mardi 8 novembre 2011


Spéciale Tunisie sur TV5

Regard critique et débat vif

Un échange d’idées franc et dans le vif du sujet a distingué la Spéciale Tunisie consacrée aux résultats des élections de la Constituante par TV5. Diffusée, dimanche dernier, l’émission intitulée Maghreb Orient Express a réuni sur le plateau, autour du présentateur-animateur Mohamed Kaci, des invités du monde politique, artistique et de la société civile, Kamel Jendoubi président de l’Instance supérieure indépendante des élections, Khédija Chérif, secrétaire générale de la Fédération internationale des Droits de l’homme, Samira Mahdaoui,  journaliste à la télévision tunisienne, Sami Triki, membre du bureau politique d’Ennahdha, Anissa Daoud, comédienne et Myriam Marzouki, philosophe et metteuse en scène. 

D’emblée, le ton est donné, car si Jendoubi s’est fendu d’un commentaire affichant sa satisfaction, mis à part quelques irrégularités se rapportant, notamment à certaines listes d’El Aridha, un reportage sur la journée électorale du 23 octobre est rapidement venu piqueter son contentement en se focalisant par l’image et le son sur les couacs et loupés de l’opération de vote.
 Le commentaire des résultats des élections remportées par Ennahdha avec 37% des sièges, révèle certaines craintes, notamment, concernant les droits et acquis de la femme qui ne souffriront aucun retour en arrière, selon A. Daoud. Pour Khédija Chérif, la crainte c’est de voir  l’identité réduite à sa seule dimension arabo-musulmane et ne pas englober celles méditerranéenne, africaine, voire universelle pour une Tunisie ouverte et tolérante où s’offre une place pour les minorités.
Autres craintes : le décalage entre le discours au sommet d’Ennahdha et le comportement inquiétant de sa base, ce qui est fustigé et dénié par le représentant d’Ennahdha, qui explique la victoire de son parti, entre autres, par cette fâcheuse tendance à vouloir à tout prix diaboliser les Nahdhaouis, les accusant de double langage. Tout en abondant dans le sens des intervenantes sur la nécessaire préservation du Code du Statut Personnel, glissant que «les libertés des femmes seront garanties, entre autres, celle vestimentaires».
Mais l’échange contradictoire viendra plutôt de Myriam Marzouki qui, réagissant à un reportage sur la candidature d’un juif, M. Jacob Lellouche, aux élections afin de briser le mythe d’une Tunisie monothéiste uniquement arabo-musulmane, pense qu’on débat trop de l’identité, comme ils ont failli le faire en France. «Alors que, selon elle, il faudrait, plutôt, en cette période de crise mondiale du XXIe siècle, focaliser sur les problèmes urgents des dettes, du chômage, etc». A ses yeux, le destin commun va se définir autour de questions sociales, culturelles, institutionnelles, civiques, éducatives. «Il y en a  marre des débats sur l’identité» lance-t-elle. Ce qui ne l’empêche pas de rêver et de vivre une sorte de démocratie arabe qui pourrait être un véritable laboratoire où on inventerait ce que serait un Etat civil dans lequel cohabiterait une majorité musulmane avec des minorités juive et chrétienne.
La singularité de l’émission, c’est justement qu’elle ait été concoctée, au nom de la francophonie, dans un esprit de collaboration entre TV5 et la télévision tunisienne qui a accueilli l’équipe française dans ses studios pour l’enregistrement. Cela, outre la présence sur le plateau de Samira Mahdaoui, rédactrice en chef du JTF, drapée dans une neutralité toute neuve qui rompt avec la censure qui régnait en maître au sein de la défunte Tunis 7, générant un contenu approximatif et propagandiste. La journaliste s’en est d’ailleurs excusée.
Si le débat  a été pluriel et libre, certains reportages, assez importants, en ce sens qu’ils ont montré la grande mobilisation citoyenne, ont manqué un tant soit peu d’équilibre, la journaliste-reporter posant un regard critique n’a, en fait, focalisé que sur un seul aspect des choses, notamment les bureaux de vote des cités populaires. Le rédacteur en chef de l’émission, Xavier Marquet, en conviendra sûrement. Réalisé par Michael Gosselin, ce numéro de Maghreb Orient Express (MOE) vaut enfin par sa forme, entre lumière, cadres et images.
Bref, la télé tunisienne gagnera certainement à diffuser la série MOE sur les chaînes publiques afin que les téléspectateurs en profitent et que cette coopération soit réelle et non biaisée. Voilà qui serait profitable aux téléspectateurs dans l’attente du retour du Journal télévisé en langue française (JTF), ce qui tarde inexplicablement, alors qu’il constituerait, aujourd’hui que la censure s’est émoussée, une vraie lucarne sur le monde.


Printemps américain  à Wall Street ?

La vidéo a fait le tour de quelques télévisions, certes, mais surtout des réseaux sociaux, on y voit des jeunes, gorges déployées et poings brandis, scander le désormais mythique slogan révolutionnaire : Echaab yourid isqat ennidham (le peuple veut la chute du régime ou de Wall Street.). Ces mots magiques inscrits en lettres d’or sont en train de sculpter, un peu partout dans le monde, l’histoire et le destin des peuples en  s’exportant par-delà les mers et les océans, allant jusqu’à vibrer et résonner au cœur de Wall Street, la plus grande place financière du monde.
Sous les murs de la place, des jeunes crient leur colère contre un système économique tyrannique et prédateur nommé capitalisme où les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Filmés en plan large, les manifestants se «donnent le mot » et apprennent les uns aux autres à bien les articuler dans la langue d’El Jahedh : Echaâb, Yourid, Isqat, Ennidham. Des slogans qui ont donné le coup d’envoi à la révolution tunisienne et au «Printemps arabe». Le mouvement dure depuis quelques mois en plein cœur de New York et d’autres villes américaines. Même, peu médiatisé, il a pris de plus en plus d’ampleur, subissant la répression de la police. C’est pourquoi il fera, à l’évidence, tache d’huile, car face à la dictature du capitalisme et de la mondialisation plus que jamais sauvages, quoi de plus normal qu’il y ait un ras-le-bol de ce système injuste qui ne profite qu’à ceux qui vampirisent la planète et les hommes.

S.D.




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