jeudi 8 mars 2012

Exposition perso-collective à la galerie Efesto à La Marsa.

Et Michela Sarti créa Polifema !

Et Michela Sarti créa Polifema !
«L’expo» se décline comme un conte ludique au gré des pérégrinations d’un sacré personnage qui n’est autre que Polifema, femme «ronde et dodue à l’œil de cyclope», référant à la mythologie grecque. Cyclope des temps modernes, elle exerce un fol attrait sur les Hommes. D’où son parcours tumultueux, loin d’être ordinaire et commun : après avoir été chassée du paradis, elle exerça le plus vieux métier du monde, tourna des films érotiques, puis entreprenant un voyage planétaire, en quête de bonheur, elle joua à la révolutionnaire en Amérique du Sud, cueilli de l’opium à Bukhara, dansa à Bollywood... Un jour elle rencontra l’amour et se débarrassa, enfin, de cette image de femme objet sexuel, qui lui collait à la peau. Elle atterrit sur les planches du célèbre opéra de Paris, puis du mythique Moulin Rouge. Désormais, elle danse dans les cabarets, «à guichets fermés», s’enivrant de bonheur, enthousiasmée et transformée par sa nouvelle vie de meneuse de revue.
La singularité de cette exposition initiée par Michela Margherita Sarti, artiste et galeriste tuniso-italienne, réside surtout dans le fond, soit ce parti pris de la thématique ludique, mais aussi cette dimension perso-collective. Car le public peut découvrir les différentes stations et étapes du voyage de Polifema ainsi que sa vie extraordinaire, loin d’être un long fleuve tranquille, à travers diverses toiles et photos concoctées par d’autres artistes. Ce personnage féminin, dont la forme se veut un clin d’œil et un hommage au grand peintre et sculpteur colombien Fernando Botero, est sorti de l’imaginaire de Michela Sarti, qui s’est déjà distinguée par son univers inhabituel lors d’une précédente exposition, il y a deux ans : «El Fiabe Erotiche de Mimi». Polifema s’incruste dans les œuvres picturales de plus d’une vingtaine de peintres et photographes tunisiens et étrangers qui ont bien voulu jouer le jeu et prêter leur cadre et toile à l’initiatrice et auteure de l’idée qui intervient, ainsi, sur leurs œuvres. La femme cyclope des temps modernes se retrouve, le plus souvent, en avant-plan de la surface des représentations picturales et photographiques, et rarement en arrière-plan. Est-ce parce qu’elle en est le sujet et l’héroïne ? Visiblement oui, mais à y regarder de plus près on comprend qu’il s’agit d’une articulation, d’un personnage charnière qui donne du sens et de la cohésion à cette performance où le ludique le dispute au cocasse.
L’aventurière s’incruste dans les peintures pour suggérer les principaux épisodes du feuilleton de sa drôle de vie : on peut imaginer que telle Eve, en compagnie d’Adam, elle a été chassée du «Jardin d’Eden», toile représentée par Zoubeïda Chamari Daghfous dans un style mixte associant deux techniques, l’acrylique et le collage, sur le fond et à la surface de la toile s’entrecroisent et s’entrelacent des formes humaines et végétales: métamorphose des corps en arbres, métamorphose des visages en fleurs et vice-versa pour une parfaite harmonie avec la nature, soit cette quête éternelle du paradis perdu pour les Hommes, mais aussi pour Polifema que l’on retrouve «En terres inconnues», flottant sur un nuage à travers la peinture de Chawki Lahmar ou encore telle Alice «Au pays des merveilles» vivant des rêves d’enfance, étranges, surréalistes et ludiques, comme le reflète la peinture de Alia Kateb qui se particularise par le relief de ses collages. Enfin, notre personnage descend sur terre pour vivre la première station de son parcours planétaire à travers la toile «Invito Davanti», un clin d’œil au courant pictural hyperréaliste. Après la fréquentation assidue des bars à Tunis (photos de Skander Dhaoui), Polifema se retrouve star de cinéma non pas à Hollywood mais à Bollywood, ce qu’on voit dans la représentation de Patricia Natale : «Pupa et Polifema à Bollywood». La balade de la femme charnue et voluptueuse se poursuit de plus belle à travers les cadres de nombreux artistes tels Sabrina Belkhouja, Lamia Guemara, Tobi Ayedadjou, Anne Turki, Othman Taleb, Souhir Ben Yaâla, et les autres.
Michela Sarti a aussi convoqué de grands peintres disparus d’ici et d’ailleurs parce que la performance le veut, mais aussi pour rendre hommage à de grosses pointures du monde de la peinture comme Edouard Manet (Déjeuner sur l’herbe), Edgard Degas (La classe de danse) ou également notre peintre national Feu Ammar Farhat (Le journal).
Cette expo légère, traversée d’humour, a donné lieu à une autre œuvre, un ouvrage, en un unique exemplaire, au titre évocateur mélangeant les images et les mots : «La vie extraordinaire de Polifema».
L’exposition inaugurée le 12 février se poursuit encore. Avis aux amateurs.
Auteur : Samira DAMI

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