lundi 19 mars 2012

Rétrovision 18/03/2012


De l’overdose des émissions
 sportives à celles politiques


De plus en plus, les chaînes de télé locales, et notamment publiques, recourent à la facilité, pour meubler les soirées, sans débourser beaucoup d’argent, en se contentant d’émissions de débats à propos de tout et de rien. Il suffit de disposer une table ronde ou ovale et quelques sièges sur le plateau et le tour est joué.  Pour causer, voire papoter, politique. Même El Watania 2, pourtant consacrée, soi-disant aux régions, s’y est mise, en programmant  des émissions du genre, Hadith fi Essiyassa,  (Conversation politique) Ma Waraâ El Hadeth (Au-delà de l’événement), animé par Moez Khadraoui, un revenant, jadis animateur d’émissions de jeux et de variétés, nouvellement converti à l’animation politique, comme ça, d’un coup de baguette magique, alors que c’est là le rôle des journalistes. Cela d’autant que pareil programme demande une certaine spécialisation, un background et une culture politique certaine. On se demande d’ailleurs sur quels critères sont choisis les animateurs des émissions politiques. Quand donc comprendra-t-on, du côté des chaînes publiques, qu’à chacun son métier ?
Bref, il est sûr que cette pléthore d’émissions de débats reflète un manque flagrant de moyens financiers ainsi que l’absence de cohésion des programmes  à travers une grille homogène et claire, riche de nouvelles productions. Or, faudrait-il, encore,  savoir qu’il n’existe pas un public mais des publics avec chacun ses préférences et ses attentes. Ce qui nécessite une programmation variée où coexistent tous les genres d’émissions afin de satisfaire et de répondre aux attentes de tous. Car il ne s’agit pas de passer d’un extrême à l’autre, d’une overdose d’émissions sportives, opium du peuple, avant le 14 janvier à une overdose de programmes politiques, modèle dominant après le 14 janvier. Tout est, donc, question de dosage et de véritable choix de programmation loin de tout remplissage ou improvisation.



Hédi Guella chanteur engagée tire sa révérence

Un emblème, une chanson

Son nom s’est confondu dans les années 70 avec cette chanson, devenue alors un tube : Babour Zammar qu’il a chantée, composée et interprétée. Ce nom est celui de l’un des emblèmes de la chanson engagée, Hédi Guella, qui vient de tirer sa révérence, à l’âge de 61 ans, après une longue maladie.
Dans un entretien qu’il a accordé, en mai 2011, à radio Express-FM, lui, le chanteur militant, a exprimé en substance son bonheur de vivre, enfin, la révolution, en fait, la quête de sa vie, qui l’a, avait-il affirmé, «ébranlé, comme tous les Tunisiens», ajoutant que ce qu’il appelait «révolte» (car la révolution, selon lui, est encore en marche) a tout  changé et remis en question comme l’a voulu le peuple. Il s’est, donc,  promis, à lui-même de changer au niveau de ses choix professionnels et de sa manière de voir les choses annonçant «qu’il avait des projets de chansons mais qu’il n’allait pas tomber dans la précipitation vu que la révolution, si noble, si historique et  si digne mérite qu’on lui consacre une production maîtrisée». Lors de son dernier concert qui a eu lieu l’été dernier au festival de Carthage, il a présenté de nouvelles chansons, et il comptait en faire tant d’autres pour la Révolution. Mais même si la mort a été plus rapide, celui qui a chanté l’immigration, l’exil, la lutte ouvrière, la liberté, la Palestine et autres causes aura immortalisé avec les airs qu’il a concoctés des chansons telles  Sajjal Ana Arabi, de Mahmoud Dérouiche, Ala Ayouha Edhalimou El Moustabid, d’Abu El Kacem Chebbi. Mais la chanson qui, incontestablement, récolta le plus de succès, ou mieux, devint l’emblème de la chanson engagée tunisienne n’est autre que la célèbre Babour Zamar goupillée en 1957 par Mouldi Zalila, alias Am Khémaïs, ouvrier et  militant (décédé il y a trois ans à Kerkennah) quand il se trouvait sur le bateau qui l’emmenait en France. L’air est repris par les étudiants, les militants, les jeunes, les immigrés et leur famille, dans les meetings  en Europe et les festivals engagés, ici ou ailleurs. Cela pour raconter les souffrances de ceux qui ont choisi l’exil en vue d’améliorer leur condition de vie.
 Paradoxalement,  cette première chanson qu’il composa en 1973 et qui l’imposa sur la scène de la chanson militante est demeurée d’une fraîcheur inouïe, tant les premières vagues de l’immigration vers l’Europe, dans les années 70, rappellent celles clandestines du début de la Révolution quand quelques milliers de jeunes Tunisiens se sont aventurés, mais sans ce «passeport qui différencie les immigrés des vaches» qu’évoque la chanson. Et à chaque fois qu’elle est diffusée sur les chaînes de radio ou de télé, elle suscite le même sentiment, car elle n’a pas pris une seule ride tant on a l’impression qu’elle vient de voir le jour reflétant la Tunisie d’aujourd’hui.
Ayant marqué, grâce à ses paroles accrocheuses et une mélodie simple, la mémoire collective populaire, y compris les militants de tous bords, Babour Zamar est à Hédi Guella ce que Lidha  Eshems est à Cheikh Imam, soit un petit joyau de la chanson engagée. Hédi Guella a chanté d’autres genres, la chanson patriotique incarnée par le célèbre poème de Sghaïer Ouled Ahmed, Nouhibou El Bilad, la satire de Taoufik Jebali, Ya Haltara Kadesh, si actuelles et si appréciables,  mais le nom de l’artiste engagé qu’il était restera lié à ce titre qui fut sa première chanson et qui, à lui seul, draina 10.000 spectateurs au festival de Carthage, à l’occasion d’un concert qu’il donna en 1978. Un triomphe suivi de quelques éclipses et retours d’un parcours en brisures. Hédi Guella a vu son rêve de révolution se réaliser certes, mais dommage que, fauché par la mort, il n’ait pas eu davantage de temps pour créer dans son sillage. Que Dieu bénisse son âme.
S.D.


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