jeudi 14 juin 2012

Trois questions à Mehdi Mabrouk, ministre de la culture- "Je condamne toutes formes de menaces à l'encontre des artistes"

 • «J’ai réaffirmé aux artistes mon attachement à la noble mission de l’art et à la liberté de création»
Plus d’une centaine d’artistes, dont un grand nombre de plasticiens et plusieurs représentants des autres arts ont organisé, hier matin, un sit-in devant le siège du ministère de la Culture à La Kasbah. Cela suite aux propos tenus par le ministre de la Culture, M. Mehdi Mabrouk, au cours de la conférence de presse organisée mardi après-midi par trois ministres et deux responsables du gouvernement provisoire à La Kasbah, dans la foulée des événements et incidents graves survenus dans plusieurs régions du pays et dont le «détonateur présumé» ne serait autre que l’exposition du «Printemps des arts» qui s’est déroulée, récemment, au palais d’El Abdellia à La Marsa.
Les propos du ministre de la Culture ont été considérés par les artistes comme «un lâchage» et un «compromis avec les salafistes ayant accusé certains exposants d’atteinte au sacré à travers leurs œuvres».
Amor Ghedamsi, secrétaire général du Syndicat des métiers des arts plastiques, a affirmé que le ministre a reçu une dizaine d’artistes dont trois membres du syndicat, Nabil Souabi, Sélima Karoui et lui-même. Ce dernier estime que «l’opinion publique a été induite en erreur et mystifiée, les tableaux postés sur Facebook ne figurant pas dans l’exposition et que, par conséquent, il n’y a nulle trace d’atteinte au sacré».
Tout en craignant la censure, et en se demandant «quelle est la définition du sacré ?», il rappelle que les exposants comptent parmi les artistes les plus importants de la place.
Pour en savoir plus sur cette controverse et cette polémique, nous avons posé trois questions à M. Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture.

Nous avons appris que vous avez reçu, hier matin, un groupe d’artistes ainsi que le Syndicat des métiers des arts plastiques. Quel a été le contenu de cette rencontre ?

Je n’ai pas reçu le Syndicat des métiers des arts plastiques mais un groupe d’une dizaine d’artistes et de représentants des arts et de la culture dont Jalila Baccar, Dorra Bouchoucha, Hamadi Louhaïbi, Habib Bel Hédi. Je recevrai au cours de la semaine prochaine le Syndicat des métiers des arts plastiques. Les artistes ont estimé que «je les ai lâchés et que je ne les ai pas défendus». Or, au cours de la conférence de presse de mardi dernier, je n’ai pas utilisé les termes «art» et «artistes», mais j’ai bien précisé qu’il s’agit de «quelques toiles ayant versé dans le discours idéologique aux dépens du discours esthétique». J’ai, par ailleurs, réaffirmé aux artistes mon attachement à la noble mission de l’art et à la liberté de création.
Je leur ai également exprimé ma condamnation de toute forme de menaces à l’encontre de l’intégrité physique des artistes et de leur sécurité, refusant toute compromission et considérant que la liberté de création est un acquis de la révolution qui ne doit nullement être remis en cause. J’ai, ainsi, éclairci ma position.

Doit-on comprendre que vous avez révisé votre position concernant les décisions que vous avez annoncées au cours de la conférence de presse de mardi dernier ?
Non, pas du tout, aucune révision de ma position n’est envisagée. Nous maintenons, donc, notre position qui consiste à fermer, momentanément, le Palais El Abdellia, à La Marsa, en attendant de réviser ses prérogatives et de nommer un nouveau directeur, à poursuivre en justice la société privée organisatrice de la manifestation «Le Printemps des arts» et tous ceux à propos desquels l’enquête judiciaire révélera qu’ils n’ont pas respecté les engagements signés dans le cadre de l’autorisation délivrée.

Mais le Syndicat des métiers et des arts plastiques persiste et signe en criant haut et fort qu’aucun tableau ne porte atteinte au sacré et que l’opinion publique a été induite en erreur et mystifiée par les divers montages et autres photoshops distillés sur Facebook
Libre à lui, c’est son droit. Toutefois, nous démontrerons dans le dossier de la plainte que quelques toiles ont vraiment porté atteinte au sacré. La justice dira son mot et, en tout état de cause, nous nous en tiendrons à son jugement même si nous serons déboutés ou s’il nous est défavorable.
Enfin, je tiens à dire qu’il y a eu, quelque part, préjudice et amplification des faits sur les réseaux sociaux. Car je le répète, encore une fois : quelques toiles seulement ont porté atteinte au sacré.
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI

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