samedi 29 décembre 2012

Ici-Bas


 L'Etat se dépouille-t-il ?
Par Abdelhamid GMATI

Vingt millions de dinars, c’est ce qu’escompte récolter le gouvernement dans la vente des biens confisqués, supposés appartenir à l’ex-dictateur et à sa famille. Une somme importante qui sera consacrée à la réalisation de projets sociaux. L’exposition-vente inaugurée samedi dernier durera un mois avec possibilité de prolongation et permettra en principe d’atteindre cette somme: 39 voitures parmi les plus luxueuses (Mercedes, Lomborghini, Porsche, Rolls Royce, Aston Martin, Cadillac, Jaguar...), 42.000 articles (12.000 en exposition et remplacés au fur et à mesure des ventes), des chaussures, des sacs à main, des ceintures, des parfums, des vêtements, des meubles, une centaine de tapis de grande valeur, des bijoux, des œuvres d’art, des pièces d’orfèvrerie...L’exposition, dont la visite se fait par réservation et par un droit d’entrée de 30 dinars, affichait complet pour les trois premiers jours. On croit savoir que 300 articles ont déjà été vendus, à la date de mardi, pour une valeur de 320.000 dinars. Lors de l’inauguration, et pour contourner le reproche «une exposition juste pour les riches», le chef du gouvernement a recommandé d’organiser des visites gratuites pour les jeunes et les étudiants.
Il a aussi dit que «cette exposition doit servir de leçon à tous les politiques en Tunisie, notamment les candidats à la présidence». Il voulait probablement dire que les biens mal acquis et spoliés ne profitent jamais. Cependant, cette exposition-vente appelle à certaines remarques.
L’avocat de l’ancien président a, dans un communiqué, affirmé que 90% des objets exposés n’appartiennent ni à Ben Ali ni à sa femme et que les 10% qui appartiennent à lui et à sa femme ont été acquis légalement durant ses 23 ans au pouvoir. Qu’en est-il en réalité ? Lors de la présentation de certains de ces objets, on a souligné que la Mercedes Maybach, d’une valeur de 800.000 euros, une des préférées de l’ex-dictateur, lui avait été offerte par le colonel Gueddafi. On sait aussi que des artistes, des hommes d’affaires, des personnalités, des organisations, des chefs d’Etat étrangers ont fait plusieurs cadeaux à Ben Ali. Cette pratique est universelle et selon les usages et les lois en vigueur, ces cadeaux n’appartiennent pas au récipiendaire mais reviennent à l’Etat. Certes, plusieurs des voitures exposées portent le nom de leurs propriétaires ; comme la Rolls Royce de Leila Ben Ali, l’Aston Martin de Sakhr El Materi ou la Porsche Carrera 4S au nom du fils de l’ex-président.
Mais il est plus que probable que plusieurs objets ont été des cadeaux et appartiennent donc à l’Etat tunisien. Comme ceux qui avaient été offerts au président Bourguiba. Ces objets devraient être la propriété de l’Etat et être exposés dans un musée, car ils sont le témoignage de l’amitié portée à la Tunisie.
Ces objets ont une valeur inestimable et ne peuvent être vendus. Les vendre équivaut à dépouiller l’Etat. Il y aurait lieu de procéder à une identification minutieuse et séparer ce qui a été spolié par l’ex-famille régnante et ce qui revient au peuple tunisien.
Le ministre de la Culture a demandé qu’une partie des biens exposés ne soit pas cédée car faisant partie de la mémoire nationale. Il a proposé de les mettre à la disposition de musées tunisiens. Il s’agit entre autres de plusieurs œuvres d’art, dues à des artistes tunisiens (comme ceux appartenant à la fameuse Ecole de Tunis) et étrangers (comme le Belge Max Moreau qui a vécu en Tunisie en 1923 ou le Douanier Rousseau ou encore Armand Vergeaud qui a été directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis de 1927 à 1949). Ces œuvres artistiques ont une valeur inestimable et ne devraient pas être vendues. Elles seraient mieux dans un musée car faisant partie de l’histoire de l’art en Tunisie plutôt que de servir de décoration dans un salon privé ou une salle d’entreprise ou d’hôtel.
Il est évident que l’on est en droit de s’interroger sur l’opportunité et le bien-fondé de cette exposition-vente. Et d’abord : le gouvernement provisoire d’une période de transition a-t-il le droit et le pouvoir de vendre des biens confisqués ? Poser la question, c’est y répondre. De plus, confisquer ne veut pas dire s’approprier. Ce qui veut dire qu’il faut identifier ce qui revient d’autorité à l’Etat et ce qui doit être établi par une enquête et des jugements de justice. Ce qui n’est pas le cas.
Et pour commencer : ne serait-il pas approprié d’ouvrir, gratuitement, cette exposition à tous les Tunisiens qui ont le droit de voir par eux-mêmes ce qui, somme toute, appartient à leur pays et à son Histoire ?

Affaire du blocage par l’ANC du budget de la présidence de la République

La guerre des tirelires aura-t-elle lieu ?

 • Augmentation du budget de la présidence de la République pour des raisons de revalorisation salariale concernant 3.500 employés, entre administratifs et sécuritéAfin d’éviter une crise politique entre les pouvoirs, une solution semble se profiler à l’horizon concernant l’adoption du budget de la présidence de la République par l’Assemblée nationale constituante (ANC). Les députés examineront et voteront de nouveau le budget de la présidence demain, vendredi, après la fin de l’examen et du vote de la loi de finances. Car, selon Samir Ben Amor, conseiller à la Présidence, «c’est le vide juridique dans la petite Constitution qui a empêché la Présidence de la République d’être présente à l’ANC à l’instar du gouvernement, au moment de l’examen et du vote de son budget. Cela afin d’expliquer les raisons de cette augmentation de l’ordre de 8 millions de dinars, soit 10,3%».
Rappelons que lundi dernier, les députés ont refusé d’adopter le budget de la Présidence qui passe de 71 à 79 millions de dinars environ.
Certains députés dans les rangs de l’opposition évoquent ce refus pour des raisons «d’austérité», vu la situation économique et sociale du pays. D’autres parlent de «lutte politique entre Ennahdha et le président Marzouki», expliquant «ce refus comme une sorte de message». Mieux, des députés de l’opposition et même de la Troïka — le CPR non compris — craignent que cette augmentation ne serve à «une campagne électorale précoce au profit du président de la République provisoire».
Fadhel Moussa, constituant d’El Kotla El Democratiya, estime que «la Troïka finira par trouver une solution à ce problème car elle n’a pas intérêt à susciter une crise institutionnelle, au moment où elle est à la recherche d’un consensus intra et extra-muros». Et d’ajouter : «Le ministre des Finances viendra probablement présenter avec plus de détails le budget de la présidence de la République. Mais finiront-ils par maintenir cette enveloppe ou la revoir à la baisse ?».
Samir Ben Amor nous explique que «l’augmentation du budget de la présidence est due à l’augmentation des salaires dont bénéficieront 3.500 salariés, soit cinq millions de dinars, les trois millions de dinars restants allant à l’amélioration du matériel de sécurité.
Je suis optimiste, car nombre de députés qui ont refusé de voter le budget ont, après les explications qui leur ont été fournies par le «daffeur» de la présidence de la République, manifesté leur intention de le voter».
Pour avoir une idée plus précise sur ce que pensent les acteurs politiques de cette «crise», nous avons donné la parole à Samir Taïeb, constituant d’El Massar, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, et Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR.

Sami Fehri refuse d’être perfusé

 Le directeur de Cactus- Prod, Sami Fehri, a été transféré hier d’urgence à l’hôpital Habib-Thameur après la détérioration brusque de son état de santé. Cela suite à la grève de la faim sauvage qu’il a reprise depuis quatre jours.
Une équipe médicale formée d’un médecin et d’un psychiatre qui s’est rendue à la prison d’El Mornaguia a décidé son transfert à l’hôpital où il passera la nuit en observation médicale. Jointe par téléphone, son avocate, Me Sonia Dahmani, a confirmé que l’état de santé de son client est stationnaire et qu’il refuse d’être perfusé.
«Sami Fehri maintient sa grève de la faim sauvage tant que la décision de la Cour de cassation n’a pas été appliquée», a-t-elle encore argué.
Selon elle, les médecins auraient averti que «Sami Fehri ne pourrait pas tenir au-delà de 48 heures».
De son côté, la mère de Sami Fehri, approchée par le journal pour livrer ses sentiments, exprime sa panique et sa crainte pour la vie de son fils : «A la première heure, j’irai le voir demain pour essayer de le convaincre d'être perfusé».
Et d’ajouter : «L’essentiel pour moi, c’est sa vie, même s’il est condamné à une lourde peine de prison».
Détenu depuis bientôt quatre mois, Sami Fehri se trouve au cœur d’une polémique autour de l’interprétation de la dernière décision de la Cour de cassation de Tunis.
La dernière manifestation de soutien et de sympathie à sa cause a eu lieu hier à Tunis, conduisant un groupe d’artistes et de militants des droits de l’Homme de l’avenue Bourguiba jusqu’au Palais de Carthage.
S.D.

suivi des évènements du 4 décembre place Mohamed-Ali

Démarrage de l'enquête à partir du samedi 29 décembre

 La délégation syndicale de l’Ugtt présidée par Mouldi Jendoubi

 • Réunion aujourd’hui, vendredi 28 décembre à 15h00 du bureau de l’initiative de l’Ugtt pour un programme d’action


