lundi 29 août 2011


RETRO 28 AOUT

Romdhan Zmen
Nostalgie et enseignements

Un beau moment que ce Romdhan Zmen (Ramadhan d’antan) où se décline la télé d’antan, des années 70 et 80, entre noir et blanc et couleur.  Les images de figures de la chanson et du théâtre dans leurs œuvres et dont hélas certaines ont disparues, défilent sur l’écran. On remonte le temps avec délectation, on se remémore ou on découvre des pages de l’histoire à la fois artistique, culturelle et télévisuelle du pays

Dans l’un des numéros de ce rendez-vous diffusé, depuis la deuxième quinzaine de Ramadan, en deuxième partie de soirée, s’affiche  au bas de l’écran : Année 1972. C’était du temps où la télé tunisienne n’était pas encore en couleur. Apparaît à l’écran le défunt  Mohamed Jarrari, le père de la chanson humoristique tunisienne, seul dans le studio, calé dans un fauteuil, il écoute les questions posées en off par une voix féminine juvénile, l’air sérieux, il y répond.  Mais quand, à titre d’illustration, l’une de ses chansons les plus célèbres, en l’occurrence, El Karrita,  est diffusée la magie opère, des paroles croustillantes et cocasses et un air populaire des plus faciles à retenir interprétés avec  verve et éloquence. Idem pour les extraits consacrés aux morceaux choisis concoctés par Feu Hédi Jouini enregistrés et diffusés en noir et blanc en 1972 dont Ya Mahsouna, Hobbi yatbadel ytjadded.

  Premier enseignement : la chanson humoristique, sous nos cieux, avait ses lettres de noblesse surtout avec des pointures de la trempe de Jarrari, Jaziri, Mourali, Semlali et nous en passons. Or, aujourd’hui ce genre a pratiquement disparu. Il est temps qu’il renaisse de ces cendres surtout que les temps, après la révolution le permettent à nouveau, que l’humour soit social ou politique.


Dans d’autres numéros nous avons vu à l’écran, en pleine action, une autre figure disparue de la chanson humoristique mais aussi du théâtre, feu Mohamed Jaziri, interprétant le rôle d’un immigré de retour au bercail pour des vacances dans  la série comique, Ifhimni. Cocasses sont les situations et les mésaventures qu’il vit. Plus proches les années 80 qui ont vu la côte de Lamine Nahdi monter en flèche.  Avec son neveu Riadh, ils avaient animé nos soirées ramadanesques dans Si Zahouani, une sitcom produite en 1986, mais loin d’être défraîchie tant les critiques de nos travers sociaux, comme le népotisme, l’arrivisme, l’injustice  qu’elle véhicule sont toujours d’actualité.

Deuxième enseignement : dans les sketches et sitcoms  on peut dire les choses simplement de manière  légère sans se prendre la tête. Ainsi  le message passe sans pesanteur, ni prétention a fortiori s’il est interprété par de bons comédiens. Ce qui est loin d’être le cas des sitcoms présentées ce Ramadan-ci sur la chaîne publique, ce Portable par exemple, si lourd, si pesant, où le thème de la révolution galvaudé tombe comme un cheveu sur la soupe, dans certains épisodes, d’autant qu’il est traité avec beaucoup de prétention. Décidément la révolution est mélangée à toutes les sauces, juste, pour faire IN. Or, soit elle est tournée en dérision, soit elle est exploitée par certains auteurs, ayant du temps de l’ancien régime accaparé les fictions ramadanesques , telle une chasse gardée, pour se refaire une virginité. Passons.

Romdhan Zmen sur El Watania 1, a proposé, également aux téléspectateurs, des extraits de l’émission Salet El Fath de Raouf Kouka qui reproduit l’ambiance de cet endroit qui a vu défiler tous les monstres sacrés de notre chanson. Aussi le public peut-il savourer ces chansons du patrimoine léguées par Ridha Kalai, Hédi Kallel et d’autres noms phare de ce domaine. Voir notre grand  violoniste, le défunt Kalai, haussé sur une chaise, vibrer au son de son instrument, d’où s’échappent  des mélodies façon Zarzis wa Bnawita, est une vraie partie de plaisir.

Troisième enseignement : qu’elle était riche et belle notre chanson avec ses paroles fleuries de sens et ses  mélodies entrainantes et touchantes.

Quatrième enseignement, concernant la forme cette fois-ci : les moyens limités d’antan ont généré une simplicité salutaire des décors qui à tendance à se perdre aujourd’hui.

Que de leçons à tirer également de l’entretien réalisé par le défunt Khaled Tlatli avec le grand chroniqueur disparu Abdelaziz Laroui : la pédagogie éducative des chroniques, l’emploi d’un dialectal étudié, chargé de sens et de sagesse populaire, la critique sociale, le savoir faire du chroniqueur et nous en passons.

 Encore heureux, donc, que de pareilles images nostalgiques et éloquentes existent  toujours dans les archives et qu’on puisse les exploiter et les diffuser pour le plus grand bonheur des téléspectateurs.

