samedi 6 juin 2015

RETROVISION

AL Watania 2
Où est passée la vocation régionale promise ?
Qu’est-ce qui distingue la deuxième
chaîne publique, Al Watania 2, de
son aînée, Al Watania 1 ? Pas grandchose,
les deux sont des chaînes généralistes
et diffusent pratiquement, à quelques
exceptions près, le même genre d’émissions
politique, sociale, culturelle, sportive, et
autres, et recourent, souvent, à des diffusions
simultanées.
Pourtant, Al Watania 2, alias Canal 21,
née en 1994, puis développée en 1999,
ciblait les jeunes et avait pour vocation
de traiter de sujets qui les intéressent en
reflétant leurs problèmes, rêves et ambitions.
Quelques programmes spécifiques
qui interpellent les jeunes ont été concoctés
et présentés par des jeunes. D’où l’arrivée
en ce temps-là sur la scène médiatique de
nouvelles figures entre journalistes, présentateurs
et animateurs. Mais l’audience
de la chaîne ne dépassait pas les 5%, non
seulement parce qu’elle n’a pas su ratisser
large, mais aussi en raison de sa diffusion
qui était exclusivement hertzienne, n’ayant
pu, par conséquent, soutenir la concurrence
des chaînes satellitaires arabes et occidentales.
C’est pourquoi en 2007, rebaptisée
Tunisie 21, la chaîne a commencé à émettre,
désormais, sur le satellite avec une durée
de diffusion plus importante, entre midi et
minuit, un nouvel habillage et une nouvelle
grille comportant des programmes plus
modernes et plus «in». Ce qui lui a permis
de gagner des points en matière d’audience.
Mais très vite, la chaîne est gagnée par la
langue de bois et un discours propagandiste
consacrant «les réalisations de l’artisan du
changement».
Les préoccupations des jeunes sont, entretemps,
quasi occultées, les programmes
versant dans la vacuité des émissions de
jeux, des variétés, de loisirs et autres qui ne
fâchent pas.
En 2011, après le 14 janvier, Tunisie 21
devient Al Watania 2, et la nouvelle direction
de la télévision tunisienne a émis
l’intention, vu le déséquilibre régional, de
consacrer, désormais, la chaîne aux régions
du pays, notamment celles qui ont longtemps
souffert de la pauvreté, du chômage,
de la marginalisation et de la répression,
soit les problèmes sociaux, économiques et
politiques qui ont été à l’origine de la révolution.
Mais depuis, et au fil des mois et des
années, les téléspectateurs attendent encore
de voir cette chaîne devenir réellement à
vocation régionale. Car, actuellement, cette
chaîne satellitaire ronronne en diffusant
un grand nombre de reprises, notamment
entre séries et feuilletons, ainsi que des
programmes pratiquement du même genre
que ceux de la chaîne aînée, à l’exception
de quelques émissions telle la culturelle,
Ahwaa et Ennass Ahouwal, laquelle se
focalise et encourage les jeunes au parcours
original et prometteur, mais, hélas, cette
émission pèche par un discours trop didactique,
voire populiste. Comment expliquer
alors l’audience de la chaîne qui atteint les
10 %, selon les derniers sondages consacrés
aux médias et son taux de pénétration de
l’ordre de 22 % en access prime-time, selon
un sondage de Sigma Conseil, sinon par le
formidable succès de la série «Choufli Hall»,
encore et toujours très appréciée par les
téléspectateurs grâce, notamment, à l’inénarrable
Soufiane Chaâri.
Mais afin d’éviter qu’Al Watania 2 ne soit
juste la doublure de son aînée, elle devrait
se focaliser exclusivement sur les régions
avec des émissions conséquentes et en
tous genres, politique, économique, culturel,
sportif, social, environnemental, qui
prônent la réflexion, le débat, la culture,
l’éducation et le loisir. En somme, une
chaîne régionale de proximité, à l’instar de
France 3, susceptible de refléter tous les
problèmes et soucis, mais aussi les ambitions,
l’inventivité et les rêves des jeunes
et moins jeunes de la Tunisie profonde. Ce
qui représente là une manière de réaliser
l’un des objectifs de la révolution : valoriser
les régions aussi bien par une politique
de développement économique que par
l’image et le son. Ecouter la voix des régions
à travers la décentralisation des centres
d’intérêt, comme le stipule la Constitution,
est une nécessité, voire un must.
Que l’on donne, alors, une spécificité régionale
et une âme du terroir à Al Watania
2 tout en élaborant une vision et en définissant
clairement le public ciblé ! A bon
entendeur…
S.D.

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