mardi 30 octobre 2012

Les leçons aux médias : ça suffit.


Y en a vraiment marre : de plus en plus, n’importe qui sévit dans les studios et les plateaux pour se complaire  dans la critique et l’insulte des médias nationaux, comme bon lui semble, sans argumentaire fondé et sensé. Ces détracteurs de la presse écrite et audiovisuelle s’autoproclament «protecteurs de la révolution», alors que personne ne leur a demandé de la protéger surtout qu’ils n’y ont pas participé. Car, ce sont, seulement, les martyrs, les blessés, les démuni (e)s aux mains calleuses, les chômeurs et les damnés de la Tunisie profonde qui ont façonné, dans un souffle vaillant de révolte contre l’oppression, le chômage, la misère et le manque de dignité, la Révolution que tout le monde, entre «loups et chacals», veut voler et s’approprier. 
Outre certaines figures politiques des partis au pouvoir, les derniers individus en date à s’attaquer aux journalistes et à s’ériger en donneurs de leçons, sont ceux qui chapeautent, aujourd’hui, la campagne  Ikbiss. Tel ce Mosaâb Ben Ammar, surgi d’on ne sait où, qui, interrogé, la semaine dernière, par deux chaînes locales au moins, a noyé les téléspectateurs sous une avalanche d’accusations primaires, généralisatrices et insultantes sur l’incompétence, ainsi que le manque d’objectivité et de professionnalisme des journalistes. Qui, selon lui, " roulent, à quelques exceptions prés, pour l’agenda politique de l’opposition, contre celui de la Troika" (sic). Encore une fois prévaut la théorie du complot, chère à ceux qui, faute de vrais arguments convaincants, sombrent dans la paranoïa, le délire et la manipulation idéologique. Ce hâbleur qui brasse le vent de la haine et de la violence verbale, méritait-il qu’on l’invite dans les studios et qu’on lui tende le micro pour pérorer et répéter à l’envi la leçon que «ses employeurs » lui ont «grassement dictée » et apprise. 
Pis, comme tant d’autres détracteurs, il n’évoque aucun exemple précis de manquement à  la profession, mais de vagues diatribes laissant entendre qu’avec ses compères, il a trouvé la solution à  tous les maux des médias, la meilleure voie pour sortir de l’ornière : «c’est de faire du journalisme révolutionnaire», comprenez de propagande, façon caresses dans le sens du poil, à l’endroit du gouvernement et des partis au pouvoir, notamment Ennahdha. Qui, pourtant, hante le paysage médiatique à travers les infos, les débats, les entretiens, etc. Trêve de populisme et de manipulation des esprits, car seuls les spécialistes, entre chercheurs et universitaires, nourris des connaissances scientifiques et pédagogiques requises, peuvent évaluer la prestation des médias par l’analyse quantitative et qualitative de leurs produits. Et souhaitons qu’ils le fassent afin de rabattre le caquet à beaucoup d’intrus qui conçoivent l’information non pas comme un quatrième pouvoir mais comme un pouvoir à mettre à genoux, dans une sorte de nostalgie d’un temps révolu. A preuve quand les journalistes essayent de faire leur métier à chaud sur le terrain pour relater la réalité, telle quelle, par l’image et le son aux millions de téléspectateurs, ils sont violentés tantôt par les citoyens ou les milices qui s’en prennent également à la caméra, tantôt par les forces de l’ordre. Et les exemples sont nombreux, notamment lors de la couverture de manifestations, sit-in et grèves. La dernière agression en date est celle subie par les journalistes Zouhour Marzouki et Moez Sliman de la chaîne El Hiwar Ettounssi qui ont été agressés, lors de la couverture de la manifestation de Gabès, par les forces de l’ordre. Ensuite le journaliste-cameraman a été, selon la déclaration de la correspondante, «emmené au poste de police, où il a été menotté et mis à genoux, insulté et agressé verbalement et physiquement à coups de matraque sur la tête et sur toutes les parties du corps avec en sus un chapelet d’insultes  indécentes le visant ainsi que le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Le cameraman, qui a dû être transporté à l’hôpital, considère que «ces agissements ont pour but d’intimider et de terroriser les journalistes afin de les faire taire et de les empêcher de faire leur métier et d’informer le public». Cette attitude agressive et violente à l'égard des journalistes et pareil traitement montrent qu’il n’existe pas de réelle volonté du gouvernement  de laisser les médias travailler librement dans la transparence et qu' au contraire c'est la volonté d’occulter et de censurer l’information qui prévaut. Désolant tout ça, a fortiori dans une période de transition démocratique.

