dimanche 17 juin 2012

Rétrovision


Pour que mon pays aille mieux!

Mon pays va mal
: parce que la violence le mine,
à preuve ces images tragiques de destructions
«massives», saccages, incendies et confrontations entre forces de l’ordre et salafistes et autres intrus
et délinquants qu’ont connus plusieurs endroits de la
République au cours de la semaine écoulée. Des locaux
de sections régionales de l’Ugtt, des tribunaux, des
postes de police et autres propriétés privées ont été
incendiés et mis à sac. Ce qui a occasionné des blessés
parmi les assaillants et les forces de sécurité et un mort
parmi des salafistes. Mais qui a mis le feu aux poudres à
ces actes gravissimes orchestrés et synchronisés ? Une
peinture pardi ! Laquelle aurait porté atteinte au sacré,
mais que personne n’a vue parce que tout simplement
elle se trouve, bien loin de notre terre, au Sénégal et
qu’elle n’a qu’une présence virtuelle sur facebook.
Mon pays va mal : parce que la majorité des gens de
bon sens ne parviennent pas à comprendre la relation
entre une toile supposée avoir porté atteinte au sacré
et la destruction des symboles de l’Etat entre tribunaux
et postes de police, et l’agression des citoyens. Comment ne pas comprendre qu’il s’agit d’attaques contre le modèle politique, judiciaire, sécuritaire et social du
pays ? D’où les témoignages de citoyens rapportant que
les salafistes contrôlent plusieurs quartiers populaires
tels Ettadhamen, l’Intilaqua, Douar Hicher et y font la
loi. Comment croire que cette «malheureuse» toile
a provoqué tout ces incidents dramatiques un peu
partout dans le pays, Sidi Hassin, Tunis, Hay-l’Intilaqua,
Sousse, Ben Guerdane, Bousalem, alors qu’en vérité,
depuis la Révolution, les manifestations, les sit-in, les
grèves, les immolations par le feu n’ont jamais cessé,
tant la situation économique et sociale est dramatique
et intenable.
Mon pays va mal : parce que des professionnels
de la manipulation ont lancé, sur les réseaux sociaux,
d’intolérables appels à la haine et des menaces de mort
à l’encontre d’artistes ayant participé à l’exposition du
Printemps des Arts au palais d’El Abdellia à la Marsa, des
politiques qui les ont soutenus et même à l’encontre
d’autres artistes peintres qui n’ont pas pris part à cette
manifestation. De quoi comprendre qu’à travers cette
affaire amplifiée, ce sont l’art et les artistes peintres
et, à travers eux, la liberté de création qui sont visés.
De surcroît, les artistes sont franchement déçus par le
ministre de la Culture dont ils attendaient un soutien,
pour le moins, objectif fondé sur des faits avérés et non
des rumeurs; déçus, également, par les jugements et les
critiques du genre «tableau de mauvais goût»,«peintres
débutants et autodidactes » ou encore  «de jeunes
victimes d’un enseignement médiocre
», déçus, enfin,
par les décisions démesurées concernant la fermeture
momentanée du palais El Abdellia et la poursuite en
justice des organisateurs de l’exposition.
Mon pays va mal : parce que cette affaire a pris des
proportions incroyables où il a été difficile de faire la
part des choses entre la réalité, la rumeur et la mystification.
Puisque de nombreux communiqués dont celui
commun des trois présidents, (du gouvernent, de la
présidence et de la Constituante), des conférences de
presse, dont celles de 5 ministres et responsables à la
Kasbah, sont, en grande partie, fondés sur une rumeur.
Facebook est-il devenu pour l’Etat et la Troïka une source
d’information fiable? Du coup, les politiques, ici les
Constituants d’Ennahdha, ont vite fait de proposer une
loi criminalisant l’atteinte au sacré, mais sans définir le
sacré ni en préciser les limites. Ne l’invoquera-t-on pas
chaque fois qu’on voudra censurer n’importe quelle
œuvre d’art, d’autant que l’art se prête à diverses lectures
et interprétations. La déception est, également, à son
comble, quand un ministre conseiller dresse, dans un
débat, sur la chaîne privée Hannibal-TV, des catégories
sociales les unes contre les autres, «Les Marsois raillant
les pauvres des quartiers populaires qui s’entretuent».
Encore une fois, un ministre du gouvernement fait
fi de toute obligation de réserve.
Entre-temps, plusieurs l’ont dit, le pays oublie ses
vrais problèmes, les martyrs, les blessés de la Révolution,
le jugement des assassins des martyrs, la justice
transitionnelle, les difficultés économiques, le chômage,
la corruption, les dernières fuites au baccalauréat, le
népotisme, la cherté de la vie pour sombrer dans le
chaos et la discorde exacerbés par les sentiments religieux.
Les responsables de partis, eux, toujours sous
l’œil des caméras, échangent griefs sur griefs, au cours
de débats lassants et répétitifs qui n’en finissent pas.
Mais, en fait, les exigences de la Révolution sont autres
qu’identitaires ou religieuses : emploi, travail et liberté
ont été et doivent toujours être ses mots d’ordre.
Pour que mon pays aille mieux, un sursaut républicain
 pour le sauver s’avère plus que jamais nécessaire.
Un signe d’espoir, et donc de possible sortie de crise,
est, cependant, apparu dans cette grisaille avec la
proposition par l’opposition, d’un dialogue et d’un
gouvernement d’union nationale, mercredi dernier,
au cours d’un débat sur Hannibal-TV. En lançant cet
appel, Néjib Chebbi, président d’honneur du parti El
Joumhoury, et Samir Taïeb, porte-parole d’El Massar
ont fait part de leur volonté de contribuer, par tous
les moyens, à préserver le pays  afin qu’il ne sombre
pas davantage dans le chaos, Lotfi Zitoun, ministre
conseiller auprès du premier ministre l’a noté et a
accepté cette proposition.
Espérons que pour le bien de mon pays cela ne
restera pas au niveau des bonnes intentions. Il y va
de son avenir.
S.D.