C’est demain samedi que sera entérinée et annoncée la commission mixte entre l’Ugtt et le gouvernement et qui aura pour tâche d’enquêter sur les violences survenues le 4 décembre 2012 et sur l’identification des groupes que certaines sources attribuent aux ligues de protection de la révolution, qui ont attaqué, le 4 décembre 2012, le siège de l’Ugtt à Tunis à la place Mohamed-Ali et agressé un bon nombre de syndicalistes et d’employés de la Centrale. Cette commission, formée de cinq personnes pour chaque partie, remettra son rapport au chef du gouvernement dans un délai d’un mois afin de prendre les mesures nécessaires prévues par la loi et la justice. Elle sera présidée par Mouldi Jendoubi, secrétaire général chargé de la législation et du contentieux, le seul membre du bureau exécutif de l’Ugtt dans cette commission «qui sera formée d’experts du département des études de l’Ugtt entre juristes et avocats».
D’autres membres du bureau exécutif tels Kacem Afeya, Anouar Ben Gaddour, Hafidh Hfaïedh apporteront des éléments de preuves et autres pièces à conviction entre photos, vidéos et documents dans le but de contribuer à l’avancement de l’enquête. Outre l’Ugtt et le gouvernement, les ligues de protection de la révolution seront-elles de la partie comme elles l’ont demandé ? Question à laquelle Mouldi Jendoubi répond : «Il y a 9.000 associations dans le pays, elles ne vont pas toutes participer à cette commission, vous connaissez bien le fameux proverbe : “qui se sent morveux se mouche”. Nous avons constitué cette commission avec le gouvernement parce que ce dernier ne nous a pas protégés. En tout cas, l’enquête révélera la vérité. Nous avons nos propres données dans la commission du gouvernement, le Premier ministère et les ministères de l’Intérieur et de la Justice seront représentés et l’enquête déterminera les vrais coupables qui peuvent ne pas être les LPR certes, mais nous avons des preuves tangibles».
De son côté, M. Kacem Afaya, chargé des relations arabes, étrangères et de l’immigration, affirme que «certaines LPR sont présumées coupables, nous avons une partie des preuves et je souhaite que le gouvernement ne se fasse pas l’avocat du diable».
Ainsi après la fin de l’enquête de la commission, les procédures judiciaires seront mises sur les rails et accélérées à l’encontre de tous ceux dont l’implication dans ces évènements sera prouvée. Rappelons maintenant que l’accord de la commission administrative de l’Ugtt avec le gouvernement porte sur huit points.
Ainsi outre l’annulation de la grève générale décidée après l’agression du 4 décembre contre l’Ugtt et la constitution d’une commission d’enquête, il a été décidé l’activation de l’initiative du 16 octobre de la Centrale syndicale.
«Il est nécessaire de réactiver l’initiative dont le bureau est composé du secrétaire général de l’Ugtt, Houcine Abassi, Chawki Tabib et Boubaker Ben Thabet du Conseil de l’Ordre des avocats, ainsi que de Abdessatar Ben Moussa et Balkis Mechri de la Ligue de défense des droits de l’Homme et enfin de Belgacem Ayari, membre du bureau exécutif de l’Ugtt».
La Commission de l’initiative du 16 octobre se réunira aujourd’hui   à 15h00 Place Mohamed-Ali, afin de fixer un programme d’action à la lumière de l’actualité et des nouvelles réalités.
Enfin, concernant les augmentations salariales, que ce soit dans le privé ou dans le public, nous avons appris que les avenants des grilles des salaires sont en passe d’être paraphés, les augmentations seront versées dans les prochains jours après publication dans le Journal officiel.
S.D.

jeudi 27 décembre 2012

Entretien avec Béji Caid Essebssi, président de Nida-Tounès


"Le refus de la légitimité consensuelle entrave la démocratie"
• Les youssefistes n’existent plus à Djerba et n’ont plus aucune raison d’être…
Suite aux événements qui ont marqué, le samedi 22 décembre, le meeting de Nida Tounès à Djerba et qui ont suscité un vif débat sur la scène politique, nous avons contacté M. Béji Caïd Essebsi.
Dans cet entretien express, le président de Nida Tounès nous a livré sa version chronologique des faits. Il nous a déclaré en substance que des agents chargés de sa sécurité lui ont affirmé que s’il se rendait «au lieu du meeting, il pourrait être victime d’un assassinat».
Il accuse par ailleurs les partis Ennahdha et le CPR de soutenir et d’encourager les ligues de protection de la révolution, selon lui, «une association de malfaiteurs qui opèrent au vu et au su de tout le monde» et dont «le rôle est d’empêcher l’exercice libre de la démocratie».
Il accuse d’autre part «l’Etat de ne pas remplir sa fonction : celle d’assurer la sécurité des citoyens»…
Par ailleurs, il préconise des solutions : «Faire appel à des personnalités indépendantes à la tête des ministères de souveraineté et opter pour une légitimité consensuelle».
Entretien.

Pouvez-vous nous donner votre version des faits et des incidents qui ont marqué le dernier meeting de Nida Tounès à Djerba ?
Nida Tounès a décidé d’organiser, le samedi 22 décembre, un meeting à Djerba. Nous avons, depuis deux semaines, avisé toutes les autorités locales et nationales, les ministères de l’Intérieur, de la Défense, etc. Avant la réunion, des groupes d’individus venus par bus de plusieurs régions du pays ont bloqué l’entrée de l’espace où devait se tenir la réunion. Ils lançaient des slogans hostiles et brandissaient des banderoles où était écrit «Dégage» avec en exergue le symbole de la croix gammée. Ce qui ne peut être le fait des Djerbiens qui cohabitent depuis 2.500 ans avec la communauté juive. Pis, ces groupes ont enfoncé les portes de l’espace où se trouvaient les 2.000 participants et ont commencé à agresser certains. Les forces de l’ordre étaient inactives et inopérationnelles. Des témoins m’ont affirmé qu’ils n’ont pas bougé, assistant presqu’en spectateurs à ce qui se déroulait sous leurs yeux, comme s’ils pactisaient avec eux.
J’étais moi-même à Djerba et au moment de rejoindre le lieu du meeting, les agents chargés de ma sécurité m’ont dissuadé et m’ont dit clairement: «N’y allez pas car vous risquez d’être victime d’un assassinat». J’ai donc renoncé à rejoindre le meeting.
Par ailleurs, nos partisans ont été séquestrés pendant quatre bonnes heures sans que la police n’intervienne. Malgré les appels, aucun secours n’est venu pour les protéger et les évacuer. Et c’est finalement l’armée qui est intervenue pour évacuer les participants.
Le bilan est catastrophique : le meeting a été suspendu. Des hommes et des femmes ont été agressés, l’un des agressés a eu la jambe fracturée et la chorale d’enfants qui devait interpréter quelques chants était complètement traumatisée.

Pouvez-vous nous dire clairement qui vous a attaqués, car dans une de vos déclarations, vous avez accusé frontalement le parti Ennahdha d’être derrière ces événements ?
Ceux qui nous ont attaqués sont les ligues de protection de la révolution, ce sont des gens qui prétendent être des défenseurs de la révolution, mais qui, en fait, sont une association de malfaiteurs qui opèrent au vu et au su de tout le monde. 
Les ligues de protection de la révolution sont composées d’éléments d’Ennahdha et sont publiquement soutenues et encouragées par deux partis : Ennahdha et le CPR. 
Un des dirigeants du CPR les a même qualifiées «de conscience de la révolution». Le rôle de ces ligues, c’est d’attaquer et d’agresser ceux qui veulent exercer leur droit au rassemblement, à la liberté d’expression, à l’exercice politique et à la démocratie.
En fait, ce qui s’est passé à Djerba évoque ce qui s’est déroulé à Tataouine quand, malheureusement, le défunt Lotfi Nagdh a été lynché par des agresseurs diligentés et encouragés par Ennahdha et le CPR.

Dans vos déclarations suite aux événements de Djerba, nous avons décelé le retour à la question de la légitimité du gouvernement, vous avez même parlé de déliquescence de l’Etat ?

Je n’ai jamais parlé de déliquescence, mais j’ai dit que l’Etat ne remplit pas sa fonction : assurer la sécurité des citoyens. Or, jusque-là, nous pensons que l’Etat n’a pas joué ce rôle. Concernant la légitimité du gouvernement un an après les élections du 23 octobre 2011, j’ai proposé — puisque cette légitimité a cessé — d’opter pour une légitimité consensuelle afin de permettre au gouvernement, qui n’a pas été élu mais adoubé par l’Assemblée constituante, de fonctionner.

Ne pensez-vous pas qu’en organisant votre meeting à Djerba, vous vous êtes mis dans un guêpier, étant donné la présence marquée des youssefistes dans cette île ?
Ce n’est pas vrai, cette histoire est une invention d’Ennahdha. D’ailleurs, la famille de Salah Ben Youssef l’a niée par l’intermédiaire du neveu du défunt et a dénoncé le comportement de Ameur Laârayadh. Les youssefistes n’existent plus à Djerba et n’ont plus de raison d’être, car Salah Ben Youssef est enterré au Carré des martyrs au cimetière du Jellaz aux côtés des destouriens tels Behi Ladgham, Mongi Slim, Taïeb Mhiri et Sadok Mokadem.

Quelles solutions préconisez-vous à la situation politique actuelle ?
Nous avons toujours proposé des solutions que le gouvernement ne veut pas écouter. Le pouvoir actuel ne peut plus continuer à exercer et gérer la situation politique de cette façon. Il faudrait, donc, opter pour un gouvernement plus ramassé et en finir avec ce nombre de 82 ministres et secrétaires d’Etat, ce qui n’existe même pas en Chine.
Il faudrait, par ailleurs, que les ministères de souveraineté soient dirigés par des personnalités indépendantes et que les ministres du gouvernement remanié s’engagent à ne pas se présenter aux prochaines élections, comme cela a été le cas pour le gouvernement d’avant les élections du 23 octobre. Cela afin qu’ils vaquent pleinement à leur tâche.

