dimanche 27 mai 2012

65e festival internationale de Cannes —Compétition

Dans l’attente du film du festival

Dans l’attente du film du festival
 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
Amour de l’Autrichien Michael Haneke, qui se focalise sur un couple d’octogénaires, au crépuscule de leur vie, demeure, jusqu’ici, le film le plus impressionnant des films en compétition de cette 65e édition. Et même Sur la route du Brésilien Walter Salles, l’un des plus attendus du festival, car revisitant le roman mythique de Jack Kerouac, un témoignage sur la «Beat Generation», s’avère conventionnel, voire démonstratif. De son côté, le réalisateur britannique Ken Loach, l’un des habitués de Cannes, sombre dans l’insoutenable légèreté cinématographique. Le détail.
On The Road de Walter Salles était le film le plus attendu sur la Croisette. C’est qu’il s’agit d’une adaptation  du livre emblématique de Jack Kerouac qui témoigne d’une époque, celle de la «Beat Generation», mouvement qui a marqué les années 50 en Amérique et qui a libéré la jeunesse des années 60, ébranlant la société américaine dans ses certitudes. Ce nouveau mode de vie a inspiré, notamment, le mouvement de mai 68, les Hippies de Woodstock, l’opposition à la guerre du Vietnam, etc. Rien d’étonnant, donc, à ce que le roman le plus important de Kerouac, publié il y a un demi-siècle, ait tenté un grand nom du cinéma mondial, Francis Ford Coppola, qui en a acheté les droits dans les années 70. Il finira par approcher Godard, Gus Van Sant et d’autres pour leur en confier la réalisation, mais après avoir vu  Carnets de voyage de Salles, c’est à lui que la tâche sera confiée. Il aura fallu huit ans au réalisateur brésilien pour finaliser l’adaptation au cinéma d’un livre connu pour être inadaptable.
Le résultat révèle une œuvre dont le propos se braque davantage sur la période qui a précédé la «Beat Generation» : Sal Paradine (Sam Riley) apprenti écrivain new-yorkais et Dean Moriaty (Garrett Hedlund) ancien prisonnier au charme ravageur, marié à la très libre et séduisante Marylou (Luanne Henderson).  «Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle, décidés à ne pas se laisser enfermer dans le carcan de la vie, ils décident de rompre les amarres et de prendre la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes... »
Le film s’ouvre sur les chapeaux de roue quand Sal Paradise (Sam Riley) prend place dans une camionnette aux côtés d’ouvriers qui viennent de vivre les années de la Dépression et de la guerre... En maître du road movie (Terre lointaine et Central Do Brasil), Salles nous emmène en voyage à travers les grands espaces sublimés de l’Amérique, filmés toutes saisons confondues, que les deux protagonistes découvrent et apprécient. Ces scènes marquent l’attachement de cette génération à la nature,  l’épopée vers l’ouest, la spiritualité et à la cosmogonie. En parfaite harmonie avec cette nature majestueuse, les personnages se libèrent et vivent des moments d’intense liberté sans contraintes et sans tabous : amour, musique, danse, drogue, conflits, séparation, amitié brisée, la fin d’un rêve...L’important, c’est de privilégier les sentiments  et la vie dans toute sa simplicité sur les préjugés et l’hypocrisie sociale. Irrigué par le jazz, le film swingue entre moments énergiques et silences contemplatifs. Hélas le film,  dont l’une des qualités est le casting, car si bien interprété,  demeure sans point de vue et tombe parfois dans l’illustratif tout en véhiculant une forme, somme toute conventionnelle.  En narrant l’éveil politique et social de deux jeunes Américains, vers la fin des années 40, Salles a su reconstruire et revisiter une époque, qui par plusieurs de ses aspects rappelle tant les temps actuels où sévit la crise économique et une jeunesse cassée qui refuse le poids de l’autorité. Sans plus. 
De son côté, Ken Loach, le réalisateur britannique, présent presque sans discontinuer depuis quelques années,  dans la sélection officielle de Cannes, concourt cette année pour la Palme d’or avec  La part des anges, une comédie sociale où, fidèle à son habitude, il met en scène des personnages de la classe ouvrière méprisée, mais qui fait montre d’ingéniosité et de résistance:   Robbie est un tout jeune père de famille constamment rattrapé par son passé de délinquant, mais sa compagne veut qu’il se rachète une nouvelle conduite pour élever leur fils dans la dignité. Très vite, Loach bifurque vers la comédie et le thriller, signant là un film léger, très léger juste pour le divertissement, une œuvre mineure, mais drôle... Ceux qui s’attendaient à voir le Loach habituel ont vite fait de déchanter. Car c’était un opus juste pour rire et amuser la Croisette. Décidément on attend toujours le grand film du festival.

CINÉMA : 65e Festival international de Cannes, sélection officielle, séance spéciale

Le serment de Tobrouk : le regard narcissique de B.H.L. sur la révolution libyenne


Le serment de Tobrouk : le regard narcissique  de B.H.L. sur la révolution libyenne

...Ce soir le palmarès
De notre envoyée spéciale à Cannes
Samira DAMI
En attendant la proclamation du palmarès, ce soir, focalisons-nous sur Le serment de Tobrouk  film- documentaire coréalisé par Bernard Henry Levy (B.H.L.) et Marc Roussel, qui a été projeté hier en séance spéciale au 65e festival de Cannes. Toutefois, contrairement à la tradition, c’est la conférence de presse qui a précédé la projection du film. Afin de justifier cette exception, Thierry Frémaux, le délégué général du festival, a expliqué: «Nous voulions que la conférence porte sur ce dont parle le film et non sur le film lui-même». Entouré d’une délégation libyenne composée d’acteurs de la Révolution, qui sont également des personnages du film,  ainsi que des représentants de l’insurrection syrienne dont deux hommes aux visages cachés par des lunettes noires et un drapeau vert, B.H.L. a révélé que ces deux «déserteurs» «venaient d’arriver,  il y a quelques heures, de Syrie dont ils sont sortis clandestinement pour voir le film».
Le serment de Tobrouk raconte la Révolution, ou plutôt la guerre libyenne, vue de l’intérieur par l’écrivain et philosophe devenu activiste, dès les années 90, quand il a joué au témoin engagé dans les guerres et conflits d’Afghanistan,  de Bosnie et du Darfour.
C’est de son propre point de vue à la limite narcissique que B.H.L. vogue, pendant six mois, du printemps à l’automne 2011, d’une capitale à l’autre, Paris, Londres, Washington... pour convaincre les grands de ce monde Nicolas Sarkozy, Hillary Clinton, John Cameron, de la nécessité d’une intervention militaire en Libye pour venir en aide au peuple libyen, qui risque un massacre, ainsi qu’ aux révolutionnaires contre l’oppression et la dictature. B.H.L. a même rencontré Netanyahou et Ehud Barak pour les convaincre d’aider les révolutionnaires. Il faudrait, donc, comprendre qu’Israël a également contribué à la chute de Gueddafi.
Témoin, acteur et narrateur, le coréalisateur est le personnage central et moteur du film : costume noir et chemise blanche, incontournable, il est sur tous les fronts : Misrata, Djebel Nafoussa, Bani-Walid, Tripoli, sur terre,  air et mer, dans divers décors, entre désert, villes, villages et ruines et salons libyens et parisiens où il négocie la venue du CNT à Paris, l’ouverture d’un deuxième front à Nafoussa, la reconnaissance du CNT par le Sénégal  et autres actions jusqu’à la victoire finale marquée par la mort de Gueddafi, scène qui ouvre le film, lequel commence, paradoxalement,  par la fin.
B.H.L. monopolise  l’image, mais aussi la bande son puisqu’il raconte, en off, ce journal intime d’une guerre «peut-être pas encore finie» selon lui et dont il justifie  le bien-fondé, quel qu’en soient les dérapages, entre violence, extrémisme religieux, application de la charia, etc. «C’est une action qu’il fallait entreprendre», énonce le propos.
Filmé de manière subjective, du point de vue de l’auteur, cet opus prône «le droit à l’ingérence,  pour arrêter le massacre d’un peuple». C’est pourquoi il mène la danse à la tête d’un groupe d’activistes libyens, Souleiman Fortia, architecte incarnant la résistance de la ville de Misrata, Mansour Sayf Al-Nasr, opposant de la première heure à Gueddafi depuis le début de son règne, Ali Zeidan, président de la Ligue des droits de l’Homme libyenne, et l’un des trois membres du C.N.T. représentant itinérant du président du C.N.T. Mustapha Abdeljelil...C’est à croire que la victoire des rebelles libyens est due à l’action politique menée par l’auteur-réalisateur de Bosna. Et les révolutionnaires ? N’est-ce pas eux qui ont mené cette révolution ?
Au plan de la forme, ce long-métrage, qui a été filmé avec un appareil photo Canon 5D transformé en caméra, relève du documentaire politique informatif relatant à la première personne le making of d’une guerre à travers le prisme et le regard personnel de son auteur déroulant au fil du récit, de manière démonstrative,  ses dires et allégations.
Au cours de la conférence de presse, le coréalisateur a insisté sur le fait que la présentation du film à Cannes a, notamment, pour but «de convaincre que la communauté internationale peut se donner les moyens militaires et moraux, comme ce fut le cas concernant la Libye, d’intervenir en Syrie où se trame, souligne-t-il, une tragédie» Propos relayé par l’intervention des deux hommes masqués syriens qui ont relaté «la tragédie que vit la Syrie au rythme quotidien des morts, des destructions et de l’exil contraint de la population». Et de s’étonner que la communauté internationale n’intervienne pas, comme en Libye, contre la dictature  et l’oppression. C’est ce qu’ont répété, d’ailleurs, la plupart des intervenants libyens, qui ont au passage remercié B.H.L. et l’Occident pour leur contribution au changement en Libye, et des opposants syriens lors de la  conférence de presse, transmettant ainsi un message clair et limpide à l’Occident.
Quoique certaines questions des journalistes aient été éludées, telle cette question d’un journaliste israélien demandant si la Libye comptait établir des relations avec Israël, les intervenants ont répondu à d’autres. Interrogé sur son positionnement par rapport à l’application de la charia en Libye B.H.L. a rétorqué :  «On ne peut pas dire que la Libye a établi la Charia, si je me suis battu à Tripoli et à Nafoussa, c’est pour la réconciliation entre le monde islamique et la démocratie. C’est le sens de mon combat et je reste persuadé que l’Islam peut s’incorporer  et faire alliance avec les grands principes de la démocratie». Il a également réfuté les combats entre le CNT et les rebelles, affirmant «qu’il ne faut pas croire qu’au mal succède le bien, mais un moindre mal».
«La révolution libyenne serait-elle motivée, comme le pense  une bonne partie de l’opinion internationale, par des intérêts économiques, dont notamment la mainmise sur le pétrole, et celle syrienne aurait-elle pour but d’affaiblir la Syrie» ? A cette question de La Presse, le philosophe-activiste  a répondu : «Dire que la révolution libyenne a pour enjeu le pétrole est une sottise, car c’est la première intervention militaire qui n’a aucun enjeu : ni d’occupation, ni de colonisation comme c’était le cas en Irak. Arrêtez les théories conspirationistes et nettoyez vos écrans ! Maintenant dire que l’intervention en Syrie viserait à affaiblir l’Iran, je dirai, au risque de vous choquer, que je ne suis pas contre, la Syrie est le bras armé de l’Iran...Je souhaite que ce que nous racontons dans le film vaille pour la Syrie et j’en suis partisan quelles qu’en soient les motivations».  Enfin, concernant une question de l’AFP lui demandant comment peut-il se considérer ami des libyens alors qu’il considère que le Golan est une terre sacrée d’Israël,  il a répondu : «Non je ne considère pas qu’il y ait de terre sacrée et sûrement pas celle-là».
S.D.