jeudi 14 juin 2012

Trois questions à Mehdi Mabrouk, ministre de la culture- "Je condamne toutes formes de menaces à l'encontre des artistes"

 • «J’ai réaffirmé aux artistes mon attachement à la noble mission de l’art et à la liberté de création»
Plus d’une centaine d’artistes, dont un grand nombre de plasticiens et plusieurs représentants des autres arts ont organisé, hier matin, un sit-in devant le siège du ministère de la Culture à La Kasbah. Cela suite aux propos tenus par le ministre de la Culture, M. Mehdi Mabrouk, au cours de la conférence de presse organisée mardi après-midi par trois ministres et deux responsables du gouvernement provisoire à La Kasbah, dans la foulée des événements et incidents graves survenus dans plusieurs régions du pays et dont le «détonateur présumé» ne serait autre que l’exposition du «Printemps des arts» qui s’est déroulée, récemment, au palais d’El Abdellia à La Marsa.
Les propos du ministre de la Culture ont été considérés par les artistes comme «un lâchage» et un «compromis avec les salafistes ayant accusé certains exposants d’atteinte au sacré à travers leurs œuvres».
Amor Ghedamsi, secrétaire général du Syndicat des métiers des arts plastiques, a affirmé que le ministre a reçu une dizaine d’artistes dont trois membres du syndicat, Nabil Souabi, Sélima Karoui et lui-même. Ce dernier estime que «l’opinion publique a été induite en erreur et mystifiée, les tableaux postés sur Facebook ne figurant pas dans l’exposition et que, par conséquent, il n’y a nulle trace d’atteinte au sacré».
Tout en craignant la censure, et en se demandant «quelle est la définition du sacré ?», il rappelle que les exposants comptent parmi les artistes les plus importants de la place.
Pour en savoir plus sur cette controverse et cette polémique, nous avons posé trois questions à M. Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture.

