mercredi 24 septembre 2014

Néziha Rejiba alias Om Zied : Pourquoi je soutiens Kalthoum Kennou

Trois femmes candidates, sur soixante-dix candidats en tout, ont déposé leur candidature à la présidentielle, soit un taux de 4,28%. Il s’agit de Kalthoum Kennou, Leïla Hammami (indépendante), et d’Emna Mansour Karoui, candidate du Mouvement démocratique. En attendant la liste préliminaire des candidats et candidates retenus qui sera annoncée par l’Isie dans deux jours, nous avons approché Mme Neziha Rejiba, alias Om Zied, pour recueillir sa réaction concernant la présence de la femme dans la course à la présidentielle, les raisons de son soutien à la candidature de Kalthoum Kennou, ainsi que son appréciation de l’ambiance qui a marqué l’opération de dépôt des candidatures

Pourquoi avez-vous soutenu Kalthoum Kennou et quelle est  la symbolique de ce soutien à une femme candidate ?
Vous savez, les considérations féministes ne m’intéressent qu’au tout dernier rang. Je ne suis pas du tout obnubilée par la cause des femmes, mais je me dis que si les femmes veulent faire de la politique c’est leur droit.
Mise à part la symbolique de la femme, je soutiens Kalthoum Kennou pour plusieurs considérations : d’abord elle s’est portée candidate pour déjouer le plan d’Ennahdha concernant le candidat consensuel qui, à mon avis, s’inscrit dans l’intrusion de certaines parties étrangères et leur volonté de parrainage de la vie politique nationale comme au Liban.
Ensuite, Kalthoum Kennou est une militante  d’une grande probité morale qui a beaucoup souffert du temps de Ben Ali parce qu’elle a justement milité pour  une cause noble qui n’est autre que l’indépendance de la justice.

Votre soutien relève donc de l’hommage au passé militant de la candidate ? 
Oui, je la soutiens parce qu’elle n’a aucun antécédent avec la dictature, son «casier» politique est vierge et elle n’a pas de B3 noir à l’instar de plusieurs candidats de l’ex-RCD qui devraient être, actuellement, devant la justice transitionnelle. C’était une dissidente à l’ère de Ben Ali et c’est donc naturel qu’elle fasse partie des personnalités qui devraient prendre la relève après le 14 Janvier.
Enfin, Kalthoum Kennou est une magistrate, légaliste, encore en exercice et ses connaissances dans le domaine de la loi lui permettront d’être à l’aise dans le fauteuil de la magistrature suprême, car l’une des fonctions essentielles d’un(e) président(e) est de signer les lois.
C’est aussi une femme à l’écoute qui se fera entourée de gens compétents car elle n’appréhende pas le pouvoir comme un gâteau à partager.
Au final, je vous dirai pourquoi ne la soutiendrai-je pas, surtout qu’elle ne bénéficie pas d’une machine électorale rompue à ce genre d’opérations ni d’appuis financiers illicites. Et je sais pertinemment qu’elle refusera tout appui financier louche.

Quelle est votre appréciation concernant la course aux candidatures à la présidentielle, 70 candidats ayant déposé leur candidature ?
Certes, certaines scènes de ruée sur les candidatures sont cocasses mais cela est dû à trois facteurs : premièrement, se porter candidat à la présidentielle était, à l’ère de l’ancien régime, interdit, on comprend donc cette ruée et tout le folklore qui a marqué le dépôt de candidatures de quelques postulants. Mais tout ce folklore vaut mieux que le paysage électoral qui a marqué les présidentielles du temps de Ben Ali quand ce dernier l’accaparait avec son discours au Palais des congrès, les applaudissements, les youyous des femmes de l’Unft conduites par Saïda Agrebi, la présence de Leïla Ben Ali qu’on voulait destiner à la magistrature suprême.
Aujourd’hui, il y a parmi les mêmes personnes qui soutenaient Ben Ali des candidats à la présidentielle qui profitent des fruits de la révolution et de la démocratie. Ces gens-là on ne connaissait même pas leur voix. Aujourd’hui, ils rouspètent, fustigent tout et alors qu’ils n’avaient pas le droit de parler.
Deuxièmement, cette course à la présidentielle est due à la dépréciation de la fonction de président qui a  perdu de son aura en raison de l’acharnement de tous les partis et d’une bonne partie des Tunisiens sur le locataire actuel de Carthage. Ce qui a écorné  l’image du président.
Troisièmement, dans cette pléthore de candidatures, surtout des indépendants, je vois la main d’Ennahdha, car étant donné que ce parti n’a pu trouver le candidat consensuel, il a poussé plusieurs candidats à se présenter pour encombrer le paysage des élections présidentielles et diminuer les chances des candidats qu’il voudrait éliminer. Mais au final, je dis que cette avidité et cette ruée sur les candidatures va passer avec le temps.
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI

vendredi 19 septembre 2014

samir Taeib : "L'UPT créera la surprise aux prochaines élections"

