mercredi 19 octobre 2011

Les coulisses des partis à la veille du 23 octobre

Des tractations en l'air...

Des tractations en l'air...
Existe-t-il dans les coulisses des tractations entre certaines formations politiques en lice en vue d’éventuelles alliances avant ou après les élections de l’Assemblée constituante? C’est la question que nous avons posée à quelques partis parmi les plus en vue : Ettakatol, le PDP (le Parti démocratique progressiste), El Qotb ou le PDM (le Pôle démocratique moderniste), Afek Tounès (les Perspectives de la Tunisie) et Ennahdha. Les réponses laissent penser que des contacts existent entre certains partis, que des débuts d'accords pourraient exister, même si les partis interrogés s'en défendent... Mais du concret, point jusqu’ici. Chaque parti invoque ses raisons. Le détail.

Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol, confirme que son parti a eu des discussions franches avec quatre formations politiques, le PDM, le PDP, Afek Tounès et le PTT (Parti du travail tunisien), mais qu’il a refusé de s’engager dans une quelconque coalition pré-électorale ou post-électorale car, explique-t-il, «il s’agit pour nous de défendre nos propres couleurs et de connaître, à travers ces élections, notre véritable poids sur l’échiquier politique. C’est pourquoi nous tenons à nous présenter seuls. Il n’empêche que nous avons eu des contacts et des échanges de vues avec les partis précités, mais nous n’avons pas encore discuté avec Ennahdha. Nous proposons un gouvernement d’intérêt national qui doit regrouper les principaux partis, car on ne peut parler d’un gouvernement d’union nationale avec l’existence de plus de cent partis, comme l’a expliqué M. Mustapha Ben Jaâfar dans la conférence de presse qu’il a donnée samedi dernier. Nous avons insisté sur la nécessité d’éviter les affrontements avec les principaux partis élus dans la Constituante et avons proposé que le gouvernement d’intérêt général, qui devra mener le pays durant la période de rédaction de la Constitution, s’attelle également à la gestion du pays et à traiter les problèmes qu’il connaît, surtout le chômage des jeunes, afin de répondre aux aspirations de la jeunesse qui a mené la révolution. C’est là la teneur de nos discussions avec ces partis ».
Taïeb Houidi, membre du bureau politique du PDP, n’y va pas par quatre chemins, quant à lui, et assure que les tractations vont bon train avec le PDM, Afek-Tounès et Ettakatol, et que ce n’est un secret pour personne. Il reproche, cependant, à Ettakatol de verser dans l’ambiguïté en jouant au jeu de «Elisez-moi après je vous dirai»... Mais est-ce que les électeurs peuvent vraiment s’y retrouver s’ils n'ont pas connaissance de tous les tenants et les aboutissants? C’est pourquoi nous avons besoin d’une réponse claire d’Ettakatol qui, rendons-lui grâce, est du côté des démocrates, mais sans pour autant s’engager, ni signer un accord. En somme, à Ettakatol, ils attendent les résultats des élections pour prendre la décision qui leur convient. Tout le monde nous dit de nous mettre ensemble, voilà qui est bien. Or, faire de la politique, c’est faire des choix entre un projet démocratique et moderniste et un projet très brumeux dans ses options politique, économique, sociale et religieuse. Notre parti ne se retrouve pas dans ce projet nébuleux, surtout qu’Ennahdha nous dit, concernant le régime politique à adopter, qu’on doit opter pour un régime parlementaire dans la nouvelle Constitution et qu’on doit y inscrire que le parti qui arrive en première position, même avec un taux de 28%, par exemple, est habilité à former le gouvernement. C’est, vous en convenez, un non-sens démocratique et le PDP n’est pas du tout en phase avec cette réinvention de la politique et de la notion de la démocratie. Vous savez, Néjib Chebbi (Ndlr : président d’honneur du PDP) a clairement dit : «Je ne ferai pas partie d’un gouvernement où Ennahdha est majoritaire». Mais, Taïeb Houidi glisse que tous les espoirs de réaliser un accord sont fondés sur El Qotb (le PDM) et Afek Tounès.

PDM, PDP et Afek : contacts informels

Pourtant M. Hichem Skik, membre du conseil politique d'Ettajdid, l’un des cinq partis coalisés dans El Qotb, assure que les contacts permanents et les discussions qui ont eu lieu ces derniers temps avec le PDP et Afek Tounès sont informels et qu'ils portent essentiellement sur l’après-24 octobre, notant qu’«il s’agit de discussions prospectives sans que cela ne vise l'élaboration d'un accord». Concernant Ennahdha, il affirme : «Nous n’avons effectué aucun contact».
Mme Emna Mnif, présidente d’Afek-Tounès, affirme de son côté se retrouver dans cette famille politique autour d’un projet sociétal pour défendre un programme commun, et d’ajouter : «Pour l’instant, il n’y a ni coalition ni signature. En tout cas, rien de définitivement accompli».
Mais que répond Ettakatol aux critiques du PDP? Le porte-parole du parti est catégorique : «On ne peut pas faire d’alliance ni signer une déclaration commune, quelques jours avant le scrutin. Cela perturberait forcément notre électorat. Nous l’avons nettement dit : nous envisageons un gouvernement d’intérêt national sans exclusion aucune, car il est hasardeux d’affirmer : ’’Ou c’est nous au pouvoir, ou c’est Ennahdha»’’. Nous refusons cette démarche qui nous ferait entrer dans un processus de confrontation. Nous sommes pour un gouvernement consensuel et nous poursuivrons nos consultations jusqu’au 23 octobre, après on y verra plus clair».
M. Zoubeïr Ch'houdi, directeur du bureau du Cheikh Rached Ghannouchi, considère, lui, que son parti est dans une logique de compétition électorale : «Les formations sont en lice et en émulation : c’est pourquoi, durant cette étape, on ne prévoit pas d’alliance. Toutefois, je n’exclus pas des prospections en vue de plateformes communes avec les autres partis pour bâtir des alliances et former un gouvernement d’union nationale menant une sage politique». Lui demandant, enfin, ce qu’il pourrait répondre à la déclaration citée ci-dessus de Néjib Chebbi, disant que le PDP ne serait pas présent dans un gouvernement où Ennahdha détiendrait la majorité, le représentant d’Ennahdha commente avec un calme olympien : «Rien du tout».
Voilà qui est clair, les alliances et les contre-alliances s’esquissent quelque peu, mais la messe n’est pas encore dite, car le jour J, le verdict des urnes peut créer la surprise et bouleverser bien des calculs.

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