Nous avons appris que vous avez reçu, hier matin, un groupe d’artistes ainsi que le Syndicat des métiers des arts plastiques. Quel a été le contenu de cette rencontre ?

Je n’ai pas reçu le Syndicat des métiers des arts plastiques mais un groupe d’une dizaine d’artistes et de représentants des arts et de la culture dont Jalila Baccar, Dorra Bouchoucha, Hamadi Louhaïbi, Habib Bel Hédi. Je recevrai au cours de la semaine prochaine le Syndicat des métiers des arts plastiques. Les artistes ont estimé que «je les ai lâchés et que je ne les ai pas défendus». Or, au cours de la conférence de presse de mardi dernier, je n’ai pas utilisé les termes «art» et «artistes», mais j’ai bien précisé qu’il s’agit de «quelques toiles ayant versé dans le discours idéologique aux dépens du discours esthétique». J’ai, par ailleurs, réaffirmé aux artistes mon attachement à la noble mission de l’art et à la liberté de création.
Je leur ai également exprimé ma condamnation de toute forme de menaces à l’encontre de l’intégrité physique des artistes et de leur sécurité, refusant toute compromission et considérant que la liberté de création est un acquis de la révolution qui ne doit nullement être remis en cause. J’ai, ainsi, éclairci ma position.

Doit-on comprendre que vous avez révisé votre position concernant les décisions que vous avez annoncées au cours de la conférence de presse de mardi dernier ?
Non, pas du tout, aucune révision de ma position n’est envisagée. Nous maintenons, donc, notre position qui consiste à fermer, momentanément, le Palais El Abdellia, à La Marsa, en attendant de réviser ses prérogatives et de nommer un nouveau directeur, à poursuivre en justice la société privée organisatrice de la manifestation «Le Printemps des arts» et tous ceux à propos desquels l’enquête judiciaire révélera qu’ils n’ont pas respecté les engagements signés dans le cadre de l’autorisation délivrée.

Mais le Syndicat des métiers et des arts plastiques persiste et signe en criant haut et fort qu’aucun tableau ne porte atteinte au sacré et que l’opinion publique a été induite en erreur et mystifiée par les divers montages et autres photoshops distillés sur Facebook
Libre à lui, c’est son droit. Toutefois, nous démontrerons dans le dossier de la plainte que quelques toiles ont vraiment porté atteinte au sacré. La justice dira son mot et, en tout état de cause, nous nous en tiendrons à son jugement même si nous serons déboutés ou s’il nous est défavorable.
Enfin, je tiens à dire qu’il y a eu, quelque part, préjudice et amplification des faits sur les réseaux sociaux. Car je le répète, encore une fois : quelques toiles seulement ont porté atteinte au sacré.
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI

mercredi 13 juin 2012


RETRO 10 juin 2012-06-07

LE Journal télévisé 

 Comme un retour à la case départ ?

Après le 14 janvier le Journal Télévisé (J.T.) de la première chaîne publique s’est complètement  transformé, abandonnant la langue de bois et la pesanteur propagandiste qui le caractérisait, pour gagner en fraîcheur, en audace et, donc, en audience. La hiérarchisation de l’information a été chamboulée du tout au tout. Fini les interminables plages consacrées aux activités de l’artisan du changement, à ses discours fleuves, aux réalisations de «l’ère novembriste» et place aux événements foisonnants et à l’information de proximité  s’ouvrant sur la rue et se focalisant sur les préoccupations du peuple.

Cette mutation du téléjournal d’El Watania 1, survenue dans le sillage du bouleversement politique qu’a connu le pays, a été remarquée et saluée par les téléspectateurs qui s’y sont, enfin, retrouvés puisque le  20H00, et en prolongement les émissions de débats concoctées par de jeunes journalistes,  tentaient par tous les moyens de refléter les faits les plus importants qui se déroulaient dans le pays tout en veillant à assurer cette objectivité objet du désir de tous.

