mercredi 19 octobre 2011


 Retro 16 octobre

A qui profite la polémique ?



Tentative d’agression de locaux, manifestations dans plusieurs villes du pays, sit-in dans certaines facultés, protestations polémiques et controverses sur les journaux et les réseaux sociaux sont là les effets d’enchainements dus à la diffusion sur Nessma-TV de Persépolis, un film d’animation franco-iranien vieux de quatre ans, détenteur du prix du jury du festival de «Cannes 2007», coréalisé par l’opposante iranienne  Marjane Satrapi et  Vincent Paronnaud d’après une Bande dessinée éponyme et autobiographique signée par la même réalisatrice. La représentation de l’entité divine sortant de l’imaginaire du personnage central, en l’occurrence une  fillette de 8 ans, et un échange de répliques jugé immoral entre des personnages féminins sont les extraits incriminés qui ont enflammé les esprits. Ce qui a amené le directeur de la chaîne à présenter ses excuses au peuple tunisien pour la diffusion de la séquence controversée et jugée blasphématoire soulignant que «cette erreur ne se répétera pas »


 Bref, si le patron de la satellitaire privée s’est senti  lui-même contrarié en regardant cette fiction que dire du téléspectateur lambda pour qui, représenter Dieu en image est non seulement proscrit mais un immense sacrilège ! Il est vrai qu’avec la programmation sur la même satellitaire de feuilletons produits  par l’Iran représentant des prophètes, ce qui n’est pas interdit chez les Chiites, comme dans Youssef Essediq a certes provoqué de vives réactions du public mais sans jamais outrepasser le débat d’idées ni  verser dans la violence. Or, diffuser à la télévision, qui pénètre tous les foyers, un film où Dieu est représenté en image, même dans l’imaginaire d’une enfant, est compris par la masse comme une provocation  et une atteinte à ses croyances. Cela d’autant que le doublage des dialogues en dialecte tunisien, qui a favorisé la proximité et éliminé toute distanciation, s’est avéré pauvre et primaire, notamment la réplique virulente de la fillette envers le divin.

On le sait, l’art est  transgression ou n’est pas, mais dans l’absolu peut-on toucher à certaines convictions religieuses sans risque de susciter l’incompréhension et la violence ? La réponse tombe sous le sens rien qu’en se remémorant les incidents qui ont eu lieu, par exemple, lors de la sortie dans les salles en France des films, Je vous salue Marie de Jean Luc Godard et  La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese qui, eux, en revanche n’ont jamais été diffusés sur le petit écran.

 Pourquoi alors avoir pris le risque de provoquer  les téléspectateurs dans ce contexte pré-électoral très particulier ? C’est que le film très marqué idéologiquement fustige et dénonce énergiquement  l’autoritarisme religieux (jusqu’à friser l’islamophobie) la confiscation de la liberté d’expression et la répression du régime théocratique iranien. Le débat qui a suivi le film sur la politique et la religion a davantage enfoncé le clou suscitant  l’ire de certains qui ont estimé les propos orientés contre la mouvance islamiste, ce qui a été réfuté par le directeur de la chaîne.

Toutefois les détracteurs de la satellitaire ne comprennent toujours pas les raisons du timing de la programmation du film. Or, opter pour un tel timing c’est prêter le flanc à tous les adeptes de la violence, aux extrémistes et aux  contre-révolutionnaires de tous bords ainsi qu’à toutes les manœuvres de faire avorter la révolution en ce moment délicat où le peuple s’apprête à vivre un rendez-vous historique : élire la deuxième Assemblée constituante de son histoire. Car encore une fois posons- nous la question : à qui profitent tous ces tristes événements ? Aux forces occultes qui n’ont en cure de la démocratie et de la réussite de la révolution et dont le seul but est de nous tirer vers l’arrière.
 Mais, quoi qu’il en soit la violence est à bannir, car seul le débat réfléchi, tolérant, libre et démocratique peut faire avancer les choses, car comme dirait l’autre Il vaut mieux utiliser « la force de l’argument que l’argument de la force ». L’arrogance des uns et la violence des autres ne règlent rien, au contraire. Maintenant il faudrait que ses programmateurs sachent qu’une ligne éditoriale ne rime pas forcément avec  la provocation outrée et le mépris des sentiments religieux

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