"Nous constituerons la troisième force du pays après Ennahdha et Nida Tounès», nous a confié Samir Taïeb, secrétaire général d’Al Massar et porte-parole de l’UPT dans cet entretien accordé à La Presse. Dans ce jeu de questions-réponses, le candidat tête de liste de l’UPT pour les législatives dans la circonscription de Tunis I s’est notamment focalisé sur plusieurs points et aspects inhérents aux élections législatives et présidentielle fidèles aux principes et à la culture de sa famille politique qui prône le progrès social et le modernisme. Ecoutons-le.

Malgré l’appel d’Al Massar, les partis progressistes et démocratiques n’ont pas réussi à présenter des listes législatives communes, notamment avec Nida Tounès et le Front populaire. Quelles sont les raisons de cet échec et n’y a-t-il pas un risque de dispersion des voix, lors des prochaines élections, à l’instar des législatives de 2011 ?
Justement, tous les efforts qu’Al Massar a déployés pour réunir toute la famille démocratique et moderniste au sein d’un seul front avaient pour but de transformer le Front du salut national (FSN) en une force électorale. D’autant que la création du FSN au lendemain de l’assassinat de notre collègue Mohamed Brahmi a permis aux forces progressistes de se présenter unis devant les Tunisiens, lors du sit-in du Bardo, devant l’Assemblée constituante. Le FSN a généré une nouvelle dynamique, a renversé les rapports de force et favorisé un glissement de l’opinion publique en faveur des forces démocratiques. Nous avons senti ce frémissement qui aurait pu aboutir à une force électorale unifiée. C’est ce qu’Al Massar a proposé en décembre dernier, malheureusement ni Nida Tounès ni le Front populaire n’ont accepté notre proposition.
Nous nous sommes, donc, attelés à œuvrer pour la création d’une union forte : l’Union pour la Tunisie (UPT) la plus large possible. Mais il faut se rendre à l’évidence, il y a l’idéal et le possible. Il n’empêche que malgré les difficultés, nous sommes parvenus à créer une union entre les forces politiques et civiles progressistes. Et nous sommes restés fidèles à nos propres principes, à notre propre philosophie et à notre propre culture. La culture de l’union, de la sauvegarde des acquis de la Tunisie, moderne et du modèle tunisien qui sera, je l’espère, défendu par l’UPT.
Quant à l’échec de la constitution d’un large front électoral des forces progressistes et démocratiques, il est dû aux mêmes  raisons que celles de 2011 : il s’agit d’un esprit partisan par-ci, d’un désir ardent de leadership par-là, d’une volonté d’hégémonie chez les uns et d’une obsession de gagner les élections au plus fort taux pour les autres. Et dans toute ces raisons, il y a une grande absente : la Tunisie.
Certes, il y a un risque de voir les mêmes causes engendrer les mêmes résultats qu’en 2011. Mais j’espère que non, d’autant que le paysage politique a changé : les Tunisiens sortent d’une expérience malheureuse de trois années désastreuses d’exercice du pouvoir par la Troïka et principalement Ennahdha.
Cette expérience, qui a abouti à une situation économique catastrophique marquée par un taux de croissance nul, un taux de chômage qui ne cesse de grimper ainsi que par la violence, le terrorisme, la lutte antiterroriste. Aussi aurons-nous l’occasion, lors des élections de 2014, de rétablir la situation en revenant aux vrais principes de la démocratie tunisienne. C’est pourquoi je pense que, pour une fois, ces mêmes causes n’engendreront pas les mêmes résultats. Je suis franchement optimiste quant aux résultats que réaliseront les forces progressistes et modernistes.
Mais certains ont avancé que la coalition entre Al Massar et Nida Tounès n’a pu se faire parce que vous avez exigé dix têtes de liste pour les législatives.
Nous n’avons jamais discuté de cette question avec Nida Tounès. Je démens formellement et solennellement ces dires. Nous n’avons jamais entamé le partage des têtes de liste pour les législatives. Mais je ne veux pas revenir aux polémiques parce que nous allons collaborer, l’UPT et Nida Tounès, sur le terrain, aussi bien au niveau logistique que de l’observation dans les bureaux de vote. Nous allons, si les Tunisiens nous font confiance, nous rencontrer avec Nida Tounès et former ensemble une majorité au gouvernement. Cette question   est actuellement dépassée et nous regardons devant nous.

