lundi 20 février 2012

Champ civique - Politique au féminin

Emna Mnif, porte-parole du mouvement «Kolna Tounès» : « Notre credo : le terrain et la proximité »

Professeur en médecine, chef de service spécialité radiologie, enseignante, membre du Conseil national de l’Ordre des médecins et ancienne secrétaire-adjointe du Bureau national du syndicat des médecins hospitalo-universitaires, Emna Mnif ne s’est pas, pourtant, cantonnée au monde de la médecine.
Après la révolution, elle s’est investie dans la politique pour la simple raison que dans la foulée de la fuite du président déchu «le champ d’action politique s’est libéré et ouvert à tous ceux et celles qui désiraient agir et combattre pour un meilleur projet de société, surtout que le combat initial concernait la Constituante, et donc la Constitution».

C’est donc dans ce but qu’Emna Mnif a contribué à la création du parti «Afek Tounès» au lendemain de la révolution. «Il fallait ouvrir de nouveaux horizons pour le pays. L’aventure en compagnie de ce groupe de jeunes a été stimulante», explique l’ancienne porte-parole de ce parti. Elle réfute les allégations de «Parti Rcédéiste et de bourgeois», les balayant d’un revers de la main. «C’est totalement faux, je ne me serais jamais permise de m’associer à d’anciens Rcédéistes. “Afek Tounès” est un parti centriste. Point barre. Et puis, tout ça est dépassé et appartient, en ce qui me concerne, au passé». D’autant qu’elle a démissionné le 11 novembre 2011 de ce parti, d’abord parce qu’elle ne s’attendait pas à un tel échec aux élections du 23 octobre 2011, et ensuite, pour des «raisons internes au parti». Reprochant en gros «l’absence d’échanges et de démocratie en son sein». Cela, outre qu’elle considère que «la priorité est actuellement au combat à mener pour le bien et le développement politique, socioéconomique et culturel de la Tunisie et non point pour un positionnement dans la hiérarchie du parti».

«Kolna Tounès» : un mouvement centriste
Battante, elle avoue : «Mon caractère tenace me permet de me relever très vite et de tirer les leçons afin de rebondir de nouveau et de pouvoir avancer, d’autant que je pars du constat que les partis politiques progressistes, que je qualifierais de rationalistes, n’ont retenu de l’échec des élections que l’aspect de la dispersion des partis qui a conduit à la défaite, soit une logique arithmétique négligeant les deux principaux facteurs qui sont l’absence de projets qui interpellent les citoyens et le manque de proximité, d’où notre démarche». C’est dans ce but, donc, qu’elle a créé au mois de décembre 2011 le mouvement citoyen «Kolna Tounès» qui compte un millier de militants où la parité homme-femme est pratiquement atteinte, y compris dans les régions.
Porte-parole de ce mouvement, elle nous en parle: «C’est un mouvement centriste de réflexion et d’action ayant pour objectif une veille politique, des propositions constructives et la participation à la réalisation d’un projet alternatif, sociétal et socioéconomique qui œuvre essentiellement sur la proximité».
Le cheval de bataille de ce mouvement est de travailler en collaboration avec les sections créées dans les régions dont Tunis, l’Ariana, Bizerte, Hammamet, Sfax, Tataouine, Tozeur et Deguech, dans l’attente d’autres sections en cours de création à Msaken, Moknine, Sousse, Kairouan, Le Kef, Jerissa et Thala.
Ce qui différencie, selon son porte-parole, ce mouvement, c’est qu’il associe, à son action sociétale, des sociologues, historiens, islamologues; soit des spécialistes des sciences humaines et sociales, cela d’une part.
D’autre part, le mouvement considère que le projet culturel et la jeunesse sont au centre de ses préoccupations et intérêts.
Maintenant, concernant l’organisation de «Kolna Tounès», et afin d’éviter tout accaparement du pouvoir, elle est horizontale et toute décision se fait de manière consensuelle, sans aucune hiérarchisation, mais en totale coordination générale aussi bien au sein du mouvement qu’avec d’autres organisations de la société civile.
«C’est ainsi, précise Emna Mnif, que nous avons été les premiers à condamner les propos qui incitent à la haine et à la sédition du prédicateur islamiste radical Wajdi Ghouneim et qui sont en totale opposition avec les droits de l’Homme, le respect de l’intégrité physique, qui, sous couvert de la religion, incite aux mutilations physiques de la femme, prônant un combat contre l’égalité entre l’homme et la femme et contre la démocratie. Ce qui met en péril les valeurs de la République et des institutions de l’Etat. Ainsi, nous avons interpellé les présidents de la République, Moncef Marzouki, de la Constituante, Mustapha Ben Jaâfar, et du gouvernement, Hamadi Jebali en leur adressant un courrier par huissier-notaire ainsi qu’aux ministres des droits de l’Homme, des Affaires religieuses et au Mufti de la République pour interdire les prêches de ce prédicateur et condamner ses propos».

Réalités et actions

«Kolna Tounès» a entamé certaines actions sur le terrain en partant d’un constat des réalités socioéconomiques de la Tunisie de 2012.
Aussi, le mouvement est-il en train de travailler sur un projet économique qui prend en compte l’obligation d’une économie plurielle et non pas uniquement de marché. «Nous travaillons sur les grandes réformes à entreprendre, la mise en place de pépinières d’entreprises, l’encadrement des créateurs de projets, en les aidant à élaborer leurs dossiers et à chercher des autofinancements et l’obtention de crédits à taux zéro, tout en les accompagnant au cours de la première année de leur activité. Sur le plan culturel, nous coordonnons, enfin, des actions avec les artistes, hommes et femmes. L’autre volet de notre action culturelle consiste à promouvoir des jeunes créateurs et à diffuser la culture. A titre d’exemple, nous parrainons deux jeunes photographes qui ont réalisé un reportage sur les intempéries dans la région de Aïn Draham et leurs conséquences sur la population. L’exposition aura lieu à partir du 19 février à Nabeul. Enfin, nous allons mettre en marche des projets, en tous genres, pensés par des jeunes pour les jeunes des régions de l’intérieur.»

Femmes impliquées

«Le paysage politique au féminin se distingue, selon notre actrice politique, par une présence très importante des femmes qui militent non seulement sur le terrain, mais sont aussi très impliquées. Toutefois, elles sont insuffisamment représentées dans les structures des cercles de décision».
Conciliant travail et action politique par la grâce d’un mari tout aussi engagé et impliqué qu’elle, Emna Mnif, qui, nous confie-t-elle, «n’espère pas de son action politique un mandat ou un poste au gouvernement», porte, cependant, l’espoir de voir son mouvement diffuser la culture démocratique, tout en apportant sa petite pierre à l’édifice dans le but de faire sortir la Tunisie de la crise, notamment économique, qu’elle connaît. «Car, c’est là une responsabilité collective».
Son dernier souhait : que le paysage politique se structure en mettant en avant l’intérêt national et non les petits calculs politiques aux intérêts réduits.
Auteur : Samira DAMI

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