Entretien avec : M. Noureddine B’hiri, ministre de la Justice
« J’appelle les Tunisiens à préserver cet acquis de l’indépendance de la justice »
Q : Où en est, Monsieur le ministre, le dossier des avoirs pillés par le président déchu et ses proches sur le plan des commissions rogatoires envoyées à Interpol ?
R : Afin de rapatrier les avoirs pillés par Ben Ali et ses proches, la justice tunisienne a adressé plus d’une commission rogatoire en Europe, en Amérique et en Asie sous la supervision de la Banque centrale de Tunisie. Nous avons, également, entrepris de renforcer la structure qui s’occupe de cette question et nous avons constitué une cellule spéciale de magistrats spécialisés pour contribuer au rapatriement de l’argent volé aux Tunisiens et à la Tunisie et nous avons consolidé le partenariat avec plusieurs organisations internationales afin de combattre la corruption. Pour cela, j’ai rencontré les ambassadeurs de Suisse, d’Espagne et des Etats-Unis pour évoquer ce sujet. Nous avons, également, renforcé la coordination avec un des avocats spécialisés qui a été mandaté par la Tunisie pour superviser ce dossier en Suisse. Ce que je peux confirmer, c’est que le ministère de la Justice, ses directions et particulièrement la direction des affaires pénales et un grand nombre de magistrats et de spécialistes de la coordination, avec le Tribunal de première instance de Tunis, sont décidés à réaliser des résultats concrets dans ce domaine, et ce, le plus tôt possible. Après la réalisation des conditions et malgré les efforts des juristes et des compétences, je dirais que la société civile, ses associations et organisations, aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger, devront jouer un rôle de sensibilisation des pays frères et amis concernés par le mandat d’extradition quant à la nécessité de répondre à nos demandes, au-delà des calculs politiques. Nous espérons que les Etats concernés comprendront la légitimité des requêtes tunisiennes et leurs conséquences bénéfiques pour la paix et la sécurité internationales. D’autant qu’il existe une crainte que Ben Ali et ses acolytes, qui fuient la justice tunisienne, exploitent tous ces fonds volés et thésaurisés pour poursuivre leurs activités illicites à travers la création de bandes de malfaiteurs pour se livrer au commerce de produits prohibés et au blanchiment d’argent, attentant ainsi à la sécurité des pays de la région et de nos sociétés. Et je ne crois pas qu’il existe un pays au monde qui ait intérêt à voir se développer sur son sol, et avec l’argent déposé dans ses banques et ailleurs, le trafic des armes, de la drogue et autres commerces illégaux et interdits, ou que des réseaux étendent leurs activités au terrorisme, en relation avec leurs affaires initiales ou à des fins politiques ou de revanche personnelle. Nous rappelons aux pays frères et amis que tous les avoirs et biens de Ben Ali, de ses proches et de son clan, déposés chez eux, et appartenant en réalité au peuple tunisien, ont été pillés en utilisant les moyens les plus abjects et monstrueux, comme le terrorisme, la torture, et l’assassinat, en claire contradiction avec tous les accords internationaux. Nous rassurons, enfin, ces pays que les personnes dont l’extradition est demandée bénéficieront d’un jugement juste, œuvre d’une justice indépendante et libre, et que la Tunisie garantira la protection de leur intégrité physique et morale ainsi que de leur droit à la défense selon les garanties et les critères internationaux.