lundi 24 novembre 2014

Présidentielles 23 novembre 2014- 
Des personnalités politiques s'expriment 

Hier, les Tunisiens se sont rendus aux urnes pour élire le futur président de la République en choisissant «leur élu» parmi 22 candidats en lice. Nous avons approché quelques dirigeants et soutiens proches des candidats qui expriment ici leurs opinions et sentiments sur le climat et le taux de participation de cette présidentielle: Riadh Ben Fadhl du Front populaire, Lazhar Akremi de Nida Tounès, Neziha Rejiba, qui soutient la candidate indépendante Kalthoum Kennou, et Abdallah Triki du CPR.

Riadh Ben Fadhl, directeur de la campagne de Hamma Hammami (Front populaire) : «Déconnexion entre les politiques et les citoyens»
Le classement de notre candidat avec un pourcentage de 9 à 11% représente une perspective nouvelle dans le rassemblement des forces du progrès, de la démocratie et de la citoyenneté qui fait encore défaut dans le pays. Concernant, maintenant, le taux de participation, 64,4% à l’échelle nationale et 29,68 à l’étranger, de cette première élection présidentielle démocratique et libre, il faut avouer qu’il demeure assez faible. A mes yeux, il s’agit d’une catastrophe citoyenne qui reflète la déconnexion du discours des politiques par rapport aux attentes des citoyens. Déconnexion qui permet à un discours populiste de s’infiltrer et de faire des dégâts. Car comment expliquez-vous que lors des législatives du 26 octobre 2014, le taux de participation à Sidi Bouzid, berceau de la révolution, n’a été que de 29% ? Le taux de participation va decrescendo, lors des législatives, le taux de participation ayant été de 66%.
L’abstention des jeunes est également pour beaucoup dans ce faible taux. La cartographie électorale par âge est dramatique. Ajoutons à cela le nomadisme politique qui a caractérisé l’Assemblée nationale constituante.
Enfin, la multiplication des échéances et la tenue des élections législatives avant la présidentielle est une grave erreur car dans l’esprit des gens, le pouvoir se trouve à La Kasbah et à leurs yeux les jeux sont déjà faits.
Or,  si la présidentielle avait précédé les législatives, il y aurait eu un taux de participation, plus important, allant crescendo.
Cette première élection libre et démocratique représente dans ce sens un enjeu énorme et si les citoyens ne l’ont pas relevé c’est parce qu’il y a un problème au sein de la classe politique qui n’a pas su interpeller et ramener à elle les citoyens, car il n’est pas normal qu’un citoyen sur trois boude les élections. Les forces politiques de gauche qui ont participé aux élections doivent se poser des questions sur la désillusion du peuple.
Concernant le climat des élections de la présidentielle, nous n’avons relevé que quelques dépassements : par exemple, le candidat Hechemi Hamdi a été surpris en train de discuter avec des électeurs devant le bureau de vote, mais ce n’est pas pour remettre en cause les résultats des élections.

Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès : «La démocratie s’ancre progressivement»
La journée d’hier a été historique en ce sens que les Tunisiens se sont exprimés librement et démocratiquement afin d’élire le futur président de la République.
On s’attendait à ce que notre candidat Béji Caïd Essebsi passe dès le premier tour mais maintenant il faut faire une évaluation des résultats des urnes afin de déterminer les manquements et corriger ainsi le tir.
Globalement, le climat a été serein, sauf que dans la région de Ras El Kef à Gafsa deux observateurs de Nida Tounès ont été violemment agressés par des salafistes et nous avons porté plainte auprès de l’Isie. J’ai également relevé le faible taux de participation lors de cette présidentielle et je pense qu’en étudiant la psychologie du citoyen qui s’est abstenu, je pense qu’il n’est pas conscient que c’est goutte à goutte que se remplit l’étang. Ce citoyen a une attitude de démissionnaire et n’est pas conscient que de pareilles échéances dépend l’avenir du pays.
Or, ce même individu dénué de comportement citoyen se positionne par la suite en tant qu’ayant-droit. Ce qui nous amène à dire qu’il faut beaucoup de temps pour que la pratique démocratique s’ancre dans les esprits et qu’elle se développe progressivement et par étapes, et cela de sa naissance jusqu’à sa maturité.
C’est pourquoi si on atteint un taux de participation de 55% ou plus lors de cette présidentielle et qu’on le compare avec les anciens taux très répandus dans les régimes dictatoriaux arabes, qui annoncent des taux fantaisistes de participation de 80 à 90% lors de telles opérations électorales alors qu’il n’est en vérité que de 7%, on peut dire que c’est déjà un grand pas sur la voie démocratique. Cela d’autant que les électeurs tunisiens de la présidentielle d’hier sont allés de leur propre gré, sans contrainte ni pression aucune.

