vendredi 18 novembre 2011


 RETRO 20 NOV

Petit rappel raisons de la révolution

Avant les élections du 23 octobre on n’entendait parler sur les ondes et plateaux de télé que de Laïcité, identité, sécularisation, normalisation avec Israël et nous en passons, mais depuis les résultats du scrutin c’est le changement du tout au tout, car on n’entend plus parler que de polygamie, d’adoption, de mères célibataires, de la reconquête d’El Qods et même, «cerise sur le gâteau», de «6ième Califat » (sic). Les acteurs ont changé, les terminologies aussi : on est passé de la rive gauche à la rive droite


Toutes ces questions ont soulevé un sacré tollé aussi bien sur les satellitaires que les réseaux sociaux, la dernière en date concerne la déclaration de M. Hammadi Jebali à propos d’un «Moment Divin» et de l’avènement d’un « 6ième Califat »sous nos cieux. Etrange et consternant si l’on sait que la plupart des figures importantes du mouvement Ennahdha, dans la foulée de leur victoire aux élections de la Constituante, n’ont eu de cesse de répéter à qui voulait bien les entendre qu’ils sont de parfaits adeptes d’un régime républicain et d’un Etat civil. Pourquoi ce revirement alors ? Le fait que le futur premier ministre fêtait dimanche dernier  dans un meeting à Sousse la victoire de son parti devant les partisans d’Ennahdha et une représentante de Hamas explique-t-il ces propos ? Si ce discours religieux plus qu’euphorique est destiné à la consommation interne de ses partisans (secrétant ce double langage souvent reproché au mouvement) il s’avère d’autant plus surprenant et inquiétant que M. H. Jebali ne porte plus uniquement la casquette de Secrétaire Général d’Ennahdha mais celle aussi du chef du gouvernement de la 2ième  République. Mais si, au contraire, cette déclaration révèle le fond de la pensée de l’orateur et celle du mouvement islamiste elle se retrouve en parfaite contradiction avec le programme et le régime politiques affichés par ce parti. Ce qui est encore plus alarmant et mystificateur aux yeux de l’opinion publique. D’où les explications de H. Jebali affirmant que «La phrase a été sortie de son contexte, ce qui a suscité une ambiguïté politique au niveau du sens. Quant à l’allusion à El « Khilafa Errachida» elle vise à s’inspirer de nos valeurs, de notre patrimoine et de l’héritage politique de la société tunisienne ». Et de conclure que « la Tunisie a opté pour un régime républicain démocratique qui s’appuie sur la seule légitimité du peuple après des élections libres et loyales…option  qu’il s’emploiera à réaliser en tant que choix irréversible dans la prochaine Constitution pour une société démocratique, pluraliste et civile». Voilà qui est dit, apparemment, sans ambiguïté. A prendre au mot, donc.

 Voilà encore des polémiques dont on aurait pu se passer quand on sait que les vrais enjeux et défis imminents qui se posent au pays, en ces moments de crise, sont essentiellement économiques et qu’il incombe au futur gouvernement qui tarde à voir le jour d’y consacrer le maximum de temps qu’on gagnerait à ne pas perdre à polémiquer. Pour ce, il est importe que les politiques mesurent leur propos et sachent qu’à l’ère des satellitaires, des nouvelles technologies et des réseaux sociaux rien ne se perd, rien ne se cache, tout se sait, tout s’amplifie.

Alors au moment où le pays est économiquement très fragilisé que les politiques évitent tout ce qui peut créer beaucoup de bruit pour rien et s’occupent, enfin, des véritables problèmes qui minent le pays : misère, chômage, inégalité et injustice sociale qui sont là les vrais causes pour lesquelles la révolution s’est déclenchée un certain 17 décembre, soit non pas pour des questions d’identité, de religion ou de Califat mais pour des raisons de dignité et de liberté.

Maçarat, pourquoi tout ce retard ?

Lors de la conférence de presse qu’il a donnée récemment pour présenter les grandes lignes des grilles d’automne et d’hiver des deux chaînes publiques, M. Mokhtar Rassaâ, PDG de l’Etablissement de la télévision tunisienne, a annoncé au bonheur des amoureux des arts et du livre le retour des émissions culturelles. Un retour attendu par une frange importante de téléspectateurs friands  de ce genre de programmes qui nourrissent l’esprit mais qui hélas ont, durant ces dernières années, désertés les grilles de la défunte Tunisie 7 au profit des téléréalités, jeux et  divertissements débilitants et des innombrables émissions de sport, le tout diffusé pour engourdir et ankyloser encore et encore les esprits et éviter toute réflexion.

 Ainsi, parmi les premières culturelles annoncées citons Maçarat (Parcours) concoctée par Frej Chouchane, connu pour avoir présenté et animé plusieurs émissions se focalisant sur le livre dont le célèbre Livre ouvert, Sans frontières, Fadha et autres. Dans Maçarat Il présentera, à chaque fois, l’itinéraire et l’œuvre de certains de nos penseurs et intellectuels modernistes. La première  de la série a eu lieu le mardi 8 novembre, vers 22 heures, sur El Watania 1 avec pour invité le penseur et universitaire  émérite Abdelmajid Charfi. Mais, d’emblée on remarque l’heure tardive à laquelle passe la Culturelle, ce qui ne déroge nullement à la règle et aux mauvaises traditions qui ont la peau dure. De quoi se demander quand, donc, pourra-t-on voir une Culturelle à l’heure du prime- time à l’instar des débats politiques, variétés, fictions et autres émissions ? Car le rôle d’une chaîne publique n’est-il pas de booster les arts, le livre et la pensée ?

 Ailleurs on l’a très bien compris  puisque sur France 2 la chaîne publique française, on programme désormais de grandes Culturelles en plein prime-time. Or, sous nos cieux non seulement ce genre d’émissions est largué en deuxième partie de soirée, mais on se permet, même, de les diffuser avec plus d’une heure de retard.  Ainsi le 2ième volet consacré à Abdelmajid Charfi, qui nous a entretenu d’Islam et de modernité, a été diffusé mardi dernier (15 novembre) à 23 heures, soit 60 minutes après l’heure prévue. Les programmateurs ayant cru bon de passer l’intégralité de la conférence de presse, donnée tous les mardis à la Kasbah, avant le rendez-vous culturel pourtant annoncé à 22 heures précise aussi bien sur le site de la chaîne que dans les journaux. Est-ce normal ? Est-ce là le respect dû aux téléspectateurs qu’on n’a même pas daigné avertir du retard en passant l’info dans la bande passante au bas de l’écran. Ce sont là, des réflexes qui paraissent peut-être anodins, aux yeux des responsables d’El Watania 1, mais qui sont, au fait, des marques de respect à même de fidéliser le public. Car, beaucoup croyant l’émission déprogrammée l’ont tout simplement raté. Il fallait justement la reporter afin de ne pas en priver les fidèles téléspectateurs.

Ainsi, plus de considération pour les personnalités invités et leurs œuvres et plus de respect pour leur public s’imposent désormais. Car il est temps de rompre avec la vacuité et de réhabiliter le sens   et d’en finir définitivement  avec le mépris de l’esprit et de l’intellect qui a caractérisé l’ancienne ère où seul le divertissement bas de gamme était roi. Or, aujourd’hui nous avons besoin, plus que jamais, de raison et de réflexion.

S.D.

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