Pouvez-vous imaginer un seul instant que le ministre de l’Intérieur, en personne, ne soit pas au courant de l’assassinat. Je l’ai moi-même informé et il aurait dû, en principe, venir lui-même sur les lieux du crime, d’autant que Chokri Belaïd n’est pas un inconnu, c’est un militant, un symbole. Le ministre de l’Intérieur ne l’a pas fait et n’a pas bougé. Ce qui confirme qu’il prend à la légère et n’accorde aucune importance à ce crime horrible et horrifiant, affichant ainsi son mépris pour notre camarade.
Vous avez vu par vous-même, aujourd’hui, que la manifestation qui a eu lieu  spontanément à l’avenue Habib-Bourguiba était pacifique. Or le ministère de l’Intérieur a attendu le passage de la dépouille du martyr, transporté dans une ambulance, pour donner l’ordre de tirer des bombes lacrymogènes. Vous voyez donc l’étendue de l’inimitié envers Chokri Belaïd et le rejet de l’opinion différente.
Aujourd’hui, Chokri Belaïd, qui a milité au sein du Parti des patriotes  démocrates unifié, qui luttait aussi bien contre le Parti socialiste destourien (PSD) au pouvoir contre les Frères musulmans, est assassiné par ces derniers et rejoint dans  l’au-delà Fadhel Sassi, l’un de nos autres martyrs assassiné par le PSD.
Assassiner, tuer, n’est pas étranger aux Frères musulmans, voyez l’histoire de l’Egypte et les horribles liquidations politiques.
Chokri Belaïd était un adversaire coriace qu’il fallait faire taire. Or, il était en train d’écrire un document pour la construction de notre propre parti et d’un parti de gauche unifié en Tunisie. Il est mort de la mort des grands.
Le président du Ppdu ne voulait en fait que la réalisation des objectifs de la révolution».

Nous voulons une enquête internationale
A une question sur le portrait de l’assassin, Mohamed Jmour a affirmé que «les auteurs du crime étaient au nombre de deux : l’un attendait sur une moto, l’autre a tiré, et selon le chef du district de la sûreté d’El Menzah VI, la police a connaissance de certains traits du tireur.
Quant à l’enquête sur l’assassinat de notre camarade martyr, nous n’avons aucune confiance en les ministères de l’Intérieur et de la Justice. Nous demandons donc la constitution d’une commission d’enquête internationale objective et neutre. Car cet Etat est sans souveraineté, surtout quand on voit lesdites ligues de protection de la révolution sévir en répandant la violence et les armes circuler dans le pays».
Mohsen Ben Hamed et Riadh El Fahem, également membres du bureau politique du Ppdu, ont pris la parole pour déclarer en substance : «Les funérailles de notre camarade Chokri Belaïd se dérouleront après-demain et seront accompagnées d’une grève générale, comme décidé  par plusieurs partis politiques dont El Joumhoury, Nida Tounès, El Massar, outre les deux jours de grève décidés par l’ensemble de la famille judiciaire, sans compter la suspension par les constituants du groupe démocratique de leur adhésion à l’ANC et l’union des efforts pour le départ de l’actuel gouvernement».
Et de conclure : «Vous ne nous faites pas peur. Bien au contraire, cet assassinat nous a unis encore davantage. Nous allons continuer notre combat et construire un parti de gauche unifié. Nous n’accepterons de condoléances qu’à l’heure où la Tunisie sera libre et réellement indépendante. Nous remercions tous ceux, vieux, jeunes, hommes, femmes, qui ont partagé spontanément notre malheur et notre deuil, mais soyons vigilants et prudents contre les casseurs et les semeurs de troubles».
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 07-02-2013