Neziha Rejiba (alias Om Zied), militante politique : «Je salue le courage de Kalthoum Kennou»
Kalthoum Kennou que je soutiens a été une candidate exemplaire et pédagogique, donnant, ainsi, l’exemple aux autres femmes arabo-musulmanes. Indépendante, elle n’a pas bénéficié de moyens ni de grosse machine pour la soutenir, elle s’est même endettée pour faire sa campagne. Malgré tout, beaucoup de femmes qui respectent son passé militant et son honnêteté ont voté pour elle et je le sais, des électeurs de mon bureau de vote et de ma région me l’ont affirmé. Car le fait qu’elle soit restée dans la course et qu’elle ait résisté courageusement et sans calcul à tous les appels au désistement  ont conforté la considération que lui portent beaucoup de citoyens.
Le climat des élections a été calme et correct dans l’ensemble, sans grands dépassements.
Quant au faible taux de participation, il est dû, à mon avis, à l’absence de consigne de vote d’Ennahdha afin justement d’affecter la participation et de minimiser la présidentielle.
Maintenant, même si Kalthoum Kennou ne passe pas au 2e tour, j’aurais accompli mon devoir envers elle et ce sera mon dernier baroud d’honneur dans le monde politique, car je compte me consacrer à l’écriture.
Je salue, enfin, le courage de la candidate Kalthoum Kennou qui a visité tous les coins du pays afin de convaincre les électeurs  de manière civique sans agressivité ni animosité et surtout sans attaquer les autres. Je salue son courage en tant que seule candidate femme.

Abdallah Triki, dirigeant au CPR : «La fête de la démocratie»
Je soutiens Moncef Marzouki et je pense que malgré les fautes et les erreurs de la Troïka et même du présent gouvernement, je suis pour la continuité politique.
J’ai accompli mon devoir et droit d’électeur avec toute ma famille à Tozeur, dans le Sud tunisien, et j’ai observé quelques infractions de la part de certains partis et même d’indépendants. J’ai même vu des gens distribuer de l’argent, l’Isie doit donc sévir. Mais je n’ai vu ni violence ni agressions, c’était plutôt calme.
Hier, avec la présidentielle, c’était la fête de la démocratie, même si le taux de participation est assez faible et je pense qu’il ne dépassera pas les 60%. C’est plutôt pas mal à comparer avec l’Egypte où seuls 12% des électeurs se sont déplacés alors qu’on a annoncé 24%.
Maintenant, je pense que Béji Caïd Essebsi, Moncef Marzouki et Hamma Hammami rafleront les trois premières places et qu’il y aura un 2e tour. Les trois prochaines années, notamment 2015 et 2016, seront très difficiles pour la Tunisie, d’où la nécessité de gouverner dans un esprit d’unité nationale afin de résoudre tous les problèmes de sous-développement que connaît la Tunisie et qui sont partout les mêmes en Afrique où j’ai travaillé en tant qu’expert et conseiller dans une vingtaine de pays.
J’ai été secrétaire d’Etat au ministère des Affaires étrangères et je pense qu’il faut s’habituer à l’alternance et féliciter le vainqueur du 2e tour.
Samira DAMI

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