lundi 9 novembre 2015

Arrêt sur image annulation de «douz doc days»

Quand on freine la culture participative

La 5e édition des Journées documentaires de Douz (Douz Doc Days) qui devait se tenir du 12 au 17 octobre 2015 a été annulée.
C’est là la décision prise, récemment, par le fondateur et directeur de la manifestation, Hichem Ben Ammar.
Cela, selon lui, en raison du «manque de visibilité financière» et du «manque de moyens logistiques». En fait, le directeur du festival n’a pas pu réunir le budget nécessaire, car le British Council, qui soutenait financièrement la manifestation par un apport de 45.000 dinars, a décidé de se retirer progressivement de la manifestation. C’est pourquoi Hichem Ben Ammar a sollicité la somme manquante du ministère de la Culture, du Cnci (Centre national du cinéma et de l’image) et du ministère du Tourisme, «mais à dix jours du festival, déplore-t-il, aucune de ces parties n’a encore répondu». L’on comprend, donc, qu’il ait été dans l’obligation d’annuler la manifestation et d’épingler, ainsi, «la bureaucratie qui condamne, selon lui, les acteurs culturels à la désorganisation».
Le fondateur du Douz Doc Days ne comprend pas que «le festival soit qualifié, par le ministère de la Culture, de petit festival local qui ne nécessite pas un budget de 85.000 dinars, semant, ainsi, le doute dans les esprits. «Or, le ministère de la Culture, affirme Hichem Ben Ammar, n’a fourni que des prestations en payant des factures, seul le cnci nous a versé de l’argent en numéraire, en nous octroyant, l’année écoulée, la somme de 10.000 dinars. Comment donc le ministère peut-il demander des comptes à propos d’une somme, 85.000 dinars, qu’il ne nous a jamais attribuée».
En fait, quand on sait que le budget de la 1ère édition du festival international du film arabe de Gabès s’élève à 300.000 dinars, dont 50.000 dinars ont été octroyés par le ministère de la Culture, on peut se demander pourquoi cette politique des deux poids deux mesures, surtout que le projet de la 5e édition de «Douz Doc Days» était mûr.
Puisqu’un programme riche et varié a été annoncé par son fondateur, entre compétitions, séances spéciales, résidence d’écriture,  concours d’affiches audiovisuelles dans les écoles, concours de photos : «Douz aux yeux des femmes», conférence, table ronde, etc. 60 invités de qualité entre réalisateurs, critiques, amoureux du cinéma et autres.
Et on comprend, une fois encore, que Hichem Ben Ammar regrette que «le ministère de la culture favorise, ainsi, la culture du   spectacle et des paillettes aux dépens de la culture participative responsable et citoyenne». N’est-ce pas là une politique dissuasive qui pousse les acteurs culturels à baisser les bras.

Pour une culture participative
Tous croyaient, qu’après la révolution, de pareilles actions culturelles citoyennes trouveraient échos et encouragements auprès des autorités, mais, visiblement, il n’en est rien. D’autant que l’annulation de «Douz Doc Days» ne sera pas sans effets sur la région non seulement au niveau culturel mais aussi économique. Au plan culturel, la région perd un festival de qualité qui favorisait la cinéphilie dans la région ainsi que l’animation et la découverte cinématographiques et culturelles. Cela sans compter l’impact sur les jeunes puisqu’un ciné-club est né et des films sont réalisés.
Au plan économique, il faut dire que les 85.000 D sont pratiquement dépensés dans la région en hôtels, services, etc.
Mieux, «Douz doc days», on le voit, s’inscrit dans une optique de décentralisation culturelle à laquelle la constitution a appelé ; or, quand on constate que des actions du genre se retrouvent dans la trappe par manque d’aide et de soutien des autorités et des parties concernées, on ne peut que le déplorer et appeler, au contraire, à la valorisation et à l’encouragement de toute action de décentralisation culturelle, qui représente une opportunité réelle non seulement pour apporter et offrir la culture et les arts en tous genres aux populations des régions, notamment les jeunes, mais aussi favoriser la communication, l’échange, la participation et l’animation.
Cela surtout dans les régions qui connaissent une inertie et une absence d’actions et d’animation culturelles  alarmantes. A bon entendeur, salut !
Samira DAMI