samedi 26 mai 2012

65e Festival international de Cannes — Sélection officielle

Le jeu de miroir

Le jeu de miroir
De notre envoyée spéciale Samira DAMI
Le marathon des films en compétition se poursuit et fort heureusement tous les grands noms du cinéma n’ont pas tous déçu lors de ce 65e Festival de Cannes. Tel Alain Resnais dont le premier long métrage, Hiroshima mon amour, écrit par Marguerite Duras, a permis, selon le réalisateur Louis Malle, « de faire un bond dans l’histoire du cinéma». En compétition avec Vous n’avez encore rien vu, il a séduit la majorité de la critique ainsi que le public cannois. Un autre nom important du cinéma africain, cette fois-ci, a convaincu lui aussi et ce n’est autre que Moussa Touré grâce à son dernier-né La pirogue, programmé dans la sélection officielle : «Un certain regard». Le détail.
90 ans et tout son savoir-faire artistique intact. Alain Resnais le réalisateur de Hiroshima mon amour et de La vie est un roman a séduit la majorité de la critique avec un 20e long-métrage, Vous n’avez encore rien vu qui s’est avéré d’une grande poésie et originalité cinématographique. Dans cet opus, programmé en compétition, Alain Resnais a convoqué tous les arts : le cinéma, le théâtre, la vidéo-télé, la poésie, la musique et cerise sur le gâteau la sensibilité aussi.
Le film s’ouvre sur une scène- trouvaille où un célèbre auteur dramatique, Antoine d’Anthac, convoque par-delà sa mort, tous les amis qui ont interprété sa pièce Eurydice. Ces treize comédiens ayant reçu chacun un message téléphonique ont pour mission de rejoindre la demeure du dramaturge et de visionner une captation d’une répétition de cette œuvre par une jeune troupe, la compagnie de la Colombe. En regardant, sur un grand écran, les jeunes comédiens répéter, leurs aînés qui ont tous à un moment de leur carrière joué le texte se remémorent graduellement et les souvenirs remontent : d’abord de bribes de répliques, ensuite toutes les répliques qu’ils ils se mettent, au final, à jouer, relayant, dans de longues séquences, la troupe des jeunes.
Comme dans un jeu de miroir, le réalisateur construit son film sur plusieurs niveaux dans un va-et-vient entre plusieurs espaces : le dedans, le dehors, la captation de la pièce, plusieurs niveaux de narration entre réalité et fiction et plusieurs registres de jeu, d’où la pléiade d’acteurs qui interprètent le film. Ainsi trois générations de comédiens campent Eurydice (Sabine Azéma, Anne Consigny et Vimala Pons) et Orphée (Pierre Arditi et Lambert Wilson et Sylvain Dieuaide). On l’aura compris il s’agit, en fait, d’une adaptation originale, moderne et lumineuse de Eurydice, la pièce de Jean Anouilh, mais aussi de Cher Antoine du même auteur. L’ensemble est inspiré du mythe d’Orphée, un chassé-croisé entre la vie, l’amour, le destin, la mort et même la vie après la mort, charriant une kyrielle de sentiments entre incertitude, jalousie, espoir et désespoir, souffrance et bonheur...
Mis à part le sens, Resnais explore la relation entre le cinéma et le théâtre, en particulier, et l’écriture en général, il les fait se rencontrer grâce à son imaginaire, mais en se fondant sur le jeu des comédiens qui sont à la fois comédiens de théâtre et de cinéma et auxquels il rend hommage. Une belle brochette d’acteurs, il est vrai : Michel Piccoli, Pierre Arditi, Lambert Wilson, Hippolyte Girardot, Sabine Azéma, Anne Consigny, Anny Duperey, Mathieu Amalric, et d’autres. Encore une fois, Alain Resnais, comme l’ont si bien affirmé ses biographes, «arpente la mémoire en composant ses films».
Ayant obtenu, en 2009, un Prix spécial à Cannes pour l’ensemble de son œuvre à l’occasion de la projection en compétition de Les herbes folles, le réalisateur de Smoking/No Smoking arrivera-t-il à séduire aussi le jury de cette 65e édition et son président Nanni Moretti ? Le palmarès nous le dira.

Et La pirogue de Moussa Touré va

La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré, film hors compétition, se focalise sur l’immigration clandestine et les victimes de marchands de faux rêves comme il en existe partout en Afrique. Il est dédié aux 5000 Africains de l’ouest qui ont péri en mer sur des embarcations de fortune, en essayant d’atteindre les côtes de l’Europe. Le film s’ouvre sur une scène de lutte traditionnelle afin de donner le ton, or, il sera justement marqué par une lutte acharnée pour la survie et pour la réalisation du rêve afin d’échapper à la misère. Car, ces voyageurs clandestins qui aspirent à un ailleurs plus clément et meilleur sont la victime d’une chaîne d’exploiteurs et de responsables : l’Etat qui laisse faire au lieu de faire travailler les jeunes et les passeurs cyniques qui ne sont intéressés que par le profit.
Dans un quasi -huis clos, le réalisateur de Toubab Bi et de Poussières de ville filme les dangers de la traversée dans cette pirogue, captée tel un personnage principal, et qu’il a exploité dans ses moindres angles et recoins. Le récit s’égrène au fil des situations tantôt calmes, tantôt tendues, les personnages de différentes origines ethniques dont une seule femme, s’agitent soit dans la complicité et la solidarité soit dans l’adversité et la rancœur. Les tensions, la peur, les moments de doute, d’espoir ponctuent le récit non dénué de rebondissements, comme lorsque une bagarre surgit, quand le moteur de la barque s’arrête ou qu’une grande tempête survient et que la mort guette. Touré réussit à interpeller, voire à susciter l’émotion, lorsque un père tient son fils mort dans les bras ou quand s’élèvent dans le ciel gris ou clair ces complaintes africaines déchirantes sur la vie et la mort. Touré réussit, également, à placer son message : tout ce calvaire et ces milliers de morts, juste pour un ailleurs incertain et des horizons bouchés, se justifient-ils encore et toujours alors que la crise sévit partout, même en Occident, et que les frontières sont hermétiquement fermées ? Ne vaudrait-il pas mieux essayer de s’en sortir chez soi dans son propre pays, s’interroge le réalisateur ?
La mise en scène se particularise par sa sobriété si l’on excepte quelques lenteurs dans le rythme et cette scène incompréhensible montrant trois protagonistes se jetant dans l’eau alors que les mobiles de leur geste ne sont pas apparents. Et cette scène si éloquente, si attachante où, comme dans un jeu de miroir, se profilent la savane sénégalaise et un arbre séculaire dans le souvenir d’un des personnages, un vieil homme, si digne, mais contraint à l’exil soulignant, ainsi, l’importance des racines et de l’identité. Maîtrisé, le filmage favorise les gros plans et le cadrage en biais afin de suggérer cet autre horizon que scrutent et auquel aspirent les passagers clandestins. Cependant la multiplication des regards entre les différents personnages n’est pas du meilleur effet et semble superflue. Interprété dans la justesse par Souleymane Seye Ndiaye, Laîty Fall et Balla Diarra La Pirogue ne fait que confirmer le talent de Moussa Touré convaincant dans ce drame social à dimension continentale tant il concerne aussi bien l’Afrique que bien d’autres continents.
Auteur : S.D.
Festival international de Cannes

