vendredi 4 janvier 2013


RETRO 30 dec

Si c’est ça «la conscience de la révolution», on n’en veut pas !

Les séquences télévisées des troubles  ayant marquées le meeting de Nida Tounès du samedi 22 décembre à Djerba, viennent, encore une fois, remettre sur le tapis le phénomène de la violence politique. Plusieurs satellitaires se sont focalisées sur ces faits dont Ettounssia dans l’émission «Ettassiâ». Le reportage inaugurant le débat est éloquent : à l’image, en plein champs, une foule s’égosillent contre les centaines de participants au meeting du parti de Béji Caid Essebssi voulant les «dégager». On a même vu des protestataires  rappliquer sur des chevaux. On se serait cru en pleine révolution égyptienne ? A quand, donc, les chameaux?


En contrechamps, l’assistance à l’intérieur de la salle était paniquée et effarée. Des chaises renversées au milieu de la salle laisser transparaitre que le meeting a été suspendu dans un mouvement de panique. Des personnalités connues du parti témoignent et déplorent les agissements desdites ligues de protection de la révolution (LPR) qui les ont «bloqué quatre heures durant ». Des voix coléreuses s’élèvent : «Ils ont coupé l’électricité, ils nous ont agressés, violentés, sans que la police ne bouge». Mais la volonté de résister était plus forte malgré tout, puisque les partisans de Nida Tounès brandissant des drapeaux chantaient l’hymne national sous les cris haineux d’un groupe d’assaillants qui a réussi à pénétrer dans la salle. Après le poème déclamé par Sghaeir Ouled Ahmed et au moment où Fadhel Jaziri donnait le la au programme musical on a vu une horde de manifestants en furie envahir l’espace dans un chaos indescriptible et jeter une partie du matériel sonore et visuel…Un monsieur d’un âge certain s’emporte : «La plupart ont des cartes du Rcd, je les connais tous, je suis de la région. On n’a jamais vu ça et je suis libre d’assister à un meeting de Nida Tounès». Ceux qui ont tenté de sortir du lieu de la réunion ont été violentés physiquement et verbalement.


Dans une séquence finale très parlante on voit les participants au meeting évacués par l’armée… alors que les forces de l’ordre sont dépassées. Béji Caid Essebssi , en duplex, a ,en substance, accusé des éléments d’Ennahdha d’avoir participé au sein desdites ligues  à l’attaque du meeting et les forces de sécurité d’avoir failli à leur mission. Le débat a été marqué par une grande tension avec des esclandres continues et des échanges musclés avec d’un côté, Houcine Jaziri, secrétaire d’Etat chargé de l’immigration, et Walid Bennani, constituant d’Ennahdha et de l’autre Essebssi, Samir Taeib, constituant d’El Massar et Mohsen Marzouk de Nida Tounès.
Certes tous se sont montrés contre la violence, mais Bennani l’a clairement précisé : «Pas question de dissoudre les Lpr et que s’il y aura un débat sur la violence ils seront de la partie». (Sic). «Pas de dissolution, donc, des Lpr, mais, en revanche, il y aura exclusion de tous les Rcdéistes de la vie politique ». Marzouk a montré les photos des assaillants, «comme preuve irréfutable» estimant que le droit à manifester est permis à tous, certes, mais sans violence, or, on n’a jamais vu ces Lpr s’activer de manière civilisé, leur seule voie étant la violence. Samir Taieb, lui, a qualifié ces scènes de violence de «Honteuse, tristes et planifiées sous les regards passifs des agents de l’ordre qui attendaient des instructions qui n’ont pas été données, pourtant a-t-il ajouté, le chef du gouvernement Hamadi Jebali a bien affirmé que «seules les institutions de l’Etat et le gouvernement sont habilités à protéger la révolution et assurer la sécurité ». Pis, en découvrant ce qui s’est passé à Djerba le constituant d’El Massar doute de la tenue des élections et se demande si son parti va se présenter à ses élections avec la violence qui sévit. Béji Caid Essebssi s’est dit, enfin, prêt au dialogue national à condition que la Troïka le veuille vraiment et a démenti que les youssefistes soient derrière la violence à Djerba.  