Arrêt sur image: JTC, LE BILAN

Des hauts et des bas

    Par Samira DAMI
La 17e édition des JTC (Journées théâtrales de Carthage), qui s’est déroulée du 16 au 24 octobre, a vécu avec des hauts et des bas, suscitant des critiques concernant le manque d’organisation, l’improvisation, les problèmes de logement  et de logistique subis par certains invités, l’absence de guide et de bulletin quotidien qui constituent la mémoire de ces journées, et nous en passons. Mais là où le bât blesse, c’est que ces critiques ciblent, également, la qualité des productions dont certaines laissent à désirer, car plusieurs d’entre elles, aussi bien arabes et africaines qu’européennes, n’avaient point le niveau requis pour figurer au programme de cette édition, ce qui est corroboré non seulement par la critique mais aussi par plusieurs professionnels du théâtre. Leïla Toubel, dramaturge et comédienne, l’a relevé sur sa page facebook où elle a noté : «Nous avons vu des spectacles qui ne ressemblent à rien alors que la qualité artistique est la colonne vertébrale de tout festival qui se respecte». Il est, ainsi, clair que les programmateurs ont fait le choix de la quantité au détriment de la qualité car dans certaines pièces on constate d’emblée soit la prépondérance du texte sur la mise en scène, soit carrément la médiocrité aussi bien du texte que de la mise en scène.
Or, une manifestation africaine et arabe a une obligation de qualité, afin d’éviter le nivellement par le bas. Ainsi, mieux vaut une trentaine de pièces de niveau certain qu’une cinquantaine dont la moitié s’avère médiocre. L’objectif premier des JTC étant d’attirer le public, par la qualité et d’ancrer davantage la pratique et la fréquentation théâtrales et non point de le rebuter définitivement du 4e art en lui offrant des semblants de créations.

Des Acquis 
Mais il y a aussi du bon, puisque la 17e édition des JTC s’est distinguée par certains aspects et acquis positifs, notamment, celui de la décentralisation qui a permis au théâtre d’aller à la rencontre des régions défavorisées et désertées par la culture. Ainsi, si 20.000 spectateurs se sont déplacés pour goûter au plaisir du 4e art à Tunis, 75.000 spectateurs se sont déplacés dans les régions, dont la majorité est composée d’enfants ; on ne peut, donc, que saluer l’entrée de la culture de nouveau dans les écoles, les lycées et l’université après une éclipse durant, au moins, deux décennies. Cette action permet non seulement de familiariser les enfants et les jeunes, qui constituent le public de demain, avec le 4e art mais de favoriser l’amour des arts en général et du 4e art en particulier. Autres impacts de l’ouverture des établissements scolaires et universitaires sur le théâtre : stimuler la pratique culturelle, et donner le goût de l’apprentissage de l’art théâtral aux enfants et aux jeunes.
C’est pourquoi l’Etat devrait veiller  à encourager la production théâtrale pour enfants et pour jeunes, cela à travers la formation et l’encadrement des troupes et des compagnies qui ciblent ce public spécifique.
Le théâtre pour enfants notamment étant une entreprise délicate et sensible qui nécessite outre une formation artistique, des connaissances pédagogiques et psychologiques incontournables pour un message et un texte adéquats et une mise en scène de qualité. Il serait incongru de proposer des productions médiocres aux enfants ou de les considérer comme un public de 2e catégorie. Bien au contraire. C’est pourquoi il serait judicieux que certaines troupes se spécialisent davantage dans la production de théâtre pour enfants.

Le nécessaire retour de la compétition

Saluons, également, les hommages en guise de reconnaissance à des dramaturges et metteurs en scène qui ont tiré leur révérence tels Ezzeddine Guennoun, Monia Ouertani, Taïeb Oueslati  et autres, sans compter les hommages rendus à des acteurs qui ont tant donné au 4e art, en particulier, et à la culture en général tels Fatma Ben Saïdane, Ahmed Snoussi et Abdellatif Kheïreddine. Témoigner de l’amour et de la reconnaissante aux artistes est impératif pour la pérennité des arts.
De son côté, le marché des JTC représente un nouvel acquis à sauvegarder afin de permettre aux créations théâtrales africaines et arabes de voyager. Aussi des pièces tunisiennes, libanaises, marocaines et syriennes ont saisi cette chance.
Mais encore une fois cette action ne s’est pas déroulée sans querelles, certains hommes de théâtre tunisiens ayant contesté le choix des pièces en question.
Mais peut-on être tout à fait impartial ou contenter tout le monde quand il s’agit d’art?
Enfin, afin d’améliorer la teneur de cette 17e édition au plan de l’organisation et de la qualité du programme, notamment, il serait judicieux qu’à l’instar des JCC (Journées cinématographiques de Carthage), les JTC aient un comité  d’organisation permanent. Cela afin de pouvoir préparer bien à l’avance et de peaufiner aussi bien la programmation que l’organisation, l’infrastructure et la logistique nécessaires.
Au final, disons, encore une fois, que sans la compétition et les prix, les JTC ont perdu de leur piment et attrait et de cet esprit de compétitivité utile et nécessaire à l’évolution de tout art.