En fait, l’UPT c’est surtout Al Massar. A preuve vous détenez le plus grand nombre de têtes de liste pour les législatives soit 17 sur 26. N’est-ce pas ?
Certes, on ne peut nier qu’Al Massar soit la colonne vertébrale de l’UPT. Il n’empêche que, qualitativement, toutes les listes de l’UPT sont les meilleures en comparaison des listes des autres partis.
L’UPT comprend Al massar le parti du travail patriotique et démocratique de Abderrazak Hammami, de nombreux indépendants, entre hommes et femmes de la société civile, ce qui est le plus important pour moi. Toutes ces personnalités sont d’une très grande valeur et d’une très grande probité morale. Malgré toutes les difficultés rencontrées afin d’élargir au maximum l’union, je pense que les listes de l’UPT surprendront plus d’un et créeront la surprise aux législatives. Nous serons la troisième force du pays après Ennahdha et Nida Tounès. Car nous sentons très fort le frémissement des citoyens pour nos listes et nous le constatons tous les jours tant la majorité de nos têtes de liste qui sont des députés sortants ont fait leurs preuves à l’ANC.
Sachez que tout le monde s’accorde à dire que les meilleurs députés à l’ANC sont ceux d’Al Massar. Citons, par exemple, Fadhel Moussa, Salma Baccar, Salma Mabrouk, Karima Souid, Ali Bechrifa, Ahmed Brahim, Nadia Chaâbane et la jeune Manel Kadri qui sont pour la plupart nos têtes de liste pour les législatives si l’on excepte Ahmed Brahim et Ali Bechrifa. Et la majorité des Tunisiens leur sont reconnaissants pour leur combativité dans les plénières, pour leurs propositions au sein des commissions de l’ANC et pour les résultats qu’ils ont réalisés en dépit de l’hégémonie des forces rétrogrades du mouvement Ennahdha et ses partis satellites.

Les députés d’Al Massar ont œuvré et combattu au sein de l’ANC pour la parité horizontale en faveur des femmes, mais on constate qu’au sein de l’UPT, vous n’avez pas appliqué ce principe à 100%. Pourquoi donc ?
Nous sommes, comme toujours, en pôle position sur le principe de la parité horizontale. Nous avons dix femmes candidates têtes de liste. La recommandation à l’ANC était de réaliser la parité horizontale à hauteur de 30%, l’UPT les a dépassés avec 39% de candidates têtes de liste. On aurait aimé faire davantage mais quand on est dans une coalition on ne contrôle pas toutes les listes, mais nous sommes malgré tout loin devant tous les partis qui n’ont présenté que 3 à 4 candidates têtes de liste. Même chose pour les candidatures des jeunes qui sont aussi bien représentés avec un taux de 36% de candidats entre 23 et 35 ans.

Comment jugez-vous le phénomène des candidatures des hommes d’affaires et des propriétaires de médias aux législatives ou à la présidentielle ?
Je considère que c’est un phénomène encore marginal. Toutefois, espérons qu’il ne deviendra pas central et la norme. Car le rôle des hommes d’affaires c’est d’investir et de créer des projets économiques et de l’emploi. D’autre part, le rôle des propriétaires de médias c’est de transmettre l’information en toute objectivité et non pas de faire de la politique.
Ce phénomène est marginal vu le nombre qui demeure réduit des candidats hommes d’affaires et propriétaires de médias sur l’ensemble des listes électorales au nombre très important.
Mais si ce phénomène perdure, il deviendra inquiétant car le mélange de genre entre l’argent, les médias et la politique fera en sorte que les choix politiques ne seront plus déterminés par les programmes des différents candidats mais par le pouvoir de l’argent et des médias.

Mustapha Ben Jaâfar, président de l’ANC, a promis de démissionner s’il se présente à la présidentielle, mais il ne l’a pas fait, quelle est votre position sur cette question ?
Je considère que Mustapha Ben Jaâfar n’est pas à sa première inconséquence et je pense qu’il aurait dû tenir sa promesse consistant à démissionner s’il se présentait à la présidentielle surtout dans cette fin de phase transitionnelle. Il devrait démissionner afin d’être en position d’égalité avec tous les candidats à la présidentielles et de ne pas profiter de son poste.
A l’avenir, il sera normal que le président de l’Assemblée du peuple achève son mandat, mais actuellement, nous sommes dans une période de fin de phase provisoire et le président de l’ANC devrait démissionner pour favoriser un jeu politique égal. Et c’est aussi valable pour Moncef Marzouki, le président provisoire de la République, mais à la différence que ce dernier n’a jamais promis de démissionner, il a été plus prudent et n’a pas fait de promesse de démission mais lui-même est dans l’obligation de le faire s’il se présente pour la présidentielle.