L'Union pour la Tunisie est née


Un accord a été signé hier entre trois partis de l’opposition : Nida Tounès, Al Massar et Al Joumhoury, au siège de Nida Tounès.
Cet accord stipulant la création d’un front politique et électoral baptisé «l’Union pour la Tunisie» sera, également, signé à l’orée de la semaine prochaine par deux autres mouvements : le Parti socialiste et le PTPD (Parti du travail patriotique et démocratique).
Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès, a inauguré la cérémonie annonçant la création de ce front dont les signataires ont affiché, dans un communiqué, leur volonté de «contribuer à la réussite du processus de transition politique, économique et sociale malgré les difficultés et les menaces de renouvellement des fondements de l’oppression et de la corruption et de prolongement indéfini de la deuxième phase transitoire après les élections du 23 octobre 2011».
Les partis formant ce nouveau front ont estimé, par ailleurs, que «la Troïka s’est plutôt investie dans l’accaparement et la concentration du pouvoir, s’appropriant les appareils sensibles de l’Etat, en assujettissant le pouvoir judiciaire, en détournant l’appareil sécuritaire de sa nouvelle vocation républicaine neutre, en tentant de mettre les médias sous sa coupe en déviant du processus de la justice transitionnelle et en montrant son incapacité à traiter la difficile situation économique et sociale que connaît le pays».
Or, toujours selon le texte du protocole : «La déviation du processus de transition démocratique et l’exacerbation de la violence politique ne constituent pas seulement une menace pour la stabilité et la sécurité du pays, mais hypothèquent le déroulement des prochaines élections nationales dans la sécurité et dans un cadre compétitif sain.
Ces dangers et défis nous imposent d’œuvrer à la concrétisation d’un équilibre politique loin de toute monopolisation et garantissant une émulation objective et saine au service du peuple».
De ce fait, les partis signataires ont annoncé «la création d’un front politique et électoral qui œuvrera à l’unification des efforts au service des intérêts supérieurs de la Tunisie et à la participation active pour la réussite du processus révolutionnaire transitoire dans le cadre d’une feuille de route dont le consensus national fixera les objectifs ainsi que les dates».
Les signataires œuvreront également «à l’unification des positions et des activités politiques concernant toutes les grandes échéances nationales dont les prochains rendez-vous électoraux, ainsi qu’à la réussite d’un dialogue national sérieux et efficace à même de trouver des solutions efficaces à la situation économique et sociale difficile que traverse le pays».
Au-delà du texte de l’accord, nous avons recueilli des déclarations de membres  des partis signataires.
Taïeb Houidi, membre du bureau exécutif  d’Al Joumhoury, nous a éclairé sur l’objectif premier du Front de l’union nationale :  «Les dernières élections ont montré que les partis démocratiques ont perdu un million de voix qui n’ont pas rapporté ne serait-ce qu’un siège, on s’est donc dit, étant donné qu’il y a une identité politique commune entre l’ensemble de ces partis, il ne reste qu’à créer un front afin de définir d’un côté un programme commun à l’orientation politique claire, entre démocratie, droits de l’Homme, justice, etc., et de l’autre, un programme électoral commun. Certes cela ne va pas sans les calculs politiques des partis, au sein d’Al Joumhoury, par exemple, mais petit à petit les choses vont se décanter et se clarifier et on établira, certainement, pour les prochaines élections législatives des listes communes et un candidat commun  pour la présidentielle».
M. Abdeljelil Bédoui, vice-président d’Al Massar, estime, lui, que ce «front est l’aboutissement logique d’un processus engagé au lendemain des élections du 23 octobre. Ennahdha s’est taillé la part du lion, aux dernières élections, dans une ambiance de division de la scène politique. Depuis, tous les partis démocratiques, progressistes ont cherché à unir leurs forces, à coordonner leur action par  des unions : Al Massar et le Front populaire, par exemple, étant le produit d’unions de partis. La création du Front de l’union pour la  Tunisie est une  bonne nouvelle pour le pays car c’est bénéfique pour la transition démocratique et l’alternance, la préservation des acquis et une scène politique mieux équilibrée.
Les partis au pouvoir, qui ne sont pas une force négligeable, se trouvent actuellement seuls sur la scène politique et risquent d’être tentés de réinstaurer un pouvoir dictatorial.
J’espère que ce front s’élargira à d’autres forces, car de réelles menaces pèsent sur le choix de notre modèle de société qu’on souhaite moderniste, ouvert, tolérant et tourné vers l’avenir».
 Trois questions à Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès : «Un front pour garantir l’équilibre et l’alternance»

Que vise la création du front de «l’Union pour la Tunisie» ?

