dimanche 12 avril 2015

RETROVISION

AHWAA SUR AL WATANIA 2

Enfin de la nourriture spirituelle !

Les émissions culturelles sont, il faut le dire, rares sur nos chaînes locales et dans le paysage médiatique audiovisuel. Ce genre de programmes, qu’il soit concocté sous la forme d’un débat ou d’un magazine, se compte sur les doigts d’une seule main. Mais on peut déjà saluer la programmation depuis quelques semaines d’une émission culturelle sur Al Watania 2, diffusée le samedi soir vers 21h45 et rediffusée le dimanche à 14h00. L’émission qui signe le retour de Racha Tounsi sur la chaîne publique s’intitule Ahwaa qu’on pourrait traduire par violon d’Ingres ou «courant-d’art». Il s’agit, autrement dit, de la passion pour la culture, les arts et le livre. En somme, l’amour de tout ce qui est nourriture spirituelle. Ahwaa a commencé par inviter de grosses pointures du monde littéraire et artistique, tel l’historien et universitaire Hédi Timoumi, auteur d’une douzaine d’ouvrages sur l’histoire récente de la Tunisie et du monde arabe, lequel en compagnie du sociologue Ali Saïdane et de la chanteuse Leïla Hjaïej nous ont offert l’occasion, lors d’un samedi soir du mois de février, froid et pluvieux, de vivre un moment spirituel des plus chaleureux en suivant une réflexion passionnante sur notre identité dans le passé, le présent et le futur. L’objectif étant de savoir «comment être Tunisien». Et le livre du Dr Timoumi «comment les Tunisiens sont devenus des Tunisiens ?» est à lire absolument, pour nourrir, plus en profondeur, cet avant-goût de cette réflexion sur la tunisianité. Autre émission très instructive : celle sur les archives et la mémoire en compagnie des professeurs Hédi Jallab, directeur des Archives nationales, Rim Zayani, qui nous a entretenus de la conception et du design de l’image et de l’écriture, Béchir Yazidi qui nous a éclairés sur le rôle de la mémoire orale dans l’écriture de l’histoire et Anas Ghrab qui œuvre, actuellement, au tri et à la définition, la conservation et l’identification des archives papiers du Baron d’Erlanger. Enfin, l’une des dernières émissions sur le livre a été des plus instructives, Abdelhalim Messaoudi, Kamel Riahi, Néji Khachnaoui et Walid Ferchichi ont interrogé l’écriture dans la nouvelle et le roman en focalisant sur les appréhensions et l’inspiration. Ahwaa est classique dans la forme, en ce sens qu’elle nous sert un débat d’idées, partant des questions que pose Racha Tounsi, conceptrice et animatrice de cette émission, laquelle se déroule dans un décor chargé d’histoire. Celui du Théâtre municipal de Tunis. Un lieu culturel et artistique qui a vu défiler tant de grandes pièces de théâtre d’auteurs universels et tunisiens et tant de figures théâtrales, à l’image de Sarah Bernhardt, Salama Hegazi, Jean Marais, Gérard Philippe, Ali Ben Ayed, Raja Farhat, Fadhel Jaziri, Fadhel Jaïbi, Ezzeddine Guennoun, Jalila Baccar, Raja Ben Ammar, ainsi que des artistes tels Ali Riahi, Oulaya, Naâma, Hédi Jouini, Hédi Mokrani and Co. Toutefois, on pourrait, côté décor, se passer des verres de jus de fruits qui encombrent la table, trônant au milieu des invités, et qui sont du plus mauvais effet, comme si la nourriture spirituelle ne pouvait se passer de breuvage et de nourriture tout court.
Pour des culturelles en tous genres
Ahwaa cible, il est clair, un public avisé déjà initié à la chose culturelle et au monde spirituel. Car on y use, parfois, de terminologies et de termes savants et spécifiques, qui ne sont pas à la portée du citoyen lambda. Chaque émission culturelle a donc sa spécificité, ses objectifs et son public. Reste, maintenant à la télévision publique, de tracer sa propre politique de production de programmes culturels, en variant les genres et les formes : du plus pointu et analytique au plus léger et instructif. Il s’agit, donc, de produire également des émissions d’initiation aux arts et à la culture où le traitement est didactique et léger afin d’intéresser toutes les catégories de public à la chose culturelle, dans son sens le plus restreint au plus large. Car, répétonsle encore une fois, c’est à travers l’amour et la passion de la culture, des arts et du savoir que tous les extrémismes et le terrorisme peuvent être combattus et vaincus. Et comme les Watania 1 et 2 sont des chaînes publiques, il est de leur devoir de ne pas être emportées par le courant des émissions de divertissement people, façon talk-show, qui brassent du vent. Une télévision publique doit impérativement répondre à l’un des objectifs premiers qui lui est assigné. Car outre celui d’informer et de divertir, son rôle et sa mission consistent, fondamentalement, à cultiver les téléspectateurs. A bon entendeur !

S.D.

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