dimanche 27 novembre 2011

RETRO 27 NOV


Champs et hors-champs d’une journée mémorable

  Le 22 novembre 2011 représente désormais une date historique et mémorable dans les annales du pays. Une journée marquée par la réunion inaugurale de l’Assemblée nationale constituante qui aura pour tâche  de concocter la deuxième constitution fondatrice de la IIe  République, 55ans après la 1ère Constitution de l’après-indépendance.

La masse des téléspectateurs a pu suivre l’événement grâce aux chaînes locales qui ont assuré la retransmission de l’événement aussi bien à l’intérieur de l’enceinte de la Chambre des députés qu’à l’extérieur. Les  moments captés étaient inédits et frappants tant ils sont inhabituels sous nos cieux.


 En hors champs, devant la chambre des députés, les caméras se sont focalisées sur un rassemblement coloré de la société civile, dont des mères de martyrs de la Révolution et des figures militantes modernistes manifestant pacifiquement. Tout ce beau monde était là pour rappeler aux députés que les portes de l’Assemblée leur ont été ouvertes grâce au sang des martyrs et que leur tâche pressante est de réaliser les objectifs de la révolution, soit la dignité par l’emploi et la garantie de conditions de vie décente ainsi que la liberté, la citoyenneté et la démocratie. Mais la caméra a également capté des scènes de violence verbale et physique superflues à l’encontre et de la députée  Souad  Abderrahim, élue sous la bannière d’Ennahdha et du journaliste Sofiane Ben Hmida de Nessma-TV. Inadmissible, intolérable la brutalité et les menaces en tous genres ne doivent en aucune manière remplacer la parole, le dialogue et l’échange.

En plein champ, au sein de la chambre des députés se déroulaient l’identification et la mise en place des acteurs politiques et du processus juridique fondateur de la Constituante. Cela dans la foulée du  discours prononcé par le président provisoire de la République, M. Foued Mbazaâ. Un processus émaillé par les bavures du Président de cette séance inaugurale, M. Taher Selmi, le doyen des députés, tel son discours imprévu et non programmé qui a suscité cris et hurlements, notamment en raison de ses reproches déplacés, il faut le dire, adressés notamment à l’encontre de plusieurs franges  de la société civile réunie à l’extérieur et une autre partie qu’il n’a pas nommée l’accusant de «faire appel à l’étranger pour échapper à la justice» (Autrement dit l’Ugtt). La lecture des noms des martyrs, un par un, dans une atmosphère solennelle est une initiative judicieuse du Pôle démocratique et moderniste. Hélas que l’omission des noms de certains martyrs de la région de  Kasserine a encore une fois allumé la mèche de la violence sur fond de colère et peut-être bien de manipulations  de différentes parties occultes auxquelles profiteraient le désordre et le chaos. Autre scène tumultueuse à l’Assemblée : la  levée de bouclier des élus d’El Aridha protestant contre la distribution aux députés de la revue Le Maghreb dont un article traite leur liste de « Drôle de pétition » encore des cris et des grincements de dents… Que de palabres avant d’en finir avec la cacophonie !

Autre scènes inédites et inhabituelles : l’élection symbolique, des Présidents et Vice-présidents de l’Assemblée jadis nommés. Quoique la majorité unie n’a rien lâché raflant les trois fonctions. Enfin le cliché de cette inoubliable journée n’était autre que celui où l’on voit  Maya Jeribi candidate à la présidence de la Constituante féliciter M. Mustapha Ben Jaâfar, candidat élu et annoncé pour présider la Constituante. Une image incarnant la différence et la pluralité, plus que jamais nécessaire après la Révolution, ainsi que les premiers pas vers la démocratie irréalisable sans l’opposition, le contre-pouvoir de la société civile et le respect des libertés individuelles et collectives. A la Chambre, donc, d’envoyer des signaux forts dans ce sens et de refléter tous ces droits et valeurs dans les discussions, échanges et débats pour l’élaboration de la Constituante.





L’autocensure de retour ?

Quand on suit les reportages dans les Journaux Télévisés d’El jazira et d’El Watania 1 sur l’hommage rendu par l’Isie (Instance supérieure indépendante pour les élections) aux martyrs de la révolution, dimanche dernier, à la coupole d’El Menzah, on ne peut qu’être profondément surpris par les différences criardes au niveau du traitement. Dans son reportage la chaîne qatarie a tout de suite donné le ton en braquant la caméra sur les familles des martyrs laissant éclater leur colère à travers des témoignages réclamant justice ainsi que les droits moraux et matériels de ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté et la dignité. On a vu les protestataires interrompre le discours de Kamel Jendoubi, le Président de l’Isie, par toutes sortes de slogans et autres revendications exigeant le jugement des coupables et des assassins de leurs enfants et proches parents. Réaction commentée au micro par M. Mokhtar Trifi, militant des droits de l’Homme, qui a en substance déclaré : «qu’on ne  peut entamer la nouvelle étape de la gouvernance légitime sans que le dossier des martyrs ne soit sérieusement étudié et qu’on y apporte les solutions indiquées aussi bien morale que matérielle ».

Or, comment est traité, en revanche, l’événement par le Journal télévisé de la chaîne publique ? Point de cris, point de protestations ni de slogans, au contraire, les parents et proches des martyrs paraissent résignés à leur sort, presque fataliste. Du bout des lèvres l’auteur du reportage nous dit que la fête est demeurée inachevée, sans s’étaler sur les raisons de ce goût d’inachevé de manière explicite. Pourquoi ce traitement timorée de l’événement, pourquoi tant de frilosité ? Franchement  on ne comprend pas les raisons de cette rétention de l’information. Doit-on comprendre que l’autocensure est de retour dans les Journaux télévisés d’El Watania 1 ? Souhaitons que non, mais Plusieurs signes pourraient le laisser croire, notamment le manque d’intérêt pour plusieurs sujets tel le comportement de certains fanatiques qui sévissent, dans certains lycées et universités, s’amusant à importuner  une enseignante pour sa tenue vestimentaire non conforme à leur désir et conception de la vie ou à arrêter des cours artistique, de dessin par exemple, sous prétexte que cela est interdit par la religion. Créant la zizanie au sein des temples de l’enseignement du savoir et de la connaissance, ces nouveaux inquisiteurs font de plus en plus la loi obligeant les professeurs à sortir des institutions éducatives sous escorte policière. En fait, loin des émissions de débats par trop consensuels, ces derniers temps, pourquoi ne pas consacrer une vraie enquête d’investigation  sur ce nouveau phénomène inhabituel, venu d’ailleurs qui sera suivie d’un débat impliquant les principaux acteurs et parties concernés de la scène politique ? En tous cas le phénomène mérite un arrêt sur image, un traitement professionnel et une attention particulière tant il est dangereux, étrange et étranger à nos mœurs, enfreignant toutes sortes de libertés individuelles et collectives, entre autres la liberté artistique.

S.D.

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