C’était avant les élections du 23 octobre 2011. Mais après cette date, et sous la pression ambiante et notamment  le feuilleton  du sit-in «des envoyés spéciaux » voulant nettoyer les médias publics des «rebuts novembristes», le J.T. semble retrouver,  au fil des jours, sa configuration antérieure en renouant avec cette hiérarchisation verticale, défiant à nouveau la proximité, et privilégiant l’ouverture avec les activités officielles quelles soient gouvernementale, présidentielle ou ministérielle. Les ouvertures avec des sujets, qui concernent directement les citoyens, se font si rares…Par moments certaines éditions du J.T. nous rappellent, vu la langue de bois, celles si pesantes et indigestes de l’ancienne ère. Et l’on craint qu’à ce rythme ce rendez-vous, qui a gagné en audience, plus de 40%, ne perdent en intérêt en devenant  au service non pas des citoyens mais surtout des politiques au pouvoir. L’autocensure sous la pression est-elle de retour ? Et est-ce le retour à la case départ ?

Certes on observe une certaine résistance à travers quelques sujets sociaux ou des séquences pouvant créer débat et controverse comme celle encore «fumante» de Slim Ben Hmidane, ministre des domaines de l’Etat et de la propriété foncière mais notre crainte vu que tout le monde, politiques, partisans et citoyens, s’est mis à donner des leçons aux médias et aux journalistes, c’est de voir les anciens reflexes anti-professionnels d’auto- censure, en prévention de la censure, faire leur réapparition et reprendre, ainsi, du poil de la bête. Or, l’information est une spécialité et une science. N’est pas journaliste qui veut, d’où la nécessité que l’équipe rédactionnelle du J.T. ne tienne compte que des critères  du vrai travail journalistiques, en toute objectivité, éthique et professionnalisme. Tout le reste n’est que verbiage et papotage. Il est, donc, temps de se rattraper et d’empêcher toute récupération de tous bords et de toutes couleurs politiques.

Obligation de réserve !

M. Slimane Ben Hmidane, ministre des domaines de l’Etat et des affaires foncières a privilégié, lors de la rencontre au palais de Carthage sous le thème «Quelle est l’origine de vos biens », lançant en off et devant les caméras: «C’est mon opinion personnelle et je l’affiche devant  tous les médias,  j’ai privilégié El Jazeera, car c’est la principale  chaîne qui nous a aidés, nous les militants en exil , à faire tomber la dictature et nous a offert  une  tribune. Ce qui, naturellement, n’était pas possible pour la chaîne nationale, et c’est pourquoi en guise de reconnaissance je donne toujours la priorité à El Jazeera».  Et d’ajouter en tançant El Watania 1 : «Avant de réserve, notamment, concernant un média national  et a fortiori après la révolution et les élections du 23 octobre, seul un citoyen est habilité à critiquer et à dire franchement son opinion, car elle ne fera certainement pas de vagues comme le ferait celle d’un ministre tenu de défendre « le produit national répondre à votre question j’informe les téléspectateurs que je n’ai jamais été invité, ne serait ce qu’une fois, par la chaine publique». Ce à quoi le journaliste-présentateur des infos a répliqué : «C’est votre droit, M. Le ministre, d’exprimer votre reconnaissance à qui  bon vous semble ». Or, le présentateur avait tout faux car un ministre occupant une fonction officielle est tenu par une obligation de».

S.D.

violences criminelles dans plusieurs villes

La société civile condamne

 Suite aux actes graves, saccages et incendies de tribunaux, de postes de police et de locaux de l’Ugtt, perpétrés, ces derniers jours, par des groupes qualifiés de salafistes dans plusieurs régions du pays, nous avons donné la parole à des responsables de partis et des activistes de la société civile. En l’occurrence M. Hamma Hammami, secrétaire général du Parti communiste des ouvriers tunisiens, M. Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, et M. Chawki Tabib, bâtonnier du Conseil de l’Ordre tunisien.