Pensez-vous que la Troïka est prête à adopter ces solutions?

On le saura dès l’annonce du nouveau gouvernement. Mais ceux qui sont au pouvoir doivent se rendre à l’évidence, car leur persistance dans le refus de la légitimité consensuelle et de toutes autres propositions et solutions est dommageable et porte entrave au cheminement démocratique auquel aspire l’ensemble du pays..

Enfin, seriez-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?
Les dates des prochaines élections ne sont pas encore fixées. Quand elles le seront, je déciderai.

Mais vous savez qu’il y a une question d’âge limite pour les candidatures à la présidentielle ?
S’il y a des empêchements juridiques à une éventuelle candidature lors des prochaines élections, cela est une autre histoire. Mais ne mettez pas la charrue avant les bœufs. Ce qui correspond en tunisien au dicton : «Ne déroulez pas les nattes avant la construction de la mosquée».
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI
Ajouté le : 25-12-2012

Affaire du blocage par l’ANC du budget de la présidence de la République

La guerre des tirelires aura-t-elle lieu ?

 • Augmentation du budget de la présidence de la République pour des raisons de revalorisation salariale concernant 3.500 employés, entre administratifs et sécurité
Afin d’éviter une crise politique entre les pouvoirs, une solution semble se profiler à l’horizon concernant l’adoption du budget de la présidence de la République par l’Assemblée nationale constituante (ANC). Les députés examineront et voteront de nouveau le budget de la présidence demain, vendredi, après la fin de l’examen et du vote de la loi de finances. Car, selon Samir Ben Amor, conseiller à la Présidence, «c’est le vide juridique dans la petite Constitution qui a empêché la Présidence de la République d’être présente à l’ANC à l’instar du gouvernement, au moment de l’examen et du vote de son budget. Cela afin d’expliquer les raisons de cette augmentation de l’ordre de 8 millions de dinars, soit 10,3%».
Rappelons que lundi dernier, les députés ont refusé d’adopter le budget de la Présidence qui passe de 71 à 79 millions de dinars environ.
Certains députés dans les rangs de l’opposition évoquent ce refus pour des raisons «d’austérité», vu la situation économique et sociale du pays. D’autres parlent de «lutte politique entre Ennahdha et le président Marzouki», expliquant «ce refus comme une sorte de message». Mieux, des députés de l’opposition et même de la Troïka — le CPR non compris — craignent que cette augmentation ne serve à «une campagne électorale précoce au profit du président de la République provisoire».
Fadhel Moussa, constituant d’El Kotla El Democratiya, estime que «la Troïka finira par trouver une solution à ce problème car elle n’a pas intérêt à susciter une crise institutionnelle, au moment où elle est à la recherche d’un consensus intra et extra-muros». Et d’ajouter : «Le ministre des Finances viendra probablement présenter avec plus de détails le budget de la présidence de la République. Mais finiront-ils par maintenir cette enveloppe ou la revoir à la baisse ?».
Samir Ben Amor nous explique que «l’augmentation du budget de la présidence est due à l’augmentation des salaires dont bénéficieront 3.500 salariés, soit cinq millions de dinars, les trois millions de dinars restants allant à l’amélioration du matériel de sécurité.
Je suis optimiste, car nombre de députés qui ont refusé de voter le budget ont, après les explications qui leur ont été fournies par le «daffeur» de la présidence de la République, manifesté leur intention de le voter».
Pour avoir une idée plus précise sur ce que pensent les acteurs politiques de cette «crise», nous avons donné la parole à Samir Taïeb, constituant d’El Massar, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, et Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR.

Samir Taïeb, constituant d’El Massar Trouver le plus tôt possible une solution à ce blocage»


«D’abord, nous trouvons anormal le montant du budget de la Présidence et surtout cette augmentation de 8 milliards qui nous renvoie au temps de Ben Ali. Cela surtout pour un président sans prérogatives.
Il est vrai que cette augmentation est exagérée, d’autant que le président de la République a déclaré qu’il se contentera d’un salaire de 3.000 dinars par mois, alors qu’actuellement, il touche dix fois plus.
En ce qui nous concerne, il est normal qu’en tant qu’opposants nous votions contre ce budget. Mais ce qui est anormal, c’est que les députés d’Ennahdha le refusent également, d’autant que le président de la République a été choisi par leur parti.
Donc, et je l’ai déjà dit sur les colonnes de La Presse, la Troïka est finie, elle n’a plus de projet politique, c’est chacun pour soi désormais. Ennahdha reproche au président Marzouki d’avoir augmenté le budget de la présidence dans le but d’une campagne électorale précoce. C’est pourquoi ce parti a donné des consignes de vote contre ce budget.
Mais depuis deux jours, les représentants d’Ennahdha et du CPR se réunissent pour trouver un accord, soit pour diminuer l’enveloppe de la présidence soit pour l’augmenter. Et le plus tôt sera le mieux».

Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire : Il faut réviser et discuter les budgets des trois présidences»

«Normalement, le blocage aurait dû avoir lieu pour les trois présidences de la République, du gouvernement et de l’Assemblée constituante. Car ces institutions doivent donner l’exemple : il n’est pas normal, par exemple, que les salaires des constituants soient deux fois ou plus supérieurs à ceux du temps de Ben Ali. Cela veut dire que la mentalité du pouvoir n’a pas changé. Ceux qui sont au pouvoir se considèrent au-dessus du peuple et non pas à son service. Pis, ils pensent que c’est le peuple qui doit les servir.
Logiquement et vu la situation du pays et a fortiori après la révolution, les salaires de ceux qui sont au pouvoir, qu’ils soient ministres, constituants ou présidents, ne doivent pas dépasser plus de trois fois un salaire moyen.
Je pense que le refus du budget de la présidence de la République par l’ANC reflète une lutte électorale pour certains. Pour d’autres, ce refus est dû à une question de principe, le budget n’ayant pas été discuté.
Pour dépasser cette crise, il faudrait réviser et discuter non pas seulement le budget de la Présidence, mais ceux de l’ANC et du gouvernement, en prenant en compte la situation du pays et du peuple tunisien qui souffre du chômage, de la paupérisation et de la misère».

Hédi Ben Abbès, porte-parole u CPR Ce blocage  une dimension politique»

«Je crois que le manque d’explication et le vide juridique au niveau de la petite Constitution ont fait qu’on se trouve dans une situation de blocage qui a une dimension politique. Je crois savoir qu’un début de solution est en train d’être élaboré, surtout qu’après une baisse significative du budget de la Présidence en 2011 et 2012, l’augmentation du budget pour 2013 se justifie amplement en raison de l’augmentation salariale à hauteur de 70 D par mois de 3.500 salariés : 500 administratifs et 3.000 employés de la sécurité qui n’assurent pas uniquement la sécurité du président, mais de toutes les personnalités tunisiennes et celles étrangères invitées par la Tunisie. S’ajoute à cela l’Etat déplorable du matériel de sécurité qui doit être renouvelé.
J’ai donc bon espoir que la crise va être résorbée ce vendredi lors de la présentation du nouveau du budget de la Présidence devant l’ANC».
Samira Dami

jeudi 20 décembre 2012

la cinémathèque de Bologne



Visions du passé et du présent

 Que les cinéphiles se rappellent : huit films restaurés, et pas des moindres, (La Momie, de Chadi Abdesselem, Voyage en Italie, de Roberto Rossellini, Touki Bouki, de Djibril Diop Mambetty, Transes, de Ahmed Maânouni et autres) ont été  projetés dans la section «Le cinéma retrouvé», lors de la 25e édition des Journées cinématographiques de Carthage. La restauration de ces opus que le public a eu le plaisir de découvrir dans une forme rénovée est l’œuvre de la cinémathèque de Bologne ou «Cineteca di Bologna». Son directeur Gian Luca Farinelli était parmi nous à cette occasion et a pu assister à la projection de certains de ces films ainsi que d’autres programmés dans les différentes sections du festival.
«Cette opération de restauration, rendue possible grâce à l’acquisition, par la cinémathèque, de machines techniquement à la pointe, est une action des plus utiles qui permet, affirme M. Farinelli, non seulement de permettre aux films de résister à l’usure du temps et de conserver la mémoire, mais aussi de regarder le passé avec les yeux du présent et d’établir le dialogue entre eux». D’ailleurs c’est là le rôle d’une cinémathèque : préserver et perpétuer la mémoire du cinéma. C’est pourquoi, en visite à Bologne, nous n’avons pas hésité à nous rendre à ce temple où se pratique l’amour du cinéma.