Sur une de vos listes vous avez présenté Mahmoud Bouneb, l’ancien directeur de la chaîne «Al Jazira Children», qui ne peut toujours pas quitter le Qatar n’est-ce pas là une forme de provocation ?
Mahmoud Bouneb se présente comme candidat tête de liste de  l’UPT pour les législatives dans une circonscription représentant les pays arabes et c’est son droit car pourquoi voulez-vous qu’on accepte le diktat du régime du Qatar. Mahmoud Bouneb est pris, injustement, en otage au Qatar, pourquoi on devrait accepter cette injustice et ne pas lui permettre d’exercer son droit, comme tout citoyen tunisien, d’être candidat pour les législatives de 2014. Cela d’autant qu’il n’y a pas de jugement judiciaire contre lui, la justice l’a même innocenté, sauf Chikha Mouza.
Or, si Mahmoud Bouneb continue à vivre, lors de la campagne des législatives, dans la même situation qu’il vit aujourd’hui, je pense que c’est honteux pour la Tunisie d’accepter ce statu quo. C’est pourquoi je lance un appel au président provisoire de la République, Moncef Marzouki, et au chef du gouvernement Mehdi Jomâa pour qu’ils agissent afin de libérer Mahmoud Bouneb et de lui permettre, comme tous les autres candidats, de faire sa campagne en toute liberté et à se déplacer dans tous les pays arabes qui couvrent sa circonscription.
Donc, si l’UPT l’a choisi comme tête de liste d’une circonscription à l’étranger, ce n’est nullement une provocation. Mahmoud Bouneb est un citoyen tunisien qui souhaite jouer un rôle dans la vie politique tunisienne et c’est son droit le plus absolu d’exprimer les problèmes et les attentes des Tunisiens résidant à l’étranger. Je ne vois pas au nom de quoi on lui interdirait, surtout qu’il se considère très proche de notre famille politique, d’exercer ce droit. Nous lui avons offert l’occasion de le faire, nous sommes fiers qu’il l’ait accepté. Outre que sa candidature a été validée par l’Isie. Je lance, également, un appel à tous les candidats des autres listes de cette circonscription afin qu’ils considèrent la liste de l’UPT comme non partisane et représentant tous les Tunisiens et qu’ils retirent leur candidature. Cela pour permettre à la liste de Mahmoud Bouneb, candidat indépendant du sein de l’UPT, de passer et de mettre ainsi, les gouvernements tunisien et qatari devant leurs responsabilités.
Parce que dans ce cas il ne s’agit pas d’une bataille pour les élections mais pour la souveraineté nationale. C’est ça l’enjeu. Et on verra bien si le Qatar continuera à détenir en otage un représentant du peuple tunisien. D’ailleurs, je vais adresser une lettre aux deux chefs de l’exécutif, Mehdi Jomâa et Moncef Marzouki, afin qu’ils agissent dans ce sens et de permettre à Mahmoud Bouneb de se déplacer dans tout le monde arabe afin qu’il fasse sa campagne normalement comme tous les autres candidats.

Les listes électorales pour les législatives sont au nombre de 1.300, ne croyez-vous pas que le flux important de listes contribuera à disperser les voix, à brouiller les cartes, reproduisant, ainsi, le scénario des élections de 2011 où un million de voix sont parties dans la nature ?
Il est vrai que le risque de voir se répéter le scénario de 2011 n’est pas à exclure. Cela parce qu’on n’a pas changé grand-chose à la loi électorale demeurée telle quelle avec un mode de scrutin qui permet la multiplication par 10 et par 100 des petites listes sans grande prise sur la réalité. Le risque existe donc, mais maintenant j’espère que les Tunisiens vont faire la différence et ne pas répéter l’erreur de 2011, surtout que les listes indépendantes auraient pu se joindre à certaines coalitions telles que l’UPT ou autres. Cela afin d’éviter la dispersion et la perte des voix. J’invite, donc, les Tunisiens à voter pour les listes présentes au niveau national, quel que soit le parti, plutôt que de voter pour les listes locales, à défaut, cela nous fera perdre, comme en 2011, un million de voix qui partiront, comme vous dites, dans la nature.
Certains observateurs avancent que les résultats des législatives sont déjà fin prêts avec un taux de 45 % pour Ennahdha, autant pour Nida Tounès, et 10% en faveur des autres partis et des candidats indépendants, et que tout le reste n’est que du cinéma.
Franchement, je ne crois pas à ces chiffres. Ces taux relèvent du fantasme car certains prennent leur désir pour des réalités. Je pense, au contraire, que ni Nida Tounès ni Ennahdha ne pourront atteindre 45 % de voix. Au meilleur des cas, ils ne pourront réaliser plus de 30 à 35 % des voix. Et je crois qu’il y a de la place pour une force comme l’UPT afin qu’elle puisse, justement, peser sur les prochaines décisions et orientations politiques, sociales et économiques qui engageront le pays et qui seront à l’évidence des plus importantes et cruciales pour l’avenir du pays et des Tunisiens.