jeudi 25 octobre 2012


Crise à Dar Assabah

Le dénouement

 A en croire les déclarations de hauts responsables gouvernementaux et syndicaux relayées par les médias ces dernières 48 heures, la crise de Dar Assabah s’achemine vers un dénouement proche.
Les nouvelles font, en effet, état d’un accord entre le gouvernement et la centrale syndicale ouvrière.
Un accord confirmé hier par Khalil Zaouia et Houcine Abbassi (voir encadré) et qui intervient après 57 jours de sit-in et 13 de grève de la faim.
Pour se faire une idée plus précise de la situation, nous avons interrogé Nabil Jmour, S.G. du syndicat de la culture et de l’information, Assia Atrouss, journaliste, et Lotfi Touati, D.G. de Dar Assabah.
Détails.
Nabil Jmour, secrétaire général du Syndicat de la culture et de l’information, raconte les péripéties de la levée de la grève de la faim à Dar Assabah : «Lundi dernier vers 23h00, le S.G. de l’Ugtt, Hassine Abassi, s’est déplacé à Dar Assabah et a rencontré les journalistes grévistes de la faim et les sit-inneurs du personnel de la ‘‘maison’’ et leur a assuré qu’il y a eu un accord sur tous les points de leurs revendications et qu’il s’engageait, en tant que S.G. de l’Ugtt, à la finalisation de l’accord par écrit mardi, ou au plus tard mercredi prochains. Il a également évoqué la bonne ambiance dans laquelle s’est déroulée la réunion. Apprenant la bonne nouvelle, les sit-inneurs et grévistes de la faim de Dar Assabah, rassurés, ont, alors, décidé à l’unanimité de lever la grève de la faim qui a duré 13 jours et de maintenir le sit-in qui  dure depuis 57 jours dans   l’attente de l’application de cet accord».
Et de poursuivre : «En tant que S.G. du Syndicat de la culture et de l’information, je ne peux que saluer ces accords qui ne peuvent, une fois appliqués, que désamorcer la crise et ses causes. Je salue, enfin, cette fin heureuse qui mettra, espérons-le, un terme à deux mois de crise à Dar Assabah».
De son côté, Assia Atrouss, journaliste, exprime son optimisme, mais reste vigilante : «Ce ne sont que des promesses, mais je suis optimiste car j’ai confiance, ainsi que mes collègues d’ailleurs, en le secrétaire général de l’Ugtt. Officiellement, rien n’a été encore décidé, nous attendons la finalisation concrète de ces accords. Nous espérons que ce triste feuilleton qui dure depuis Ramadan, donc depuis deux mois, sera clôturé définitivement par un happy-end afin que nous puissions revenir à des conditions normales de travail. Nous sommes dans l’expectative et dans l’attente de la concrétisation de ces promesses, à défaut, la bataille continue».
Contacté, Lotfi Touati, directeur général de Dar Assabah, nous a affirmé : «Officiellement, je n’ai pas de données objectives, mais s’il existe des points sur lesquels MM. Jebali et Abassi se sont mis d’accord, je serais heureux de les voir appliquer. Le personnel de Dar Assabah a beaucoup de revendications, dont la titularisation des journalistes contractuels et le paiement des arriérés».
Interrogé sur la question de son départ, l’une des revendications du personnel et des journalistes de Dar Assabah, Lotfi Touati a répondu : «Concernant la décision de l’annulation de nomination, elle revient au conseil d’administration, qui comprend les représentants de l’Etat à hauteur de 80% et les représentants des actionnaires à 20%. Je ne verrais aucun inconvénient à toute décision qui sera prise et qui conviendra à tous. Je serai heureux de voir cette crise se dénouer et prendre fin».
S.D.

mardi 23 octobre 2012

Des partis de l'opposition manifestent contre la violence politique- Pour la dissolution des Ligues de protection de la Révolution


 Environ trois mille manifestants ont défilé hier dans une marche pacifique sur l’avenue Bourguiba à l’appel des partis d’opposition: Nida Tounès, Al Massar, le Front populaire et Al Joumhoury afin de dénoncer la violence politique et la «dictature naissante» du pouvoir en place, et ce, sous haute protection sécuritaire.
Des représentants de ces partis politiques, d’associations de la société civile et des personnalités nationales ont participé à cette manifestation qui s’est ébranlée de la statue Ibn-Khaldoun jusqu’à la place des Droits de l’Homme.
Plusieurs banderoles affichaient le portrait du regretté Lotfi Nagdh, président de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche (Urap) à Tataouine et coordinateur général de Nida Tounès dans la région, mort jeudi dernier des suites de ses blessures dans un affrontement avec des membres de la Ligue de la protection de la révolution constituée d’adhérents d’Ennahdha, du CPR, de l’UDU et d’autres associations. D’autres pancartes mentionnaient : «Lotfi Nagdh, le martyr de la démocratie » ainsi que des slogans dénonçant la violence tels: «Non aux gangs de la mort», «Non à la violence et non au retour de la dictature», «Le peuple veut libérer le ministère de l’Intérieur». «Non aux ligues de la protection de la révolution», «Oui à leur dissolution», «Oui à la neutralité des ministères de souveraineté»,  «Oui à l’indépendance de la justice et des médias».
Slim Ben Abdessalem, constituant indépendant, déplore sous la clameur des slogans scandés par les manifestants: «J’aurais aimé que la manifestation se fasse de manière non partisane, c’est-à-dire sans les banderoles des partis, car le message serait mieux passé. Je participe à cette «manif» en souvenir du regretté Lotfi Nagdh et contre la violence politique.
Je suis contre les ligues de protection de la Révolution car j’estime que la légitimité est élective et revient donc à l’Assemblée nationale constituante et non à ces comités qui doivent être dissous».
Les groupes de manifestants des partis défilent encadrés par des services d’ordre très vigilants. Les slogans des manifestants du Front populaire expriment une certaine particularité par rapport à ceux des autres partis du genre: «La Essebsi, la Jebali ethawra, thawret zawali» (ni Essebsi, ni Jebali, la révolution est celle des démunis), «Le peuple veut la chute du régime», «Y a zawali, ya meskin, dhahkhou alik bi’sm eddine» (ô pauvre démuni, ils t’ont eu au nom de la religion), «Ennahdha wal Nida aâda el chouhada» (Ennahdha et Nida Tounès ennemis des martyrs», etc.
Jamel Bida, avocat et ancien secrétaire général de l’Ordre des avocats, se trouvait au premier rang des manifestants du Front populaire aux côtés de Chokri Belaïd et de Ahmed Khaskhoussi et Mohamed Brahmi. Emporté par la foule, il nous lance à tue-tête: «Je suis là contre la violence et l’assassinat politiques qui annoncent clairement le retour à la dictature façon Ben Ali. Je crois dur comme fer que nous devons nous unir contre cette dictature naissante tout en ayant à l’esprit que le peuple qui a causé la chute de Ben Ali peut causer celle de ce pouvoir affreux et méchant».
Pour Moncef Letaïef, réalisateur, les objectifs de cette marche sont clairs: «La dissolution desdits comités ou ligues de protection de la révolution et la nomination de personnalités indépendantes à la tête des ministères de souveraineté: la Justice, l’Intérieur et les Affaires étrangères, afin d’assurer la neutralité et l’impartialité de ces ministères.
Les adeptes de la violence politique veulent instaurer, en fait, un climat de peur et d’intimidation à l’approche des élections législatives et présidentielle.  L’enjeu de tous ces dépassements et dérives du pouvoir en place n’est autre que les élections».
Parmi les manifestants de Nida Tounès défile aux côtés de Mohsen Marzouki et Taïeb Baccouche, Abdelaziz Mzoughi qui nous affirme que «si le gouvernement ne sévit pas pour assurer la sécurité, tous les partis vont assurer, par leurs propres moyens, leur sécurité et leur défense».
Arrivé devant le ministère de l’Intérieur, le groupe des partis El Massar et El Joumhoury lancent des slogans du genre: «Ali Laârayedh, dégage», «Le ministère de l’Intérieur, ministère terroriste», «Tarrouche menteur», les femmes poussent des youyous. Au premier rang de ce groupe défilent Ahmed Brahim, Samir Taïeb, Néjib et Issam Chebbi, Iyed Dahmani, Selma Baccar et bien d’autres.
Saïd Aïdi, ancien ministre de l’Emploi, dans le gouvernement Essebsi, est aussi de la partie : «Tous les partis qui ont appelé à cette manifestation s’élèvent contre la violence politique après ce qui s’est passé à Tataouine où un citoyen a trouvé la mort après les appels à la haine et au meurtre. La Troïka a une responsabilité plus que morale. Or, on a dépassé la ligne rouge pour manquement moral. Après les événements devant et dans l’ambassade des Etats-Unis et cet assassinat politique, l’image de la Tunisie est politiquement entachée de sang.
Nous devons tous nous lever contre la violence et le meurtre politique. Nous demandons, donc, la dissolution de ces comités et ligues dits de protection de la Révolution qui ne font que salir l’image de la Tunisie».
Iyed Dahmani, lui, est du même avis: «Ces comités qui nous rappellent les pasdarans en Iran doivent être dissous et les ministères de souveraineté doivent être dirigés, afin d’assurer des élections présidentielle et législatives libres et transparentes, par des personnalités indépendantes et neutres».
                          