Remaniement ministériel en vue

Option pour les compétences

 • Remaniement ministériel plus large dans les quinze prochains jours

Les rumeurs vont bon train concernant le prochain remaniement ministériel tant attendu, chacun y allant de ses propres spéculations et interrogations : le chef du gouvernement gardera-t-il son poste ? Certaines indiscrétions avancent le nom de Abdellatif El Mekki, d’Ennahdha, bien que ce dernier ait démenti cette rumeur.
Quel est le ministère qui verra un changement à sa tête: les ministères de l’Education, des Affaires étrangères, de la Justice, de l’Emploi, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de l’Industrie, de l’Environnement, des Affaires religieuses, etc ? Chacun y va de sa réponse selon le rendement des ministres.
Certains assurent même que les ministères de souveraineté, soit la Justice, l’Intérieur et la Défense, pourraient échoir à des compétences neutres et non partisanes.
Mais ce qui est sûr, selon M. Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR, c’est que M. Elyès Fakhfakh, ancien ministre du Tourisme, sera nommé incessamment au ministère des Finances, poste vacant depuis la démission de M. Houcine Dimassi. Ce qui a été confirmé hier soir, puisque l’annonce de cette nomination est tombée sur les télex.
Quant au remaniement ministériel plus large, il aura lieu, toujours selon M. Hédi Ben Abbès, dans les quinze prochains jours.
Déjà, une source bien informée d’Ettakatol annonce que plusieurs de ses membres sont ministrables. Il s’agit de Mouldi Riahi, Thouraya Hammani qui, nous souffle-t-on, a refusé le portefeuille du Tourisme, Lobna Jeribi, Mourad Ben Mahmoud et Hella Aloulou.
Interrogé de son côté sur les membres ministrables au sein du CPR, le porte-parole répond que ce qui compte le plus, dans le prochain remaniement, ce sont les compétences et cela même en dehors de la Troïka. L’important à ses yeux, c’est la mise en place d’un programme et d’une feuille de route jusqu’aux prochaines élections. Et d’ajouter : «L’idée, c’est de mettre en place un programme pour qu’on puisse sauver notre bilan. Ce sont les compétences qui comptent et peu importe de quel parti elles sont issues. Si au sein de la Troïka il y a des compétences, et il y en a, ce serait tant mieux; s’il n’y en a pas suffisamment, nous sommes prêts à aller plus loin en faisant appel à des personnalités en dehors de la Troïka.
Qu’importe l’appartenance politique. Notre vœu : c’est une équipe digne de ce nom pour la période qui nous sépare des élections.
Pour nous un seul paramètre importe : c’est l’amélioration du rendement et du résultat escomptés de la nouvelle équipe gouvernementale afin d’être un tant soit peu à la hauteur des attentes des Tunisiens».
M. Hedi Ben Abbès évoque sa conception de la feuille de route proposée par les partis CPR et Ettakatol : «Elle comporte trois axes essentiels : le premier axe concerne les priorités et le programme sur lesquels le gouvernement doit œuvrer. Le deuxième axe a trait à l’équipe gouvernementale à même de mettre sur pied ce programme. Enfin, le troisième axe concerne la création d’un mécanisme de suivi afin de veiller à l’application du programme proposé. Sachant que l’ensemble de ce programme doit être suivi par le chef du gouvernement. Il sera le seul à décider de sa validité ou de sa non-validité. Nous supposons qu’Ennahdha va interagir positivement à ces propositions».
De son côté, Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol, estime que : «L’essentiel est de faire appel à des personnalités compétentes afin de donner une image rassurante qui rétablirait la confiance en la nouvelle équipe gouvernementale qui va affronter les prochaines échéances jusqu’aux  prochaines élections présidentielle et parlementaires».
Afin d’en savoir plus nous avons tenté de contacter plusieurs responsables d’Ennahdha. En vain, personne n’ayant pris la peine de décrocher son téléphone.
/S.D.

mercredi 19 décembre 2012


Sakhr Materi court toujours

 • Soixante-deux fuyards demandés par la justice tunisienne

Après son interpellation, jeudi dernier, par la police des Seychelles alors qu’il tentait de franchir les frontières de ce pays avec un passeport diplomatique annulé, Sakhr Materi court toujours. Chacun y va de son explication:  «Il a regagné l’Arabie Saoudite», selon une source policière bien informée. Laquelle poursuit : «La Tunisie continue certes d’œuvrer avec Interpol afin d’extrader le gendre de Ben Ali, mais l’opération n’est pas facile vu la force financière qu’il représente, d’autant plus qu’il a récupéré une bonne partie de sa fortune qu’il a réinvestie dans les pays du Golfe. Mieux, il jouit avec ses beaux-parents de la protection de l’Arabie Saoudite».
Certes, notre ambassadeur à Addis-Abeba, Mokhtar Chaouachi, «accuse les autorités des Seychelles d’avoir été complices parce qu’ayant laissé Sakhr Materi partir librement   sans être inquiété», on peut se demander, dans ce cas, pourquoi elles ont manifesté  leur disposition à traiter avec les autorités tunisiennes, puis se sont rétractées à la dernière minute, selon la version de notre ambassadeur.  
D’aucuns évoquent la pression, dans les coulisses, de certains émirs des pays du Golfe sur les Seychelles, alors que d’autres expliquent cela par «la force financière de Sakhr Materi».
Interrogé, un juriste qui tient à l’anonymat nous a affirmé que  «pareilles opérations d’extradition dépendent du degré de respect du droit international et de l’indépendance de la justice, car ce sont les autorités judiciaires qui autorisent l’application du mandat d’arrêt et d’extradition».
Enfin, certains sont tout à fait sceptiques, avançant que le nom de Sakhr Materi n’existe même pas sur la liste d’Interpol.
Me Fadhel Saïhi, conseiller auprès du ministre de la Justice, précise que «le nom de Sakhr Materi se trouve bel et bien sur la liste rouge d’Interpol, mais que les données sur les individus recherchés ne peuvent être consultées par les visiteurs du site. Nous avons bien informé les autorités des Seychelles que le gendre de Ben Ali ne jouit plus de l’immunité parlementaire, car le Parlement dont il faisait partie a été dissous en vertu du décret-loi 6-2011 et qu’il est sous mandat d’amener. Les autorités des Seychelles sont donc dans l’obligation de remettre les personnes recherchées par l’intermédiaire d’Interpol».

«Pas de mélange entre le juridique et le politique»
A quoi donc aura servi toute cette opération que certains qualifient de «coup politique» ?
Me Fadhel Saïhi est catégorique : «D’abord, il n’est pas sûr que Sakhr Materi ait quitté les Seychelles. Si oui, avec quel document de voyage puisque son passeport diplomatique a été annulé par les autorités tunisiennes ? Mais ce qui est sûr, c’est que nous avons retrouvé sa trace et que l’étau se resserre autour de lui. Les autorités tunisiennes œuvreront plus que jamais à faire pression sur les Etats qui abritent toute personne ayant fui la justice tunisienne et tous les corrompus qui ont volé les deniers publics. Tous les Etats concernés, l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe, la France, le Canada, sont appelés à respecter le droit international et le droit du peuple tunisien, admiré pour sa révolution, à ce que les fuyards de l’ancien régime, qui ont commis des crimes de vols inadmissibles à son endroit, soient extradés dans les plus brefs délais».
Soixante-deux fuyards en tout sont demandés par la justice tunisienne. Cette liste comprend des membres du clan Ben Ali-Trabelsi, certains ministres et d’autres anciens responsables, mais jusqu’à présent aucun d’entre eux n’a été extradé. «C’est que, nous informe notre juriste, on ne peut obliger un pays à extrader des fuyards s’il n’y a pas de convention entre les Etats qui les contraint à les extrader. Car Interpol est une structure policière internationale dont la mission est d’arrêter les recherchés et non pas de les extrader. Il faut donc que les autorités tunisiennes établissent des dossiers solides et bien ficelés, car les recherchés peuvent toujours invoquer les droits de l’Homme, l’immunité, la confiscation et la vente illégale de leurs biens et faire des demandes d’asile politique.
Il ne faudrait donc point mélanger l’aspect policier et juridique avec le politique et revoir notre stratégie pour les  demandes d’extradition et de restitution des fonds et des biens volés».
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 19-12-2012

mardi 18 décembre 2012


Anniversaire du déroulement de la révolution

Mourad Ben Aïssa, coordinateur du parti de l’Union patriotique libre à l’Ariana : «La solution : un plan de développement»

 «Le déclenchement de la révolution le 17 décembre 2010 a eu lieu, on le sait, pour ‘‘l’emploi, la dignité et la liberté’’. Or, depuis, ces régions marginalisées et laissées pour compte, depuis l’indépendance, n’ont pas vu leurs conditions changer. Les promesses faites par les différents partis politiques n’étaient pas réalisables et c’est normal que les gens soient mécontents et se révoltent en cas de promesses non tenues. Les partis ont promis des centaines de milliers d’emplois, des investissements à gogo, des routes et autres mirages.
Or, les gouvernants croient qu’il suffit d’octroyer telle ou telle autre enveloppe à une région pour qu’elle se développe.
La solution réside dans la mise en place d’un plan de développement et de restructuration. C’est pour cela que le budget de 2012 n’a été réalisé qu’à hauteur de 30%. Car à Sidi Bouzid, par exemple, pas une route n’a été faite. Pis encore, le peuple a vu ses conditions de vie empirer avec les pénuries d’eau, d’électricité, la cherté du coût de la vie, les transactions sans appel d’offres, l’augmentation de la corruption et j’en passe.
Et ça traîne aussi sur le plan des objectifs de la révolution: ‘‘La mise en place des structures et instances indépendantes des élections, de l’information, de la magistrature, la date des élections, la réforme de l’enseignement, la justice, l’agriculture, l’industrie, le commerce, les banques, etc.
Or, on peut déjà entreprendre tellement de choses au plan économique, où on remarque que 60% du système est informel et illégal et de grands économistes ont conseillé de l’insérer dans le système légal parce que l’Etat gagnera en impôts, en emplois et en couverture sociale. Et au lieu de dire je vais créer tel nombre d’emplois ou j’alloue telle somme à telle région, il faudrait dire : dans cinq ans, le chômage va baisser de tant de points, le PNB et le PIB vont augmenter de tant.
Et c’est à la lumière de ces indicateurs qu’on construit la politique économique, sociale et culturelle du pays. Sans compter que notre modèle économique qui date des années 70 s’est essoufflé et ne pourra générer plus de 40.000 emplois.
Comment expliquez-vous que le projet intégré de  750 milliards englobant tous les domaines économique, social, culturel et sportif proposé par Slim Riahi à Siliana a vu tant de blocages par l’ancien gouverneur, sinon dans un but d’agenda politique.»
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI

Anniversaire du déroulement de la révolution

M. Rchid Ftini, homme d’affaires, directeur général du centre d’affaires : «Ras-le-bol des habitants de Sidi Bouzid où rien n’a été fait»