Le prochain candidat d’Al Massar à la présidentielle serait-il Samir Taïeb ? 
Non... non. A Al Massar, nous avons décidé de ne pas présenter de candidat à la présidentielle afin d’éviter d’ajouter à la dispersion des candidats des forces progressistes et modernistes.
Nous attendons, le moment venu, quand le paysage de l’élection présidentielle se clarifiera, puisque chaque jour il y a de nouvelles candidatures, et quand nous découvrirons, enfin, le programme des candidats, nous déciderons qui soutenir. Notre décision ira dans le sens de l’unification des forces progressistes et modernistes et dans l’intérêt général du pays.

Le candidat d’Al Massar et de l’UPT pourrait-il être le président de Nida Tounès, Béji Caïd Essebsi, comme l’a déclaré Abderrazak Hammami sur Ettounsya-TV ?
On pourrait soutenir Béji Caïd Essbesi comme d’autres. Mais nous n’avons pas encore pris de décision, ni au sein d’Al Massar ni de l’UPT. On décidera le moment venu à la lumière des dossiers et des programmes des candidats.
Notre choix ira, encore une fois, dans le sens de l’intérêt du pays et rien que dans ce sens.

Ne croyez-vous pas que la ruée vers les candidatures à la présidentielle, ainsi que le profil très médiocre de certains candidats, déprécient la fonction de président de la République ? 
Beaucoup de candidats croient vivre, toujours, sous la Constitution de 1959 et sous le régime présidentialiste de Bourguiba. Ils oublient, peut-être, que nous avons une nouvelle répartition de l’exécutif entre le président de la République et le chef du gouvernement.
Ils oublient que les prérogatives présidentielles, aujourd’hui, sont des prérogatives de souveraineté qui concernent notamment  la sécurité du pays et la diplomatie. Outre que le président de la République demeure le symbole de l’unité du pays. J’ai écouté beaucoup de candidats et non des moindres, des plus chevronnés même, évoquer leur programme économique, leurs projets et leurs initiatives futures dans les domaines de l’éducation, de la santé, du transport, etc.
Ce qui n’a rien à voir avec la réalité des pouvoirs sous la IIe République. Nous ne sommes plus à l’ère de la première République, celle de Bourguiba. C’est ce que l’ensemble des candidats à la présidentielle devraient comprendre.

Le mouvement Ennahdha a proposé un candidat consensuel pour la présidentielle. Quelle est votre position sur cette question ? 
Nous avons été approchés par une délégation d’Ennahdha venue nous faire cette proposition que nous avons poliment refusée, car ce parti propose seulement un président consensuel et occulte la question du gouvernement.
Autrement dit, le parti Ennahdha nous invite à partager la présidence de la République et le gouvernement qu’il veut dominer. Moi je dis si la proposition avait englobé le gouvernement, en invitant donc à une gouvernance consensuelle qui toucherait aussi bien la présidence de la République que le gouvernement, on l’aurait discuté beaucoup plus sérieusement. Mais qu’Ennahdha s’en tienne uniquement à un président de la République consensuel et occulte le gouvernement qui représente la réalité du pouvoir, selon la nouvelle Constitution, cela relève de la manœuvre politicienne. Une manœuvre qui a deux objectifs tout aussi politiciens. Le premier consiste à exclure Hamadi Jebali de la candidature à la présidentielle, ce qui est une question interne que le mouvement veut régler par une initiative à l’échelle nationale.
Le deuxième objectif consiste à placer une épée de Damoclès sur la tête de tous les candidats à la présidentielle qui désirent être ce candidat consensuel tant recherché par Ennahdha. Ce qui revient à dire que tous les candidats n’osent pas critiquer la période de règne d’Ennahdha et le bilan catastrophique des trois années de son exercice du pouvoir. D’ailleurs, on constate que la majorité des candidats qui aspirent à devenir ce candidat consensuel ne s’aventurent plus à critiquer Ennahdha.
Je considère donc que de ce point de vue, ce mouvement est en train de réaliser les objectifs qu’il s’est tracés, mais j’espère que tous les candidats à la présidentielle oseront et s’offriront l’occasion de discuter et de critiquer le bilan de la Troïka, donc principalement d’Ennahdha. Cela afin de dépasser la  situation calamiteuse que connaît le pays et  de construire l’avenir.