Le temps des pronostics

Le temps des pronostics
De notre envoyée spéciale Samira DAMI
L’heure est au pronostic au Festival de Cannes et les films pressentis pour la palme ne sont pas légion, il faut dire que le 7e art n’est plus ce qu’il était comme si «l’île cinéma serait en décrue». Bref, les pronostics, à l’approche de la proclamation du palmarès, demain, parcourent la Croisette. Et c’est Amour de l’Autrichien Michael Haneke, mettant en scène deux octogénaires au crépuscule de leur vie, qui a jusqu’ici les faveurs de la critique internationale. Au-delà des montagnes du Roumain Cristian Mungiu, détenteur de la Palme d’or en 2007 avec Quatre mois, trois semaines et deux jours, qui propose une réflexion sur la religion et la responsabilité des religieux, à partir d’un fait divers : la mort d’une jeune fille, qui souffre d’une amitié perdue, après une séance d’exorcisme. Un film sobre sur l’amour et l’abandon. Dans la brume du Biélorusse Sergeï Loznitsa se décline comme le film du festival, merveilleusement ciselé dans une mise en scène profonde véhiculant des propos tout aussi important tant il pose des questions d’une actualité brûlante sur la guerre, la résistance, la traîtrise, la vengeance, la morale et la mort, etc. Mais s’il y a une quasi-unanimité sur les films les plus décevants tels Paperboy de l’Américain Lee Daniels, hué en séance de presse, malgré la présence dans le casting de Nicole Kidman dans des scènes chocs, Après la bataille de l’Egyptien Yousri Nasrallah, Reality de Matteo Garrone, Des hommes sans loi de l’Américain John Hillcoat... certains tels Holy Motors du Français Léos Carax ou encore Cosmopolis du Canadien David Conenberg, accueilli par la critique avec des applaudissements mais aussi des huées, ont divisé les festivaliers. Le détail.
Dans la brume fait partie de ces films qui peuvent être situés dans n’importe quelle époque tant son propos et ses questionnements sont universels : il s’agit de la confrontation entre deux résistants et un traître, Souchéna, dans une forêt russe en 1942, ses anciens camarades veulent l’exécuter parce qu’il est le seul rescapé d’un groupe de résistants biélorusses pendus par les Allemands pour un acte de sabotage. Cette adaptation du roman de Vasyl Bykov, écrivain biélorusse, sécrète une atmosphère sombre et oppressante d’une époque de guerre et de crise où l’homme est livré à lui-même et à sa propre vérité...Ciselé de main de maître dans des scènes composées comme des tableaux où dominent les gros plans, révélant la psychologie des personnages dans toute leur profondeur, Dans la brume laisse ses personnages anti-héros empêtrés dans le monde de la forêt, jungle sauvage et silencieuse, et dans le brouillard, l’avenir est brumeux, obscur, sans éclaircie. Ce qui laisse peu de place à l’espoir.
Parmi les films qui ont divisé la critique internationale et les festivaliers : Cosmopolis d’une actualité brûlante est une adaptation du roman de Don DeLillo (cette édition comporte beaucoup de films adaptés) qui fustige le capitalisme, spectre qui hante le monde à travers le personnage tragique d’un trader, un génie de la finance, Eric Parker (Robert Pattinson) quasi prisonnier de sa limousine blanche à la dérive dans les rues cahotiques de New York. En raison des embouteillages causés par la visite du président américain dans la ville, les manifestations contre le système financier et les funérailles d’un rappeur. Au milieu de cette cacophonie ambiante, Eric n’a qu’un désir : se couper les cheveux chez le coiffeur de son père dans le quartier pauvre de son enfance. A cette fin, il vivra une journée longue comme s’il avait vécu toute une vie. Dans sa «limo», il convoque ses conseillers, ses maitresses, son médecin...Comment se libérer de cette limousine, sorte d’écran entre lui et le monde ? La violence sera le choix ultime, le film étant une quête de libération et de liberté. Encore un film oppressant nous disant que le monde a besoin d’être purifié et nettoyé pour renaître à nouveau. Ce qu’on peut reprocher à ce film, quasi-entièrement tourné dans une limousine, c’est d’avoir collé au roman, à la virgule près, perdant ainsi en route le cinéma pour se noyer dans le verbe et le bavardage. Ce que ne supporte pas le cinéma. Sans compter que la séquence finale entre Eric et celui qui veut le tuer, d’une durée d’une vingtaine de minutes, qui aurait pu être un morceau d’anthologie est quasi ratée, car sans puissance, ni intensité, ni émotion. Cronenberg est loin de son chef-d’œuvre La promesse de l’ombre.
Holy Motors du Français Léos Carax a également divisé la critique. Ce troisième film français en compétition, met en scène l’errance de M. Oscar (Denis Lavant, comédien fétiche du réalisateur), la référence au cinéma est claire. Un voyage au bout de la nuit où un mystérieux personnage traverse Paris en limousine, conduite par son chauffeur, Céline, une grande dame blonde. Oscar change sans cesse d’identité et incarne en fait neuf personnages errant allant d’un décor à l’autre, s’arrêtant tantôt dans un cimetière, tantôt dans les égouts, tantôt dans la Samaritaine en rénovation. Ces décors sont habités par des personnages, façon fantômes ou façon virtuels, délurés. Le changement d’identité de M. Oscar correspond non seulement à une quête de soi, mais aussi à une «recherche du cinéma perdu». Il est vrai que Carax a vu juste : le cinéma n’est plus ce qu’il était... C’est pourquoi, en guise de renouveau et d’inventivité, fidèle à son style, il explore son propre cinéma pour proposer une plastique des plus fantasques. Mais à force de pousser sa recherche exploratrice, l’auteur de Les amants du pont neuf qui en profite pour stigmatiser, au passage, notre époque en déliquescence, en vient à faire sombrer également son récit dans l’errance et l’incohérence.
Auteur : S.D.

mardi 22 mai 2012

65e Festival international de Cannes

Entre déception et séduction


Entre déception et séduction

 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
C’est sous une pluie battante et ininterrompue, jamais vue auparavant en ce mois de mai, que se déroule, depuis deux jours, le Festival de Cannes.  Par ce temps froid et humide, il vaut mieux être dans les salles qui ne désemplissent guère, d’ailleurs, même sous le soleil et par beau temps. C’est qu’il y a, ici, un enthousiasme  remarquable pour le cinéma. Le marathon continue, donc, mais peu de films  de la compétition ont marqué cette 65e édition. Des déceptions, il y en a eu,  et elles sont d’autant plus grandes qu’elles sont le fait de grosses pointures du 7e art, vraisemblablement sélectionnées  plutôt en raison de leur nom que de leur œuvre.  L’Iranien Abbas Kiarostami, par exemple, qui, dans  Like someone in love  continue ses pérégrinations internationales et se perd cinématographiquement,  cette fois-ci au Japon, en explorant, encore une fois, un univers qui n’est pas le sien. Comme cela fut le cas, en 2009, dans Copie conforme dont l’action se déroule en Italie et qui avait valu un prix d’interprétation féminine à l’actrice Juliette Binoche.
 Like someone in love porte  le même titre que le célèbre standard de jazz, interprété, dans ce film, par Ella Fitzgerald. Et l’on comprend, donc, pourquoi  cet air sublime s’incruste tant au fil des scènes, c’est qu’il représente l’élément le plus intéressant du film, pour ne pas dire le seul.  Le dernier-né du réalisateur de Ten et Le goût de la cerise met en scène une rencontre à Tokyo entre un vieil universitaire très érudit, garant de la tradition, une jeune et séduisante étudiante qui vend ses charmes pour payer ses études et un jeune homme jaloux au bord de la crise de nerfs, voire de l’explosion. Une relation qui culminera dans la violence qui se noue entre les trois personnages. Que veut nous dire Kiarostami ? Que le monde, que ce soit au Japon ou ailleurs, est de plus en plus cruel, sans repères et sans valeurs morales. Assurément. Mais l’inconvénient c’est qu’il le dit de manière si peu crédible, si légère qui se veut amusante, mais qui rate le coche. Pauvreté du sens et de la construction dramaturgique, certes, mais aussi de la forme qui s’avère sans innovation créative, le réalisateur restant fidèle à quelques-uns de ses partis pris, en insistant sur la durée des plans et en multipliant les scènes où il filme ses personnages à l’intérieur de voitures. Que dire maintenant ? Sinon qu’il est temps que Kiarostami mette fin à «sa période internationale» et retourne à sa «période iranienne», laquelle a sécrété ses plus beaux films et dont on est vraiment nostalgique.  A moins que...
Un autre lot de films a suscité la déception : Reality de l’Italien Matteo Garrone, qui traite linéairement et superficiellement du monde factice de la téléréalité, Paradise : Love de l’Autrichien Ulrich Seidl, premier épisode d’une trilogie sur la vie sentimentale des Autrichiennes et Lawless (Des hommes sans loi) de l’Américain John Hilcoat qui se décline comme une énième version des années de la prohibition en Amérique, mais sans créativité aucune, sans compter la longueur et la pesanteur qui finissent par plomber carrément cet opus prétentieux et sans intérêt.

L’important c’est l’humain

Quelques films, jusqu’ici, ont emballé la Croisette : La Chasse du Danois Thomas Vinterberg, l’un des initiateurs du manifeste Dogma 95, qu’il a fondé avec son compatriote Lars Von Trier, qui est depuis l’année dernière persona non grata au Festival de Cannes. La Chasse est le septième opus de Vinterberg, le premier étant son film-culte Festen qui avait également agité la Croisette et obtenu en 1998 le prix du jury. Dans cet opus-là, le cinéaste met en scène la vengeance de plusieurs victimes d’un despote familial pédophile, dont le dernier c’est, au contraire, Lucas, un père divorcé qui travaille dans la garderie d’un village, et chasseur à ses heures, qui est accusé d’attouchements sexuels par la petite fille de son meilleur ami, Klara. Mensonge ou vérité ? Peu importe, personne ne cherche à savoir, car c’est aussitôt l’hystérie collective et la chasse qui commence, tout le village se met à répandre toutes sortes de rumeurs sur Lucas, banni du village et désormais seul contre tous. C’est le début de la descente aux enfers pour ce chasseur pris au piège du réflexe de Panurge et de l’hypocrisie sociale. Le spectateur sait que Lucas est innocent et s’identifie à lui d’autant qu’il jouit d’une beauté physique et morale, mais c’est probablement cette identification qui mine quelque peu le film émoussant suspense et mystère. Film sur le pouvoir du mensonge et la fragilité humaine, La Chasse vaut certainement par la performance de l’acteur nordique Mads Mikkelsen qui lui vaudra peut-être un prix d’interprétation masculine.
Amour de l’Autrichien Michael Haneke, Palme d’or avec Le Ruban blanc en 2009, a séduit les festivaliers, grâce, notamment, au thème qu’il traite, mais également à la rencontre et à la performance d’un couple d’acteurs magnifiques, Jean-Louis Trintignant, 81 ans (Georges), et Emmanuelle Riva, 85 ans (Anne), l’héroïne de Hiroshima mon amour. Georges et Anne, très unis, sont  mariés depuis des décennies, professeurs de musique classique et de piano à la retraite, ils partagent les choses de la vie, mais surtout le bonheur que procure la musique, mais un jour, Anne,  saisie d’une absence suivie d’une attaque,  devient hémiplégique. Après l’opération, elle demande à Georges de lui promettre de ne jamais la laisser retourner à l’hôpital... Il tiendra promesse, prendra soin d’elle et écartera les quelques visiteurs, même sa propre fille Eva. Mais petit à petit, Anne sombrera dans la démence... En fait, le film est un long flash-back car il s’ouvre sur un prologue où des agents de la protection civile découvrent Anne morte sur son lit. Le ton est donné, Haneke filmera la lente agonie de la vieille femme dans le saisissant huis-clos d’un appartement parisien défraîchi où seuls la bravoure et l’héroïsme de Georges vont transparaître. Ni crise de nerfs, ni voyeurisme, ni misérabilisme sentimental, ni mélo, mais de la dignité humaine surtout. Simple et sobre dans la forme, Amour véhicule des tas de questionnements : la vie a-t-elle  un intérêt quand elle n’est plus que souffrance et déchéance physique ? Vaut-elle la peine d’être vécue? Pourquoi cet acharnement ? Georges trouvera la réponse dans un épilogue saisissant d’humanité. L’important c’est toujours l’humain. Les deux interprètes pourraient probablement être récompensés. Vous n’avez rien vu, le dernier-né d’Alain Resnais  qui revisite à sa manière Eurydice, la pièce de Jean Anouilh, n’a pas non plus laissé indifférent le public cannois. Nous y reviendrons.