 «Après les élections du 23 octobre 2011, à Sidi Bouzid il y avait de l’espoir dans l’air et la célébration du premier anniversaire de la révolution le 17 décembre 2010, dans la foulée des élections, je l’ai fêtée en costume cravate et rasé  de près. Hier, j’étais en espadrilles et tout à fait dans un autre état d’esprit, comme tout le monde à Sidi Bouzid. Car on nous a demandé, encore une fois, de patienter, malgré les tensions et le mécontentement général et l’absence totale de développement. Rien n’a changé à Sidi Bouzid, je suis un homme d’affaires, comme vous le savez, j’ai trois entreprises et j’en ai déjà fermé une où j’étais en partenariat avec des Allemands.
Je ne vous cache pas que les deux autres entreprises sont en souffrance. Or, si on veut booster les investissements dans la région, il faudrait d’abord faire une mise à niveau de l’infrastructure générale afin de rattraper les régions côtières et que l’Etat se fixe un objectif sur 5 à 15 ans, par exemple, sinon les inégalités et les déséquilibres régionaux vont se pérenniser.
Il faudrait, ensuite, offrir des spécialités et des avantages aux investisseurs, l’exemption d’impôts et autres.
Je me rappelle qu’au cours d’une réunion avec les trois présidences du pays nous étions trois hommes d’affaires originaires de Sidi Bouzid et nous avions demandé le transfert de la vocation des terres agricoles en terrains industriels afin d’implanter des usines. Mais jusqu’ici rien n’a été fait. Ça bloque au niveau de l’ANC et des lois.
Or, il n’y a pas encore de zone industrielle à Sidi Bouzid. Trois grands projets sont encore en attente : une usine de médicaments, un projet d’entreprise d’acides aminés, un investissement d’un industriel français qui, malgré les promesses des dix ministres du gouvernement en visite dans la région, a fini par être transféré à Gafsa où il y a une zone industrielle et un technopôle.
Le troisième projet consiste en une usine de céramique, mais il a fini par se faire à Kasserine, toujours faute de zone industrielle. On dirait que les habitants de Sidi Bouzid subissent un châtiment parce qu’ils ont élu le parti El Aridha et non Ennahdha.
C’est en tout cas ce que pensent ici la majorité des gens. Et on les invite à patienter encore, alors qu’ils ont faim et qu’ils affrontent le chômage et la misère. Enfin, tenter d’imputer les jets de pierres au parti du Front populaire n’a pas de sens, car ces agissements traduisent un ras-le-bol et n’étaient pas préparés, mais spontanés. Il faut se mettre à la place des gens qui souffrent depuis 50 ans et plus».
S.D.

Deuxième anniversaire de la révolution

 La fête gâchée

Marzouki et Ben Jaâfar, cible de jets de pierres

La célébration, hier à Sidi Bouzid, du deuxième anniversaire du déclenchement de la révolution a été marquée par une grande tension : protestations et slogans hostiles aux partenaires de la Troïka. MM. Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar, venus prononcer chacun une allocution à cette occasion, ont même eu droit au fameux «Dégage» et à des jets de pierres, de tomates et d’oignons sur la tribune dressée devant le siège du gouvernorat qui les a accueillis.
M. Rchid Ftini, homme d’affaires et directeur du Centre d’affaires de Sidi Bouzid, était parmi la foule. Il témoigne : «Certes, l’allocution du président de la République, qui a appelé les habitants de Sidi Bouzid à tenir compte des difficultés économiques de la phase de transition, s’est déroulée dans une atmosphère tendue entrecoupée de slogans contre le gouvernement de la Troïka et des fameux «Dégage». Mais ce n’est qu’au moment où M. Ben Jaâfar a commis un lapsus en parlant de ‘‘la révolution du 14 janvier’’ que les choses se sont envenimées et que les jets de pierres, de tomates et même d’oignons et de poivrons ont commencé. La cérémonie ayant été entamée à 10h00, c’est vers 11h15 que ça a dégénéré et que les deux présidents se sont retirés à l’intérieur des locaux du gouvernorat. Et au bout de dix minutes, les hélicoptères ont décollé».
M. Jamil Horchani, propriétaire d’un hôtel à Sidi Bouzid et coordinateur de Nida Tounès dans la région, était également présent hier à ces festivités. Il commente : «Nous étions des milliers devant le siège du gouvernorat. Parmi la foule, il y avait des partisans des salafistes avec leurs drapeaux noirs particuliers et remarquables et c’est à mon avis au moment où le président de l’ANC a lancé ‘‘celui qui aime la Tunisie doit s’armer de patience dans l’attente de la réalisation des revendications du peuple’’, que les jets de pierres et autres projectiles ont fusé. Mais après le départ des deux présidents, les choses sont redevenues normales et les gens ont fêté au rythme de la musique, du rap notamment, le déclenchement de la révolution le 17 décembre 2010. Que dire de ces incidents sinon qu’ils sont le résultat d’une absence totale de réalisations dans la région, car rien n’a changé économiquement et socialement à Sidi Bouzid.
J’ajouterai que la politique d’exclusion ne sert à rien et que pour le bien de Sidi Bouzid et des autres régions pauvres et marginalisées du pays, organiser une sorte d’Etats généraux de ces régions, avec la contribution de toutes les sensibilités et parties politiques et économiques s’avère nécessaire».
Commentant sur un ton ferme ces événements, M. Mofdi Mseddi, conseiller auprès du président de l’ANC et chargé de la communication, est catégorique: «Ceux qui ont agi de la sorte en jetant des pierres et des projectiles ont touché à deux symboles du pays, le président de la République et le président de l’ANC,et partant,  à l’aura de l’Etat. Normalement, une enquête devrait être directement ouverte comme cela a été le cas lors des événements devant le siège de l’Ugtt. C’est grave ce qui s’est passé, on ne peut agir de la sorte sous prétexte de mécontentement social. Sachez que la visite était spontanée et pas du tout préparée comme du temps des ‘‘cellules du RCD’’. Les  deux présidents ont fait preuve de réalisme dans leur allocution car toutes les revendications du peuple ne peuvent être satisfaites ici et maintenant. Et leurs discours ne pouvaient être ainsi que francs et réalistes».
Pour en savoir plus sur les raisons de ce mécontentement social et les éventuelles solutions aux problèmes de Sidi Bouzid et autres régions qui souffrent des mêmes maux économiques et sociaux, nous avons donné la parole à M. Rchid Ftini, un homme d’affaires de la région, et à M. Mourad Ben  Aïssa, coordinateur de l’Union patriotique libre à l’Ariana.

lundi 17 décembre 2012


RETROVISION

La grève générale sous le prisme de nos médias

Toutes les chaînes d’ici, et même d’ailleurs, ont annoncé le mercredi dernier dans leurs journaux télévisés l’annulation de la grève générale prévue le jeudi 13 décembre et décidée par la Commission administrative de l’Ugtt suite à l’attaque, le 4 décembre, jour de la commémoration du 60ième anniversaire de la mort de Farhat Hached, du siège de la place Mohamed-Ali à Tunis. Attaque que la Centrale Syndicale a imputé à des membres des dites ligues de protection de la révolution. On s’attendait quelque peu à cette décision surtout que, depuis la veille, les deux chaînes publiques et Radio Mosaïque-FM , notamment, ont, avant même la réunion de la Commission administrative de l’Ugtt, seule habilitée à prendre la décision du maintien ou non de la grève générale, présenté quelques points de l’accord comme s’il était admis. S’agit-il d’une course au scoop ou d’une volonté manifeste d’influencer et de manipuler  l’opinion publique ? On pencherait, plutôt, vers la deuxième option. Drôle de conception de l’information, en tous cas !

jeudi 13 décembre 2012

REPORTAGE


Ugtt-Gouvernement / Annulation de la grève générale

«S’ils reviennent, nous reviendrons!»

 La Place Mohamed-Ali grouillait de monde hier dès le début de l’après-midi: des responsables syndicaux sectoriels, des étudiants, des militants de base de la Centrale syndicale, entre hommes et femmes, étaient tous là dans une  attente fébrile.
Ils attendaient avec impatience les résultats de la réunion de la commission administrative de l’Ugtt, concernant la décision finale à propos de la grève générale annoncée pour aujourd’hui, suite aux événements dramatiques de la journée du 4 décembre où le  siège de la Centrale syndicale à Tunis a été attaqué par les ligues dites de protection de la Révolution.
Une question récurrente était sur toutes les lèvres: y aura-t-il annulation, suspension ou report de la grève générale ?
Plusieurs, parmi la foule, étaient accrochés à leur portable, recueillant quelques indiscrétions, ici et là, de la part de certains membres de la commission administrative encore en réunion. Dès 16h00, le bruit commençait à courir: un responsable syndical, engoncé dans son manteau, l’air mécontent, informe le groupe d’hommes et de femmes qui l’entoure: «La grève générale  est annulée, ils sont en train d’écrire le rapport de la réunion. Ça peut encore durer deux heures…»
— «Tu es sûr, réplique une femme, est-ce qu’il s’agit d’annulation ou de suspension» ?
— «Non, il s’agit bien d'annulation, c’est le mot que j’ai entendu», rétorque-t-il, la mine quasi déconfite.
La  place bruisse de rumeurs, une femme s’écrie : «La grève générale est annulée. Le secrétaire général de l’Ugtt a annoncé que la situation difficile que traverse le pays ne supporterait pas une grève générale mais n’était-il pas au courant de cette situation avant de décider d’une telle action?»
Une voix féminine s’élève au-dessus de la mêlée : «Eh Abassi, le peuple souffre, mais tu as vendu notre cause. Eh camarades, mettez-vous en rangs, venez présenter vos condoléances. Ce sont les funérailles de l’Ugtt !»
Mais tout de suite, sa voix est recouverte par des slogans scandés par la foule: «Ugtt, Ugtt, la plus grande force du pays».
Les commentaires, entre optimisme et pessimisme fusent. Mongia est membre du syndicat de base de l’enseignement, secteur de Tunis : «Je suis pour la suspension de la grève générale et non pour son annulation afin que le gouvernement ne revienne pas sur l’accord qui sera pris en commun et je sais qu’il en est capable !».