dimanche 21 octobre 2012


RETROVISION DU 21 OCTOBRE

Une grève fructueuse

Une première dans l’histoire du journalisme en Tunisie et ce, depuis l’indépendance : le mercredi 17 octobre une journée de grève générale a été observée par les journalistes tunisiens tous médias confondus. Une grève décidée par leur syndicat (Snjt) après avoir, selon lui, «épuisé toutes les voies du dialogue». Bref, ce jour là les téléspectateurs ont vu un «spectacle» inhabituel sur la chaîne publique : l’homme ou la femme- tronc  qui présente chaque soir les infos du 20H00 sur El Watanya 1 a disparu de l’écran pour laisser place à une voix off lisant les principaux titres et quelques brèves. L’édition n’a pas duré plus de 5 minutes. Idem pour toutes les éditions de cette journée de revendications des libertés d’information et d’expression incontournables pour instaurer une réelle démocratie. Même scénario, à quelques exceptions prés, sur les chaînes de télés privées, mais aussi sur les ondes des radios publiques et privées, à quelques exceptions prés, et cela dans tout le territoire de la République.
Les habituelles émissions d’information se sont focalisées sur les motifs et objectifs de la grève avec un zoom sur la liberté d’expression, la crise du quotidien Dar Essabah, où après plus de 50 jours de grève, plus d’une dizaine de journalistes ont repris, après l’échec des négociations avec les autorités  la grève de la faim en raison de la nomination parachutée d’un nouveau directeur général, Lotfi Touati, sans critères objectifs, ni concertations avec les professionnels et leurs représentants. Il fallait zoomer aussi sur la précarité qui prévaut dans le secteur, les difficultés de la profession dans les régions, la violence contre les journalistes et autres.
Fictions à la télé et musique à la radio ont remplacé les programmes politiques coutumiers entre débats et entretiens…Le contenu médiatique a changé du tout au tout au cours de cette journée dans la presse audiovisuelle et le lendemain dans la presse écrite. Il faut dire que «la grève a été à 90% suivie, donc réussie» selon le Syndicat national des journalistes tunisiens, sans compter le soutien de partis politique et de l’Ugtt, la société civile, d’artistes et de nombres d’organisations nationales et internationales ainsi que les Fédérations internationales et arabes des journalistes et 320 médias arabes qui ont observé une grève de soutien d’une heure en signe de solidarité.
 Bref, ce service minimum assuré par les médias de la presse audiovisuelle et écrite peut être interprété par certains téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs comme un manquement à la profession du fait qu’ils ont été privés d’information, mais si l’on sait qu’être privé de l’info durant une journée pour une noble cause, soit une presse libre et inaliénable quelques soient les pouvoirs et les gouvernements. D’autant que plusieurs voix s’élèvent et tirent la sonnette d’alarme sur la menace qui plane sur les acquis de la liberté de l’information et de l’expression. 
Or, l’un des plus grands acquis, après le 14 janvier, n’est autre que la liberté d’informer, surtout après les années asphyxiante d’un temps révolu où les médias véhiculaient le mensonge, la propagande, la manipulation et la répression des journalistes libres et indépendants. Aujourd’hui les médias publics et privés doivent jouer leur rôle qui ne consiste pas seulement à refléter les activités du gouvernement mais aussi les préoccupations du peuple et la réalité crue telle qu’elle est, mais surtout pas maquillée comme du temps de Ben Ali. Refuser la critique et la liberté de ton, vouloir domestiquer l’information marque, en fait, une volonté manifeste de retour à la case départ. Mais l’annonce, quoique tardive, par le gouvernement, lors même de la journée de la grève, de l’activation des décrets 115 et 116, garantissant la liberté de presse, a été accueillie avec satisfaction par les journalistes d’autant qu’il s’agit de l’une des revendications essentielles de la profession.
Cette grève générale observée dans le but de renouer le dialogue avec le gouvernement n’a donc pas été vaine, puisque le gouvernement s’est, par ailleurs, dit «toujours ouvert au dialogue» et aux questions qui concernent le secteur de l’information ainsi que la situation sociale dans certaines entreprises médiatiques. Voilà qui donne à espérer pour la suite des autres revendications du Snjt et de la profession.