S.D.

lundi 21 mai 2012

65e Festival international de Cannes

Présence tunisienne : des jeunes à la recherche de visibilité

Présence tunisienne : des jeunes à la recherche de visibilité
 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
Le cinéma tunisien est pour la énième année absent de la sélection officielle du 65ème Festival de Cannes, dans les autres sections parallèles aussi, mais plusieurs producteurs et surtout jeunes cinéastes sont présents sur la Croisette et profitent  du pavillon tunisien, trônant au village international, pour donner une visibilité à leurs films, entre courts et longs métrages. Une visibilité qui se décline à travers plusieurs actions : montrer les films dans le but d’une éventuelle sélection aux festivals internationaux, rechercher des compléments de financements ainsi que des options de vente au marché du film qui compte pas moins de 1000 participants venus de 99 pays. Cela outre la participation au «Short-Film Corner», sorte de forum où ont été mis à la disposition des professionnels et du public plus de 2000 courts métrages dont dix tunisiens. Le détail.
Hbib Attia, producteur, a quatre projets, à différents stades de production : Ya Man Ach ou C’était mieux demain un long métrage documentaire de Hend Boujemaâ, Maudit soit le phosphate de Sami Tlili,en phase de montage, Shallat Tounés de Kawther Ben Hnia en cours de montage, enfin Palestine Stéréo, un long métrage de fiction de Rashid Maâsharaoui  en phase de développement. Cet opus bénéficie déjà du Fonds Sud et d’autres financements du Moyen-Orient et de la Norvège et la recherche de fonds continue à Cannes. Le tournage débutera en octobre 2012 à Ramallah avec la participation de plusieurs techniciens tunisiens dont le chef opérateur Tarak Ben Abdallah, l’acteur principal pressenti n’est autre que Lotfi Abdelli. Rappelons que le précédent film du réalisateur palestinien, Leila’s Birthday, a été également coproduit par ce même producteur.
«C’était mieux demain a été sélectionné au Fidlap qui est une plateforme internationale de coproduction où sont soumis des films du monde entier à différents stades de la production et les 12 projets de films internationaux sélectionnés sur les 300 qui étaient en lice seront présentés aujourd’hui, lundi, à 11h30, à Cannes aux professionnels et à la presse internationale. Le Fidlap est amarré au Festival international du documentaire de Marseille, le plus important dans le genre en France. J’entreprends également des contacts avec plusieurs directeurs de festivals dont Locarno, Toronto et autres pour d’éventuelles participations, sans compter l’importance du marché qui particularise, notamment, le Festival de Cannes», explique Hbib Attia patron de Cinétéléfilms.

dimanche 20 mai 2012

65ième festival de Cannes

La Tunisie abritera le siège du Fonds panafricain pour le cinéma


La Tunisie abritera le siège du Fonds panafricain pour le cinéma

 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
• Le Fpca, un outil exemplaire de solidarité interafricaine, tant attendu par les cinéastes africains, en voie de concrétisation

C’est fait, le siège administratif du Fonds panafricain pour le cinéma et l’audiovisuel (Fpca) élira domicile en Tunisie, puisque l’appel  lancé par M. Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture, présent sur la Croisette, a été accepté par M. Clément Duhaime au nom de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) et appuyé par les ministres de la Culture de la Côte d’ivoire et du Gabon. C’était  hier, au cours d’une rencontre et conférence de presse  organisée au pavillon des  «Cinémas du monde» pour la mise en œuvre effective du Fpca. Rappelons que l’idée de ce Fonds  est née il y a  quatre ans déjà et que c’est lors du Festival de Cannes 2010 que le projet a été annoncé devant la presse internationale. Les objectifs et missions du Fpca sont clairs : soutenir financièrement la production de films pour le cinéma et la télé et la finition de films déjà produits, favoriser l’émergence de films africains et de séries panafricaines de qualité, promouvoir la coopération sud-sud, réconcilier le cinéma de ce  continent avec son public en répondant à ses attentes, besoins et aspirations et permettre, enfin, à un milliard d’Africains de se réapproprier leur histoire, d’affermir leur identité et de partager leur vision avec le reste du monde.
L’appel du ministre de la Culture tunisien, lancé devant un parterre composé de ministres de la Culture de la Côte d’Ivoire et du Gabon, de représentants  et de professionnels des cinémas africains, a été précédé par une déclaration où il a exprimé sa satisfaction et sa fierté quant au chemin parcouru par le cinéma africain et à sa présence à Cannes pour la mise en œuvre du Fpca. Et d’ajouter : «La  Tunisie a été le premier pays à encourager le cinéma parce qu’il représente outre la création, une richesse culturelle pour les peuples. La Tunisie a, grâce au militant Taher Cheriaâ, créé les JCC (Journées cinématographiques de Carthage), contribué à la naissance du Festival panafricain de Ouagadougou (Fespaco) et à la création de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci) avec la contribution du cinéaste sénégalais Sembene Ousmane. Ce sont ces deux militants qui ont lancé depuis 1969 à Alger l’idée de ce Fonds dans un même idéal de coproduction et de solidarité sud-sud et il va de soi qu’aujourd’hui le pays des JCC la soutienne et la concrétise». Et de proposer deux motions : la première remerciant l’OIF et son secrétaire général Abdou Diouf et la deuxième consistant en une demande de création d’un conseil d’orientation du Fonds après avoir créé les bases de la structure juridique dudit Fonds tout en affirmant que la Tunisie est prête à le soutenir et à l’accueillir.
M. Duhaime a souligné que plusieurs autres pays et organisations ont annoncé leur soutien au Fpca, suite aux adresses écrites dans ce but par Abdou Diouf à tous les chefs d’Etat africains : le Gabon, le Bénin, le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, etc. Et d’ajouter : «Nous avons fait une étude de fiabilité et de gouvernance de ce Fonds et nous sommes rassurés vu les engagements très forts de la Tunisie, du Gabon et d’autres pays et associations. Il est important que les gouvernements africains se donnent les moyens de leur politique nationale concernant le cinéma». Et d’annoncer que c’est le cinéaste sénégalais Moussa Touré dont le long métrage La Pirogue est programmé en sélection officielle qui sera le parrain du Fpca pour l’année 2012. Très ému, Touré  a appelé les gouvernants à apporter leur soutien au Fonds afin que les films soient tournés dans les langues africaines et non pas en langue française, comme c’est actuellement le cas.
Les ministres de la Culture de la Côte d’Ivoire et du Gabon ont approuvé les deux motions de leur homologue tunisien et ont appuyé l’appel de la Tunisie déclarant que «Les révolutions et changements de pouvoirs dans les pays africains ont créé une dynamique politique nouvelle et une volonté de prendre nos propres destins en main». Le cinéaste Férid Boughedir, l’un des animateurs de la rencontre, a indiqué visiblement très satisfait: «C’est un  grand jour, car 43 ans durant, et ce depuis 1969, date de la création de la Fepaci, les cinéastes africains n’ont pas baissé les bras, ils ont créé le Fespaco et d’autres festivals et structures outre les marchés du film... Je veux rappeler que ce que les Européens ont réalisé dans le domaine du cinéma peut fonctionner en Afrique et c’est d’autant plus important que cela garantit l’indépendance de l’image et du cinéma du Continent. Que le rêve devienne réalité».
Enfin dans une déclaration à La Presse le ministre de la Culture a indiqué : «C’est un honneur pour la Tunisie d’accompagner le Fpca et d’abriter son siège grâce aux actions antérieures des militants dans le domaine et à la qualité du cinéma tunisien. Il y aura certainement des défis à relever, mais j’exprime mon engagement à planifier tous les handicaps logistique, matériel ou financier. Fort heureusement cette responsabilité du Fonds représente un argument justifiant la présence du pavillon tunisien. Nous avons perdu une visibilité de notre cinéma dans la compétition officielle, mais notre savoir-faire et engagement a enfin tranché contre l’hésitation exprimée concernant le pavillon tunisien à Cannes».

Auteur : S.D.
Ajouté le : 20-05-2012

samedi 19 mai 2012

65e Festival international de Cannes

De Rouille et d’os de Jacques Audiard : un mélo cousu de fil blanc


De Rouille et d’os de Jacques Audiard : un mélo cousu de fil blanc

 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
Trois ans après avoir obtenu le grand prix à Cannes pour Un prophète le réalisateur français Jacques Audiard est de retour sur la Croisette avec De Rouille et d’os, un mélo sous le soleil de la Côte d’Azur avec lequel il est en lice pour la palme d’or. Ali et Stéphanie, deux personnages en crise, voient leurs destins se croiser au cours d’une bagarre dans une boîte de nuit. Il est pauvre, divorcé, désargenté, sans ami, sans domicile, il vit chez sa sœur et a un enfant de 5 ans sur les bras, son fils Sam. Elle, est belle et pleine d’assurance, dresseuse d’orques au Marineland, mais un drame surgit : elle perd ses jambes lors d’un show avec les orques. La  relation des deux personnages évoluera au fil des événements et des situations que connaîtra Ali…
Le film, qui a pourtant été accueilli par une standing ovation, se décline dans le plus pur style mélodramatique qui arrive même à nous arracher quelques larmes à la fin, quand Ali abattu et éprouvé après avoir risqué de perdre son fils, déclare son amour à Stéphanie. Cet opus, adapté de trois nouvelles de l’écrivain canadien Craig Davidson, décrit une société en convulsion à travers un personnage masculin très physique et tout en muscles qui a des difficultés à exprimer ses sentiments, mais également à travers  le handicap physique d’un personnage féminin qui a besoin de l’aide de cet homme perdu et sans repères. Lequel homme pour gagner sa vie en est réduit à faire des combats de boxe thaï clandestin, d’une rare violence qui attire les parieurs en tout genre.  Les déboires d’Ali et les rebondissements du récit semblent comme un prétexte pour donner de l’énergie à ce mélo cousu de fil blanc, car si conventionnel dans le traitement et le filmage si léché.
 Une énergie sécrétée par le jeu des acteurs fort bien dirigés : Marion Cotillard qui assure de bout en bout dans le rôle central de Stéphanie et Mathias Schoenaerts qui, campant Ali, réussit à rendre ce côté bagarreur incapable de s’exprimer. «Mieux» pour donner davantage d’intérêt à son film dont l’enjeu est au final le handicap aussi bien physique (Stéphanie) que moral (Ali) Audiard plombe son récit en inoculant d’autres thématiques : les enfants délaissés, voire abandonnés par leurs parents, l’exploitation des employés, dont notamment les caissières, par les grandes chaînes commerciales. Finalement l’abondance des sujets nuit à l’ensemble du film, car tout est traité en surface sans profondeur. Que veut nous dire Audiard dans ce mélo des temps modernes ? Que le monde est cruel et qu’il y a toujours de l’espoir quand deux êtres handicapés arrivent à se soutenir l’un l’autre. Sans doute. Mais se limiter à le dire superficiellement sans créer du sens ni sécréter un cinéma original, hors des moules conventionnels et des sentiers battus, c’est quelque part rater le coche. Finalement certains films qui, annoncés tambour battant sur la Croisette comme de grandes œuvres «palmables» font, en fait, beaucoup de bruit pour rien.