Que pensez-vous de la polémique occasionnée par la lettre envoyée par Omar S’habou à Béji Caïd Essebsi lui demandant de retirer sa candidature à la présidentielle et de révéler la vérité aux Tunisiens sur son état de santé ?
Personnellement, en tant que SG d’Al Massar, je ne veux pas interférer dans ce débat parce que ce qui compte, à nos yeux, ce n’est pas ce que pense X de la candidature de Y. J’estime qu’un candidat, quel qu’il soit, connaît son état de santé mieux que quiconque et s’il juge qu’il peut être candidat, on ne peut se mettre  à sa place pour juger de son état de santé.
C’est au candidat que revient la décision, et concernant la candidature de Béji Caïd Essebsi ce n’est pas à Omar S’habou ou à quelqu’un d’autre d’interférer dans cette question.
Moi, ce qui m’intéresse c’est le programme des candidats, ce qu’ils proposent à la Tunisie et ce qu’ils veulent réaliser pour les Tunisiens. J’espère, par conséquent, que le débat à la présidentielle et même des législatives se concentre sur le programme des candidats et sur ce qui intéresse vraiment les Tunisiens.

Justement, ne serait-il pas plus judicieux d’exiger dorénavant  des candidats un bilan de santé aussi bien pour les législatives que pour la présidentielle afin d’éviter pareille polémique ?
Cela n’est pas prévu ni dans la Constitution ni dans la loi électorale. Je ne vois donc, pas pourquoi on devrait exiger un bilan de santé des candidats aussi bien pour les législatives que pour la présidentielle. Maintenant si on veut changer la loi, on pourra agir dans ce sens à l’avenir.

Pourquoi le vote de la loi antiterrorisme à l’ANC traîne-t-il encore ?
Je pense qu’Ennahdha a été contrainte, vu la situation sécuritaire dans le pays, vu les attentats contre les forces armées et de l’ordre, et vu le nombre des victimes de discuter la loi antiterrorisme. Mais en fait, Ennahdha ne veut pas de cette loi en raison des liens qu’entretiennent certains de ses dirigeants avec la mouvance djihadistes et terroriste et donc toutes les occasions sont bonnes pour une partie de ces députés de retarder et d’empêcher le vote de cette loi.
Et on a même constaté qu’un groupe parmi le mouvement s’abstenait de voter à tous les coups et comme il faut les voix positives de 109 députés pour que la loi passe, elle tombait à tous les coups. Cela sans pour autant montrer qu’Ennahdha était contre cette loi. Mais une fois qu’on a avancé dans la discussion de la loi, on nous a sorti cette histoire de projets de loi économique que le gouvernement veut voir voter le plus tôt possible.
Nous avons, donc, condamné cette manœuvre, en estimant que la loi antiterrorisme est visée, qu’il nous incombe d’en faire une priorité et de la voter le plus tôt possible. Car une fois passée, cette loi soulagera psychologiquement nos forces de l’ordre et de l’armée qui n’ont eu de cesse d’appeler de leurs vœux et qui constituera, à l’évidence, un pas supplémentaire dans la lutte contre le terrorisme.
Sachant que les travaux de l’ANC seront suspendus le 26 septembre, à l’entame de la campagne électorale pour les prochaines législatives, nous sommes en tant que députés de l’ANC tenus de nous investir à fond, afin que cette loi passe et soit enfin promulguée.

Mehdi Jomaâ a démenti, mercredi dernier, dans une conférence de presse, les folles rumeurs qui ont couru sur son éventuelle candidature à la présidentielle en déclarant qu’il ne se présentera pas à ces élections. Que pensez-vous de sa position ? 
Il fallait mettre les points sur les i et clarifier les choses d’autant que la feuille de route du Dialogue national ne lui permet pas de se présenter à la présidentielle. Mais ce qui me gêne dans tout ça c’est la mise en scène autour de cette histoire car le Premier ministère aurait pu se contenter d’un communiqué pour démentir cette vraie-fausse candidature. Tout ça ne méritait pas une conférence de presse.
En tout cas, s’il avait accepté la sollicitation, cela aurait été une erreur monumentale. Il a justifié son refus de se présenter  à la présidentielle par l’éthique, les valeurs morales, l’engagement envers les Tunisiens mais ce qui m’a surpris c’est qu’il n’ait pas évoqué ni le Quartet du Dialogue national, ni la feuille de route qui lui interdit de se présenter aux élections aussi bien législatives que présidentielle.
Maintenant, tout le monde sait à quoi s’en tenir, Mehdi Jomâa terminera sa mission et travaillera jusqu’à la fin de la phase transitoire en veillant à la sécurité du pays et à la réussite des élections.
Auteur : Entretien réalisé par Samira DAMI

samedi 6 septembre 2014

Femmes et listes électorales "Les Têtes sont ailleurs"