On  vous épargne les détails, mais tout s’est déroulé dans une tension extrême, ce qui a été déploré par le public et rapporté par l’animateur Moez Ben Gharbia via internet. Rien n’y fit la tension monta encore plus quand le dossier des youssefistes a été abordé : Essebssi a nié toute implication affirmant qu’il n’a été nommé à la direction de la sureté nationale qu’en 1963 alors que le complot visant  Bourguiba n’a eu lieu qu’en 1962. Le militant Aly Ben Salem qui a participé à ce complot avec Lazhar Chraiti a rejoint  le plateau au cours de la dernière partie de l’émission. A la question de savoir s’il était nécessaire d’ouvrir le dossier de la répression des youssefistes il a répondu qu’il était contre afin d’éviter au pays une autre discorde (fitna ). Houcine Jaziri voyant d’un mauvais œil que le dossier soit traité aussi «Quickly, et à la fin de la soirée», selon ses propres terme, autrement dit aussi rapidement et de manière bâclée, voyant en cela une «exploitation partisane» et une manière de «blanchir Béji Caid Essebssi ». Pui, il accapara la parole à sa guise, ce qui a irrité l’animateur parti dans une longue explication pour récuser l’accusation et démontrer sa bonne foi. L’émission se termina en queue de poisson et c’était d’autant plus malvenu que la déception se lisait sur le visage d’Aly Ben Salem venu presque pour rien surtout que Jaziri lui a même fait la leçon genre «Vous êtes plus grand que cela, je comprends que le contexte veut une réconciliation nationale, mais on ne peut pas tout mélanger et faire rapidement une lecture selon les intérêts»
C’est tout de même étrange toute cette crispation de la part d’un secrétaire d’Etat qui a même parlé de 30 serviettes et  de deux postes de télé volés par les partisans de Nida Tounès, ce qui a été, ultérieurement, démenti par le propriétaire de l’hôtel en personne. Jaziri multiplie les digressions comme quand il mélange les dates des fêtes juives et chrétiennes et parle de « la communauté juive en Tunisie », alors qu’il s’agit de citoyens tunisiens mais de confession juive. Comment peut-on croire que parce qu’on est dans l’équipe gouvernementale on peut prendre la place du journaliste, donner des leçons, diriger le débat, accaparer la parole, couper les autres intervenants. Alors qu’ailleurs le journaliste est maître à bord sur le plateau et on a même vu des animateurs couper la parole à un ministre et même un président parce qu’il a épuisé son temps de parole.



Ainsi, encore une fois la violence politique, aussi bien verbale que physique, refait surface. Après l’épisode dramatique du décès de Lotfi Nagd à Tataouine qui a été violenté par ces mêmes LPR, rebelote à Djerba sous prétexte que Nida Tounès n’est autre qu’un RCD bis et qu’il s’agit de veiller à ce que certains symboles de l’ancien régime soient jugés ou empêchés de se repositionner sur la scène politique. Admettons qu’il en soit ainsi pour certains membres de ce parti. Mais, le droit de protester, manifester ou de revendiquer donne-t-il, aux uns et aux autres, le droit d’user de violence, comme cela s’est passé d’ailleurs tout dernièrement à Sidi Bouzid, quand les présidents de la République et de l’Assemblée constituante ont été la cible de jets de pierre et autres projectiles. Pourtant sur les plateaux de télé des ministres du gouvernement ont condamné toute forme violence et ont déclaré qu’une enquête sera ouverte à l’occasion. Il semble que c’est devenu là une formule magique récurrente. «Ouvrir une enquête ou mettre sur pieds une commission afin que la justice dise son mot ». Or, combien d’enquêtes ont été ouvertes depuis celle des événements du 9 avril ? Une bonne dizaine concernant des attaques et agressions d’artistes, journalistes, hommes politiques, activistes ou de simples citoyens.

Et si les autorités publiques ferment les yeux, sans réagir, ni sévir, en laissant ces ligues recourir à la violence, c’est la fin de toutes actions et activités politiques se déroulant dans un climat de liberté et de démocratie. Donner un chèque en blanc à pareilles associations pour harceler de manière obsessionnelle tel ou tel parti n’est autre, selon plusieurs politiques, qu’un moyen de se débarrasser par procuration, et dans un but électoraliste, de ses adversaires les plus gênants. Or, le parti Ennahdha , qui a connu la même «persécution» lors de la campagne électorale du 23 octobre, est très bien placé pour savoir qu’un marquage aussi obsessionnel à Nida Tounès ne fera que le «victimiser» et susciter l’empathie des citoyens, le booster dans les sondages et augmenter sa popularité. A moins que…
Voila qui, par ailleurs, traduit un net recul par rapport aux droits et objectifs de la révolution qui pourrait mener le pays tout droit à la dictature.
Le plus étrange, c’est que des dirigeants de partis, tel Mohamed Abbou du Cpr, estiment que ces soi-disant ligues de protection de la révolution représentent «la conscience de la révolution et une garantie contre le retour du système dictatorial ». Or, si c’est ça la conscience de la révolution, on n’en veut pas. Car tout le monde se demande si dans de pareilles conditions de harcèlement et de violence politique on peut réellement organiser des élections ? A qui profitera cette situation trouble qui n’a rien de démocratique ? Et si elle ne profitait à personne, mais seulement aux adeptes de la discorde et de la violence, de la destruction et du néant!
S.D.

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