S.D.

vendredi 18 mai 2012

65e Festival international de Cannes — Après la bataille de Yousri Nasrallah en compétition

Filmer la révolution n’est pas aisé


Filmer la révolution n’est pas aisé


De notre envoyée spécial Samira DAMI
Seul film arabe et africain à concourir en compétition officielle à Cannes pour la Palme d’or, Après la bataille de l’Egyptien Yousri Nasrallah, projeté hier, se focalise sur la Révolution et plus précisément sur les «Cavaliers de la place Ettahrir», qui, manipulés par le régime de Moubarak, ont chargé les manifestants. Mahmoud habitant le quartier pauvre de Nazlet El Sammam, jouxtant les Pyramides de Gizeh, est l’un d’entre eux. Avant la Révolution, il gagnait sa vie en promenant les touristes à dos de chameau. L’Etat voulant réhabiliter  cette zone et ses terrains qui valent de l’or, encore et toujours dans un but de spéculation, a fait construire un mur pour empêcher les chameliers et les cavaliers d’accéder aux touristes et les pousser, ainsi, au départ. Après la Révolution, la situation empire, la défection des touristes aidant, Mahmoud, tabassé, humilié et sans travail, perd pied ne pouvant plus nourrir sa famille et son cheval. C’est à ce moment qu’il fait connaissance avec Rim, une jeune Egyptienne divorcée, habitant les beaux quartiers du Caire, publiciste et activiste de la société civile. Une relation amoureuse naîtra entre les deux personnages que tout oppose : Mahmoud l’antirévolutionnaire qui rêve de l’Egypte d’avant et Rim la révolutionnaire invétérée agissant pour la liberté et la dignité.
Le film s’ouvre sur la fameuse scène de «La bataille des chameaux» qui a fait le tour du monde sur les satellitaires et les réseaux sociaux et se clôt sur la manifestation pacifique de Maspéro organisée le 9 octobre devant le siège de la télé publique après l’incendie de deux églises coptes à Assouan, mais qui s’est terminée tragiquement puisque l’armée a tiré et a attaqué la foule avec des blindés, causant une trentaine de morts. Entre-temps, le réalisateur use de la fiction pour étayer la thèse qu’il prône et qui parcourt le film de bout en bout et que finit par dire et avouer Mahmoud à Rim : «Nous avons attaqué les manifestants parce que le pouvoir nous a incités à le faire nous promettant de détruire le mur séparant notre quartier des Pyramides». Cette thèse est-elle réelle? L’Histoire et les historiens le diront.
Maintenant quels écriture et style cinématographiques prône le réalisateur pour mettre en scène tout ça ? Disons d’emblée que l’absence de scénario, improvisé au fil du tournage, selon Yousri Nasrallah lui-même, se ressent fortement tant le propos est embrouillé car partant dans tous les sens et explorant plusieurs pistes : la Révolution, le travail associatif, la condition de la femme, le métier de cavalier, la danse des chevaux, les conditions de vie désastreuses des habitants de Nazlet El Samman, les scènes de ménage, l’histoire de la construction du mur, les milliardaires mafieux et nous en passons. La supposée passion entre Mahmoud et Rim fait long feu et est rapidement perdue de vue. Après la bataille bavarde, bavarde...beaucoup usant d’un discours direct et didactique et hystérique. Les moments de silence et de cinéma sont rares, le style est nerveux dans le sens brouillon et parfois même bâclé. Une exception : la scène finale où Mahmoud escalade les Pyramides quand il prend conscience de la nécessité du combat pour la liberté et la dignité. Nasrallah use, également, d’images documentaires des réseaux sociaux et de la télé mais leur exploitation cinématographique se limite à l’insertion sans réel parti pris cinématographique. Côté jeu : rien à signaler à l’exception du fait que l’on voit que Menna Chalaby (Rim) joue, donc elle n’est pas toujours crédible, et que Bassem Samra joue plus naturellement. Ainsi, flmer la Révolution ne semble pas aussi aisé, car jusqu’ici nous n’avons pas vu une œuvre cinématographique arabe convaincante à ce propos. Peut-être que pour cela davantage de recul s’avère utile et nécessaire. Il est vrai que le disciple de Youssef Chahine conclut son film en laissant entendre que la Révolution n’a pas encore eu lieu et que c’est plutôt le sentiment révolutionnaire qui est né en Egypte. Donc attendons la vraie Révolution pour que Nasrallah fasse un film convaincant  sur la Révolution.

«Je ne veux pas que mon film soit vendu à Israël»

Signalons, enfin, qu’au cours de la conférence de presse qui a suivi, hier, la projection du film Yousri Nasrallah a déclaré  qu’il ne voulait pas que le film soit vendu à Israël, estimant que ce pays n’est «pas un allié» de la révolution égyptienne. «Je ne sais pas du tout si le film a été vendu à Israël mais si vous voulez connaître mon avis, non, je ne veux pas qu’il soit vendu à Israël. Pas tant que les Israéliens occupent encore les territoires palestiniens» provoquant les applaudissements de plusieurs journalistes. Une polémique est-elle en train de naître sur la Croisette après de tels propos ? Les prochains jours nous le diront.

S.D.

jeudi 17 mai 2012

Clap d'ouverture du festival de Cannes

Le ton est donné

 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
Le coup d’envoi de la 65e  édition du Festival de Cannes, placée sous le signe de la divine Marilyn  Monroe, a été donné hier, comme à l’accoutumée sous les acclamations de la foule et des badauds qui s’excitent à la vue de leurs stars préférées montant les marches tapissées de rouge de l’auditorium Louis-Lumière. Parmi les olympiens des temps modernes, Bruce Willis, Sean Penn, Berenice Bejo qui a remporté le César de la meilleure actrice pour son rôle dans The Artist et qui, en maîtresse de cérémonie, a donné le la à la plus prestigieuse  manifestation cinématographique dans le monde. Il y avait aussi Nanni Moretti, l’un des cinéastes les plus importants du cinéma italien qui préside cette année le jury des longs métrages et qui aura, avec les autres membres, dont les actrices Diane Kruger, Emanuelle Devos et la Palestinienne Hiam Abbas, à départager 22 films dont certains sont réalisés par des habitués du festival, tels  le Français Jacques Audiard, le Canadien David Cronenberg ou l’Iranien Abbas Kiarostami.

Nanni Moretti a expliqué les options du jury, au cours de la traditionnelle conférence de presse, en ces termes :  «Nous allons nous rencontrer tous les deux jours pour discuter les quatre films que nous aurons vus. Nous allons visionner vingt-deux films en tout et nos différentes sensibilités vont indéniablement se confronter. Mon rôle sera celui d’un chef de classe. L’important, c’est de voir tous les films avec la même attention et le même respect». Il a cependant déploré que les délibérations du jury ne soient plus tenues secrètes et ne comprend pas que depuis quelques années, le jury soit obligé de donner une conférence de presse après le palmarès pour expliquer ses choix. Peut-être que la direction du festival entendra Nanni Moretti et supprimera cette nouvelle conférence, qui sait ?
Mais entre-temps, c’est l’équipe du film d’ouverture Moonrise Kingdom réalisé par l’Américain Wess Anderson et interprété par Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray, qui a été  invité sur scène par la maîtresse de cérémonie, qui a déclaré ouverte la 65e édition du festival. Voilà un film qui donne le ton de ce que sera l’une des thématiques de cette session, puisque l’action se déroule  dans des décors naturels sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l’été 1965 et raconte la fugue de deux enfants de 12 ans qui fuient le monde des adultes.  Mais le danger guette... Un opus qui se veut un hommage poétique à la nature et aux sentiments amoureux de l’enfance. Or, très vite, la première partie bien emmenée est gâchée par la deuxième qui sombre dans le spectacle total façon hollywoodienne d’une course-poursuite entre  les enfants et les adultes qui sont à leur recherche. Autre film en compétition : Baâd El Mawkeaa (Après la bataille) de l’Egyptien Yousri Nasrallah mettant en scène l’un des cavaliers de la place Ettahrir, manipulés par les services du régime  de Moubarak. Nous y reviendrons.

dimanche 13 mai 2012

RETRO DU 13 MAI 2012




Charité bien ordonné commence par soi même

Plusieurs chaines locales et étrangères ont rapporté l’info par l’image et le son : outre des milliers de citoyens  tunisiens, 4500 environ, des Constituants  de l’Assemblée nationale constituante, des centaines de  représentants de la société civile et quelques membres du gouvernement ont  fait la semaine écoulée une grève de la faim. Apportant, ainsi, leur soutien aux 2500 prisonniers palestiniens, eux-mêmes en grève de la faim depuis un mois pour protester contre les conditions dramatiques et inhumaines inacceptables de leur détention, depuis des années, dans les prisons israéliennes.

Une action de solidarité louable : quoi de plus normal pour attirer le regard du monde sur les épreuves, les exactions et les souffrances que connait le peuple palestinien, cependant on aurait aimé voir, également, tous ces Constituants et membres du gouvernement, soutenir les blessés de la Révolution dont plusieurs sont courroucés et profondément déçus par leur indifférence. Deux d’entre eux Khaled Ben Nejma et Mohamed Mzah ont entamé, depuis voilà  deux semaines, une grève de la faim, non pas seulement pour demander des soins à l’étranger mais selon le premier «Pour en finir avec la vie devenue insupportable».