Hamma Hammami (secrétaire général du Pcot) : «Restons unis contre les diversions fascistes et autour des objectifs de la révolution»

«Je crois que l’exposition du Printemps des arts à El Abdellia n’est qu’un alibi. Parce que franchement, je ne vois pas de rapport entre cette manifestation et l’incendie des postes de police et de tribunaux ou des agressions contre les citoyens.
C’est une opération qui vise la liberté d’expression et tous les objectifs de la révolution. Je me pose la question : qui a intérêt à causer tous ces débordements ? Moi je pense que plusieurs parties y ont intérêt : les forces ennemies de la révolution qui ont un lien avec l’ancien régime sur les plans économique, financier et sécuritaire, et les nouvelles forces qui veulent instituer la répression. Mais la grande question est la suivante : qui est derrière et qui fait bouger les salafistes qui ont un lien avec plusieurs parties étrangères, même au plan du renseignement. Les salafistes et d’autres éléments criminels sont utilisés à chaque fois que les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution se trouvent en difficulté ou désirent faire diversion en détournant l’attention des citoyens sur les vrais problèmes, et actuellement, par exemple, la fuite des épreuves du Bac, le développement dans les régions, l’affaire des martyrs, etc.
Je crois aussi qu’il y a une tentative de récupération de la révolution par le parti Ennahdha qui crée des tensions puis accuse les démocrates, les rationalistes, les syndicalistes, les artistes…tout en faisant preuve de laxisme à l’encontre des forfaits de ces groupuscules. Puis, Ennahdha nous parle de créer une loi pour la protection des symboles sacrés. Comme si l’Ugtt, le Parti républicain, Ettakatol, les hommes des médias, les artistes et autres y ont porté atteinte.
Tous ces débordements provoqués visent en fait à s’attaquer aux libertés, notamment la liberté d’expression et d’information, qui dérangent le pouvoir. Enfin, des parties étrangères arabes, tel le Qatar, et sioniste n’ont pas intérêt à voir la révolution réussir en Tunisie et exploitent le sentiment religieux pour créer le chaos dans le pays.
Or la solution c’est de voir le peuple uni autour des objectifs de la révolution entre liberté, indépendance et dignité. Je fais porter la responsabilité au gouvernement et j’appelle les jeunes salafistes et attire leur attention contre les parties qui les utilisent contre leur propre pays et leur propre peuple tout en les piégeant par la suite.
Je dis à ces jeunes qu’ils ont le droit d’exprimer leur opinion en tant que salafistes, c’est leur droit.
Or le recours à la violence et au crime n’a rien à voir avec la liberté d’expression. J’ai écouté M. Ajmi Lourimi, d’Ennahdha, à la radio qui s’est déclaré «contre la répression de l’expression». Or, incendier, saccager, détruire relèvent-ils de l’expression ?
Bien au contraire, il s’agit d’actions criminelles et fascistes contre la liberté d’expression et de création».