Des élections du 23 octobre, a découlé un paysage politique déséquilibré. Notre objectif premier est de contribuer à la réussite du processus démocratique. Ce qui n’a pas pu être réalisé en 1970, nous pouvons le concrétiser aujourd’hui à travers un processus transitoire garantissant la pluralité et la liberté.
La création de ce  front garantit également l’alternance et la création des conditions de cette alternance. Or, si le paysage politique demeure déséquilibré, il n’y aura pas d’alternance.
Il faut savoir que mis à part le mouvement Ennahdha, lequel est bien organisé et discipliné, les autres partis sont des kaléidoscopes ayant obtenu des résultats assez médiocres aux élections du 23 octobre. Ennahdha a obtenu 89 sièges à l’ANC grâce seulement à 1.450.000 voix, alors qu’un autre million de voix n’a apporté aucun siège et que le million de voix restant est allé à une multitude de partis. Dans notre  appel du 26 janvier 2012 nous avons appelé les forces démocratiques à se développer et à créer des pôles importants, d’égale valeur, d’où la création de Nida Tounès. Ainsi, la plus grande partie des Tunisiens qui n’ont pas voté aux dernières élections ont adhéré à notre parti.
Maintenant, pour plus de crédibilité et pour réaliser, d’une façon visible, les conditions de l’alternance, nous avons prôné le regroupement de plusieurs partis: dans un premier temps entre Nida Tounès, Al Joumhoury, Al Massar et bientôt, au début de la semaine prochaine, avec le Parti socialiste et le Parti du travail patriotique et démocratique (Ptpd).

Quel sera votre programme ?
Notre programme résidera essentiellement dans la création d’un front politique et électoral. D’abord, il faut réussir le front politique en s’accordant sur un projet commun politique, économique et social grâce à des discussions et à des débats profonds.
Ensuite, il faut établir une feuille de route précise au moment de l’annonce des dates des élections législatives et présidentielle.
J’espère qu’elles se dérouleront en 2013 et nous ferons  tout pour agir en ce sens. Car la période transitoire s’est prolongée indûment bien que l’accord initial signé par tous les partis importants soit d’une année.

Quel est votre programme pour le front électoral?
Nous allons créer une commission de coordination à cette fin et j’espère que nous commencerons bientôt à travailler.
Propos recueillis par Samira DAMI

Nizar Bahloul, Directeur de Business-News, condamné à 4 mois de prison ferme fait opposition


LES JOURNALISTES ET LE SYNDROME DE LA SANCTION PÉNALE  

Ce matin, Nizar Bahloul, directeur du journal électronique Business-News, fera opposition au jugement de quatre mois de prison ferme prononcé, par contumace, à son encontre par le tribunal de l’Ariana. Il a écopé de cette peine suite à la publication d’une chronique en juillet 2011 intitulée : «Que cherche à cacher le ministère des Affaires étrangères ?».
Dans cet article, le patron de Business-News s’est de nouveau focalisé sur une affaire ayant impliqué, en 2010, soit un an avant la révolution, l’ancien ambassadeur de Tunisie à Abu Dhabi, Ahmed Ben Mustapha, alors accusé  de malversation par le ministère des Affaires étrangères, soit le détournement des salaires de certains agents de l’ambassade.
L’ambassadeur, qui a été également accusé par le ministère des Affaires étrangère d’avoir gardé un téléphone portable appartenant à l’Etat, a été condamné à six ans de prison avant la révolution, et a été acquitté après le 14 janvier 2011.
«Voilà ce qui m’a incité, nous a déclaré Nizar Bahloul, à m’interroger, dans ma chronique sur les raisons du silence  du ministère des Affaires étrangères qui  n’a jamais fait appel contre cette décision judiciaire, ni pris de dispositions disciplinaires contre les salariés qui, théoriquement, ont porté une plainte calomnieuse contre l’ancien ambassadeur, lequel a donné une nouvelle version des faits accusant Abdelwaheb Abdallah, alors ministre des Affaires étrangères, et Jalila Trabelsi, sœur de l’épouse de Ben Ali, d’avoir monté cette affaire de toutes pièces sans apporter de preuves tangibles ?
Ahmed Ben Mustapha a exigé un droit de réponse que j’ai refusé de publier puisque les deux autres personnes accusées, A. Abdallah et J. Trabelsi, étant en prison, ne pouvaient avoir droit à la parole et se défendre, donc».
Bref, cette affaire a valu plusieurs procès au directeur du journal électronique, qui précise que «le premier article d’information la concernant s’est fondé sur des procès-verbaux judiciaires». Ajoutant : «Lors des trois procès intentés contre moi, Ahmed Ben Mustapha a été débouté sur la base du décret 115 (Code de la presse). Le dernier verdict prononcé en juin 2012 était en ma faveur, mais voilà que je viens d’apprendre que je suis condamné, en ce janvier 2013, à quatre mois de prison ferme, suite à une nouvelle plainte déposée contre moi par l’ancien ambassadeur de Ben Ali et à un procès dont je n’ai été ni informé, ni avisé. Cette condamnation par contumace a été prononcée sur la base de l’article 128 du Code pénal alors qu’il s’agit d’une affaire de presse qui relève du décret-115. Mais suite à l’opposition au jugement que je déposerai ce matin tout sera remis à plat».  