Voyeurisme pur jus

En l’intervalle d’un mois l’émission Labbés ne recule devant rien pour créer de l’audimat. En pleine affaire  du viol de la jeune fille par deux policiers, dans la banlieue nord de Tunis, alors que la société civile s’émouvait, manifestait et se mobilisait, l’animateur de l’émission n’a pas trouvé mieux que de faire «passer la victime aux aveux» avec force détails. La jeune femme devait restituer le déroulé du drame qu’elle a vécu. Ce qui s’appelle du voyeurisme pur jus.
Rebelote lors de l’émission de la semaine dernière : l’animateur a invité une prostituée impliquée dans un réseau Tuniso-libanais et là aussi la victime a dû mobiliser toutes ses ressources pour relater les faits et les méfaits d’un véritable esclavage. Certes les visages des deux invitées étaient floutés, mais aucune déontologie ou éthique journalistique ne justifie un traitement aussi cru de ces deux situations. Ce n’est pas en recourant à la technique du divan, en jouant sur les instincts, les pulsions et les fantasmes, qu’on peut dénoncer comme le prétend l’animateur, le viol et le proxénétisme ou autres travers et tares sociales. Pédagogiquement pour sensibiliser, conscientiser et dénoncer il fallait plutôt opter pour un genre approprié, l’enquête d’investigation à même de fournir aux téléspectateurs le reportage, des témoignages, l’explication de l’expert pour donner du sens à ces problèmes de société et  ces drames. Il s’agit de mettre en perspective ces cas en apportant des éclairages de différents angles : interroger la police, la douane, des sociologues, mener les téléspectateurs sur les traces du réseau, dénicher ces cabarets au Liban, les filmer, voire, etc.  Mais non pas soumettre ces deux victimes à une véritable torture, façon interrogatoire, en les obligeant à revivre, des moments traumatisants qui relèvent de l’intimité la plus profonde et se permettre, par ailleurs, d’agresser le public, de tous âges, supposé, en fait, regarder une variété et non une émission socio-tragique. Il y a, donc, un souci d’équilibre, de pédagogie et de cohérence à observer afin de ne pas sombrer dans le voyeurisme le plus abject.Vivement la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) !
S.D.

Une marche politique dégénère à Tataouine


• Le président de l’Urap et coordinateur régional de «Nida Tounès», Lotfi Nakdh décède
• Huit blessés dont quatre grièvement

Un mort et huit blessés, tel est le bilan des affrontements qui se sont déroulés au cours de la marche organisée hier à Tataouine.
Ces actes de violence ont pris à partie la Ligue de la protection de la Révolution, des militants des partis d’Ennahdha, du CPR, de l’Union démocratique unioniste ainsi que  plusieurs associations, d’un côté, et des membres de l’Urap, de l’autre. Selon les témoignages recueillis auprès de nos sources sur place, la marche a commencé vers 10h00 de manière pacifique et avait pour but, ont estimé les organisateurs, «d’assainir les administrations régionales des symboles de l’ancien régime».
Les participants à la marche avaient une liste de responsables comprenant le président régional de l’artisanat, le secrétaire général de la municipalité, les responsables de l’Unft et de la sécurité sociale, ainsi que le président de l’Urap (Union régionale de l’agriculture et de la pêche) M. Lotfi Nagdh, nommé à ce poste après la Révolution et par ailleurs coordinateur régional du mouvement Nida Tounès.
Toujours selon nos sources : «Après avoir fait le tour des administrations en question, les participants à la marche se sont dirigés vers le bureau local de l’Urap où ils ont intimé l’ordre à M. Nagdh de quitter les lieux. C’est à ce moment là qu’il y a eu, selon les participants, des jets de pierres et de cocktail Molotov artisanal provenant de l’intérieur de l’Urap. Ce qui a provoqué un échange de violence, entre jets de pierres et coup à l’arme blanche devant le siège de l’Union.
Certains parmi les participants ont pénétré dans le local de l’Urap et violenté M. Naghd qui a été, ensuite, transporté agonisant à l’hôpital de Gabès où il est décédé. Le médecin légiste déterminera la cause de la mort du disparu : soit sous l’effet des coups violents ou suite à un arrêt cardiaque».
Parmi les huit blessés, quatre ont quitté l’hôpital et quatre autres, dont MM. Ajroudi et Bouchnak, se trouvent dans un état grave. De son côté, le porte-parole du mouvement Nida Tounès, Ridha Belhaj, a confirmé, hier, la mort du coordinateur régional du parti à la suite de violences. Voilà de quoi poser encore une fois le problème de la sécurité et du danger de pareilles marches qui dégénèrent facilement en affrontements, causant morts et blessés.
Plusieurs voix se sont élevées, ici et là, pour critiquer l’absence de la police qui n’est intervenue que tardivement, selon nos sources. Aux forces de sécurité et à la justice de jouer pleinement leur rôle, donc.

