samedi 22 février 2014

ELECTIONS

Faudrait-il que Marzouki et Ben Jaâfar démissionnent ?
LA proposition invitant Ben Jaâfar et Marzouki à démissionner, s’ils ont l’intention d’être candidats à la prochaine présidentielle, provoque un chaud débat à l’hémicycle du Bardo
La proposition faite, mercredi dernier, par le constituant Mohamed Karim Krifa, membre de la commission de législation générale au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC), ayant trait à l’article 21, a suscité l’intérêt, voire une polémique. Le député d’Al Moubadara ayant proposé «l’empêchement des présidents de la République, Moncef Marzouki et de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar, sur la base de l’article 21 consacré aux interdits de candidature aux élections législatives». Le député a estimé que «leurs chances aux prochaines élections sont plus grandes, étant donné l’utilisation des moyens de l’Etat, entre transport, surveillance policière, outre qu’ils jouissent de leur statut actuel dans leurs déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays».
Pour en savoir plus, nous  avons approché Mohamed Karim Krifa, qui nous a présenté tout un argumentaire : «Ecoutez, l’un des principes de la nomination du président du gouvernement actuel Mehdi Jomâa est qu’il ne peut, avec tout son gouvernement, se présenter aux prochaines élections législatives et/ou présidentielle. Par conséquent et en adéquation, les deux autres présidents ne peuvent se présenter aux prochaines élections s’ils ne démissionnent pas actuellement. Cela afin qu’il ne puissent pas mener une campagne électorale prématurée sur le dos du contribuable en utilisant les deniers publics et en exploitant leurs postes aux dépens de l’équité et de l’impartialité administrative. On ne peut accepter aujourd’hui ce qu’on a reproché hier à Ben Ali qui exploitait, selon son bon vouloir, toutes les institutions de l’Etat, y compris les médias.
Est-il normal que Mustapha Ben Jaâfar dédicace le «Destour» portant le logo d’Ettakatol ? Est-que la Constitution appartient uniquement à ce parti ? Ou est-ce normal qu’il se déplace à Jendouba dans une sorte de campagne électorale d’Ettakatol qui ne dit pas son nom, alors qu’il est président de l’ANC ? Idem pour le président provisoire Moncef Marzouki, également président d’honneur du CPR, qui a pioché dans des archives ne lui appartenant pas pour imprimer son «Livre noir» avec les derniers de l’Etat. Sachez qu’en France, lors de la dernière présidentielle, on a également reproché au candidat sortant Nicola Sarkozy d’avoir utilisé les moyens de l’Etat, mais toutes les dépenses qu’il a faites ont été évaluées et comptabilisées et son parti a dû rembourser 12 millions d’euros, soit 27 milliards de nos millimes. J’exigerai, donc, une évaluation et une restitutions des dépenses des campagnes électorales prématurées des deux présidents qui ont joui des avantages de leurs postes, ce qui porte un coup à l’équité et l’égalité des chances entre tous les candidats».

Garantir l’impartialité et l’égalité des chances

Interrogé sur la question, Samir Taïeb, porte-parole d’Al Massar, a, de son côté, relevé que «Mustapha Ben Jaâfar a déclaré qu’il allait mettre de l’ordre dans la maison Ettakatol. Et là il s’exprime en tant que président de son parti et c’est son  droit, mais alors qu’il quitte la présidence de l’ANC, s’il a l’intention de se représenter aux prochaines élections, afin de garantir l’objectivité et l’impartialité exigées. Nous n’avons aucun problème ni avec Ben Jaâfar ni avec Marzouki, mais pour des raisons de loyauté et d’éthique ils devraient démissionner s’ils comptent se porter candidats aux prochaines élections».
Mais ce n’est pas là l’avis de certains députés du CPR dont Samir Ben Amor qui a déclaré, mercredi dernier, sur Mosaïque FM, «que le député Karim Krifa parle des conditions de candidature à la présidentielle alors que nous discutons des  conditions de candidature aux législatives. Cela côté forme.
Côté contenu, le constituant a qualifié la proposition du député d’Al Moubadara «de bidaâ», une sorte d’invention, pour empêcher Marzouki et Ben Jaâfar de se présenter aux élections en raison de la  crainte notamment des chances importantes du président de la République aux prochaines élections, vu la confiance dont il jouit auprès du peuple. C’est pourquoi on veut l’empêcher de se porter candidat».
Or Mohamed Karim Krifa est catégorique : «Je ne parle ni des législatives ni de la présidentielle, mais de l’utilisation de la logistique  administrative de l’Etat non pas dans l’intérêt du peuple ou de l’Etat mais à des fins purement personnelles et électoralistes étroites anticipées».

