dimanche 29 mars 2015

Retrovision

Cérémonie de réouverture du Bardo
Acte de résistance mais...
La cérémonie de réouverture du musée du Bardo, qui s’est déroulée le 24 mars, a été diffusée en direct sur la chaîne publique Al Watania 1. Après l’odieuse attaque terroriste qui a ciblé des touristes et qui a fait une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessés, les autorités ont tenu à lancer un message clair aux terroristes et aux troupes fanatiques de tous bords. Résister à la culture de la mort en lui opposant la culture de la vie. Cela, encore et toujours à travers l’art. Et quoi de plus indiqué que la musique, qui adoucit les mœurs, pour rendre hommage aux victimes, célébrer leur mémoire et défier les djihadistes, ces bêtes immondes et sanguinaires. Aussi, un concert de musique et un spectacle de danse ont-ils été donnés devant un parterre de ministres, de représentants diplomatiques, d’artistes, d’hommes de culture, de personnalités politiques et de journalistes.

Arrêt sur image

No passaran

Par Samira DAMI
L’Image est des plus éloquentes et exprime une volonté claire et nette de lancer un défi aux méprisables terroristes qui ont frappé, mercredi dernier, au cœur même de la capitale, en s’attaquant à d’innocents touristes visitant le musée du Bardo.
Cette image de défi nous est renvoyée par la conférence de presse tenue, le lendemain même de l’attaque terroriste, par la ministre  de la Culture Latifa Lakhdhar, dans l’antre du musée du Bardo, là où sont tombées les 21 victimes dont un membre des forces de sécurité tué par les deux terroristes, abattus par les forces de l’ordre.
Entourée de plusieurs ministres et secrétaires d’Etat, unis et solidaires contre la barbarie sanglante, la ministre de la Culture a annoncé, dans une sorte de gageure, la réouverture des portes du musée du Bardo, ce lundi ou ce mardi, comme pour dire que l’objectif des terroristes ne sera pas atteint, puisqu’elle a déclaré que : «Si les terroristes sont arrivés à tuer d’innocents touristes, visant par là l’un des secteurs les plus importants de l’économie tunisienne, ils ne réussiront pas, en revanche, à détruire l’histoire, la mémoire et notre identité si particulière qu’ils rejettent».
RÉTROVISION
Par Samira DAMI

ZOOM SUR LES MORISQUES
La mémoire sélective

Il est de certaines émissions dont on sort, une fois achevées, plus instruit et plus intelligent qu’auparavant.
Certes, ce genre d’émissions sont rares, tant la tendance, sur nos chaînes locales, est aux émissions soit politiques, soit façon talk-show bavardes qui se veulent divertissantes, mais à la longue lassantes. Ainsi, en a-t-il été d’un entretien sur la chaîne Al Moutawasset, avec Abdeljelil Témimi, historien spécialisé dans les influences culturelles et architecturales des Ottomans et Morisques dans le monde arabe.
Cet historien et universitaire, doublé d’un archiviste, est l’initiateur de la Fondation Témimi pour la recherche scientifique et l’information ; il préside des comités arabes et internationaux d’études morisques, ainsi que des revues scientifiques maghrébines et arabes.
Bref, l’entretien en question s’est focalisé, entre autres, sur l’exil forcé des morisques d’Espagne en Afrique du Nord bien après la prise de Grenade en 1492. On sait qu’outre l’exil volontaire des musulmans d’Espagne à partir de la chute de Grenade, au XVe siècle, de 400.000 à 700.000 Morisques, descendants des populations musulmanes, convertis par la force au christianisme, ont été expulsés par décret du roi Philippe III d’Espagne, en 1609, abandonnant, ainsi, leurs terres et leur territoire en plusieurs vagues, notamment de Catalogne, de Castille, d’Andalousie et du Royaume d’Aragon pour se réfugier notamment au Maroc, en Algérie et en Tunisie, cela s’ils n’ont pas été brûlés vifs sur les bûchers de l’Inquisition.
RETROVISION du 5 févier 2015
Les émissions politiques décryptent  le programme du nouveau gouvernement
Que de flèches décochées !
La plupart des médias audiovisuels se sont focalisés, dans leurs émissions politiques du mercredi  dernier sur le discours- programme de Habib Essid prononcé lors de la plénière de l’Assemblée des représentants du peuple,  consacrée au vote de confiance pour le nouveau gouvernement.
  Sur les plateaux de télé, les critiques ont fusé de tout côté aussi bien de la part des élus du peuple que des journalistes et des analystes pour plusieurs raisons : ce programme concernant les 100 premiers jours du gouvernement ne comportait aucun diagnostic de la situation actuelle du pays qui vit une déprime profonde, il se  limitait à des  généralités et était avare en détails sur les réformes et les mesures urgentes à prendre. Bref rien de révolutionnaire qui  puisse refléter l’ambition d’un peuple et d’un pays sortis, depuis 4 ans, d’une révolution citée, malgré tout, comme modèle. 
«Vague et long», «Déclaration d’intention», «Sans messages forts », « flou », «Ne répondant pas aux objectifs de la révolution », et nous en passons, ce sont là les jugements qui revenaient d’un plateau à l’autre pour qualifier ce discours-programme. Et même ceux qui l’ont, en gros, apprécié pour la position claire sur la lutte contre le terrorisme et  la contrebande ainsi que la garantie de la sécurité,  et  la stabilité, mais aussi la révélation de la vérité sur les assassinats politiques, n’ont pas manqué de reprocher au chef du gouvernement d’avoir occulté certaines questions importantes, telles la Culture, l’éducation, la justice transitionnelle, les régions marginalisées, etc.
Rétrovision du 15 mars
Quand on veut ridiculiser l’élite !