 L’UTAP demande l’ouverture d’une enquête judiciaire
Le président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Ahmed Hneider Jarallah, a réclamé l’ouverture d’une enquête judiciaire sur la mort du président régional de l’organisation agricole à Tataouine et coordinateur général du parti « Nida Tounès », Lotfi Nakdh.

Conférence de Dialogue National

Témoignages

 M. Slim Abdessalem (Indépendant) : «Le 23 octobre, on ne verra pas le pays à feu et à sang»
L’initiative de l’Ugtt a permis, entre autres, au patronat et à l’Ugtt de discuter ensemble. Sans compter l’intervention de M. Ahmed Mestiri qui nous a fait part de son expérience en partant de l’histoire et nous a conseillé d’éviter les mêmes erreurs commises par le passé. Concernant l’absence d’Ennahdha et  du CPR, je dirais que c’est leur affaire et je ne m’y ingère pas.
Mais cette initiative de l’Ugtt implique la participation de tous les partis. Et cela aurait été bon de voir tous les partis y participer pour le bien du pays.
Par cette initiative, les choses ont l’air de se calmer et toute l’agitation qu’on a vue autour du 23 octobre n’aura été qu’une agitation verbale et on ne verra pas le pays à feu et à sang.
J’espère qu’on va continuer sur cette  voie. Quant aux dates proposées par la Troïka, elles sont intenables, illogiques et insensées. C’est  impossible de faire les élections le 23 juin. D’autant que la Constitution nécessite encore l’étude de 200 articles avec les éventuels amendements, sans compter les plénières, le vote de la loi de finances qui prendra trois semaines, en décembre et autres lois et échéances. Cela outre la campagne elle-même qui prendra deux mois si jamais il y a consensus au 2/3 et qu’on ne recoure pas au référendum.

Hamma Hammami (Front populaire) : «Je déplore le huis clos et l’absence de la presse aux assises de la conférence»
Parmi les principaux problèmes que nous avons soulevés — dans nos interventions — c’est l’absence de la presse dans la salle pour assister aux assises de la conférence. Les journalistes auraient dû, comme ils l’ont fait, lors de la séance d’ouverture, être présents pour écouter les interventions des partis politiques et de la société civile afin de communiquer nos propositions à l’opinion publique.
Je déplore que l’Ugtt, la Ligue des droits de l’Homme et l’Ordre national des avocats aient opté pour ce choix. Les autres points que nous avons soulevés, ce sont le calendrier des élections, proposé par la Troïka, la conjoncture tendue dans le pays qui ne peut être limitée à la question du calendrier, mais qui doit englober les questions de la justice, l’administration, l’information, le système éducatif, la répression, les contestations sociales, ainsi que la nécessité de relâcher les personnes arrêtées suite à des revendications sociales, etc.
L’absence d’Ennahdha et du CPR et la non-participation des trois présidents au dialogue ont été également soulevées. Ce comportement reflète le manque de prise de conscience de la profondeur de la crise que connaît le pays.
L’absence de certains partis a des conséquences sur ce dialogue car Ennahdha et le CPR fuient la critique et les propositions, c’est comme s’ils nous disaient dites ce que vous voulez, nous déciderons après. Ce dialogue est donc partiel car le reste du dialogue se fera sur le terrain de manière pacifique.
Nous avons également évoqué les libertés, la nécessité des réformes ainsi que les décisions économiques et sociales qu’exige actuellement le pays. Car, aujourd’hui la crise est sérieuse, elle est aussi bien politique que sociale. Et cette histoire de la réunion du 18 octobre est superflue. Que vont proposer les partis qui étaient absents, aujourd’hui, il fallait qu’ils soient avec nous pour discuter et débattre de tous les problèmes qui constituent un frein au processus de transition démocratique.

Selma Baccar (Al Massar) : «Il  y a des failles… qui sont des signes positifs»
Pour le citoyen, peu importe qui a pris l’initiative, l’essentiel à ses yeux c’est le consensus sur un calendrier, sur une conception et une vision qui assure une vraie démocratie en mettant en place les structures principales, l’Isie, les instances de la magistrature et de l’information. C’est ça le vrai enjeu, parce que pour l’esprit de la Constitution, on est plus ou moins rassuré. J’ai eu des craintes mais depuis la séance avec la commission de coordination, on est en train d’aller vers un consensus.
Reste la bataille à propos de la nature du pouvoir: qu’entend-on par  régime mixte ?
Je suis relativement optimiste par rapport à la Constitution et aujourd’hui, je vois toutes les forces réunies autour d’une telle initiative, ça ne peut que m’apporter de l’espoir parce que je suis pour un accord entre les partis, la société civile, l’Ugtt, l’Utica, la Ligue des droits de l’Homme, l’Ordre des avocats. Cela ne peut que prédire un avenir meilleur. Mais ça ne veut pas dire qu’on est au bout de nos peines. Il reste encore un long chemin à parcourir. Je pense qu’on commence à découvrir le vrai chemin de la démocratie qui ne peut aboutir sans le dialogue et l’écoute de l’autre. Or jusqu’à présent, on se trouve comme dans un drame kafkaïen car la moitié de la société est autiste. Aujourd’hui, malgré l’absence d’Ennahdha et du CPR, il y a des failles. Moncef Marzouki et Hammadi Jebali étaient là aussi.
Ces failles sont à mes yeux des signes positifs et même M. Lotfi Zitoun, malgré ses différends avec les médias, est là bien sûr pour accompagner son président mais il est là quand même.
C’est une image équivoque mais qui peut être un signe: on  peut être différent et être d’accord, mais c’est le dialogue de sourds qui est nuisible et peut mettre le pays en danger.