De la prison pour une opinion !
De son côté, Ahmed Ben Mustapha, dans une déclaration faite hier sur radio Express-FM, a affirmé que «la justice l’avait acquitté en février 2011, tout en précisant que cette affaire n’est qu’un complot ourdi par Abdelwaheb Abdallah en représailles à son refus de couvrir des opérations de transport frauduleux de devises par l’une des sœurs de Leïla Ben Ali». 
 Et de faire observer qu’au commencement, il voulait juste exercer son droit de réponse à l’article incriminé afin d’éclairer l’opinion publique sur ce qui s’est exactement passé à l’ambassade et ce n’est que devant le refus de la direction de publier ce droit de réponse qu’il a décidé de porter plainte pour publication d’informations relevant du secret d’instruction.Et d’accuser, également, Nizar Bahloul d’avoir refusé de reconnaître l’autorité d’une décision de justice censée avoir mis un terme définitif à cette affaire en tranchant en sa faveur par un non-lieu. 
Ahmed Ben Mustapha précise que «contrairement à la décision de renvoi, il a été prouvé que l’intégralité des salaires des trois salariés mentionnés a été virée à leur profit selon la loi dans leur compte bancaire privé, ce qui est confirmé par le témoignage du comptable public consigné dans le rapport d’enquête administrative».
Mais les questions qui s’imposent ici sont les suivantes : un journaliste doit-il être jugé selon le Code pénal et devrait-il faire de la prison pour ses opinions, voire pour le refus de publier un droit de réponse ou pour un délit de presse ? Afin de répondre à ces questions, nous avons donné la parole d’abord à M. Taïeb Zahar, président de l’Association des directeurs de journaux tunisiens, qui a affirmé avec insistance : «Il est évident que nous sommes contre toute condamnation pénale à l’encontre d’un journaliste, quel qu’il soit, rapportant des informations ou exprimant son opinion. A notre avis, il n’y a pas lieu de mettre en prison un journaliste pour ses idées. Cette affaire est étrange et incite à l’interrogation d’autant qu’il y a eu une série de procès ayant débouté l’ancien ambassadeur. Car Nizar Bahloul n’a fait  dans l’article incriminé que s’interroger sur l’absence de prise de position officielle et claire du ministère des Affaires étrangères. Mais cette condamnation à quatre mois de prison ferme par contumace du directeur de Business-News est pour le moins intempestive et inquiétante. Peut-être est-elle due au fait qu’il ne s’est pas présenté au tribunal, mais il affirme ne pas avoir  été prévenu.
Cette condamnation sur la base du Code pénal représente une pression supplémentaire sur la presse indépendante. Je dirais donc que Nizar Bahloul a tout notre soutien ainsi que celui des journalistes qui devrait être unanime. Car accepter qu’aujourd’hui un journaliste soit mis en prison pour ses écrits est en net déphasage avec la liberté de la presse acquise après la révolution».
De son côté, Zied El Héni, membre du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) est catégorique : «Notre position est claire. Nous dénonçons les peines de prison contre les journalistes dans les délits de presse. Car nous estimons qu’on peut recourir à d’autres types de sanctions, outre que les peines privatives. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de la création d’une instance d’autorégulation pour la presse écrite. 
Le recours à un tel organisme dans le cas d’un différend opposant un journaliste ou un organe de presse à une autre personne,  est un  moyen qui pourait éviter l’examen de l’affaire par les tribunaux. Malheureusement, le décret 115 n’a pas prévu la création d’une instance d’autoréguation pour la presse écrite à l’instar de la Haica pour la presse audiovisuelle. 
Prenons exemple sur les pays démocratiques qui ne prévoient pas de peine de prison pour les délits de presse qui, dans ces contrées, sont en fait sanctionnées par des dédommagements et des amendes, outre la présentation d’excuses à la personne ayant porté plainte». Voilà qui est bien dit afin de parer au syndrome de la sanction pénale à l’encontre des journalistes.