Mokhtar Trifi (président d’honneur de la Ltdh) : «Ne pas donner d’alibis aux fauteurs de troubles»
«Ce qui s’est passé ces derniers jours est grave et dangereux, et la gravité apparaît dans les actes criminels qui ont touché plusieurs régions et points de la République.
Hier les locaux de l’Ugtt à Ben Guerdane et Bousalem ont été incendiés et tous les dossiers détruits.
Ce sont là des actes orchestrés qui risquent de dégénérer et de porter atteinte à tout le territoire national.
Il ne s’agit plus de réactions à une exposition, ce ne sont plus des actes isolés, ce sont des actes délibérés du courant salafiste djihadiste qui veulent mettre la main sur toute la société afin d’imposer leur idéologie et leur mode de vie. Je pense qu’il ne faudrait donner aucun alibi à ces gens qui se sont attaqués à toutes les institutions régaliennes, la justice, la police, l’Ugtt, sinon on les encourage dans cette voie.
Je refuse de dire que l’exposition d’El Abdellia est la cause de ces actes criminels. Je refuse la destruction des tableaux de peinture. Supposons que certaines de ces toiles aient touché au sacré, il y a la justice pour en juger. Les symboles sacrés sont différents d’une personne à une autre et si chacun se mettait à défendre ses symboles sacrés par la violence on ne s’en sortirait plus et on légitimerait, ainsi, de tels actes.
Ce qui s’est passé à Jendouba, Ben Guerdane, à Sidi Hassine et au Kef n’a rien à voir avec l’exposition d’El Abdellia, mais c’est un refus du modèle politique et social, en incendiant les postes de police et les tribunaux, les salafistes refusent la loi et le modèle de justice.
Depuis les actes commis au cinéma Africa, nous avons attiré l’attention, en disant qu’il y a danger, mais on nous a répliqué que «ce sont nos enfants et il faut dialoguer avec eux en évitant la répression». Mais je rétorque que la loi doit s’imposer à tous.
Or, aujourd’hui ils se sont renforcés et cela devient un danger grave et imminent. Et je pense que le discours du ministre de l’Intérieur devant l’Assemblée constituante a mis le doigt sur la plaie.
La situation est grave et concerne toute la République et il est urgent de s’opposer à un tel courant et à de tels actes avec toute la détermination du monde.
Je voudrais à travers votre journal dire ceci : le gouvernement nous dit souvent que derrière ces actes criminels il y a des gens de l’ancien régime, des partis de l’opposition ou autres, mais qu’on nous dise enfin qui ils sont, qu’on les dénonce, les identifie, les nomme et qu’on applique la loi à tous afin de sauvegarder la sécurité des Tunisiens.
La solution à toutes ces dérives dangereuses consiste à ne pas donner d’alibis à ces fauteurs de troubles. Seul l’Etat est le dépositaire de la force de la loi. Tous ceux qui enfreignent la loi, quelles que soient les motivations autour d’actes de violence, doivent répondre de leurs actes. Pour cela, il faudrait donner aux forces de l’ordre les moyens matériels et légaux pour appliquer la loi et que le cadre juridique dans lequel doivent agir les forces de sécurité soit clarifié et précisé».

Chawki Tabib (bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats de Tunisie) : «Un sursaut républicain s’impose»
«Contrairement à ce qui a été avancé à la radio Mosaïque-FM, mon bureau n’a pas été incendié, mais c’est le local qui abrite actuellement la section de la Ligue de la citoyenneté qui a été cambriolé par des inconnus qui ont volé des caméras et des dossiers de notre comptabilité, sans compter qu’il y a deux semaines on m’a volé ma voiture, pourtant garée dans un parking bien gardé.
Maintenant, concernant les derniers débordements, je dirai que les causes sont dues à l’absence de l’Etat. Tout ça sent le complot, je ne sais pas quelles sont les parties qui complotent contre qui; mais à mon avis, la solution est évidente : un sursaut du gouvernement et de la société civile et politique est nécessaire afin de sauvegarder les acquis de la République et les objectifs de la révolution.
En somme, un sursaut républicain s’impose».
Propos receuillis par Samira DAMI