«Un  accord, grosso modo, positif»

Un jeune chômeur diplômé, cheveux longs et barbe fournie, nous tient le raisonnement suivant : «Il ne  s’agit pas dans cette grave affaire de perdants et de gagnants et si l’on veut un vrai changement, seules les forces révolutionnaires de gauche sont à même de l’imposer».
La Place Mohamed-Ali se remplit davantage, plusieurs citoyens viennent aux nouvelles, des slogans fusent: «Sur ta voie, ô Hached !», «Avec mon âme, avec mon sang, je me sacrifierai pour toi, Ugtt !». Bilal, secrétaire général du secteur des boulangeries, manifeste sa joie  : «Je suis content, voire heureux,  il n’y aura pas de jeudi noir comme en 1978, nous avons obtenu satisfaction, les ligues de  protection de la révolution vont être gelées en attendant les actions en justice contre les agresseurs. Mais j’avertis le gouvernement: au cas où les ligues ne seraient pas dissoutes, il n’est pas sûr que les affrontements cesseront».
Belgacem Nouri, secrétaire général du secteur de la poste, des télécommunications et des téléperformances de Ben Arous, a un avis mitigé : «L’acceptation par le gouvernement des quatre points les plus importants, soit le gel des activités des ligues de  protection de la révolution, l’action en justice contre les agresseurs, la condamnation du gouvernement et la prise en compte de l’agenda ou de la feuille de route présentée le 16 octobre par l’Ugtt, est un pas positif qui sauve la face de l’Ugtt, eu égard à la situation difficile et délicate que connaît le pays.Mais je dirais qu’il faudrait en finir avec la dramatisation de faits tels que les menaces à nos frontières et les caches d’armes qui ont pour seul but de détourner l’attention de l’opinion publique syndicale. Enfin, est-il normal qu’après l’élection de l’Assemblée nationale constituante et la mise en place d’un gouvernement que pareilles ligues agissent en parallèle prétendant protéger la révolution ?».
Ferjani Saâdalli, secrétaire général du syndicat de la Bibliothèque nationale et membre de la commission nationale de l’information et de la culture, adopte une position de responsable syndical teintée d’analyse : «Je sais que le débat au sein de la commission administrative de l’Ugtt a été chaud et que le rapport de la réunion et des décisions est corsé. Et vu les points entérinés par le gouvernement et l’Ugtt, je peux affirmer que l’accord est  grosso modo positif. Et je tiens à dire que Houcine Abassi a fait prévaloir l’intérêt du pays, donnant, ainsi, une leçon au gouvernement afin  qu’il assume de son côté sa responsabilité historique. Je le répète, cet accord satisfait les syndicalistes, d’autant que les négociations avec le gouvernement se poursuivront sur d’autres problèmes sociaux et syndicaux et qu’il y a la possibilité de mettre sur pied une autre commission administrative qui évaluera les résultats de cet accord avec le gouvernement, dans le sens “s’ils reviennent aux mêmes agissements et dépassements, nous reviendrons également de notre côté”».
Auteur : Samira DAMI

mercredi 28 novembre 2012

Interview de Slim Chiboub sur Ettounssia


La vérité si je mens!
 Très attendue, l’interview de Slim Chiboub réalisée par l’animateur et producteur Moëz Ben Gharbia aux Emirats Arabes Unis, a été enfin diffusée, avant-hier soir, sur Attounssia. Le taux d’audience était, selon certaines estimations, de 67%. Ce qui a été confirmé, par la suite, par l’interviewer, qui a parlé de record. Mais au fil des minutes, l’intérêt s’émousse, car l’on comprend que le gendre du président ne se départira pas de la langue de bois et qu’il n’était pas là pour faire des révélations ou éclairer notre lanterne, son seul souci étant de s’innocenter en se refaisant une virginité. A-t-il réussi à influencer l’opinion ou s’agit-il d’une pure et simple manipulation, multi-acteurs ?

mardi 27 novembre 2012


Retro 25 novembre

Halte à l’agression des élus du peuple !
Honteuse est la séquence ou l’on voit le Constituant Mourad Amdouni un des élus du peuple violenté par les forces de l’ordre, lors de la marche de protestation, organisée le jeudi 15 novembre à Tunis, contre l’agression meurtrière menée par Israël contre Gaza. Cela parce qu’il a voulu s’interposer entre les manifestants regroupés  à la place Mohamed Ali et les agents de l’ordre. Traiter, ainsi, un des représentants du peuple, c’est en fait agresser symboliquement ce même peuple et montrer un total mépris à son encontre.
Dans la foulée des agressions contre les acteurs de la société civile, les artistes, journalistes, universitaires et autres intellectuels voilà que les brigades d’interventions s’en prennent à un député. A vrai dire ce qui est grave, c’est que de telles images de d’élus agressés et malmenés, que ce soit par des policiers ou des partisans de divers courants ou partis politiques, commencent à se banaliser sous nos cieux. N’a-t-on pas vu Brahim Gassas frappé par un groupe d’excités sans que la police n’intervienne !
Pareils comportements et agissements sont pratiquement inexistants dans les vraies démocraties. Or, si de telles agressions et une telle violence sont de plus en plus fréquentes dans nos murs c’est que quelque chose ne tourne pas rond dans le processus démocratique. Certaines parties ne l’ayant pas encore intériorisé ou le refusent carrément. Quoi qu’il en soit, voir des représentants du peuple et autres hommes politiques ou de culture outragés est un signe de sous développement exprimant un retour aux réflexes dictatoriaux d’antan.

Retrovision
Chronique d’un quartier déshérité
Fi Samim (Dans le mille) l’émission qui, au commencement, proposait, sur Ettounsia, des enquêtes d’investigation a, au fil du temps, changé de fusil d’épaule, ou plus précisément de genre, versant  dans le reportage. Ce qui ne veut point dire que les téléspectateurs  ont perdu au change. L’avant-dernier reportage sur les Oukala, sises en plein centre de la Médina de Tunis, a véhiculé des images plus que parlantes reflétant la condition humaine  misérable, de ces laissés pour compte, chaque personnage pouvant être l’antihéros ou le héros pathétique d’un roman, d’un film ou d’une pièce de théâtre.
Toutes ces séquences ont été filmées, certainement dans le but de toucher et d’interpeller les uns et les autres, notamment les autorités publiques et la municipalité de Tunis afin qu’elles daignent, enfin, aider ces «damnés de la ville» et trouver quelques solutions aux multiples problèmes dont ils souffrent. Des problèmes sanitaire, d’hygiène, de promiscuité, de logements et de dénuement surtout. Mais, ces habitants d’oukala ne sont pas les seuls à connaître de tels maux, puisque dans le dernier numéro de Fi Samim le concepteur et présentateur Zouhaeir Letaeif a continué sur sa lancée en promenant la caméra dans un quartier déshérité et réputé difficile, Hay Hllal, où se sont regroupés des migrants du Nord Ouest, les Ouled Ayar.
Et on découvre, loin des préjugés, des personnages pétris d’humanité vivant dans des conditions horribles, inhumaines, où le chômage, la pauvreté, les semblants de logements insalubres, des gourbis en fait, la promiscuité, la saleté, les immondices, les moustiques, sont leur lot quotidien. D’où les vols, les rapines, l’addiction à l’alcool et à la drogue dont souffrent des jeunes et moins jeunes. Des habitants du quartier, entre femmes, hommes et enfants, ont témoigné regrettant qu’ils soient toujours «Les éternels oubliés et laissés pour compte». Pourtant «Nous avons tant espéré, a confié un ancien détenu, lors de la Révolution. Nous avons tous voté pour Ennahdha, mais ce parti nous a ignoré et tourné le dos. Pourquoi ? Ne sommes-nous pas des êtres humains, regardez dans quelles conditions impossibles et  insoutenables nous vivons avec en sus l’injustice des forces de l’ordre, cela quand ils leur arrivent de pénétrer dans le quartier… ». Car l’on saura, au fil du reportage, que le poste de police est déserté par les policiers depuis deux ans. Grave pour un quartier comptant des milliers d’habitants. En attendant ce sont les séniors, sages du quartier, qui tranchent en cas de conflits ou de tensions. Il est, par ailleurs, impossible de ne pas relever le témoignage émouvant d’un petit écolier déplorant que «l’odeur nauséabonde des montagnes d’ordures jouxtant l’école l’empêche, lui et ses camarades, de se concentrer».
Ce reportage vient relativiser les credo de certains politiques, journalistes et membres de la société civile qui peuvent croire que la liberté d’expression pourrait être une demande pressante de citoyens qui vivent dans une misère noire. A preuve le témoignage d’un des habitants dépités et très en colère de Hay Hllal: «Quelqu’un m’a dis réjouis toi, la révolution nous a apporté  la liberté d’expression, j’ai répondu que  je m’en contrebalançais car elle ne me nourrira pas moi et mes enfants». Bref, dans leurs propos, complaintes et chansons populaires la plupart de ces témoins paraissaient désabusés, exaspérés, courroucés n’ayant plus du tout confiance en quiconque parmi les politiques. Parmi eux le doyen du quartier, ancien militant de la libération nationale qui a lancé furieux : «tous les politiques sont des menteurs et cela depuis l’ère Bourguiba, tous, jusqu’à aujourd’hui, roulent pour leur propre intérêt et jamais pour celui de la Tunisie».Mais ce qui est sûr c’est que petits et grands ont montré beaucoup d’amour pour leur fief qu’ils défendent  bec et ongles. Ils l’aiment et y reviennent toujours, même quand ils réussissent, tel un chanteur célèbre de Mezoued. «Hay Hllel est un quartier comme un autre, il n’y a pas de grandes délinquances, ni de crimes et même pendant la Révolution il n’a connu aucun incident» explique un des aînés.
Le reportage a ainsi contribué à gommer quelque peu cette idée reçue concernant ce quartier réputé infréquentable, mais aussi à mettre à nu la réalité marquée par des conditions de vie très dures, inacceptables au 21ième siècle. Toutefois, les propos des habitants de Hay Hllel seront-ils entendus, ces derniers verront-ils leur situation s’améliorer ? Répondre à cette question est difficile, quand on sait que, de par le pays, il y a tant de quartiers qui connaissent la même misère contre laquelle s’est déroulée la Révolution. Il est certain que, jusqu’ici , il n’y a ni planification, ni politique d’amélioration des conditions de vie de ces gens-là qui n’ont en cure des palabres politiques a fortiori quand rien n’a changé dans leur quotidien, malgré la Révolution de tous les espoirs.
S.D.