 On ne comprend, donc, pas le silence assourdissant de la Troïka qui doit sa libération politique et sa place, actuellement, au sommet du pouvoir, grâce aux  martyrs et aux blessés de la Révolution. Ces derniers se sentant totalement  négligés et par le gouvernement rejetés. Soutenir les prisonniers de Gaza c’est bien, en faire de même avec les fils du pays et a fortiori avec les blessés de la Révolution et pourquoi pas les chômeurs c’est encore mieux.

mardi 8 mai 2012





 RETRO LE 6 MAI 2012

Le clean et le flou

Les images de la couverture de la visite du président Moncef Marzouki  au marché de gros diffusées dans le journal télévisé du jeudi 26 mai, sur El Watania 1, s’enchainaient dans deux séquences de qualité techniquement très différentes : la première séquence véhiculait des images nettes, à la résolution plus que bonne, quasi muettes, montrant l’accueil chaleureux réservé au Président de la République,  la deuxième affichait des images floues, tremblotantes et  à la résolution approximative montrant les deux baisemains fait au président Marzouki  par deux marchands de légumes sur. Ces images qui proviennent probablement d’un téléphone cellulaire ont, on le sait, fait le tour des réseaux sociaux.

Pourquoi cette différence criarde de qualité ? C’est que les images prêtes à diffuser (PAD) de la première séquence provenant de la salle de montage du palais de Carthage sont officielles, formelles, quasi muettes, et surtout clean, car nettoyées et expurgées des baisemains en question. En revanche les images de la deuxième séquence informelles et anonymes qui n’ont rien d’officiel  ont été accompagnées d’un bref texte explicatif. Ce qui exprime la résistance et le refus de la rédaction des journalistes du J.T. d’être complices de cette occultation volontaire de tels gestes courtisans qui, dés la matinée du jeudi avaient fait l’objet d’une vidéo postée sur le net et les réseaux sociaux, et  leur refus de se limiter, ainsi, aux images solennelles  montées en dehors des salles de montage de chaîne nationale, comme cela a été souligné par la rédaction du 20H00. La norme professionnelle, étant que les activités du président de la République soient couvertes par une équipe du J.T. selon un angle précis et la ligne éditoriale du J.T.

 Ces baisesmains flagorneurs  qui ne sont certes pas le fait du Président lui-même, mais qui sont en totale contradiction avec les traditions de la République, surtout après la Révolution de la liberté et de la dignité ont, ainsi, été occultés du côté officiel, parce que déplacés et étrangers à nos mœurs modernes. Mais la leçon à tirer est la suivante : cacher, occulter, nettoyer, monter, censurer, manipuler, ne sert à rien au temps  des nouvelles technologies, d’internet et des réseaux sociaux. A bon entendeur…

Embrassades anti-déontologiques !!!

Certains journalistes et animateurs d’émissions politiques, culturelles et de variétés, sur les chaînes locales, abusent à fond de salamalecs, mais aussi d’embrassades et d’accolades avec leurs invités de tous bords. Et c’est devenu monnaie courante que de voir des journalistes et des animateurs embrasser des politiques, des artistes parfois au moment de les recevoir, mais surtout à la fin des émissions. Et tout le monde s’y met comme par contagion. On a même vu un animateur embrasser un supposé milicien qui a sévi contre les manifestants pacifiques lors de la manifestation du 9 avril. Sidérant non ?

Comment renvoyer au téléspectateur une image d’objectivité et de neutralité si on ne fait pas preuve de distance en se laissant aller aux effusions affectives ? Mélanger les genres, entre objectif et subjectif, gommer les frontières entre les politiques et les journalistes est foncièrement anti-déontologiques  et contraire à toute éthique. Car cela donne l’impression qu’il y a connivence entre les deux parties, même si ce n’est nullement le cas. La meilleure façon d’éviter la suspicion du public est que chacun, journaliste(s) et invité(s), reste à sa place jusqu’à la fin du générique final comme dans toutes les télés du monde. Surtout que dans le métier de journalisme l’important ce n’est pas la proximité avec les politiques, les artistes ou autres personnalités publiques, mais, d’abord et avant tout la qualité du produit et l’éthique professionnelle.

S.D.

dimanche 6 mai 2012




Entretien avec Rachida Ennaifer, ancienne journaliste à La Presse, présidente de l’AJT et  militante pour une presse libre et indépendante

 «Les ministres de Ben Ali se délectaient de brimer les journalistes »







 Figure phare du monde du journalisme dans les années 70 et 80, plus précisément de 1976 à 1990, Rachida Ennaifer, a travaillé comme reporter à La Presse, journal considéré, alors, comme une école de journalisme. Au fil des jours, des années et de la pratique, elle a milité pour un journalisme professionnel, libre et indépendant, au service non pas du pouvoir et du gouvernement, comme le voulait alors les autorités, mais du public. Elle a, ainsi, mené avec plusieurs autres de ses collègues des actions pour la mise sur pied de comité de rédaction et pour le changement de la ligne éditoriale du journal, mais aussi pour l’amélioration  de son contenu, fonds et forme confondus. Son combat, elle l’a mené au sein de La Presse mais aussi à une échelle plus large, au sein de l’AJT (Association des journalistes tunisiens) où elle a été élue, après des élections transparentes et libres, présidente durant deux mandats successifs de 1980 à 1984, elle a été, ainsi, première femme présidente de l’AJT, de 1988 à 1990 elle a été élue Secrétaire-Générale. Elle a également milité pour les Droits de l’Homme et les libertés syndicales.

 Ayant compris, avec le commencement des années de braise, de la main mise sur les médias et leur musellement que la récréation, qui a duré trois ans après le coup d’Etat policier du 7 novembre, était terminée, elle reprit des études de 3ième cycle en droit. Quasi évincée de La Presse, elle quitta à contre cœur ses premières amours pour se consacrer à l’enseignement à la Faculté des sciences juridiques comme assistante chargée de cours de droit comparé et les transitions démocratiques. Elle est, actuellement vice-présidente du Centre de Tunis du Droit Constitutionnel pour la Démocratie et directrice de la collection «Droit constitutionnel pour tous».

Dans cet entretien elle remonte le temps pour témoigner de la difficulté d’être journaliste professionnelle et indépendante sous le despotisme, fût-il éclairé, comme sous Bourguiba. Elle évoque, ici, son combat et celui de ses pairs pour une presse libre et indépendante et pour que triomphe l’éthique journalistique aussi bien à La presse qu’au sein de l’AJT. Une lutte et des actions menées, au rythme de l’alternance des périodes, entre chape de plomb et éclaircies quand le pouvoir en place soufflait, tantôt le chaud, tantôt le froid. Écoutons-la.

vendredi 4 mai 2012

cannes 2012- La Tunisie aura son pavillon sur la croisette

La Tunisie aura son pavillon sur la Croisette
Nejib Ayed, secrétaire général de la Chambre syndicale des producteurs, est catégorique
Le ministère de la Culture a annoncé, lundi dernier, que «la Tunisie ne disposera pas d’un pavillon au sein du village international du 65e festival de Cannes». Pourtant, Nejib Ayed, secrétaire général de la Chambre syndicale des producteurs, nous a certifié que «la Tunisie aura bel et bien son pavillon à Cannes».
Chacune des deux parties a ses raisons et ses motivations et s’en explique.
Mais ce qui est sûr, c’est que le syndicat des producteurs ne veut aucunement rompre le dialogue et invite le ministère à réviser sa position. Le détail.
Il est vrai que la décision de la non-participation du ministère à la mise en place d’un pavillon tunisien à Cannes n’est pas pour plaire aux professionnels du cinéma, entre producteurs et cinéastes, qui déplorent cette rupture avec la tradition ancrée depuis voilà cinq ans, à partir de 2007.
Le ministère, on l’a dit, a ses raisons et M. Fethi Kharrat, directeur général des arts scéniques et audiovisuels au sein du ministère de la Culture, étaye : «Aucun des films tunisiens parmi ceux présentés pour la sélection officielle de Cannes, dont Mille feuilles de Nouri Bouzid, Dégage de Mohamed Zran, Nessma de Houmeïda Béhi n’a été retenu. Ni d’ailleurs dans aucune section parallèle. Partant, le ministère de la Culture s’abstient de participer aux frais de la mise en place de ce pavillon dont le bilan n’est pas franchement positif. Puisque les objectifs tels que, par exemple, la promotion de la Tunisie en tant que terre et décor de tournage n’ont pas été atteints. Et même les tournages de quelques films sous nos cieux sont dus à l’effort personnel de certains producteurs.
Le bilan ne correspond pas à l’effort d’investissement qui est de quatre-vingt mille dinars consenti par le ministère. De plus, il n’y a pas de matière prête, entre brochures, annuaires, coffrets de films et catalogues, etc.»
Toutefois, la position du ministère est claire : le marché du film où les producteurs et les cinéastes disposent de salles de projection et où se trouvent les acheteurs et les chaînes de télévision constitue l’espace idéal pour promouvoir les films tunisiens. «Car dépenser 80.000 dinars pour disposer d’un pavillon à Cannes n’est pas l’une des priorités de l’Etat, dans une conjoncture économique difficile», précise le directeur général des arts scéniques et audiovisuels.
Et d’appeler les producteurs et cinéastes si empressés de se rendre à Cannes d’achever leurs films et de les livrer au ministère. «Rien ne sert d’aller à Cannes pour brasser du vent, ils peuvent le brasser ici. De toute façon, le ministère n’a pas de contrat indéterminé avec la chambre syndicale pour participer financièrement à la mise en place du pavillon tunisien à Cannes. Et cette année, il n’y voit aucune opportunité.»

