dimanche 17 juin 2012

Rétrovision


Pour que mon pays aille mieux!

Mon pays va mal
: parce que la violence le mine,
à preuve ces images tragiques de destructions
«massives», saccages, incendies et confrontations entre forces de l’ordre et salafistes et autres intrus
et délinquants qu’ont connus plusieurs endroits de la
République au cours de la semaine écoulée. Des locaux
de sections régionales de l’Ugtt, des tribunaux, des
postes de police et autres propriétés privées ont été
incendiés et mis à sac. Ce qui a occasionné des blessés
parmi les assaillants et les forces de sécurité et un mort
parmi des salafistes. Mais qui a mis le feu aux poudres à
ces actes gravissimes orchestrés et synchronisés ? Une
peinture pardi ! Laquelle aurait porté atteinte au sacré,
mais que personne n’a vue parce que tout simplement
elle se trouve, bien loin de notre terre, au Sénégal et
qu’elle n’a qu’une présence virtuelle sur facebook.
Mon pays va mal : parce que la majorité des gens de
bon sens ne parviennent pas à comprendre la relation
entre une toile supposée avoir porté atteinte au sacré
et la destruction des symboles de l’Etat entre tribunaux
et postes de police, et l’agression des citoyens. Comment ne pas comprendre qu’il s’agit d’attaques contre le modèle politique, judiciaire, sécuritaire et social du
pays ? D’où les témoignages de citoyens rapportant que
les salafistes contrôlent plusieurs quartiers populaires
tels Ettadhamen, l’Intilaqua, Douar Hicher et y font la
loi. Comment croire que cette «malheureuse» toile
a provoqué tout ces incidents dramatiques un peu
partout dans le pays, Sidi Hassin, Tunis, Hay-l’Intilaqua,
Sousse, Ben Guerdane, Bousalem, alors qu’en vérité,
depuis la Révolution, les manifestations, les sit-in, les
grèves, les immolations par le feu n’ont jamais cessé,
tant la situation économique et sociale est dramatique
et intenable.
Mon pays va mal : parce que des professionnels
de la manipulation ont lancé, sur les réseaux sociaux,
d’intolérables appels à la haine et des menaces de mort
à l’encontre d’artistes ayant participé à l’exposition du
Printemps des Arts au palais d’El Abdellia à la Marsa, des
politiques qui les ont soutenus et même à l’encontre
d’autres artistes peintres qui n’ont pas pris part à cette
manifestation. De quoi comprendre qu’à travers cette
affaire amplifiée, ce sont l’art et les artistes peintres
et, à travers eux, la liberté de création qui sont visés.
De surcroît, les artistes sont franchement déçus par le
ministre de la Culture dont ils attendaient un soutien,
pour le moins, objectif fondé sur des faits avérés et non
des rumeurs; déçus, également, par les jugements et les
critiques du genre «tableau de mauvais goût»,«peintres
débutants et autodidactes » ou encore  «de jeunes
victimes d’un enseignement médiocre
», déçus, enfin,
par les décisions démesurées concernant la fermeture
momentanée du palais El Abdellia et la poursuite en
justice des organisateurs de l’exposition.
Mon pays va mal : parce que cette affaire a pris des
proportions incroyables où il a été difficile de faire la
part des choses entre la réalité, la rumeur et la mystification.
Puisque de nombreux communiqués dont celui
commun des trois présidents, (du gouvernent, de la
présidence et de la Constituante), des conférences de
presse, dont celles de 5 ministres et responsables à la
Kasbah, sont, en grande partie, fondés sur une rumeur.
Facebook est-il devenu pour l’Etat et la Troïka une source
d’information fiable? Du coup, les politiques, ici les
Constituants d’Ennahdha, ont vite fait de proposer une
loi criminalisant l’atteinte au sacré, mais sans définir le
sacré ni en préciser les limites. Ne l’invoquera-t-on pas
chaque fois qu’on voudra censurer n’importe quelle
œuvre d’art, d’autant que l’art se prête à diverses lectures
et interprétations. La déception est, également, à son
comble, quand un ministre conseiller dresse, dans un
débat, sur la chaîne privée Hannibal-TV, des catégories
sociales les unes contre les autres, «Les Marsois raillant
les pauvres des quartiers populaires qui s’entretuent».
Encore une fois, un ministre du gouvernement fait
fi de toute obligation de réserve.
Entre-temps, plusieurs l’ont dit, le pays oublie ses
vrais problèmes, les martyrs, les blessés de la Révolution,
le jugement des assassins des martyrs, la justice
transitionnelle, les difficultés économiques, le chômage,
la corruption, les dernières fuites au baccalauréat, le
népotisme, la cherté de la vie pour sombrer dans le
chaos et la discorde exacerbés par les sentiments religieux.
Les responsables de partis, eux, toujours sous
l’œil des caméras, échangent griefs sur griefs, au cours
de débats lassants et répétitifs qui n’en finissent pas.
Mais, en fait, les exigences de la Révolution sont autres
qu’identitaires ou religieuses : emploi, travail et liberté
ont été et doivent toujours être ses mots d’ordre.
Pour que mon pays aille mieux, un sursaut républicain
 pour le sauver s’avère plus que jamais nécessaire.
Un signe d’espoir, et donc de possible sortie de crise,
est, cependant, apparu dans cette grisaille avec la
proposition par l’opposition, d’un dialogue et d’un
gouvernement d’union nationale, mercredi dernier,
au cours d’un débat sur Hannibal-TV. En lançant cet
appel, Néjib Chebbi, président d’honneur du parti El
Joumhoury, et Samir Taïeb, porte-parole d’El Massar
ont fait part de leur volonté de contribuer, par tous
les moyens, à préserver le pays  afin qu’il ne sombre
pas davantage dans le chaos, Lotfi Zitoun, ministre
conseiller auprès du premier ministre l’a noté et a
accepté cette proposition.
Espérons que pour le bien de mon pays cela ne
restera pas au niveau des bonnes intentions. Il y va
de son avenir.
S.D.

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