Radhia Nasraoui (Organisation de lutte contre la torture en Tunisie) : «Les participants sont contre le calendrier de la Troïka»
Plusieurs représentants de partis ont pris la parole pour donner leurs avis sur les problèmes que vit actuellement la Tunisie, et sur le calendrier des élections proposé par la Troïka. Des critiques ont été faites sur la date du 23 juin, les participants trouvent que ce n’est pas raisonnable car au mois de juin se déroulent les examens, la moisson agricole, la saison touristique, etc.
Ils rejettent ce calendrier et proposent que ce soit l’Isie qui avance des propositions sur le calendrier des élections.
Le problème des détenus de la région de Sidi Bouzid a été également soulevé. Les participants ont demandé leur relâchement et ont dressé un tableau noir de la situation dans le pays mais le représentant d’Ettakatol, M. Mouldi Riahi, a trouvé que c’était exagéré.
En tant que représentante de l’Octt, j’ai soulevé le problème de la torture qui perdure dans les prisons et postes de police. La situation n’a pas changé et cette pratique moyenâgeuse continue et je n’ai pas l’impression que le pouvoir en place fait quelque chose. C’est vrai qu’on ne peut pas éradiquer la torture du jour au lendemain, c’est une pratique à laquelle les policiers et les gardiens de prison se sont habitués pendant des dizaines d’années. Mais au moins que le pouvoir montre qu’il prend les mesures nécessaires pour freiner cette pratique, aujourd’hui systématique, et qui a pour objectif de faire taire les Tunisiens comme au temps de Ben Ali.

Chokri Belaïd (Front populaire) : «Les responsables de la crise du pays sont absents»
Notre intervention a consisté en quatre points : le calendrier des élections, le contexte général et les mesures urgentes à prendre pour créer un climat positif à même de nous mener à des élections transparentes, libres et démocratiques selon les normes internationales.
Cette Conférence de dialogue national a vu le jour parce que tout le monde reconnaît qu’il y a une crise sociale, économique et politique asphyxiante dans le pays. Or, nous pensons que celui qui est responsable de cette crise n’est autre que le gouvernement et essentiellement Ennahdha. Mais celui qui est responsable de la crise ne peut y apporter les solutions nécessaires. Donc, il faut mettre en place un gouvernement de crise qui ne dépasserait pas 15 membres, soit des compétences nationales qui n’auront pour tâche que d’étudier leurs dossiers sans possibilité de se présenter aux élections comme cela fut le cas sous le gouvernement provisoire avant les élections du 23 octobre.
Maintenant, l’absence du CPR et d’Ennahdha montre que ces deux partis favorisent leurs intérêts au détriment de ceux de la Tunisie. Ils poussent donc le pays à sombrer davantage dans la crise et les tensions sociales sans compter la détérioration de l’économie, la discorde politique, le chaos et l’inconnu. Ce qui montre un manque de responsabilité. Or, le pays ne peut plus supporter toutes ces protestations et grèves. L’absence des pouvoirs politiques, l’absence des services, les agressions contre les médias, les hommes et partis politiques de l’opposition, l’emprisonnement des contestataires, c’est ce que le parti majoritaire au pouvoir propose aux Tunisiens. Pis, il s’absente et refuse de trouver des solutions avec les autres partis politiques et la société civile.

Khemaïs  Ksila (Nida Tounès) : «Nous déplorons la politique de la chaise vide pratiquée par Ennahdha» 
Je pense que c’est une initiative qui était très attendue par l’opinion publique. La séance d’ouverture était très réussie et a rassemblé tout le monde, les partis, la société civile, les organisations des droits de l’Homme,  féminines, patronale, syndicale et judiciaires.
Je dirais que même les propositions des absents sont parvenues par l’intermédiaire des présidents de la République et du gouvernement qui étaient présents. Ce qui prouve que cette initiaitive nationale est intéressante et positive.
D’autant qu’elle est menée par l’organisation syndicale légitime. Les absents quant à eux  ont envoyé un signal négatif et nous déplorons la politique de la chaise vide pratiquée par Ennahdha et le CPR et je souhaite qu’ils révisent leur position.  Car, on ne peut dialoguer qu’avec ceux qui ont une opinion différente, on ne dialogue pas avec  soi-même.
Je ne crois pas que nous sommes visés ou responsables de l’absence d’Ennahdha et du CPR. Depuis un certain temps, nous avons gelé toute initiative partisane pour laisser le temps à l’Ugtt pour préparer ce congrès. Donc, nous sommes là avec notre feuille de route que nous allons proposer au débat et à la discussion et qui a été préparée en commun avec Al Joumhouri, Al Massar et nous sommes ouverts à toutes les propositions du Front populaire, de la Troïka et nous serons positifs.
La légitimité électorale doit être soutenue et élargie par un consensus autour d’une feuille de route claire afin de réussir le processus de transition démocratique.