«Nous invitons le ministère à réviser sa position»

De son côté, M. Néjib Ayed affirme que «les arguments avancés dans une lettre officielle adressée par le ministère au syndicat des producteurs pour expliquer le refus de participation aux frais du pavillon pour le 65e festival de Cannes ne sont pas convaincants. La non-sélection de films tunisiens à Cannes n’est pas un argument car ce n’est pas la première fois que cela arrive et de plus si «Cannes» se résume aux 12 pays dont les films ont été sélectionnés officiellement, il n’y aurait pas grand monde à Cannes. Pourtant, il y a 150 pavillons dans le village international. C’est qu’ils représentent une tribune du cinéma mondial pour la rencontre entre les professionnels, la mise en valeur des films, la coproduction, les lieux de tournage, etc.
En outre, 2012 est l’année des JCC qui doivent être organisées à partir du pavillon tunisien et non du stand de la francophonie. D’où l’importance double de ce pavillon cette année. Après la Révolution, la Tunisie doit être présente. 12 films ont été réalisés cette année, on doit essayer de les vendre et de les montrer aux sélectionneurs de festivals. Moi-même et Hbib Attia, producteur, avons coproduit des films qui ont été et seront tournés dans nos décors.
«Cannes» reste incontournable, toute la ville devient, lors du festival, un marché que ce soit dans le village international, le marché, du film, les villas ou les hôtels. Concernant le coût du pavillon, le ministère des finances à hauteur de 80.000 dinars et le syndicat participe avec 40 à 50.000 dinars. Pourtant, il y a deux mois, le ministère de la Culture a promis de cofinancer le pavillon et l’a annoncé aux médias et à la chambre syndicale des producteurs, déclarant: «qu’il ne souhaitait pas que l’opinion publique nationale et internationale pense que le gouvernement est contre le rayonnement du cinéma tunisien».
Aujourd’hui, il se dédie, peut-être faut-il croire que la technique des conseillers de l’ombre est de retour. Pourtant, c’est sur proposition du ministère que nous- mêmes et les différentes associations avons concocté un programme de participation à Cannes. Et nous nous sommes réunis deux fois avec le ministre de Culture. Nous pensions que nous avions une relation de partenariat claire et limpide avec le ministère.
A la lumière de cette situation, la Chambre syndicale a donc décidé que la Tunisie aura, malgré tout, son pavillon à Cannes, puisque nous avons déjà confirmé notre participation. Et c’est le syndicat, les producteurs et probablement quelques sponsors qui financeront le pavillon.
Le drapeau tunisien flottera, donc, encore une fois, et pour la 6e année consécutive à Cannes.
Cette situation devrait donc être expliquée à l’opinion nationale et internationale. Si nous ne rendons pas à Cannes parce que le ministère l’a décidé, c’est retourner aux vieilles pratiques d’antan sous Ben Ali.
Maintenant, nous tenons à préciser que nous avons des dossiers importants à traiter avec le ministère avec lequel nous souhaitons un réel partenariat et non pas une relation verticale de chef à subalternes…
Par ailleurs, nous invitons le ministère à réviser sa position. Nous donnerons plus de détail dans la conférence de presse qui se tiendra aujourd’hui à 10h00 au siège de la Chambre syndicale des producteurs».
Enfin, M.Fethi Kharrat a affirmé que la Tunisie participera à la Journée de la francophonie qui se tiendra le 19 mai en marge du Festival de Cannes et qui sera marquée par l’annonce de la création d’un fonds de soutien au cinéma africain et qui aura pour pays d’accueil la Tunisie.
Enfin, les jeunes cinéastes tunisiens participant à Cannes dans la section «Short-films», dont Walid Mattar, Mustapha Teïb et Hassen Amri, ainsi que Mohamed Ali Ben Hamra présent dans les activités du «Cinéma du monde» bénéficieront du soutien du ministère de la Culture et de l’Institut français de coopération.

jeudi 3 mai 2012

Témoignages- 1er mai- Ali Bouraoui, membre du bureau politique d'Ennahdha: La manifestation était à la hauteur de l'événement



«La manifestation du 1er mai était à la hauteur de l’étape actuelle et de l’événement, parce qu’elle a réuni tous les Tunisiens dans leur majorité nourris de la lutte, de l’histoire, de la culture et des principes de l’Ugtt.
L’appartenance politique différente ne nous empêche pas d’être unis syndicalement. Parce que la conjoncture nous l’impose. Les slogans qui divisent étaient minoritaires. J’ai même vu des manifestants rigoureusement déterminés à éviter toute confrontation en s’opposant aux slogans lancés contre le gouvernement. On peut s’exprimer librement sans recourir à la violence et à la confrontation. J’espère voir cette tendance et cet esprit de tolérance se poursuivre».
Concernant la cherté de la vie, M. Ali Bouraoui déclare: «Nos excuses pour cette flambée des prix des produits alimentaires, mais il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton car on est face à un réseau très compliqué de contrebande et il faudra du temps au gouvernement pour y mettre fin et comprimer ainsi les prix. Mais j’ai confiance dans le gouvernement pour parvenir à le faire».
Enfin, à propos des négociations sociales entre le gouvernement et l’Ugtt, M. Bouraoui affiche son optimisme, mais il déplore que certains considèrent la révolution comme une occasion pour piller l’Etat.
«Certes, il est normal d’assurer l’emploi à tous, mais encore faudrait-il savoir qu’aucun gouvernement ne peut à la fois offrir l’emploi aux chômeurs, augmenter les salaires et réparer les infrastructures précaires du pays. Il faut que les syndicalistes sachent raison garder. Les citoyens ont, certes, raison de revendiquer, mais rien ne sert d’affaiblir le gouvernement. Travaillons ensemble pour résoudre les problèmes et développer le pays».

Belgacem Ben Abdallah, membre du bureau national de l’UDC (Union des diplômés chômeurs) : «Pour des décisions urgentes au profit des chômeurs»

«C’est un grand jour, parce que, premièrement, l’UDC est partie prenante dans la libération de la rue suite à la violence que nous avons subie lors de notre manifestation du 7 avril. Nous sommes là aujourd’hui, à l’avenue Habib-Bourguiba, pour célébrer le 1er mai avec les travailleurs, à qui nous souhaitons bonne fête, en ce sens que la relation des chômeurs avec les travailleurs est naturelle, parce que ces deux catégories sont les victimes des choix économiques et sociaux : les ouvriers subissent la hausse des prix alimentaires et autres tandis que les chômeurs voient leur situation se perpétuer en raison de ces mauvais choix économiques.
Les sans-emploi en ont marre d’attendre, certains étant au chômage depuis 12 ans et plus. Le message de l’UDC est clair : le gouvernement doit prendre des décisions révolutionnaires et urgentes, sinon les prémices d’une deuxième révolution sont en train de se profiler. Une révolution qui rectifiera la voie de celle du 14 janvier d’autant plus que les chômeurs n’ont rien à perdre».

Bochra Belhaj Hmida, militante de la société civile : «Contre les divisions et les scissions»

«Cette fête du 1er mai aurait dû être l’occasion de l’unité nationale. Or nous sommes ici, à l’avenue Bourguiba, non pas ensemble, mais les uns contre les autres vu les slogans que j’ai entendus contre l’Ugtt. Si certains manifestants sont ici pour la première fois de leur vie, sachez qu’ils ne sont pas là pour les travailleurs ni pour l’unité nationale. Ils sont là pour soutenir le gouvernement et pour nous diviser, d’où l’ambiance malheureusement tendue.
Ce qui est dû au fait que jamais, depuis les élections du 23 octobre, les trois présidents, de la République, du gouvernement et de l’ANC, n’ont eu un discours apaisant, unificateur et susceptible de calmer les esprits et de rétablir le dialogue entre toutes les composantes politiques du pays.
L’appel d’Ennahdha n’est pas un appel d’unité mais de concurrence dans un esprit de campagne électorale. L’avenir du pays est entre les mains du gouvernement, j’appelle à prendre conscience qu’il n’a pas le droit de pousser à la division et à la scission. S’il croit que ces méthodes peuvent continuer comme sous Ben Ali, il se trompe. Car la vigilance de la société civile, et même des citoyens non politisés, qui sont de plus en plus nombreux, est grande. Outre que la peur a disparu et c’est ce que nous avons gagné de la révolution».

Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste de gauche : «L’union n’est pas visible sur le terrain»

«Les slogans des partisans d’Ennahdha dans cette manifestation sont surprenants car, malgré l’appel à l’unité de la direction d’Ennahdha, l’union n’est pas visible sur le terrain. Il y a les syndicalistes et les démocrates d’un côté et Ennahdha, de l’autre.
Ce n’est pas avec cette tendance manipulatrice qu’Ennahdha peut gagner la sympathie de la rue. L’avenue Habib-Bourguiba représente l’opinion de la démocratie, des droits de l’Homme, et de la laïcité et non pas des slogans qui appellent à la division. Donc j’espère que les Nahdhaouis ont reçu le message de la rue».

Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol : «Un combat commun»

«La manifestation a été à l’image de la réputation de l’Ugtt des grands jours, une syndicale militante et au rendez-vous de l’Histoire. Nous sommes en train  de vivre un grand moment historique.
La Tunisie, qui s’est débarrassée d’une dictature imposée par les erreurs d’un mauvais parcours politique que le peuple tunisien a subi à contre-cœur et les Tunisiens syndiqués et non syndiqués ont répondu massivement à l’appel de la direction de l’Ugtt pour célébrer cet appel à l’unité, les slogans lancés ici et là traduisent l’attachement du peuple à la justice, au droit de tous au travail et à la liberté. Le Parti Ettakatol, qui a exprimé son attachement au combat commun avec l’Ugtt, combat qui a commencé dans les années 70, a été au premier rang de cette grande manifestation. Malheureusement, des voix se sont élevées en provenance de parties n’ayant pas compris le sens de l’Histoire.
L’Ugtt représente un grand symbole, n’oublions pas son combat contre la présence française et son combat pour les libertés et le droit syndical. Elle a payé lourdement le prix de cette lutte et toute la nation ne peut être que reconnaissante».

Mondher Belhaj Ali, cofondateur du Forum de l’indépendance : «Le pays réel était hier sur l’avenue Bourguiba»

«Cette journée symbolise la rencontre des Tunisiens et des Tunisiennes autour d’un projet de société qu’on désire équilibré et ouvert. En ce sens que les travailleurs ne feront plus l’objet d’exclusion de quelque ordre que ce soit. Hier les travailleurs ont tendu la main, à travers leur glorieuse centrale syndicale, l’Ugtt, à toute la société civile et politique.
De toute façon, historiquement, à chaque fois que le pays va mal, les Tunisiens, de toutes obédiences politiques, se retrouvent dans une maison unique : l’Ugtt.
Le fait, également, qu’une manifestation aussi importante et aussi impressionnante se soit déroulée sans violence aucune, représente une étape importante dans notre développement politique.
Les travailleurs et d’autres Tunisiens ont manifesté dans la conviction et dans la joie. Le pays réel était hier sur l’avenue Bourguiba.
La symbolique est éloquente, du 14 janvier jusqu’à, j’espère, la réussite de la transition démocratique…»

mardi 1 mai 2012


Retro 29 avril

Mais que reproche-t-on aux médias publics ?