Une Palme d’or méritée pour Amour de Michael Haneke

Une Palme d’or méritée pour Amour de Michael Haneke
 • Haneke dans le cercle privé des cinéastes doublement palmés 
De notre envoyée spéciale à Cannes Samira DAMI
En raflant, lors de la proclamation du palmarès, hier soir, la Palme d’or de la 65e édition du Festival de Cannes avec Amour, comme nous l’avons prévu d’ailleurs, Michael Haneke rejoint le cercle très privé  des cinq cinéastes doublement palmés (Francis Ford Coppola, Shoei Imamura, Bille August, Emir Kusturica et les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne). Très ému, le cinéaste autrichien qui, il y a trois ans, a remporté le même trophée avec Le Ruban blanc, a remercié ses deux magnifiques acteurs, Jean Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, dont la majestueuse interprétation, coulant de source, aurait mérité d’être récompensée, tel un couronnement de carrière, notamment pour l’interprète du film désormais culte, Un homme et une femme, signé Claude Lellouche. Hélas ce n’était pas là le choix et l’avis du jury présidé par le réalisateur italien Nanni Moretti, qui a pourtant rappelé en remettant la palme à Haneke «la contribution fondamentale des deux acteurs principaux». Montés sur scène, sous les applaudissements du public, ces duettistes qualifiés par le réalisateur de  «géniaux parce qu’étant l’essence du film» ont touché et même profondément ému les festivaliers, Trintignant a même fait pleurer la salle partageant la palme en six quarts, dédiés aux producteurs, au metteur en scène, qu’il considère comme le plus grand metteur en scène vivant, à ses partenaires E. Riva et Isabelle Huppert qui joue sa fille dans le film, à l’équipe du film et à sa «moitié Maria ». Il a enfin clos son intervention par un tout petit poème de Jacques Prévert : «Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ? ». Nous renvoyant, ainsi, à l’atmosphère poignante et la profondeur du propos de  Amour, film porté par ce merveilleux couple d’octogénaires au crépuscule d’une vie devenue douloureuse et difficile. Voilà, donc, une palme méritée tant ce film s’est détaché du lot, en raison d’une sélection très moyenne.
Le Grand prix, distinction la plus prestigieuse après la palme d’or, attribué à Reality de l’Italien Matteo Garrone a été hué dans la salle de presse, tant ce film sur la téléréalité n’a pas emballé la critique, le président de jury, son compatriote, y serait-il pour  beaucoup dans l’octroi de cette récompense? Autre prix hué par les journalistes, celui de la mise en scène qui a échu au cinéaste mexicain Carlos Reygadas pour Post Tenebras Lux, un opus vraiment ténébreux et ennuyeux de l’avis de la critique unanime. D’où la déclaration ironique que le réalisateur a adressée à la presse qui, a-t-il glissé, «n’a pas arrêté de me flatter, depuis trois jours», tout en remerciant le jury d’avoir cru à ce film en le primant. Rappelons que Reygadas avait il y a trois ans raflé le prix du jury avec «Lumière Silencieuse ».
Le film du cinéaste roumain Cristian Mungiu, Au-delà des collines, a été doublement récompensé, puisqu’il s’est vu octroyer le prix du scénario ainsi que le prix d’interprétation féminine qui a récompensé les deux actrices roumaines Cosmina Stratan et Cristina Flutur. Rappelons que Mungiu, Palme d’or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours, a séduit avec ce film doublement primé et qui se focalise sur la  responsabilité religieuse, l’amour et l’abandon. Dans sa déclaration, le cinéaste roumain a précisé que ce film «est fondé sur des faits véridiques et que si on ne peut pas améliorer le passé on peut améliorer l’avenir».
Ken Loach, le réalisateur britannique, n’est pas reparti les mains vides puisqu’il a obtenu le prix du jury avec La part des anges, une comédie sociale légère qui a égayé la Croisette. L’habitué du festival a obtenu, en 2006, la Palme d’or avec Le vent se lève.
Enfin, Madds Mikkelsen a vu sa prestation dans La chasse  du Danois Thomas Vinterberg récompensée par le prix d’interprétation masculine. Mérité du reste.
Au cours de cette 65e édition, qui s’est achevée comme elle a commencé sous une forte pluie,  aucun  film français n’a été récompensé, bien que plusieurs noms — Jacques Audiard,  Alain Resnais et notamment Léo Carax — aient été cités. Après  la sélection de cette édition qui a marqué une décrue du cinéma mondial, espérons un renouveau pour le 7e art.