Ahmed Khasskhoussi S.G. du Mouvement démocratique et social  : «Le 18 octobre est une ruse d’enfant, mais l’initiative de l’Ugtt balisera le chemin» 
Les constituants représentants de  la région de Sidi Bouzid en grève de la faim Ahmed Khasskhoussi et Brahmi ont été, à leur entrée dans la salle, fort applaudis par assistance. M. Khasskhoussi est ouvert à toute initiative qui viendrait de l’Ugtt qui a toujours constitué lors des années de braise un recours pour tous.
«Que dire, poursuit-il, quand il s’agit d’une période aussi délicate : échéance électorale, la nécessité de l’indépendance de la justice et de l’information. Nous sommes donc entièrement en accord avec cette initiative qui va baliser le chemin. Pour ceux qui s’isolent c’est une preuve de leur faiblesse et non de leur force.
Cela montre aussi qu’il est en deçà du colonisateur qui, lui, dialoguait avec les résistants. Ce mouvement est devenu sectaire et n’admet qu’un seul point de vue dans le but de changer la société, en l’islamisant, et la nature de l’Etat. Cela outre le fait que ce parti pousse les gens à la violence. Or, la démocratie c’est l’écoute de l’autre et le dialogue avec les moyens pacifiques.
L’initiative du 18 octobre est une ruse d’enfant qui ne croit pas au dialogue national. Leur but est de saper l’initiative de l’Ugtt qui est plus forte que ces manipulations simplistes et inutiles qui, au contraire, révèlent les intentions de leurs auteurs à l’opinion publique.
Les dates proposées par la Troïka prouvent qu’ils n’ont pas de sens politique ni de vision nationale qui leur permettraient de diriger le pays, chose qui exige d’eux de s’élever au-dessus des parties, la non-monopolisation de la chose politique et l’ouverture d’esprit».

Ahmed Brahim (Al Massar) : «Le chemin que prend le processus démocratique n’est pas logique»
L’initiative de l’Ugtt est importante et positive, mais la plupart des intervenants ont soulevé la nécessité de trouver des solutions à plusieurs problèmes sociaux, économiques, des libertés, la mise en place de l’Isie et des instances de la magistrature et de l’information.
Pour ma part, je soutiens que la logique partisane ne mène à rien d’autant que personne ne met en cause la légitimité des pouvoirs, les décisions, on le sait, se prennent à l’ANC. Donc la politique de la chaise vide ne sert à rien et j’espère que les partis absents à cette conférence reviendront à de meilleurs sentiments.
Je pense que ce qui prime actuellement, c’est de mettre en place l’Isie et de lui fournir les outils techniques de travail.
Et ce n’est qu’à la lumière des résultats obtenus par l’Isie que le calendrier des élections peut être fixé. Il y a aussi le fait d’organiser en même temps les élections présidentielle et législatives. C’est ce que faisait Ben Ali, c’est pourquoi il faut séparer les deux élections afin d’éviter toute confusion.
Voir le processus démocratique prendre ce chemin n’est pas logique. C’est pourquoi il faut que le dialogue s’instaure, ici, à l’ANC ou ailleurs, et qu’on arrête de chercher les prétextes. Il faut être sérieux et prendre les mesures urgentes nécessaires, si l’on veut vraiment un dialogue civique loin des différends et des tensions.
Prendre des décisions à sens unique et considérer l’ANC comme une caisse d’enregistrement n’est pas raisonnable. La seule sortie de crise n’est autre que le dialogue qui nous mènera au consensus.

Mouldi Riahi (Ettakatol) : «Certains représentants de groupes cherchaient le consensus  entre eux»
Nous avons participé à cette initiative parce que nous avons d’anciens liens avec l’Ugtt durant, notamment, les années de braise et beaucoup parmi nous sont adhérents à l’Ugtt et des responsables au sein de la Centrale à tous les niveaux.
A Ettakatol, nous appuyons tout ce qui relève du dialogue national et surtout avec ceux qui ne pensent pas comme nous.
Nous sommes d’accord sur les principes essentiels du document de la Conférence nationale : l’Etat civil, la démocratie républicaine, les acquis du peuple, les droits de l’Homme, la garantie des libertés, la citoyenneté, la justice, la rupture avec la dictature et la répression, la neutralité de l’administration, des mosquées, des institutions éducatives, la lutte contre le terrorisme, un modèle de développement qui éradique la pauvreté et stimule les investissements, etc.
Je salue donc l’initiative de l’Ugtt et, notamment, les efforts de M. Hassine Abassi, son S.G., qui a tenu à placer le dialogue sur la bonne voie afin que les intervenants ne dévient pas des thèmes à discuter et que ce dialogue ne se transforme pas en inimitié contre la Troïka.
Toutefois, certaines interventions de quelques représentants de partis politiques ne m’ont pas rassuré, surtout celles du Front populaire à l’instar de Hamma Hammami, Chokri Belaïd et Nizar Hamrouni. Leurs interventions n’avaient pour but que de critiquer la Troïka et de dresser un tableau noir de la situation politique et économique, comme si vraiment le pays est dans un état très critique.
Je m’attendais à des interventions plus raisonnables et plus efficaces politiquement et non pas à des diktats. Certaines interventions m’ont surpris en ce sens qu’elles manifestaient beaucoup de suspicion face aux propositions de la Troïka : quelques représentants de partis ont même parlé de gouvernement de salut national. M. Taïeb Baccouche, à qui je voue beaucoup de respect en tant qu’universitaire et acteur dans le paysage politique m’a surpris quand il a parlé de la nécessité d’un nouveau gouvernement après le 23 octobre, y compris des ministères de souveraineté, d’autres ont parlé de la nécessité de la suppression du ministère des Droits de l’Homme et j’en passe.
Les propositions de la Troïka concernent le système politique; elle est pour un système politique mixte. Mais ce ne sont que des propositions et nous sommes en quête d’un consensus surtout avec les groupes parlementaires et toute la société civile.
Dire donc que la Troïka confisque l’initiative de l’Ugtt est inadmissible et je ne considère pas que ce genre de propos est à même de faire avancer le dialogue national. Cela malgré les efforts de l’Ugtt. N’empêche que certaines interventions étaient raisonnables, celles de M. Abderrazak Hammami qui a évoqué la nécessité du consensus afin d’éviter la confrontation ou celle de M. Abdelwahab Héni, qui a parlé de consensus mais aussi d’élargissement du dialogue.
Je peux vous dire que sur les 38 interventions, les 2/3 visaient la surenchère et la rupture du dialogue, alors qu’Ettakatol a participé dans le but d’élargir le consensus. Je constate que ces gens-là cherchent un consensus entre eux et non pas avec la Troïka, ce qui ne facilite pas les choses, divise et fracture le paysage politique en deux pôles.
C’est Ettakatol qui a fortement poussé vers le maintien de Kamel Jendoubi en tant que président de l’Isie, et l’activation des décrets 115 et 116. Nos partenaires d’Ennahdha ont également accepté le système politique mixte. Il ne faudrait pas présenter ce parti comme ayant systématiquement des positions dures, car dans nos réunions on remarque souvent qu’il a des positions vraiment souples qu’on ne trouve pas dans les familles politiques plus proches de nos visions que ne le sont celles d’Ennahdha. Ce qui est étrange, c’est que tout le monde se positionne par rapport aux prochaines élections et non pas par rapport à des visions politiques et des choix pour un modèle social précis et cela au détriment, donc, des intérêts de la société. Ettakatol se trouve dans la Troïka afin d’éviter la bipolarisation. Or, je remarque, à mon plus grand regret, que certains veulent nous faire retourner à la case départ en divisant la société en islamistes et  en modernistes, comme si le Tunisien ne pouvait pas être musulman et moderne. Courant qui existe, en fait, au sein d’Ennahdha.
A Ettakatol, nous sommes attachés à l’Islam des lumières qui garantit les libertés et nous sommes avec le dialogue constructif qui ne divise pas, mais qui unit le paysage politique et la société.
Et j’attire l’attention que ce dialogue est un moyen pour arriver à un consensus qui mènera notre pays à des élections libres et transparentes pour une légitimité durable et l’application du nouveau «Destour», dans un Etat de droit où les libertés individuelles et collectives des citoyens sont garanties.
Témoignages recueillis par Samira DAMI