POUR  les prochaines législatives, les têtes de liste de la plupart des partis sont des candidats hommes. Quelles sont les raisons de la faible présence 
des femmes en tant que chefs de file? Des dirigeants et des dirigeantes de partis répondent
Le nombre de femmes têtes de liste pour les prochaines élections législatives est à l’évidence faible, voire dérisoire, même au sein des partis les plus progressistes qui défendent les principes de l’égalité et de la parité, aussi bien verticale qu’horizontale.
Ainsi, la plupart des partis, à l’exception de l’Union pour la Tunisie (UPT)  — coalition entre Al Massar, le Parti pour l’action  patriotique démocratique et des candidats indépendants — qui a présenté 10 têtes de liste femmes sur un total de 26, soit près de 39%, le reste des partis, et non des moindres, ne se sont pas tellement souciés de la parité horizontale.
Un principe revendiqué par les élus démocrates et progressistes et rejeté par la majorité des députés d’Ennahdha et leurs collègues de la même famille idéologique.
Mais si Ennahdha, logiquement fidèle à ses principes, n’a présenté que deux têtes de liste femmes sur un total de 33 listes, soit un taux de 6%, on ne comprend pas cependant que Nida Tounès, qui se targue d’être un mouvement moderniste, n’ait présenté que trois candidates têtes de liste sur un total de 33, soit un taux de 9%. En tout cas, moins que le CPR, par exemple, qui a présenté 7 femmes têtes de liste sur un total de 33, soit un taux de 21,21%.
D’autres partis qui s’affichent comme des forces progressistes porteurs de projets modernistes et démocratiques, et qui ont forcément défendu le principe de la parité horizontale, ne l’ont pourtant pas appliqué. Ainsi Ettakatol, Afek Tounès et le Front populaire n’ont présenté chacun que 5 femmes têtes de liste sur 33, avec un taux s’élevant à 15,15%. Al Joumhouri, un cran en dessous, n’a que quatre femmes têtes de liste, soit un taux de 12,12%. Le nombre de têtes de liste femmes est encore plus faible du côté du parti Al Moubadara, puisqu’il n’est que de 4 sur 32 : autrement dit un taux de 12,5%. Même chose du côté de l’Alliance démocratique et du Mouvement destourien avec, chacun, deux têtes de liste occupées par des femmes sur un total de 28, soit 7,14%. 

Une question de mentalité 
Comment expliquer alors la faible présence des femmes  têtes de listes pour les législatives ? S’agit-il d’une question de manque de compétence féminine ou d’un problème de mentalité qui veut que la femme et la politique ne fassent pas bon ménage? 
Pour répondre à ces questions, nous avons donné la parole à des dirigeants hommes et femmes de partis politiques. 
Salma Baccar, actuellement députée d’Al Massar, et qui préside la tête de liste de la circonscription de Ben Arous de l’UPT pour les prochaines législatives, n’affiche pas une grande satisfaction, bien que la coalition ait présenté le plus grand nombre de femmes têtes de liste — 10 en tout sur un total de 26 listes. Elle exprime franchement son insatisfaction : «Je ne suis pas du tout contente, même si le nombre de femmes têtes de liste est plus important que celui des législatives de 2011. Les femmes seront moins présentes dans la future Assemblée du peuple. Rendez-vous compte qu’en 2011, Ennahdha, par exemple, a présenté une seule femme tête de liste, ma collègue Souad Abderrahim, pourtant 43 candidates femmes de ce parti ont été élues. Nous sommes actuellement 66 femmes députées, mais je pense que ce nombre diminuera dans la future Assemblée en raison du changement du paysage politique, car il sera difficile pour chaque liste d’obtenir plus de deux sièges. A mon avis, aucun parti ne pourra rafler plus de 4 sièges dans chaque liste, à l’exception peut-être de Nida Tounès et d’Ennahdha. Il faudra, donc, s’attendre à une franche diminution du nombre des femmes». Et de poursuivre : «Même si l’UPT a présenté 10 femmes  têtes de liste, je ne suis pas contente, car les autres forces de la coalition ne se soucient pas tous du principe de la parité horizontale, alors qu’Al Massar (ancien Kotb) le défend corps et âme. Je pense qu’il s’agit d’une question de mentalité, laquelle doit évoluer, car je le dis franchement, j’ai constaté lors des travaux des commissions de l’ANC qu’au sein du parti Ennahdha, par exemple, il existe beaucoup plus de compétences féminines que masculines, et je pense à Yamina Zoghlami, Kalthoum Badreddine, Hella Hammi et d’autres, qui sont d’une grande compétence et je m’étonne qu’elles n’aient pas été présentées comme têtes de liste par Ennahdha. C’est pourquoi, ce genre d’attitude et de mentalité doit vraiment changer».

