RETRO 30 dec
Si c’est
ça «la conscience de la révolution», on n’en veut pas !
Les séquences télévisées des troubles ayant marquées le meeting de Nida Tounès du samedi
22 décembre à Djerba, viennent, encore une fois, remettre sur le tapis le
phénomène de la violence politique. Plusieurs satellitaires se sont focalisées
sur ces faits dont Ettounssia dans l’émission «Ettassiâ». Le reportage inaugurant
le débat est éloquent : à l’image, en plein champs, une foule s’égosillent
contre les centaines de participants au meeting du parti de Béji Caid Essebssi voulant
les «dégager». On a même vu des protestataires
rappliquer sur des chevaux. On se serait cru en pleine révolution
égyptienne ? A quand, donc, les chameaux?
En contrechamps, l’assistance à l’intérieur de la salle
était paniquée et effarée. Des chaises renversées au milieu de la salle laisser
transparaitre que le meeting a été suspendu dans un mouvement de panique. Des personnalités
connues du parti témoignent et déplorent les agissements desdites ligues
de protection de la révolution (LPR) qui les ont «bloqué quatre heures
durant ». Des voix coléreuses s’élèvent : «Ils ont coupé
l’électricité, ils nous ont agressés, violentés, sans que la police ne
bouge». Mais la volonté de résister était plus forte malgré tout, puisque
les partisans de Nida Tounès brandissant des drapeaux chantaient l’hymne
national sous les cris haineux d’un groupe d’assaillants qui a réussi à
pénétrer dans la salle. Après le poème déclamé par Sghaeir Ouled Ahmed et au
moment où Fadhel Jaziri donnait le la au programme musical on a vu une horde de
manifestants en furie envahir l’espace dans un chaos indescriptible et jeter une
partie du matériel sonore et visuel…Un monsieur d’un âge certain
s’emporte : «La plupart ont des cartes du Rcd, je les connais tous, je
suis de la région. On n’a jamais vu ça et je suis libre d’assister à un meeting
de Nida Tounès». Ceux qui ont tenté de sortir du lieu de la réunion
ont été violentés physiquement et verbalement.
Dans une séquence finale très parlante on voit les participants
au meeting évacués par l’armée… alors que les forces de l’ordre sont dépassées.
Béji Caid Essebssi , en duplex, a ,en substance, accusé des éléments d’Ennahdha
d’avoir participé au sein desdites ligues à l’attaque du meeting et les forces de
sécurité d’avoir failli à leur mission. Le débat a été marqué par une grande
tension avec des esclandres continues et des échanges musclés avec d’un côté, Houcine
Jaziri, secrétaire d’Etat chargé de l’immigration, et Walid Bennani,
constituant d’Ennahdha et de l’autre Essebssi, Samir Taeib, constituant d’El
Massar et Mohsen Marzouk de Nida Tounès.
Certes tous se sont montrés contre la violence, mais Bennani
l’a clairement précisé : «Pas question de dissoudre les Lpr et que
s’il y aura un débat sur la violence ils seront de la partie». (Sic). «Pas
de dissolution, donc, des Lpr, mais, en revanche, il y aura exclusion de tous
les Rcdéistes de la vie politique ». Marzouk a montré les
photos des assaillants, «comme preuve irréfutable» estimant que le droit à
manifester est permis à tous, certes, mais sans violence, or, on n’a jamais vu
ces Lpr s’activer de manière civilisé, leur seule voie étant la violence. Samir
Taieb, lui, a qualifié ces scènes de violence de «Honteuse, tristes et planifiées
sous les regards passifs des agents de l’ordre qui attendaient des instructions
qui n’ont pas été données, pourtant a-t-il ajouté, le chef du gouvernement
Hamadi Jebali a bien affirmé que «seules les institutions de l’Etat et le
gouvernement sont habilités à protéger la révolution et assurer la sécurité
». Pis, en découvrant ce qui s’est passé à Djerba le constituant d’El Massar
doute de la tenue des élections et se demande si son parti va se présenter à
ses élections avec la violence qui sévit. Béji Caid Essebssi s’est dit, enfin,
prêt au dialogue national à condition que la Troïka le veuille vraiment et a
démenti que les youssefistes soient derrière la violence à Djerba.