Le sit-in devant le siège de la télé nationale a été levé, mercredi dernier, mais après que le sang ait quand même coulé, puisqu’il y a eu des blessés parmi les journalistes et les forces de l’ordre. Une violence inadmissible et intolérable. Ce sit-in qui a débuté, il y a prés de deux mois s’est tenu, selon les sit-inneurs, pour «Assainir les médias publics» et en finir avec «Al Iâlam El Banafsagi» (L’information aux couleurs mauve chère au président déchu) mais face à la résistance des journalistes et des employés de la «Maison» aux provocations, insultes et menaces, l’idée de privatiser les médias publics a été agité du côté d’Ennahdha par Rached Ghannouchi et Ameur  Laârayedh . Le premier a fait plusieurs déclarations dans ce sens , dont notamment aux quotidiens Echarq El Qataria et Oman et plus récemment, le mercredi dernier, à  la radio Express-FM où il a qualifié  la politique suivie par ces médias de «Contre-révolutionnaire», « Injuste» et «partisane»  ajoutant «que l’opinion publique n’est pas satisfaite du rendement  de ces médias financés par l’argent public» et de citer notamment El Watania 1 qui a tendance à amplifier les aspects négatifs, à manquer de professionnalisme et à ne pas accorder l’intérêt requis aux événements nationaux majeurs et à faire le black- out sur certaines activités des membres du gouvernement». Le chef du mouvement Ennahdha a même accusé certains médias publics «d’être les ennemis du peuple et de comploter contre lui».

Entretien avec : Naziha Rejiba(Om Zied) militante des droits de l’Homme, journaliste et écrivaine

«Nous sommes à un virage, il peut être dangereux ...»

«Nous sommes à un virage, il peut être dangereux ...»
• La Révolution m’a donné quelque chose de plus précieux que ma liberté personnelle : celle de mes concitoyens.
• La liberté est un moyen et non une idéologie.
• La transition démocratique se fera, entre autres, grâce à la vigilance de la société civile
• Ça ne sert à rien de lier la Révolution à l’Assemblée constituante et au gouvernement.
• Je pense qu’en quadrillant le pays avec une administration partisane et des milices, Ennahdha est en train de perdre son crédit.
• Je suis critique à l’égard de ceux qui gouvernent et on a le droit de critiquer notre gouvernement.
• Ennahdha n’est plus la victime d’antan.
• Si les partis fusionnent juste pour contrecarrer Ennahdha, c’est insuffisant, il faut faire un grand travail de proximité.
• La fête au bouc et Chicago, les romans qui, à mes yeux, incarnent la Révolution.

Pour un grand nombre de citoyens, elle incarne la vraie image de la Tunisie, une militante libre et vaillante façon « mère Courage», et, cerise sur le gâteau, intègre et honnête, ce qui est plutôt rare de nos jours. Naziha Rejiba, alias Om Zied, a mis sa plume acérée de journaliste et d’écrivaine engagée au service des droits de l’Homme, des libertés et contre la dictature. Elle a affûté son art de l’écriture, dès les années 80, sous Bourguiba dans l’hebdomadaire indépendant Erraï. Membre fondatrice du CPR (Le Congrès pour la République) créé à l’orée des années 2000 avec ses compagnons de route Moncef Marzouki, Abderraouf Ayadi, Mohamed Chakroun, Mohamed Abbou, Slim Ben Hmidane, à l’époque brûlante des années de braise, elle en a démissionné, il y a deux mois, «définitivement et pour toujours», selon sa propre formule. Pour tourner la page, sûrement, mais, peut-être aussi pour s’engager ailleurs. Qui sait ?
Mais ce qui est sûr c’est qu’à ses yeux, le combat pour les libertés qui demeure à «confirmer» continue, car elle a parfois «le désagréable sentiment de subir ce qu’elle subissait sous Ben Ali...» Quand juste une année après la prise du pouvoir par le dictateur, alors que tout le monde s’empressait de louer et d’applaudir «l’artisan du changement», elle était la seule à avoir osé le mettre à nu en rappelant son passé militaire et policier dans un article intitulé «Nachaz» et publié dans Erraï. Elle avait exhorté les Tunisiens à ne pas lui donner un blanc- seing «car, avait elle écrit, il risque de nous entraîner sur une voie pire que celle de Bourguiba». Le journal est aussitôt saisi, puis interdit. Depuis elle a été «placée» sous haute surveillance par l’ancien régime dictatorial. Mais, elle poursuivit avec ses camarades militants la résistance en contribuant, au fil des années de plomb, à «déboulonner la statue de Ben Ali».
Om Zied, qui représente un pan de l’histoire et de la mémoire militante de la Tunisie se consacre aujourd’hui à l’écriture en tant que billettiste au quotidien Le Maghreb, elle livre, dans cet entretien, réalisé mercredi dernier, les raisons qui l’ont poussée au militantisme, elle évoque aussi le combat pour les libertés, le processus transitionnel, les rebondissements au CPR, les fusions entre les partis, mais aussi, et très brièvement deux romans qui renvoient, selon elle, à la Révolution Interview.

Le CPR divisé en deux factions

A qui profite la confrontation ?

Après Ettakatol, c’est au tour du Congrès pour la République (CPR) de vivre des frictions qui menacent de le scinder en deux fractions.
Le parti cher au Dr Moncef Marzouki a vu, en effet, dimanche 29 avril, le «groupe des ministres» et celui fidèle à Abderraouf Ayadi, S.G. «évincé», s’affronter à Gabès, à la faveur d’une réunion interrégionale.
Que s’est-il passé réellement entre les «frères ennemis» du CPR ?
Azed Badi, Tahar H’mila et Abderraouf Ayadi racontent aux lecteurs de La Presse les péripéties de la «confrontation» de dimanche dernier. Chassé-croisé.
Présent sur les lieux, Azad Badi témoigne : «C’était une rencontre interrégionale qui devrait réunir les adhérents des structures de Gabès, Kébili, Tozeur, Tataouine et Médenine, dans le cadre d’une série de réunions. Celle de Gabès étant la dernière avant la tenue de la conférence nationale du CPR prévue le 6 mai à Kairouan.
Actuellement, le CPR s’est scindé en deux factions : la première est constituée des membres qui appartiennent à l’équipe gouvernementale, Abbou, Maâter et compagnie, qui s’est éloignée des idéaux du Congrès, la deuxième regroupe ceux attachés à la préservation des principes sur lesquels se fonde notre parti.
«Le groupe des ministres» a toujours essayé de saper notre action au cours des réunions précédentes. A Gabès, ils nous ont envoyé des milices qui ont entravé la tenue de notre rencontre. Ces mercenaires ne connaissaient même pas les membres de notre groupe. A preuve, ils attendaient l’arrivée de Abderraouf Ayadi, alors qu’il était à leurs côtés. Ils ont d’ailleurs pris Lilia Ben Khedher pour Om Zied, qu’ils ont agressée verbalement. Ce qui confirme qu’ils sont des mercenaires engagés et payés pour accomplir cette sale besogne. Il y avait même des intrus d’autres partis, dont l’ex-RCD.
Suite aux menaces d’agression physique et à la crevaison des pneus de nos voitures, nous avons été obligés de nous réfugier dans une oasis voisine. Le gouverneur de Gabès s’est déplacé sur place pour constater les agressions dont nous avons été victimes. Nous avons ensuite déposé une plainte. Nous condamnons ce retour à la violence au moment où, normalement, le droit à la différence, au dialogue et à la démocratie devrait être consacré. C’est un tournant grave et dangereux.
Les agressions visent à saboter la réunion du 6 mai à Kairouan et à entraver le processus de réforme entamé au sein du CPR. La collaboration avec l’équipe gouvernementale du CPR est terminée, nous ne pouvons plus nous asseoir avec eux à la même table de négociations. Ce qui prouve leur faillite. Nawfel Ghribi, secrétaire général du Bureau régional de Gabès, prétend dans un communiqué que notre groupe a été empêché de tenir sa réunion sous prétexte qu’il ne représente pas le CPR. Outre la vidéo dans laquelle le secrétaire général adjoint de la section de Gabès avoue qu’ils se sont dressés contre nous pour empêcher la réunion».
Interrogé de son côté, Taher Hmila, membre du bureau politique appartenant à la faction de l’équipe gouvernementale du CPR, nie en bloc les accusations de la faction adverse : «Nous n’avons pas de milices, nous sommes des gens civilisés et attachés au règlement intérieur de notre parti. Ceux qui cherchent à détruire le CPR sont des hors-la-loi. Abderraouf Ayadi a outrepassé la mission de secrétaire général que nous lui avions confiée.
Cette mission devait prendre fin le 8 janvier 2012. Mais, nous avons été surpris de le voir convoquer un conseil national dans le dessein de se maintenir à la tête du parti contre la volonté des autres membres du bureau politique (BP). ‘‘Mieux’’, il a publié des communiqués et des déclarations de presse contraires aux décisions du BP. Face à ce comportement inacceptable, nous lui avons accordé un délai de trois semaines pour régulariser la situation. A défaut, le jeudi 19 avril, nous avons décidé de lui retirer la fonction de secrétaire général. Et c’est le BP qui a été chargé de la gestion du parti. Seul Imed Daïmi est habilité à parler au nom du CPR en tant que porte-parole, et ce, jusqu’à la tenue du conseil national prévu le 12 mai, en attendant la tenue du congrès national en juillet 2012».
Le constituant Taher Hmila tient à préciser : «Abderraouf Ayadi n’est pas habilité à agir au nom du CPR. Il paraît qu’il va même constituer un autre parti regroupant les déserteurs des autres partis politiques, faisant, ainsi, ce qu’a fait Khemaïs Ksila au sein d’Ettakatol».
Enfin, M. Abderraouf Ayadi nous a déclaré ce qui suit : «Je suis choqué, je n’imaginais jamais qu’une réunion inter-régionale du CPR pouvait être empêchée par une vingtaine de milices qui ne faisaient qu’appliquer les instructions venues d’ailleurs. Je croyais que l’ère Ben Ali était terminée. Encore heureux que le gouverneur venu sur les lieux ait présenté des excuses tandis que la police n’a pas levé le petit doigt.
On voulait discuter du projet de la ligne politique du parti, mais nous avons été agressés verbalement et menacés d’agressions physiques. Et supposons que j’aie été évincé du poste de secrétaire général, élu dans les règles, je suis toujours membre de l’ANC et membre du bureau politique du CPR dont je suis l’un des fondateurs. J’ai par conséquent le droit de m’activer au sein du parti. Je me demande quelle est l’erreur que j’ai commise et qui permet de tels comportements inadmissibles au moment où on réfléchit à la réforme de la ligne politique de notre parti que nous voulons porteur d’idées et d’idéaux.
J’ai le sentiment que ceux qui tirent les ficelles ne veulent pas d’un parti politique indépendant. Pour eux, le CPR doit rester une succursale d’Ennahdha. La réunion du 6 mai prochain à Kairouan sera décisive en ce sens que la base tranchera et décidera de l’avenir du parti».