«Le choix de l’efficacité»
Pour Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès, ce n’est pas une question de mentalité : le parti a fait le choix de l’efficacité, le but ultime étant de gagner les élections en raflant le maximum de sièges. Et d’expliquer : «Il ne s’agit pas de prendre une position donnée pour entrer dans l’histoire, mais de se soucier de l’efficacité en tenant compte de la situation du parti et du pays. L’ancienne classe politique n’existe pratiquement plus et le  reste des femmes s’activent plutôt dans la société civile. Il faudrait donc s’attendre à ce que, cette étape de transition démocratique, il y ait plus de présence féminine dans  les partis, et ce, à tous les niveaux car, franchement, dans certaines régions les femmes sont pratiquement absentes de la vie politique et associative. 
Ainsi, considérant que les élections sont un résultat et non un look, nous nous sommes souciés uniquement de compétence et d’efficacité, en vue de gagner les élections». 

«Les femmes doivent s’imposer»    
Du côté d’Ettakatol, le porte-parole Mohamed Bennour insiste: «Notre parti a défendu, sans équivoque aucune, la parité horizontale, mais pour son application, nous avons eu beaucoup de difficultés à dénicher des femmes d’envergure engagées dans le parti et dans la vie politique. C’est pourquoi, pour que les partis qui sont pour la parité horizontale puissent l’appliquer, il faudrait que davantage de femmes s’impliquent dans la politique.  Les femmes doivent non seulement s’engager mais aussi militer et lutter pour pouvoir s’imposer, au niveau aussi bien local et régional que national. 
Les femmes d’Ettakatol, à l’image de Lobna Jeribi, tête de liste de Tunis 2, Salma Zenaïdi, tête de liste à Nabeul, se sont imposées d’elles-mêmes, on ne les a pas imposés et personne ne leur a fait de cadeau. 
C’est donc avec plus d’engagement de la part des femmes dans la vie politique que la parité horizontale pourra être appliquée au sein des partis convaincus de ce principe».  

«Pas de cadeau pour les femmes»
Bochra Belhaj  Hmida s’est présentée aux législatives de 2011 tête de liste dans la circonscription de Zaghouan sous la bannière d’Ettakatol. Pour les prochaines législatives, elle a préféré se représenter en tant que candidate de Nida Tounès, en 2e position dans la circonscription de Tunis II.
La candidate de Nida Tounès explique, elle, la faible présence féminine comme têtes de liste des partis à partir de plusieurs facteurs: d’abord par la misogynie qui est une réalité, même en Occident, car il existe une mentalité et une culture qui considèrent que les femmes n’ont pas leur place dans l’espace politique.
Ainsi, les pays occidentaux ont été obligés de prendre des mesures d’exception, tel que le quota en France. Et même dans ce pays, ça ne marche pas toujours, puisque le Parti socialiste a préféré payer des amendes plutôt que de respecter le quota».
Ensuite, le deuxième facteur pour Bochra Belhaj Hamida est l’absence  de stratégie personnelle et collective pour arriver  à s’imposer en tant que candidate et dans les premiers rangs: «Les femmes doivent lutter et œuvrer, pas seulement sur le dossier  et la cause des femmes au sein des partis, pour arracher de nouveaux acquis, mais aussi au plan des stratégies politiques, afin d’imposer la parité horizontale ou un quota au sein des partis.
Or, nous avons, en tant que femmes, négligé cet aspect, d’autant plus que nous n’aurions trouvé, au sein de Nida Tounès, aucune résistance.
Les femmes doivent comprendre que c’est un travail de longue haleine et que s’il n’existe pas de force réelle à cette fin, personne ne leur fera de cadeau».
Enfin, l’intervenante évoque «l’absence de solidarité entre femmes dans la majorité des partis. Car, malheureusement, elles ne sont pas conscientes que chaque acquis est un acquis pour toutes les femmes et qu’il est malheureux de le considérer ou de le vivre autrement.»
Ainsi, les femmes ne se positionnent pas comme chef de file des listes pour les législatives, mais comme des femmes au service de l’homme, reproduisant ainsi le schéma politique et sociétal traditionnel. C’est pourquoi, pour toutes ces raisons, je ne me suis pas présentée en tête de liste pour les prochaines législatives.
J’en conclus, donc, qu’il faudrait que, nous femmes, en tirions les leçons en mettant une stratégie au sein de nos partis, qui puisse s’adapter facilement à notre rôle avant-gardiste.
Nous avons donc du pain sur la planche car tous les acquis que nous avons obtenus, depuis le Code du statut personnel promulgué en 1956, est le fruit d’un long combat y compris la parité verticale arrachée au sein de l’Instance post-révolutionnaire présidée par Iyadh Ben Achour.
Je le répète, il ne faut s’attendre à aucun cadeau. Œuvrons alors pour changer l’image du paysage politique tunisien par trop masculin».
Auteur: Samira DAMI