Arrêt sur image

La mémoire en péril

Par Samira DAMI
Lors d’un passage récent dans une émission de télévision, Zied Gharsa a amèrement déploré l’absence quasi totale de conservation du patrimoine musical qu’est le malouf, qui représente indéniablement l’un des constituants de notre identité nationale. Le chanteur et musicien enfonce le clou en révélant que la totalité de l’œuvre de son géniteur, Tahar Gharsa, disciple de Khemaïs Ternane et considéré comme l’un des maîtres du malouf, n’a été ni enregistrée ni conservée par les institutions étatiques concernées.
zied gharsa a, par ailleurs, confié qu’il dispose de quelques enregistrements du riche legs musical de son père, mais lesquels, à la longue, risquent, faute de conservation idéale, purement et simplement la dégradation.
Toutefois, ce n’est pas tout puisque le chanteur a, également, révélé, au grand dam de tous, que même les 13 noubas du malouf, qui ont été sauvegardées de la déperdition grâce à la volonté et à l’ardeur lyrique et musicale du mélomane et non moins musicien Mohamed Rachid Bey, ne sont pas, aujourd’hui, entièrement enregistrées, ni conservées ni diffusées.
Contrairement, par exemple, à l’Algérie qui a sauvegardé l’ensemble de ses noubas andalouses, par l’enregistrement et la conservation.
Ainsi, notre malouf, faute d’enregistrement et de diffusion, demeure, jusqu’à nos jours, inconnu aussi bien des musiciens que du public.
Et si le malouf, reflet du cachet musical tunisien, n’est pas conservé, que dire du trésor musical de plusieurs décennies, depuis le début du XXe siècle, entre pièces musicales et chansons inimitables.
Mais le plus affligeant, c’est que l’absence de conservation et de diffusion du patrimoine culturel et artistique touche aussi bien le domaine musical que d’autres domaines artistiques : le cinéma, les arts plastiques, le théâtre, la danse traditionnelle, les sites archéologiques, l’architecture urbaine et autres.
Ainsi est-il affligeant de constater que, jusqu’à aujourd’hui, le pays ne dispose pas d’un musée des arts plastiques et que les fonds du patrimoine pictural et sculptural ne sont pas encore répertoriés et conservés dans les normes et les conditions idéales. Deux tentatives de mettre sur pied un musée des arts plastiques, et ce, successivement au milieu des années 1990 et en 2010, n’ont pas abouti. Résultat : la production des arts plastiques tunisiennes, entamée notamment à l’orée du XXe siècle, risque la détérioration en l’absence d’un musée d’art moderne et contemporain auquel ont appelé, à plusieurs reprises, les plasticiens et les académiciens. Le dernier appel en date ayant été fait en février 2015.
A défaut de musée, l’histoire et la mémoire de l’ensemble du secteur des arts plastiques demeurent, ainsi, invisibles aussi bien pour le public que pour les artistes.

Et la volonté politique ?

Côté 7e art, la conservation, la restauration et la diffusion du patrimoine cinématographique sont tout aussi aléatoires, à défaut d’une cinémathèque où le legs filmique national serait conservé dans des conditions idoines.
Pourtant, les nouveaux supports existent et il s’avère nécessaire aussi bien de restaurer tout le gisement de films disponibles et de le transposer sur les nouveaux supports technologiques.
Même situation pour le théâtre car aucun musée des costumes et des décors scéniques n’existe sous nos cieux, comme c’est le cas ailleurs, alors que la production théâtrale a commencé à l’orée du XXe siècle.
Les sites archéologiques et les trésors architecturaux urbains manquent, pour la plupart, de préservation et sont souvent profanés et pillés.
Ainsi, en est-il de plusieurs sites, entre autres Kasserine, Sbeïtla et Djerba où le site archéologique de souk El Guebli a été saccagé sous les regards laxistes et dans l’indifférence des parties concernées, entre ministère de la Culture, police et autres institutions étatiques.
D’ailleurs, l’Unesco a, dans ce sens, lancé «Une alerte contre le trafic du patrimoine archéologique qui s’accentue du fait des révoltes en Tunisie, en Egypte et en Libye, notamment».
Ainsi, le ministère de la culture et les institutions étatiques concernées ont du pain sur la planche s’il existe réellement une volonté politique pour conserver le riche patrimoine national ainsi que la mémoire dans tous les domaines de l’art.
Ce patrimoine, reflet de l’identité nationale, du génie des hommes et de la richesse des civilisations qui se sont succédé sur notre bonne terre, devrait être impérativement conservé et sauvegardé. c’est pourquoi du côté du ministère de la culture, il est temps de se réveiller et d’agir à travers la création de médiathèques, cinémathèques et photothèques, ainsi que de musées d’arts plastiques, d’arts vivants, d’arts scéniques, et autres. Car il est de notre devoir de transmettre aux générations futures le legs patrimonial qui leur est dû car ces lieux de conservation favorisent non seulement l’exposition et la diffusion mais, aussi l’étude, la recherche et la formation.
S.D.