lundi 15 juin 2015

RETROVISION

Agressions contre les journalistes 
Suffit-il de dénoncer et de condamner ?

 Plusieurs chaînes de télé locales se sont focalisées, récemment, sur les agressions dont ont été victimes les hommes de médias lors des dernières manifestations de colère organisées par les partisans de la campagne «Winou el pétrole» et par les instituteurs. Dans la première manifestation organisée le 6 juin à l’avenue Bourguiba, les professionnels du secteur, entre journalistes, cameramen et photographes, ont été violentés par les forces de l’ordre. Dans la deuxième, et à notre grand dam, ce sont les enseignants du primaire — qui devraient normalement représenter un symbole fort de toutes les valeurs morales et un modèle pour leurs élèves — qui ont agressé verbalement et physiquement les hommes de médias. Certes, ce n’est pas la première fois que des reporters travaillant sur le terrain sont la cible de violence. Pis, c’est même devenu leur «pain quotidien» ; ils ont été tabassés et leur matériel de travail détruit, lors de la couverture d’événements nationaux qu’ils soient d’ordre politique (campagnes législatives et présidentielle) ou d’ordre social (grèves, manifestations et sit-in dans tout le pays). Le syndicat national des journalistes tunisiens et l’organisation tunisienne de protection des journalistes ont dénoncé, à chaque fois, ces pratiques, le Snjt a eu même recours à la justice en portant plainte contre les instituteurs, entre autres, mais rien n’y fit. Car le calvaire des professionnels du secteur continue de plus belle et, le plus souvent, les agresseurs jouissent de l’impunité. Concernant les agressions commises par les forces de l’ordre, le ministère de l’Intérieur promet toujours l’ouverture d’enquêtes afin de délimiter les responsabilités des agents de sécurité impliqués. En vain. car nous n’avons rien vu venir; aucune enquête n’a révélé quoi que ce soit. Et même le programme de formation initié récemment par le ministère de l’intérieur et auquel ont participé des journalistes et des agents de sécurité ne semble pas avoir porté ses fruits. D’autre part, quoique l’Ugtt ait nié les agressions des enseignants à l’encontre des journalistes et malgré la condamnation du ministère de l’intérieur «de toute violence verbale ou physique envers les hommes de médias», le fait est là ; depuis la révolution, les agressions se sont multipliées et se comptent par centaines. le centre de Tunis pour la liberté de la presse (Ctlp) a recensé, pour le seul mois de mars 2015, «24 violations commises sur des professionnels de médias», tandis que depuis le début de l’année 2015, plus de 30 agressions ont été commises à leur encontre, notamment dans les régions et de la part des agents de l’ordre, lors de la couverture de manifestations. Que faire ? et comment remédier à cette situation inadmissible afin que les professionnels du secteur puissent accomplir leur mission et exercer leur fonction pour faire parvenir l’information au large public en toute sécurité sans encombres, ni contraintes, ni violence? Suffit-il de condamner, de dénoncer ces agressions et de porter plainte devant la justice? Assurément non. Des actions plus pragmatiques et efficaces doivent être menées par les journalistes eux-mêmes.
Des actions à mener
Ainsi, n’est-il pas temps de voir les médias audiovisuels concocter des émissions afin d’éclairer l’opinion publique sur la nature de leur travail et sur le rôle des professionnels qui sont, avant toute chose, des témoins des divers événements qu’ils se doivent de rapporter au public, loin de tout esprit partisan, car les faits sont sacrés et le commentaire est libre selon la ligne éditoriale de chaque média. C’est en informant le public sur les spécificités et les objectifs de la profession que ce dernier prendra conscience que le fait d’agresser les journalistes-témoins des événements le privera de son droit à l’information. Il est vrai que les médias n’ont pas réussi à établir une réelle communication avec leur public, c’est pourquoi des émissions, en tous genres, explicites et pédagogiques et autres débats sur le rôle et la mission des journalistes pourraient contribuer à éviter tout malentendu et toute méprise entre les deux parties. Les journalistes doivent, également, améliorer la qualité de leur travail en veillant à donner la parole, de manière équitable et équilibrée, aux différentes parties concernées lors du traitement de l’information, car les instituteurs reprochent, entre autres, aux médias audiovisuels d’avoir donné plus de temps d’antenne au ministre de l’Education. Ainsi, outre le respect de la déontologie professionnelle et de l’éthique du métier, l’idéal, afin d’améliorer la qualité de l’information et des médias, serait d’instaurer un cadre juridique de la presse écrite et de la communication audiovisuelle, premièrement à travers la mise en place d’un mécanisme d’autorégulation de la presse et deuxièmement à travers la révision du décret-loi 116, par l’assemblée des représentants du peuple, et la mise en place de la nouvelle instance de communication audiovisuelle comme le stipule la constitution. De leur côté, les citoyens doivent comprendre qu’on ne peut bâtir une démocratie sans la liberté de la presse. or, pratiquer la violence, c’est étouffer la voix des journalistes et des médias. Ce qui mène tout droit à instaurer de nouveau la dictature.
 S.D.

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