dimanche 25 novembre 2012

clôture et palmarès de la 24ième édition des JCC: Tanit d'or et prix du plublic pour La Pirogue de Moussa Touré


• Tanit d’argent : Mort à vendre, de Faouzi Ben Saïd (Maroc)
• Tanit de bronze : Sortir au jour, de Héla Lotfi (Egypte)
• Prix du meilleur scénario : Le Professeur, de Mahmoud Ben Mahmoud (Tunisie)

C’est La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré qui a remporté la récompense suprême dans la section compétition des longs-métrages fiction de la 24e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se sont déroulées du 16 au 24 novembre et dont la clôture a eu lieu hier soir avec la proclamation du palmarès par les trois jurys des compétitions internationales de fiction, longs et courts métrages, et du documentaire.
Le Tanit d’or et le Prix du public remportés par La Pirogue sont amplement mérités tant le film brille par sa sobriété cinématographique et l’humanité qui se dégagent de cette histoire de périple de la mort entrepris par des voyageurs africains clandestins, aspirant à des horizons meilleurs, mais qui, hélas, s’avèreront bouchés. Un drame universel poignant.
Quant au cinéma marocain, qui a forcé l’admiration au cours de cette édition, il a remporté le Tanit d’argent à travers Mort à vendre de Faouzi Ben Saïdi. Un film noir, éclaté, qui raconte le quotidien de jeunes délinquants dont l’un est repéré par des islamistes radicaux.
Toutefois, un autre long-métrage marocain a forcé le respect: Les chevaux de Dieu, de Nabil Ayouch. Mais, hélas, c’est le film oublié du palmarès. L’histoire se répète pour Ayouch dont le film Ali Zaoua, plébiscité par le public lors des JCC 2000, a été également oublié par le palmarès.
Peu importe, à nos yeux et aux yeux du public qui a très fortement applaudi Les chevaux de Dieu, Ayouch mérite bien une récompense. Il se contentera du prix de la Fipreci (Fédération internationale de la presse cinématographique). Il faut dire aussi que le cinéma marocain a fait un bond remarquable et qu’il domine le cinéma maghrébin. Nous remarquerons  que le cinéma tunisien n’a glané que le prix  du meilleur scénario décerné à Le professeur de Mahmoud Ben Mahmoud. Il est vrai que les films tunisiens en compétition lors de cette édition n’étaient pas du meilleur cru (nous y reviendrons). En revanche, du côté de la compétition des courts métrages Bousculades du 9 avril 1938 de Tarak Khalladi et Sawssan Saya a raflé le Tanit d’argent.
Enfin pour la section compétition documentaire, c’est Président Dia de Osman William Mbaye du Sénégal qui a remporté le Tanit d’or. Un excellent opus «situé» dans la période du président Léopold Sédar Senghor qui a éliminé ses adversaires pour accaparer le pouvoir.
Non moins excellent est le documentaire La vierge, les Coptes et moi de l’Egyptien Namir Abdelmasseeh qui a remporté le Tanit d'argent.
Au final, nous dirons que malgré les quelques couacs et hésitations  au niveau de l’organisation, le cru de cette 24e édition des  JCC a été franchement capiteux et d’une bonne facture.
Nous y reviendrons.
Que vivent les JCC 2014.
samira DAMI

samedi 24 novembre 2012

Report de Manmoutech de Nouri Bouzid


Les vraies raisons

Une projection plus que probable pour le 23 novembre

Manmoutech ou Beautés cachées de Nouri Bouzid serait-il programmé de nouveau? On verra bien. Mais remontons les faits tout d’abord: programmé en compétition de la 24e édition des JCC, ce long métrage n’a pu être découvert par le public, venu nombreux, lors de la séance prévue samedi dernier à 18h00 au Colisée. C’est que la projection a été «annulée pour des raisons techniques», a expliqué le réalisateur aussi bien sur scène que sur les marches: «Il s’agit d’un problème d’incompatibilité entre le support et la machine de projection». Et d’ajouter dépité «On ne peut pas toucher le laboratoire parce que c’est le week-end...». Puis de conclure : «Le film s’intitule Manmoutech, mais moi je meurs». Qui est responsable de cette annulation et pourquoi ? Dans le flou qui dominait, plusieurs spectateurs déçus et furieux, surtout après plus d’une demi-heure d’attente, ont rejeté la faute sur l’organisation et déploré qu’une telle chose arrive après 48 ans d’expérience des JCC. D’autres qui ont cru qu’il s’agissait d’une annulation définitive du film, l’ont même imputé à «la censure et aux mains de l’ombre ». Bref, le public, désappointé, a dû rebrousser chemin, espérant une nouvelle programmation du film.
 Pour en savoir plus sur les tenants et aboutissants de cette annulation, nous avons contacté et donné la parole à plusieurs parties. Nouri Bouzid, en premier lieu, qui, franchement, n’a pas été avare en explications: «La copie de projection est en DCP (Digital Cinéma Package), un moyen efficace contre  le piratage et autres formes d’abus. Donc, pour que le film soit projeté, il faut que l’exploitant de la salle communique au laboratoire les références  et codes du serveur et de l’appareil de projection DCP, afin qu’il donne accès au film à distance pour un appareil précis et  une durée précise, du 17 au 26 novembre. Cela a été le cas au festival d’Abou Dhabi, sans aucun problème. On a essayé la copie la veille au Mondial, cela n’a pas marché, mais on espérait que ça marcherait le lendemain au Colisée. En vain».
Certaines sources avancent même qu’il existe, en fait, un différend entre le producteur tunisien (CTV-Services) et le coproducteur français (Nouveau Regard) d’où le problème d’accès au film. Interrogé, l’auteur-réalisateur de l’Homme de Cendres a répliqué sec : «Seul  le laboratoire possède  le code qui est secret et peut, donc, donner accès au film. Concernant le supposé différend avec le coproducteur français, ce qui est faux, je vous informe qu’au contraire, c’est bien le coproducteur français qui a demandé au Big Boss du laboratoire d’ouvrir l’accès au film seulement aux festivals d’Abou Dhabi et des JCC, dans l’attente du festival de Berlin qu’on brigue. C’est plutôt le distributeur français MK2 qui a sacrifié le film, parce que nous avons, Abdelaziz Ben Mlouka et moi, refusé d’aller   à Haïfa».
De son côté, Lassaâd Gobantini, directeur de la salle Le Colisée, est catégorique : «Le DCP s’ouvre avec un fichier électronique, autorisant la diffusion du film, appelé  KDM (Key Delivery Message) et sans KDM valide, réalisé pour un serveur donné, il est impossible de lancer un long métrage numérique. Or, la date de validité du KDM présenté pour la projection de Manmoutech est périmée, car le serveur affichait ‘‘Delated’’, autrement dit ‘‘Empêchement’’».
Nous avons, enfin, approché un membre du comité directeur des JCC qui nous a confié que la panne n’est pas due à la logistique des JCC ou à l’équipement des salles, mais à la clé KDM qui ne permettait pas la lecture du film. «A preuve, ajoute notre source, plusieurs films de la compétition, marocain, libanais, algérien et d’autres nationalités, ont été projetés en DCP au Colisée, au Mondial et ailleurs, sans aucun problème. Dire ou faire croire que les JCC sont responsables de ce problème technique est faux et inconcevable. Nous attendons, maintenant, qu’une nouvelle copie du film nous parvienne afin de le reprogrammer». Aux dernières nouvelles, il semble, selon le réalisateur, qu’une solution a été trouvée : «Pour sauver la situation, les deux coproducteurs se sont mis d’accord pour amener deux copies, l’une avec code et l’autre sans (free). Ainsi, une projection est plus que probable le 23 novembre». Espérons et wait and see.

