dimanche 29 mars 2015

RETROVISION du 5 févier 2015
Les émissions politiques décryptent  le programme du nouveau gouvernement
Que de flèches décochées !
La plupart des médias audiovisuels se sont focalisés, dans leurs émissions politiques du mercredi  dernier sur le discours- programme de Habib Essid prononcé lors de la plénière de l’Assemblée des représentants du peuple,  consacrée au vote de confiance pour le nouveau gouvernement.
  Sur les plateaux de télé, les critiques ont fusé de tout côté aussi bien de la part des élus du peuple que des journalistes et des analystes pour plusieurs raisons : ce programme concernant les 100 premiers jours du gouvernement ne comportait aucun diagnostic de la situation actuelle du pays qui vit une déprime profonde, il se  limitait à des  généralités et était avare en détails sur les réformes et les mesures urgentes à prendre. Bref rien de révolutionnaire qui  puisse refléter l’ambition d’un peuple et d’un pays sortis, depuis 4 ans, d’une révolution citée, malgré tout, comme modèle. 
«Vague et long», «Déclaration d’intention», «Sans messages forts », « flou », «Ne répondant pas aux objectifs de la révolution », et nous en passons, ce sont là les jugements qui revenaient d’un plateau à l’autre pour qualifier ce discours-programme. Et même ceux qui l’ont, en gros, apprécié pour la position claire sur la lutte contre le terrorisme et  la contrebande ainsi que la garantie de la sécurité,  et  la stabilité, mais aussi la révélation de la vérité sur les assassinats politiques, n’ont pas manqué de reprocher au chef du gouvernement d’avoir occulté certaines questions importantes, telles la Culture, l’éducation, la justice transitionnelle, les régions marginalisées, etc.

Quoi de plus normal que les élus de l’opposition, entre  Front populaire, CPR, et Courant démocratique fustige  avec véhémence ce programme.  Mais là où le bât blesse c’est que même des députés des quatre partis représentés au gouvernement, notamment Afek Tounès, Ennahdha et Nida Tounès , ont critiqué ce programme dénué de tout esprit qui a sous-tendu le 17 décembre et le 14 janvier 2011. Comment  comprendre que les régions qui sont soulevés contre le chômage et pour la liberté et la dignité, n’ont eu droit qu’à une phrase sibylline du genre « la mise en place de tous les moyens nécessaires pour un développement régional équilibré » ? Tout cela si loin des mesures urgentes attendues par les citoyens concernant, par exemple, le pouvoir d’achat qui s’érode au fil des jours,  car le gel des prix suffira-t-il à les sauver de la paupérisation rampante. Ne parlons pas de certains patelins et coins perdus où les citoyens n’ont ni l’eau, ni l’électricité, dans leurs foyers et encore moins dans les écoles où leurs enfants doivent marcher des kilomètres  à pied, hiver comme été.  D’où ces voix multiples reprochant le manque d’une volonté politique forte et résolue pour lancer un programme audacieux et efficace qui répond aux attentes des citoyens et à l’ambition des jeunes révolutionnaires. Que de flèches décochées !

Par ailleurs, les multiples zooms des caméras d’Al Watania 2, lors de la transmission en direct de la plénière, sur l’équipe gouvernementale d’Essid sont révélateurs : aux premiers rangs, il n’y avait que des hommes, les femmes étaient en nombre infime, d’autant qu’elles étaient reléguées, selon l’importance des portefeuilles, aux derniers rangs. Il est vrai que seuls 3 ministères sur 27 ont été octroyés à des femmes, soit seulement 10%, mais en comptant les 8 postes de secrétaires d’Etat sur les 14 attribués, la présence de la femme s’élève à  19% en tout, soit même pas  un tiers qui est le minimum requis. Ce qui est dérisoire par rapport au militantisme et à la place importante et marquante  de la femme  dans la société avant, pendant et surtout après la révolution, quand elle s’est démenée pour sauvegarder ses acquis hyper menacés. Ce ne sont pas les compétences féminines qui manquent, mais c’est une question de mentalité qui mettra beaucoup de temps pour changer, car jusqu’ici beaucoup croit encore que la politique c’est pour les hommes et surtout quand il s’agit de hauts postes qu’ils soient politiques ou autres.

La composition du gouvernement sur le fond et la qualité des personnalités qui la forme, n’a pas échappé aux critiques et aux jugements défavorables, puisque plusieurs voix, entre hommes politiques, analystes et élus de l’opposition l’ont qualifié de « molle», « hybride », «provisoire», « un mélange étrange et étonnant », « sans couleur, sans odeur », « un gouvernement de quota -partisan», « n’incarnant en rien l’esprit révolutionnaire » et nous en passons. Et les images nous parvenant de la conférence de presse, tenue mercredi dernier au palais du Bardo avant le début de la plénière, par Abdelaziz Kotti et Khemais Ksila, illustrent la réprobation de ce gouvernement par les propres « fils » de Nida Tounès qui ont annoncé, devant les caméras qu’ils s’abstiendront de  voter la confiance au gouvernement Essid.  Ce qu’ils ont fait, jeudi, le jour du vote de confiance.
On a même vu et entendu Ksila déclarer dans l’émission 7/24,  sur Al Hiwar Ettounsi, «ne pas comprendre que les ministères de souveraineté  n’aient pas été attribués au parti qui a gagné les élections législatives mais à des indépendants, à moins qu’on veuille  éviter l’ouverture de dossiers douteux  du temps de la Troïka. Cela d’autant que c’est Nida Tounès qui assumera  la responsabilité de l’action du gouvernement ». Et d’enfoncer le clou en précisant que «son parti a été marginalisé lors des négociations sur la composition du gouvernement ».  L’un des chroniqueurs de l’émission, en l’occurrence Mohamed Boughalleb, a tenté de provoquer l’élu Nidaiste en lui demandant s’il aurait réagi de la même manière s’il avait figuré dans la liste de l’équipe gouvernementale. La réponse était, bien entendu, affirmative car l’élu s’est déclaré  fier et honoré de servir le peuple sous la Coupole du Bardo, concluant que «ce cri d’alarme a été lancé, notamment, pour alerter les militants de Nida Tounès et l’opinion publique».
Nous ne terminerons par sans  relever un commentaire fâcheux  et ,pour le moins, déplacé de Lyes Gharbi, l’animateur de 7/24, qui, en présentant la journaliste Amel Belhaj Ali, invité ce mercredi-là pour contribuer à donner une  lecture du discours-programme d’Essid, s’est permis de lui lancer à son arrivée «Tu vas orner le plateau ». Etonnant non ? Est-ce parce qu’il s’agit d’une femme qu’il a réagi de la sorte ? On peut le supposer, d’autant qu’on ne  l’a jamais entendu dire cela aux nombreux messieurs qu’il invite. Or, les journalistes femmes, à l’instar de leurs collègues  hommes, viennent sur les plateaux afin de commenter l’actualité et non pas pour agrémenter ou enjoliver le décor. Et c’est valable pour toutes les autres femmes de tous bords, métiers et domaines. Tel que nous l’avons dit plus haut c’est une question de mentalité, bien sûr plutôt conservatrice et loin d’être progressiste, qui est très dure à changer

S.D.

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