Actualités : Nation

Conférence de dialogue national - Interview exclusive de M. Hassine Abbassi, S.G. de l’Ugtt, à La Presse

« Notre initiative, une planche de salut pour tous »

« Notre initiative, une planche de salut pour tous »
Les travaux de la conférence de dialogue national, à  l’initiative de l’Ugtt, démarrent demain matin au Palais des Congrès de Tunis.
Participeront à ces assises plus de 35 partis politiques, 20 associations et organisations de la société civile, des personnalités nationales indépendantes et un certain nombre d’experts.
Cette initiative, lancée par l’Ugtt il y a quatre mois, est revenue sur le devant de la scène nationale suite à une série d’événements, de tiraillements et de tensions qui ont marqué ces dernières semaines le paysage politique national.
Aujourd’hui, l’ensemble de la classe politique semble reconnaître la dimension importante que revêt cette  initiative.
A une journée du démarrage de la conférence, La Presse a rencontré M. Hassine Abassi, secrétaire général de l’Ugtt, pour l’interroger sur les tenants et les aboutissants de cette initiative qui se présente comme une planche de salut tendue à toutes les forces politiques et qui permettra de dépasser, espérons-le, les divisions et controverses et de débloquer le processus de transition démocratique quasiment en panne. Interview.


Voulez-vous rappeler aux lecteurs de La Presse l’esprit et la lettre de votre initiative qui démarrera demain ?
Avant de répondre à votre question, j’aimerais faire un bref rappel : on s’est rendu compte qu’après la révolution du 14 janvier et les élections du 23 octobre, la situation du pays ne s’est pas stabilisée de la manière escomptée.
Les tiraillements se sont multipliés, les conflits se sont accentués. Pis encore, de multiples actes de violence se sont manifestés sous plusieurs formes : qui, a proclamé un émirat, qui, a incendié des postes de police, qui, a attaqué de nombreuses institutions de souveraineté et de service public.
Dès lors, on a pensé qu’une force doit émerger pour lancer une initiative afin de faire retomber les tensions et réunir autour d’une table les protagonistes, les acteurs politiques et autres parties concernées.
C’est donc à la suite de l’analyse minutieuse de la situation du pays qu’on a lancé cette initiative. Il s’agit, à cette occasion, d’élaborer un document de travail qui recèle une série de constantes et de principes inspirés des objectifs de la révolution.
On s’est dit pourquoi ne pas inviter les principaux acteurs politiques dans le but de faire des propositions et de trouver des solutions à tous ces problèmes. Dès lors qu’une partie souhaite réunir des protagonistes, elle doit mettre en avant des principes qui font l’objet d’un consensus entre les différents participants.
Toute la difficulté résidait dans le fait de trouver les dénominateurs communs entre les différentes parties prenantes. A la réflexion, nous n’avons pas trouvé mieux que de revenir à l’esprit du 14 janvier et même aux réalités qui ont prévalu avant la révolution.
Toutes les parties sont unanimes sur un certain nombre de points auxquels nous sommes revenus pour sauver le pays. Cette unanimité est d’autant plus vraie qu’elle était valable avant les élections du 23 octobre. Que dire alors, aujourd’hui, dans un contexte de légitimité issue de ces élections ! Depuis le mois de juin, nous avons pris contact avec les partis politiques dont plus de 95% sont d’accord avec notre initiative. Les 5% restants ont soit émis des réserves sur les thèmes, soit exprimé leur refus en raison de leur rejet de la révolution, tandis qu’une troisième catégorie parmi les protagonistes considère la démocratie, l’élaboration d’une Constitution ainsi que l’ensemble du processus démocratique engagé dans le pays comme une absurdité.