Le penseur et historien Mohamed Talbi, a été, au cours d’une seule semaine, à trois reprises, l’invité de la chaîne Al Hiwar Ettounssi, la première fois dans l’émission d’actualité politique «Tunisie 7/24», présentée par Lyes Gharbi, la deuxième fois dans le divertissement  «Labès» animée par Nawfel Ouertani et la troisième fois dans «Liman Yajro Faqat» présentée par Samir El Wafi. Il est vrai que la polémique et le tollé suscités par la conclusion publiée récemment par l’association internationale des musulmans coraniques, que Dr Talbi a fondée en 2013, a été vif et violent. Ainsi en se référant à plusieurs versets du Coran, plusieurs  Oulémas ou savants de par le monde ont conclu que l’alcool n’a été, nulle part, interdit dans le livre saint. La question d’un enjeu capital méritait, donc, un débat sérieux où les principaux intervenants prennent tout le temps nécessaire pour répondre, méthodiquement et calmement sans être pressés et bousculés par cette éternelle course contre la montre, argument ressassé par les animateurs, à tous les questionnements et argumentaires des uns et des autres.

Arrêt sur image

Ciné-Djebel contre le désert culturel et l’extrémisme

Par Samira DAMI

Des photos insolites, qui circulent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, ont suscité l’intérêt des internautes tant elles sont touchantes et ruisselantes d’espoir.
Sur l’un de ces clichés, signés Karim Belhaj, apparaissent des enfants en rangs serrés en train de pénétrer dans une modeste bâtisse, en rase campagne, sur laquelle est peint en noir et en langue arabe : «Ciné-Djebel».
Sur un autre instantané, on peut voir ces même fillettes et petits garçons portant des masques de déguisement scrutant un écran de cinéma.
Enfin, sur une autre photo, on peut voir un tableau de peinture sur un chevalet adossé à un talus de cactus. Insolite, diriez-vous. Absolument, car il s’agit là d’un club de cinéma et d’un club de peinture installés en plein champ. La bâtisse qui abrite le ciné-club n’est autre qu’un ancien poulailler cédé par un citoyen retraité de la région. La transformation des lieux s’est limitée à placer un écran, un projecteur offert par un enseignant, et des bottes de foin en guise de sièges. Il s’agit là du centre culturel de Semmama, niché au pied de la montagne.
Cette idée, consistant à apporter l’art et la culture dans cette région isolée du gouvernorat de Kasserine, a germé dans l’esprit du comédien et poète Adnen Helali. L’enjeu est clair et capital : «Sortir les enfants des zones rurales de l’isolement, en exploitant les lieux abandonnés, inoccupés ou cédés par des particuliers, mais surtout lutter, grâce à l’art et à la culture, contre le fléau du terrorisme qui mine la région».
Mieux, le concepteur du projet ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il est en train de construire, à Djebel Semmama, avec l’aide des habitants, un théâtre en plein air avec de simples pierres et des troncs d’arbres.
Le comédien rêve et ambitionne de généraliser le concept dans plusieurs régions du pays, en comptant sur le soutien du ministère de l’Education. D’ailleurs, afin de sensibiliser l’opinion publique et les autorités à ce genre de projets, une marche est prévue, aujourd’hui même, à Tunis, avec la participation de 2.000 enfants issus de 15 régions.
Voilà qui constitue un véritable acte de résistance des plus pertinents, appropriés aux régions et efficaces et qui n’a sollicité que l’imagination plutôt que les grands moyens. Ainsi, en attendant l’installation d’infrastructures culturelles dans nos campagnes, ce qui n’est pas pour demain, on se demande pourquoi le ministère de la Culture n’apporterait pas également son soutien à ce genre d’initiative et de concept intelligent et productif, qui mérite d’être encouragé, d’autant qu’il ne peut être qu’un rempart efficace contre les extrémismes de tous bords.
Mieux, pareilles initiatives devraient être appuyées et subventionnées par l’Etat (les ministères de l’Education, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports) ainsi que par les privés et les mécènes. Car il ne s’agit surtout pas de croiser les bras, mais d’agir urgemment, ici et maintenant, afin de diffuser l’éducation, l’art et la culture pour combattre l’obscurantisme.
C’est pourquoi, afin d’atteindre ce but, il est plus que jamais impératif de réintroduire les activités culturelles et artistiques dans l’enseignement : le théâtre scolaire, les clubs de cinéma, de musique et de danse, et de les rendre obligatoires en leur consacrant l’infrastructure et le personnel enseignant nécessaires.
Ainsi, le centre culturel de Semmama, son ciné-club, son club de peinture et son futur théâtre de plein air représentent et reflètent une image d’espoir et de lutte efficiente en amont contre le désert culturel, l’embrigadement des esprits et l’extrémisme.