Polémique sur la proposition d’interdiction de candidatures 

Par ailleurs, des députés de la Troïka dont Samir Ben Amor du CPR et Yamina Zoghlami d’Ennahdha, ainsi que Samia Abbou du Courant démocratique, ont présenté une proposition d’interdiction de candidature dans la loi électorale, en se basant sur l’article 15 du décret-loi n° 3 organisant les élections de l’ANC. Or, les interdictions sont contraires à l’esprit et à la lettre de la Constitution et touchent à l’essence même du droit des personnes. Selon l’article 49 du «Destour», les interdictions de candidatures ciblent les anciens dirigeants du régime de Ben Ali, ainsi que les anciens adhérents du RCD, comme l’avait stipulé l’article 15 du décret-loi n° 35 organisant les élections de l’ANC.
Or, la majorité des députés, tel Mohamed Karim Krifa du Parti initiative nationale et destourienne (Moubadara), trouve cette proposition «inconstitutionnelle». Pourquoi ? Explication du député : «Je me base sur des articles de la nouvelle Constitution, tel l’article 49 (chapitre droits et libertés fondamentaux), stipulant explicitement que les interdictions dans les lois ne doivent pas toucher à l’essence des droits, sachant que la candidature pour diriger le pays est un droit inaliénable pour tous les Tunisiens. Sachez maintenant que Zied Lâadhari, porte-parole d’Ennahdha a jugé que les propositions d’interdiction de candidatures «n’engagent que leurs auteurs».

Et l’instance de contrôle de la constitutionalité des lois ?
De plus, la question principale qui se pose concernant l’interdiction dans la loi électorale est la suivante : est-ce qu’il faut élaborer une loi électorale avant ou après l’instauration d’une instance pour contrôler la constitutionnalité, des lois ? Ce à quoi Mohamed Karim Krifa répond : «En se référant à l’alinéa 7 de l’article 149 de la Constitution dans le chapitre «les mesures transitoires» , on relève qu’il stipule  que l’ANC doit approuver dans un délai de 3 mois à partir de la date de la promulgation de la Constitution une loi organique qui a pour but l’instauration d’une instance provisoire dont la mission est le contrôle de la constitutionnalité des lois, soit au maximum le 25 avril en attendant la création de la Cour constitutionnelle.
Or, la commission de la législation générale au sein de l’ANC  est en train d’étudier le projet de loi portant sur «les élections» où il y a beaucoup de divergences sur les conditions de candidatures soit pour «la Chambre des députés du peuple», soit pour la présidence de la République».
Mais il est sûr, ajoute le député d’Al Moubadara, «que l’instance de contrôle de la constitutionnalité demeure primordiale et doit être instaurée et mise en exécution avant le 25 avril 2014, et avant même toute approbation de n’importe quelle loi pour la simple raison que le délai stipulé par l’article 120 de la Constitution est de sept jours afin que l’instance statue sur une affaire portée contre une loi. Il est donc normal que l’instance soit mise en place avant toute promulgation de loi.
Cependant, un autre article peut être pris en compte, c’est l’article 3 qui stipule explicitement que la souveraineté absolue revient au peuple. Ce qui veut dire obligatoirement que le peuple tunisien est libre de choisir ses dirigeants et n’a nullement besoin d’une tutelle qui limite ses choix».
Voilà qui augure de chaudes discussions au sein de la commission de la législation générale en particulier et de l’ANC en général.
Samira DAMI

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