dimanche 29 mars 2015


Arrêt sur image

Ciné-Djebel contre le désert culturel et l’extrémisme

Par Samira DAMI

Des photos insolites, qui circulent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, ont suscité l’intérêt des internautes tant elles sont touchantes et ruisselantes d’espoir.
Sur l’un de ces clichés, signés Karim Belhaj, apparaissent des enfants en rangs serrés en train de pénétrer dans une modeste bâtisse, en rase campagne, sur laquelle est peint en noir et en langue arabe : «Ciné-Djebel».
Sur un autre instantané, on peut voir ces même fillettes et petits garçons portant des masques de déguisement scrutant un écran de cinéma.
Enfin, sur une autre photo, on peut voir un tableau de peinture sur un chevalet adossé à un talus de cactus. Insolite, diriez-vous. Absolument, car il s’agit là d’un club de cinéma et d’un club de peinture installés en plein champ. La bâtisse qui abrite le ciné-club n’est autre qu’un ancien poulailler cédé par un citoyen retraité de la région. La transformation des lieux s’est limitée à placer un écran, un projecteur offert par un enseignant, et des bottes de foin en guise de sièges. Il s’agit là du centre culturel de Semmama, niché au pied de la montagne.
Cette idée, consistant à apporter l’art et la culture dans cette région isolée du gouvernorat de Kasserine, a germé dans l’esprit du comédien et poète Adnen Helali. L’enjeu est clair et capital : «Sortir les enfants des zones rurales de l’isolement, en exploitant les lieux abandonnés, inoccupés ou cédés par des particuliers, mais surtout lutter, grâce à l’art et à la culture, contre le fléau du terrorisme qui mine la région».
Mieux, le concepteur du projet ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il est en train de construire, à Djebel Semmama, avec l’aide des habitants, un théâtre en plein air avec de simples pierres et des troncs d’arbres.
Le comédien rêve et ambitionne de généraliser le concept dans plusieurs régions du pays, en comptant sur le soutien du ministère de l’Education. D’ailleurs, afin de sensibiliser l’opinion publique et les autorités à ce genre de projets, une marche est prévue, aujourd’hui même, à Tunis, avec la participation de 2.000 enfants issus de 15 régions.
Voilà qui constitue un véritable acte de résistance des plus pertinents, appropriés aux régions et efficaces et qui n’a sollicité que l’imagination plutôt que les grands moyens. Ainsi, en attendant l’installation d’infrastructures culturelles dans nos campagnes, ce qui n’est pas pour demain, on se demande pourquoi le ministère de la Culture n’apporterait pas également son soutien à ce genre d’initiative et de concept intelligent et productif, qui mérite d’être encouragé, d’autant qu’il ne peut être qu’un rempart efficace contre les extrémismes de tous bords.
Mieux, pareilles initiatives devraient être appuyées et subventionnées par l’Etat (les ministères de l’Education, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports) ainsi que par les privés et les mécènes. Car il ne s’agit surtout pas de croiser les bras, mais d’agir urgemment, ici et maintenant, afin de diffuser l’éducation, l’art et la culture pour combattre l’obscurantisme.
C’est pourquoi, afin d’atteindre ce but, il est plus que jamais impératif de réintroduire les activités culturelles et artistiques dans l’enseignement : le théâtre scolaire, les clubs de cinéma, de musique et de danse, et de les rendre obligatoires en leur consacrant l’infrastructure et le personnel enseignant nécessaires.
Ainsi, le centre culturel de Semmama, son ciné-club, son club de peinture et son futur théâtre de plein air représentent et reflètent une image d’espoir et de lutte efficiente en amont contre le désert culturel, l’embrigadement des esprits et l’extrémisme.

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