On vous épargne les
détails, mais tout s’est déroulé dans une tension extrême, ce qui a été déploré
par le public et rapporté par l’animateur Moez Ben Gharbia via internet. Rien
n’y fit la tension monta encore plus quand le dossier des youssefistes a été
abordé : Essebssi a nié toute implication affirmant qu’il n’a été nommé à
la direction de la sureté nationale qu’en 1963 alors que le complot visant Bourguiba n’a eu lieu qu’en 1962. Le militant
Aly Ben Salem qui a participé à ce complot avec Lazhar Chraiti a rejoint le plateau au cours de la dernière partie de
l’émission. A la question de savoir s’il était nécessaire d’ouvrir le dossier
de la répression des youssefistes il a répondu qu’il était contre afin d’éviter
au pays une autre discorde (fitna ). Houcine Jaziri voyant d’un mauvais œil que
le dossier soit traité aussi «Quickly, et à la fin de la soirée», selon
ses propres terme, autrement dit aussi rapidement et de manière bâclée, voyant
en cela une «exploitation partisane» et une manière de «blanchir Béji
Caid Essebssi ». Pui, il accapara la parole à sa guise, ce qui a
irrité l’animateur parti dans une longue explication pour récuser l’accusation
et démontrer sa bonne foi. L’émission se termina en queue de poisson et c’était
d’autant plus malvenu que la déception se lisait sur le visage d’Aly Ben Salem
venu presque pour rien surtout que Jaziri lui a même fait la leçon genre «Vous
êtes plus grand que cela, je comprends que le contexte veut une réconciliation
nationale, mais on ne peut pas tout mélanger et faire rapidement une lecture
selon les intérêts»
C’est tout de même étrange toute cette crispation de la part
d’un secrétaire d’Etat qui a même parlé de 30 serviettes et de deux postes de télé volés par les partisans
de Nida Tounès, ce qui a été, ultérieurement, démenti par le propriétaire de
l’hôtel en personne. Jaziri multiplie les digressions comme quand il mélange
les dates des fêtes juives et chrétiennes et parle de « la communauté
juive en Tunisie », alors qu’il s’agit de citoyens tunisiens mais de
confession juive. Comment peut-on croire que parce qu’on est dans l’équipe
gouvernementale on peut prendre la place du journaliste, donner des leçons,
diriger le débat, accaparer la parole, couper les autres intervenants. Alors
qu’ailleurs le journaliste est maître à bord sur le plateau et on a même vu des
animateurs couper la parole à un ministre et même un président parce qu’il a
épuisé son temps de parole.
Ainsi, encore une fois la violence politique, aussi bien
verbale que physique, refait surface. Après l’épisode dramatique du décès de Lotfi
Nagd à Tataouine qui a été violenté par ces mêmes LPR, rebelote à Djerba sous
prétexte que Nida Tounès n’est autre qu’un RCD bis et qu’il s’agit de veiller à
ce que certains symboles de l’ancien régime soient jugés ou empêchés de se
repositionner sur la scène politique. Admettons qu’il en soit ainsi pour
certains membres de ce parti. Mais, le droit de protester, manifester ou de
revendiquer donne-t-il, aux uns et aux autres, le droit d’user de violence,
comme cela s’est passé d’ailleurs tout dernièrement à Sidi Bouzid, quand les
présidents de la République et de l’Assemblée constituante ont été la cible de
jets de pierre et autres projectiles. Pourtant sur les plateaux de télé des
ministres du gouvernement ont condamné toute forme violence et ont déclaré qu’une
enquête sera ouverte à l’occasion. Il semble que c’est devenu là une formule
magique récurrente. «Ouvrir une enquête ou mettre sur pieds une
commission afin que la justice dise son mot ». Or, combien d’enquêtes
ont été ouvertes depuis celle des événements du 9 avril ? Une bonne
dizaine concernant des attaques et agressions d’artistes, journalistes, hommes
politiques, activistes ou de simples citoyens.
Et si les autorités publiques ferment les yeux, sans réagir,
ni sévir, en laissant ces ligues recourir à la violence, c’est la fin de toutes
actions et activités politiques se déroulant dans un climat de liberté et de
démocratie. Donner un chèque en blanc à pareilles associations pour harceler de
manière obsessionnelle tel ou tel parti n’est autre, selon plusieurs
politiques, qu’un moyen de se débarrasser par procuration, et dans un but
électoraliste, de ses adversaires les plus gênants. Or, le parti Ennahdha , qui
a connu la même «persécution» lors de la campagne électorale du 23
octobre, est très bien placé pour savoir qu’un marquage aussi obsessionnel à
Nida Tounès ne fera que le «victimiser» et susciter l’empathie des citoyens, le
booster dans les sondages et augmenter sa popularité. A moins que…
Voila qui, par ailleurs, traduit un net recul par rapport
aux droits et objectifs de la révolution qui pourrait mener le pays tout droit
à la dictature.
Le plus étrange, c’est que des dirigeants de partis, tel Mohamed
Abbou du Cpr, estiment que ces soi-disant ligues de protection de la révolution
représentent «la conscience de la révolution et une garantie contre
le retour du système dictatorial ». Or, si c’est ça la conscience de
la révolution, on n’en veut pas. Car tout le monde se demande si dans de
pareilles conditions de harcèlement et de violence politique on peut réellement
organiser des élections ? A qui profitera cette situation trouble qui n’a
rien de démocratique ? Et si elle ne profitait à personne, mais seulement
aux adeptes de la discorde et de la violence, de la destruction et du
néant!
S.D.
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