 La chute de Tripoli : le ratage des chaînes locales

Le soir du 21 août plusieurs télés arabes et occidentales étaient focalisées sur la chute du régime de Gueddafi  suivant minute par minute les événements avec force détails, entre informations, entretiens, analyses et parfois même désinformation et manipulation  de la part d’El Jazeera qui a annoncé l’arrestation de Seif El Islam, le fils de Gueddafi  alors qu’il n’en était rien puisqu’il apparait libre le lendemain à Tripoli, démentant, ainsi, cette information. Mais qu’en était-il sur nos chaînes locales ? Le calme plat : les programmes de la soirée se poursuivaient comme si de rien n’était alors que l’événement intéresse au plus haut point les deux peuples frères et  voisins Libyens et Tunisiens  surtout que des  centaines de familles du Nord de la Libye se sont  réfugiées sur notre sol fuyant l’enfer des combats et de la situation dramatique de leur pays. Pis, sur El Watania 1 le journal télévisé de la nuit a disparu pour laisser la place à une rediffusion du JT de 20H00. Ce qu’on ne comprend pas.

 Si auparavant nos chaînes invoquaient les instructions et avaient l’alibi de la situation catastrophique de l’information au temps du régime déchu que pourraient-elles invoquer aujourd’hui après la révolution à l’ère où elles ont les coudées franches pour être au diapason de l’actualité et informer à temps leurs téléspectateurs ? Une télévision, on le sait, ce n’est pas uniquement du prévu et du préparé mais aussi de l’imprévu  et, donc, du direct au gré de l’actualité impromptue quoi, donc, de plus normal que nos chaînes et les équipes des journaux télévisés soient équipées et préparées comme les grandes télés, de par le monde, à couvrir des  événements si importants surtout s’ils concernent le Maghreb et le monde arabe. Les satellitaires doivent faire leur propre révolution en agissant en professionnelles donnant aux  événements historiques, surtout ceux qui concernent notre région, la place et l’intérêt qu’ils méritent. Tout est question de volonté et de professionnalisme.

Hannibal Fi Houmetna : le besoin d’humour politique

L’émission de divertissement Hannibal Fi Houmetna (Hannibal dans notre quartier) est de retour, au cours de cette deuxième quinzaine de Ramadan.  Au menu : parodies, imitations, clips, sketches satiriques sociaux ou franchement politiques visiblement  sans autocensure, ni censure. Lotfi Bondka initiateur et concepteur de ce programme propose des scènes cocasses façon humour politique imitant le président déchu dans des parodies de situations réelles qui étaient notre plat quotidien sur la chaîne publique et même Hannibal-TV, elle-même, montrant «l’artisan du changement » dans tous ses états et sous toutes les coutures jusqu’à l’indigestion. D’autres scènes sont inspirées de l’état des pays arabes et de ce «Machin» qu’est leur Ligue. Les numéros de l’émission s’égrènent  avec du bon et du moins bon, mais l’important c’est que l’humour politique existe sous nos cieux et qu’avec  l’expérience, le labeur, l’intelligence et le bon sens il acquiert enfin ces lettres de noblesse. Mais, faudrait-il encore qu’il se focalise aussi sur les acteurs politiques actuels et non pas seulement des vieux symboles qui ont fait leur temps.

Il y a également la forme, entre costumes, décors, notamment, qu’il faut à l’évidence, soigner davantage afin de parfaire l’ensemble. Mais ce n’est qu’en multipliant les productions, que l’on pourra peaufiner le genre.

Sofiane Chaari : la perte d’ une star du petit écran

Acteur et notamment figure de la télé Sofiane Chaari vient de disparaître brusquement, suite à un arrêt cardiaque, au beau milieu de son parcours laissé en suspens… Tel en a voulu le destin. L’interprète de Sadok dans Chez Azaeiz, Stoukou dans L’Hôtel, Sbouï dans Choufli Hall, de Hassouna dans Nssibti Laâziza a depuis voilà huit ans, grâce à ces sitcoms, égayé nos soirées ramadanesques. Il faut dire que sa bonhomie, sa spontanéité et son humour y sont pour quelque chose. Petits et grands apprécient chez lui son côté bon enfant et sa générosité. Jouant de son corps et avec son corps, qu’il utilise comme instrument, se fiant à son instinct il construit avec un naturel certain ses personnages, pour la plupart comiques et écrits spécialement pour lui. C’est surtout dans le personnage de Sbouï , dont les enfants raffolent en raison de sa naïveté, sa fraicheur et sa spontanéité, qu’il a été apprécié. C’est que les rôles comiques lui vont comme un gant, ses rondeurs, sa gestuelle et ses tics s’y prêtant merveilleusement. Pas très sollicité au cinéma, alors qu’il a fréquenté les plateaux depuis sa jeunesse aux côtés de son père Habib Chaari, alors acteur et régisseur, il a campé juste un rôle dans Brando and Brando de Ridha Bèhi. Bref, il a été durant sa courte carrière, débuté sur le tard, une star du petit écran.

 Il s’essaya, pourtant, au théâtre où il incarna notamment Le Maréchal, un rôle pérennisé par Feu Hamda Ben Tijani et repris par Sofiane Chaari au sein de la Troupe de la ville de Tunis en hommage à son aîné. Mais il reviendra toujours à ses premières amours : la télévision qui a bâti sa popularité auprés de ses fans tous choqués par cette perte brutale d’un acteur qui aurait pu encore tant donner, divertir et dérider des milliers de foyers d’une sitcom l’autre, d’une fiction l’autre. Mais le Tout Puissant en a voulu autrement. Que Dieu bénisse son âme.



S.D.






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