jeudi 23 juin 2011

Entretien avec Ahlem Belhaj, présidente du comité directeur de l’Atfd

« Priorité à la mobilisation électorale »

Le 9e congrès de l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) s’est déroulé les 3, 4 et 5 juin 2011 à Tunis sous le mot d’ordre «La marche des femmes continue pour l’égalité, la citoyenneté et la dignité». Un nouveau comité directeur a émané de ce congrès, dont la présidente est Mme Ahlem Belhaj.
Pour en savoir plus sur les priorités de l’Atfd dans le contexte préélectoral de l’Assemblée constituante, nous avons rencontré la nouvelle présidente du comité directeur de cette association féminine. Entretien.

Concernant les priorités de l’Atfd dans le nouveau climat politique post-révolutionnaire et préélectoral de la Constituante, Mme Ahlem Belhaj n’y va pas par quatre chemins, les idées sont claires et les objectifs précis : «La première priorité de l’Atfd, souligne-t-elle, a trait à la participation des femmes à la vie politique. Après avoir gagné la bataille de la parité pour les élections de la Constituante, place maintenant à la bataille d’incitation des femmes à se porter candidates aux élections, à être représentées dans les partis politiques qui défendent les droits des femmes et à participer massivement aux élections de la Constituante.
Car si aujourd’hui nous avons accédé à la parité au niveau des listes électorales, nous n’avons cependant pas la garantie d’avoir la parité au sein de la Constituante élue au mode de scrutin proportionnel au plus fort reste. Afin de garantir cette parité, il faudrait au moins avoir 50% des femmes comme têtes de liste, mais jusqu’ici, seuls deux ou trois partis s’y sont engagés. De ce fait, nous appelons tous les partis politiques à garantir la présence des femmes par cette mesure et à s’engager clairement pour les droits des femmes contre toute forme de discrimination».
Comment justement sensibiliser les femmes à ces questions ? La présidente de l’Atfd nous dévoile son plan d’action : «L’Atfd se propose d’aller vers les femmes à travers une caravane qui s’emploiera à faire le tour du pays afin, justement, de sensibiliser les femmes à l’importance des échéances électorales durant les mois de juillet et de septembre prochains».

L’autre priorité capitale selon notre interlocutrice, «c’est la lutte contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes et notamment dans la législation. Telle la loi concernant le partage des tâches dans la famille car, par exemple, le chef de famille reste le mari et le père, il n’existe pas d’autorité conjointe, puisque la tutelle des enfants est essentiellement paternelle. Autre exemple : la loi qui réglemente l’héritage demeure largement discriminatoire, alors que les femmes tunisiennes participent largement à l’accumulation des richesses des familles et sont obligées, de par la loi, de prendre en charge les ascendants et les descendants. C’est pourquoi le dernier congrès de l’Atfd a appelé de nouveau à lever toutes les réserves sur la convention internationale d’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à l’instar de ce que vient de faire le Maroc».
La violence dont est victime la femme avant et après la révolution est également une priorité de l’Atfd. Explications de la présidente de l’association : «Les femmes qui ont été particulièrement présentes dans tout le processus de la révolution ont été victimes de violences spécifiques répertoriées par la commission ‘‘Enquêtes et vérités’’ mise en place par l’Atfd dès le mois de janvier 2011. C’est pourquoi, nous pensons que la lutte contre les violences à l’égard des femmes demeure d’actualité».
La justice sociale entre les sexes constitue également un objectif important de l’action de l’Atfd selon sa présidente : «Les Tunisiens se sont soulevés au cours de cette révolution pour la démocratie et la justice sociale, mais ce qui a été mis en relief c’est plutôt la justice sociale entre les régions. Or nous pensons qu’en plus des régions, il y a aussi une justice sociale à favoriser entre les deux sexes. En effet, les études montrent qu’il existe chez nous un phénomène de féminisation de la pauvreté, car à diplôme égal, les femmes ont moins de chances d’avoir du travail et elles occupent plus facilement un travail dans le secteur marginal. Aussi des mesures spécifiques sont-elles absolument nécessaires pour améliorer la situation économique des femmes et favoriser leur insertion dans le milieu du travail sans aucune discrimination. Cela sans compter que la promotion professionnelle n’est pas égale entre les hommes et les femmes qui, en outre, occupent très peu de postes de décision».

Enfin, concernant la représentativité des femmes dans les partis et leurs instances dirigeantes, la présidente de l’Atfd est catégorique. A ses yeux : «Le monde politique demeure marqué par un certain machisme, car même les femmes qui veulent être actives sur la scène politique sont dénigrées et intimidées afin de les obliger à quitter l’action politique et publique. Sans compter que l’organisation de la vie politique, en général, ne prend pas en considération les contraintes que vivent les femmes au niveau des horaires de réunion, par exemple. Voilà qui décourage les femmes.
D’ailleurs, à titre d’exemple, je ne vous cache pas que les militantes de l’Atfd ont subi des campagnes de dénigrement et d’intimidation afin de les pousser à quitter l’action civile et/ou politique.
Côté médias aussi, la représentativité des femmes dans les débats et sur les plateaux de télé laisse à désirer. Dans certains débats impliquant des thèmes importants aussi bien politiques que sociaux, très peu de femmes sont présentes. Pourtant, ce ne sont pas les compétences qui manquent. Nous appelons donc les médias à impliquer davantage les femmes à travers une réelle participation, cela d’une part. D’autre part, il est vraiment temps que les médias, sous toutes leurs formes, reflètent la vraie image des femmes, loin de tout stéréotype discriminatoire».

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