Samira DAMI

Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouche (En compétition)


Yachine et ses "frères" 

• Bouleversant

Le film s’ouvre sur un terrain vague, jouxtant une immense décharge publique, où des gamins jouent au foot : ce décor n’est autre que le bidonville de Sidi Moumen, quartier très pauvre et marginalisé, d’où sont issus les jeunes qui ont commis les attentats de Casablanca il y a plus de 9 ans. Inspiré de ces dramatiques événements qui ont entraîné la mort de 45 personnes dans cinq lieux différents, Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch remonte le cours du temps, à travers une chronique quotidienne de ce bidonville et de certains de ses personnages, afin de tisser la trame de cette sanglante tragédie. Le scénario signé Jamal Belmahi est adapté du roman Les étoiles de Sidi Moumen de l’écrivain Mahi Binebine.
Tarek, alias Yachine, 10 ans, est un fan du grand gardien de but russe. Timide, il porte un amour secret pour Ghislaine qu’il sait inatteignable. Il subit l’ascendant de son frère, Hamid, 13 ans, un petit caïd qui le protège, mais qui finira quelques années plus tard par être incarcéré après avoir caillassé une  voiture de police. Hamid est le préféré de sa mère qui mène, tant bien que mal, la barque familiale comptant, également, un père dépressif et deux autres fils, l’un dans l’armée et l’autre autiste. A travers le vécu imaginé et non reconstitué des personnages principaux et de ce microcosme familial, le réalisateur marocain dépeint la dure réalité sociale qui prévaut dans ce quartier où règne la misère, le chômage et le désespoir, d’autant que le vol, le viol, la drogue, le meurtre sont monnaie courante.
Le film déroule le parcours douloureux de ces deux frères, depuis l’enfance jusqu’à la jeunesse, quand au fil d’une vie sans repères, vu l’absence du père, les issues se bouchent et les âmes se fragilisent. Ce dont vont profiter les islamistes radicaux, artisans de la mort, afin d’embrigader ces laissés-pour-compte et ces consciences détruites par un milieu social funeste, des relations familiales délétères, des amours impossibles et autres sinistres drames. Ainsi, Hamid,  qui sort transformé de la prison entraînera avec lui Tarek et ses amis, meurtris par les vicissitudes de la vie, sur le chemin de l’horreur et de la mort. Il faut dire qu’ils sont pratiquement tous prêts à toutes sortes de manipulations qui vont jusqu’à l’intériorisation du fait de s’exploser et de mourir en martyr.
Filmé, tel une chronique, de manière conventionnelle, Les Chevaux de Dieu se décline en trois temps : l’adolescence des personnages et leur jeunesse avant l’incarcération de Hamid et après sa sortie de prison. Le passage de l’adolescence à  la jeunesse est merveilleusement réussi, le réalisateur nous renvoie à la scène d’ouverture en filmant les personnages, devenus jeunes, jouant au foot sur le même terrain vague. Et l’on reconnaît tout de suite Hamid, comme quand il était ado avec sa chaîne enroulée autour de la main et du bras et Yachine toujours au poste de gardien de but. Une belle trouvaille.
Dans les deux premiers temps, la caméra est portée pour rendre compte de l’énergie et des soubresauts de la vie. En revanche, dans la dernière étape du parcours des personnages centraux,  la caméra se pose, s’assagit, car la préparation physique et mentale des nouvelles recrues, par les «frères», commence. Cela jusqu’au moment où l’Imam Abou Zubair leur annonce qu’ils ont été choisis pour devenir des martyrs...et leur donne rendez-vous au paradis. La scène marquante où il donne l’accolade à Yachine incarne le comble de la manipulation. D’où le titre du film, car l’expression « Volez Chevaux de Dieu » signifie l’appel au Djihad.
La qualité et la force de la dernière partie du film sont dues au fait que Ayouch filme les «frères» radicaux sans jamais vouloir les rendre antipathiques ou détestables, de manière primaire, il n’y va pas par le sentiment mais par la raison, la logique et la déduction. Aussi,  démonte-t-il tout le mécanisme complexe qui conduit à la manipulation des esprits, tout en le dénonçant de façon claire et nette. Comment peut-on convaincre des jeunes de semer la mort en s’explosant ? Comment des extrémistes en arrivent-ils à mettre sous leur emprise ces quartiers de la misère et du désespoir ? Si ce n’est en raison de la pauvreté, du manque d’éducation, de structures familiales et d’institutions publiques prenant en charge enfants, ados et jeunes. Très documenté et fouillé, ce film a, de ce fait, des allures de documentaire. Ce qui est accentué par «le casting sauvage», si réussi, les acteurs n’étant nullement des professionnels. Cela afin de sauvegarder ce côté réalité-fiction.
Abdelhakim Rachid (Yachine) et Abdelilah Rachid (Hamid), les interprètes des rôles des deux frères, et tous les autres, d’ailleurs, sont, il est vrai, d’un naturel incroyable. C’est qu’ils sont eux-mêmes issus du bidonville de Sidi Moumen.
Ainsi, comme il y a plus de dix ans avec Ali Zaoua, le prince de la rue, inspiré de Pixote, la loi du plus faible du Brésilien Hector Babenco, Ayouch marque les JCC avec un opus bouleversant et émouvant, bien écrit, filmé, casté, musiqué et joué.
Jusqu’ici c’est vraiment le film du festival. Tanitable.
Auteur : Samira DAMI

jcc 2012- propos festivaliers


Un bon cru et des sections édifiantes, malgré tout

 La 24e édition des JCC touche à sa fin. Dans deux jours, auront lieu la clôture et la proclamation du palmarès. Entretemps, le marathon cinéphilique continue de plus belle, le public court les films de toutes nationalités, notamment arabes et africaines. Tunis s’anime et veille tard, grâce aux JCC, ce qui rompt le quotidien d’une ville, d’habitude, désertée dès 20h00, surtout suite aux problèmes de sécurité qu’a connus le pays.
On aura tout dit sur l’organisation, notamment lors de la soirée d’ouverture où un grand nombre de professionnels n’ont pu accéder à la salle Le Colisée, en raison de l’affluence du public et de l’absence de filtrage. Espérons qu’il en sera autrement pour la cérémonie de clôture. D’aucuns ont vu d’un mauvais œil la tranche musicale qui s’est taillée la part du lion lors de l’ouverture comme si le cinéma ne se suffisait pas à lui-même, d’autant que les troupes africaines qui ont animé la soirée n’étaient pas des plus performantes. Bien au contraire...
D’autres ont déploré les conditions de projection, telle l’absence de mise au point ou l’interruption des films en leur beau milieu ou vers la fin. Ce qui est dû, en fait, au nouveau matériel de projection en numérique DCP (Digital cinéma package) dont la maîtrise n’est pas totalement assurée. Sans compter quelques reports de films dans la programmation.
Cette édition, comme toutes les précédentes, d’ailleurs, (mais certains ont la mémoire courte) a connu des problèmes d’organisation et de qualité du concept du spectacle de l’ouverture. Mais, rendons  à César ce qui lui appartient, car ce qu’on oublie de dire c’est que cette 24e édition se distingue par un bon cru cinématographique et des opus d’une grande qualité, aussi bien dans la section compétition, entre fictions et documentaires, que dans celles des hommages, «Cinémas du Monde», «Ecrans d’à venir», «Perspectives» et autres. En se focalisant sur les films arabes et africains en lice, on remarquera que plusieurs dans le lot forcent le respect et l’admiration tant ils interpellent et émeuvent. Citons en : Les Chevaux de Dieu du marocain Nabil Ayouch, La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré, Tout va bien ici de l’Angolaise Pocas Pascoal, Virgin Margarida du Mozambicain Licinio Azevedo, Toiles d’Araignées du Malien Ibrahima Touré et nous en passons.
De quoi forger sa culture cinéphile
 Rien qu’en fréquentant les sections «Hommages» à des cinéastes arabes et africains, entre autres Souleymane Cissé (Mali) et Tawfiq Salah (Egypte) et au cinéma algérien, sans compter la section spéciale «Le cinéma retrouvé» qui offre la rare opportunité au public et surtout aux amoureux du cinéma de découvrir dans des versions restaurées des joyaux filmiques de l’histoire du cinéma et de sensibiliser, ainsi, les spectateurs et les autorités à la nécessité de sauvegarder le patrimoine cinématographique. Il y a, donc là, pour un jeune cinéphile, et a fortiori un étudiant en cinéma, de quoi contribuer largement à nourrir et à forger sa culture cinématographique et cinéphile. Mais à condition de le vouloir. Il n’y a, donc, qu’à suivre assidûment ces sections, comprenant pas moins d’une quarantaine de films, pour s’apercevoir que la plupart sont soit des plus marquants soit de purs chefs-d’œuvre. Car comment peut-on (le public jeune surtout) zapper, si on ne les a pas encore vus, des films de la trempe de Nahla de Farouk Belloufa, La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina, Omar Gatlatou de Marzak Alouache, Les révoltés, Journal d’un substitut de campagne et Les Dupes de Tawfiq Salah, Baara, Finyé (Le vent) et Yeleen (La lumière) de Souleymane Cissé, Carnets de notes pour une Orestie africaine de Pier Paolo Pasolini, Voyage en Italie de Roberto Rossellini, Touki Bouki de Djibril Diop Mambety, La Momie de Chadi Abdesselem, Transes d’Ahmed Maânouni et tant d’autres.
En présentant son film Les Chevaux de Dieu, en compétition officielle, le cinéaste marocain Nabil Ayouch a exprimé toute son admiration d’abord pour les Tunisiens qui ont attiré tous les regards du monde vers eux grâce à la révolution «On vous a admiré et suivi, continuez à résister et ne laissez rien passer... ». Il a ensuite dit tout le bien qu’il pense du public des JCC : «Mes meilleurs moments de cinéaste je les ai passés avec vous, il y dix ans, quand  vous avez tant aimé mon film Ali Zaoua. Les problèmes d’organisation on s’en fiche, car il arrive qu’il y ait des couacs, le plus important c’est la particularité des JCC dont la marque de fabrique est la cinéphilie et le public formidable».Voilà un beau témoignage qui reflète comment est perçue cette manifestation du dehors. Ce qui ne veut nullement dire qu’on peut se permettre de négliger l’organisation, mais cela veut dire aussi qu’il ne faut pas braquer les projecteurs uniquement sur la forme. Car tout festival suppose non seulement la qualité de la forme,  mais aussi celle du contenu et cette interaction incontournable et nécessaire avec le public qui doit venir nombreux à la rencontre et à la découverte des films. Or, cette synergie et complicité ne peuvent exister sans cette cinéphilie tant convoitée par tous les festivals du monde.
S.D.