RETROVISION du 5 févier 2015
Les émissions politiques décryptent le programme du nouveau gouvernement
Que de flèches décochées !
La plupart des médias audiovisuels se sont focalisés, dans
leurs émissions politiques du mercredi dernier
sur le discours- programme de Habib Essid prononcé lors de la plénière de
l’Assemblée des représentants du peuple, consacrée au vote de confiance pour le nouveau
gouvernement.
Sur les plateaux de télé, les critiques ont
fusé de tout côté aussi bien de la part des élus du peuple que des journalistes
et des analystes pour plusieurs raisons : ce programme concernant les 100
premiers jours du gouvernement ne comportait aucun diagnostic de la situation
actuelle du pays qui vit une déprime profonde, il se limitait à des généralités et était avare en détails sur les
réformes et les mesures urgentes à prendre. Bref rien de révolutionnaire
qui puisse refléter l’ambition d’un
peuple et d’un pays sortis, depuis 4 ans, d’une révolution citée, malgré tout,
comme modèle.
«Vague et long», «Déclaration d’intention», «Sans
messages forts », « flou », «Ne répondant pas aux objectifs de
la révolution », et nous en passons, ce sont là les jugements qui
revenaient d’un plateau à l’autre pour qualifier ce discours-programme. Et même
ceux qui l’ont, en gros, apprécié pour la position claire sur la lutte contre
le terrorisme et la contrebande ainsi
que la garantie de la sécurité, et la stabilité, mais aussi la révélation de la
vérité sur les assassinats politiques, n’ont pas manqué de reprocher au chef du
gouvernement d’avoir occulté certaines questions importantes, telles la
Culture, l’éducation, la justice transitionnelle, les régions marginalisées,
etc.
Quoi de plus normal que les élus de l’opposition, entre Front populaire, CPR, et Courant démocratique fustige
avec véhémence ce programme. Mais là où le bât blesse c’est que même des
députés des quatre partis représentés au gouvernement, notamment Afek Tounès, Ennahdha
et Nida Tounès , ont critiqué ce programme dénué de tout esprit qui a
sous-tendu le 17 décembre et le 14 janvier 2011. Comment comprendre que les régions qui sont soulevés
contre le chômage et pour la liberté et la dignité, n’ont eu droit qu’à une phrase
sibylline du genre « la mise en place de tous les moyens nécessaires
pour un développement régional équilibré » ? Tout cela si loin
des mesures urgentes attendues par les citoyens concernant, par exemple, le
pouvoir d’achat qui s’érode au fil des jours,
car le gel des prix suffira-t-il à les sauver de la paupérisation
rampante. Ne parlons pas de certains patelins et coins perdus où les citoyens n’ont
ni l’eau, ni l’électricité, dans leurs foyers et encore moins dans les écoles
où leurs enfants doivent marcher des kilomètres
à pied, hiver comme été. D’où ces
voix multiples reprochant le manque d’une volonté politique forte et résolue pour
lancer un programme audacieux et efficace qui répond aux attentes des citoyens
et à l’ambition des jeunes révolutionnaires. Que de flèches décochées !
Par ailleurs, les multiples zooms des caméras d’Al Watania
2, lors de la transmission en direct de la plénière, sur l’équipe
gouvernementale d’Essid sont révélateurs : aux premiers rangs, il n’y
avait que des hommes, les femmes étaient en nombre infime, d’autant qu’elles
étaient reléguées, selon l’importance des portefeuilles, aux derniers rangs. Il
est vrai que seuls 3 ministères sur 27 ont été octroyés à des femmes, soit
seulement 10%, mais en comptant les 8 postes de secrétaires d’Etat sur les 14
attribués, la présence de la femme s’élève à
19% en tout, soit même pas un
tiers qui est le minimum requis. Ce qui est dérisoire par rapport au
militantisme et à la place importante et marquante de la femme dans la société avant, pendant et surtout après
la révolution, quand elle s’est démenée pour sauvegarder ses acquis hyper menacés.
Ce ne sont pas les compétences féminines qui manquent, mais c’est une question
de mentalité qui mettra beaucoup de temps pour changer, car jusqu’ici beaucoup
croit encore que la politique c’est pour les hommes et surtout quand il s’agit
de hauts postes qu’ils soient politiques ou autres.
La composition du gouvernement sur le fond et la
qualité des personnalités qui la forme, n’a pas échappé aux critiques et aux
jugements défavorables, puisque plusieurs voix, entre hommes politiques,
analystes et élus de l’opposition l’ont qualifié de « molle»,
« hybride », «provisoire», « un mélange étrange et
étonnant », « sans couleur, sans odeur », « un gouvernement
de quota -partisan», « n’incarnant en rien l’esprit
révolutionnaire » et nous en passons. Et les images nous parvenant de la
conférence de presse, tenue mercredi dernier au palais du Bardo avant le début
de la plénière, par Abdelaziz Kotti et Khemais Ksila, illustrent la réprobation
de ce gouvernement par les propres « fils » de Nida Tounès qui ont
annoncé, devant les caméras qu’ils s’abstiendront de voter la confiance au gouvernement Essid. Ce qu’ils ont fait, jeudi, le jour du vote de
confiance.
On a même vu et entendu Ksila déclarer dans l’émission 7/24,
sur Al Hiwar Ettounsi, «ne pas
comprendre que les ministères de souveraineté n’aient pas été attribués au parti qui a gagné
les élections législatives mais à des indépendants, à moins qu’on veuille éviter l’ouverture de dossiers douteux du temps de la Troïka. Cela d’autant que
c’est Nida Tounès qui assumera la
responsabilité de l’action du gouvernement ». Et d’enfoncer le clou en
précisant que «son parti a été marginalisé lors des négociations sur la
composition du gouvernement ». L’un
des chroniqueurs de l’émission, en l’occurrence Mohamed Boughalleb, a tenté de
provoquer l’élu Nidaiste en lui demandant s’il aurait réagi de la même manière
s’il avait figuré dans la liste de l’équipe gouvernementale. La réponse était,
bien entendu, affirmative car l’élu s’est déclaré fier et honoré de
servir le peuple sous la Coupole du Bardo, concluant que «ce cri d’alarme a été
lancé, notamment, pour alerter les militants de Nida Tounès et l’opinion
publique».
Nous ne terminerons par sans
relever un commentaire fâcheux et
,pour le moins, déplacé de Lyes Gharbi, l’animateur de 7/24, qui, en présentant
la journaliste Amel Belhaj Ali, invité ce mercredi-là pour contribuer à donner
une lecture du discours-programme
d’Essid, s’est permis de lui lancer à son arrivée «Tu vas orner le plateau ».
Etonnant non ? Est-ce parce qu’il s’agit d’une femme qu’il a réagi de la
sorte ? On peut le supposer, d’autant qu’on ne l’a jamais entendu dire cela aux nombreux
messieurs qu’il invite. Or, les journalistes femmes, à l’instar de leurs collègues hommes, viennent sur les plateaux afin de
commenter l’actualité et non pas pour agrémenter ou enjoliver le décor. Et
c’est valable pour toutes les autres femmes de tous bords, métiers et domaines.
Tel que nous l’avons dit plus haut c’est une question de mentalité, bien sûr
plutôt conservatrice et loin d’être progressiste, qui est très dure à changer
S.D.
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