jeudi 19 juillet 2012

Entretien avec Samir Taeïb- Un Front rassembleur pour les prochaines élections

Un large front rassembleur pour les prochaines élections
 Universitaire, constituant, et porte-parole du parti la Voie démocratique et sociale, El Massar, Samir Taïeb, figure connue du paysage politique tunisien, est partisan du rééquilibrage des forces politiques à travers la constitution de Fronts politiques, civils et démocratiques. Et ce, afin que l’opposition ne se présente pas en rangs dispersés aux prochaines élections. C’est pourquoi il ne voit pas du tout d’un mauvais œil l’alliance de son parti avec Nida Tounès, mais pas au point de s’y fondre. Dans cet entretien, Samir Taïeb, qui joue les premiers rôles à El Massar, et peut-être un peu plus après le prochain congrès de son parti prévu en octobre, ne mâche pas ses mots et use, comme toujours, de son franc - parler, en s’adonnant, de bonne grâce, au jeu des questions - réponses. Nous l’avons interrogé sur les transfuges d’El Massar vers Nida Tounès, sur ce qui bloque le travail des constituants de l’ANC, la motion de censure déposée contre le gouvernement, le paysage politique et les prochaines élections, le congrès d’Ennahdha, les menaces qui pèsent sur la démocratie naissante, sur les salafistes et les libertés... Entretien.

Les transfuges de votre parti vers Nida Tounès ont affirmé que seul le parti de Béji Caïd Essebsi est capable de faire contrepoids à Ennahdha, qu’en dites-vous ?
D’abord je pense que seul un large front politique, civil et démocratique est à même d’assurer un équilibre politique et le choix d’El Massar, c’est justement d’aller dans le sens de cette alliance. Mais, cela tout en gardant notre autonomie, identité et spécificité en tant que parti à la gauche de Nida Tounès. Je pense que l’idée de la constitution d’un front nous a semblé la plus appropriée. Ce qui permettra à l’initiative d’être plurielle et de prôner des objectifs politiques définis au préalable. Donc, un large front politique est différent d’une simple alliance électorale : il s’agit d’une plateforme politique et d’actions communes. Le tout couronné par des listes communes pour les prochaines élections. Je pense que la future bataille d’ El Massar c’est d’ancrer cette idée de front rassembleur au-delà de Nida Tounès, en favorisant la fédération d’autres forces politiques. Il est, par exemple, important que cette frange s’organise et ne se présente pas en rangs dispersés afin que lors des prochaines élections 3 ou 4 grandes familles politiques se présentent au suffrage du peuple.
Peut-on avoir une idée des programmes politique et économique d’El Massar ?
Pour nous, le dénominateur commun qui doit nous réunir pour adhérer à ce front n’est autre que la sauvegarde de la Tunisie et du modèle tunisien, le positionnement politique et économique est à reporter à d’autres échéances. L’important c’est de défendre les acquis de la Tunisie qui remontent à 3.000 ans : de la constitution de Carthage dont Aristote a fait l’éloge jusqu’au droit acquis de la femme tunisienne, en passant par l’abolition de l’esclavage, la conquête du territoire grâce à la construction de l’Etat, etc. Ce sont là tous nos acquis et nous voulons les défendre. Donc, pour nous aussi, les droits sociaux et syndicaux ainsi que les libertés que nous venons d’acquérir grâce à cette Révolution, comme la liberté d’expression, de presse et autres, doivent être maintenus et consolidés. Ce que j’appelle le front tunisien, c’est la défense du modèle tunisien.
Suffit-il de faire de pareilles alliances pour convaincre les Tunisiens?
Avant le 23 octobre, je me rappelle qu’on avait des difficultés à défendre les principes de modernité du pôle démocratique. Dans les mosquées et  dans la presse d’Ennahdha, on a été traités de tous les noms et je pense que des personnalités de la trempe de Béji Caïd Essebsi peuvent nous aider en jouant le rôle d’arbitre.
Béji Caïd Essebsi se contentera-t-il de jouer le rôle d’arbitre?
Caid Essebsi n’est pas, à nos yeux, un chef de parti, mais un fédérateur. Il peut, donc, jouer le rôle d’arbitre et de catalyseur de toute la dynamique autour de la défense des acquis du pays. 
N’a-t-il pas d’autres ambitions ?
Je ne peux pas répondre à sa place, moi je dis qu’il est le meilleur pour jouer ce rôle. Maintenant, qu’en sera-t-il de Béji Caïd Essebsi, chef de parti? Seul l’avenir nous le dira.
Plus clairement, pensez-vous qu’il va se présenter à la prochaine élection présidentielle ?
Tout dépendra de lui ainsi que des dispositions constitutionnelles qui vont limiter l’âge du président. Déjà dans certains projets présentés au sein de la Commission des pouvoirs exécutif et législatif et la relation entre eux, dont je suis membre, il est énoncé que l’âge minimum est de 40 ans et l’âge maximum est de 75 ans. Donc, à vous de tirer les conclusions. 
Est-ce vrai que les femmes ne pourront pas être candidates à la présidence de la République comme le prétend la rumeur?
Franchement et honnêtement, ce n’est pas vrai. Cette question ne s’est jamais posée et dans le projet, il est stipulé que le président peut être un Tunisien ou une Tunisienne.
Expliquez-nous, maintenant, pourquoi une frange du parti 
El Massar l’a quitté ? 
Ceux qui ont quitté le parti considèrent qu’il faut que tout le monde s’intègre dans Nida Tounès. Or, nous considérons qu’un front pluriel est plus important et plus efficace que des partis qui fusionnent. Nos adhérents ou ceux du parti El Joumhouri ne sont pas ceux du parti de Béji Caïd Essebsi. Cette perspective est la meilleure réponse à nos divisions. Mais en même temps, il ne faudrait pas qu’il y ait l’hégémonie d’un parti sur un autre. Avec El Joumhouri, nous partageons la même idée : marquer notre territoire et coordonner avec les réseaux citoyens, les dissidents d’El Joumhouri, le parti Kolna Tounès, le groupe de Khémaïs Ksila et autres. Nous sommes prêts à renforcer ce large front pluriel afin de garder les mêmes chances de succès lors des prochaines élections.
Mais ceux qui ont rejoint Nida Tounès vous reprochent l’absence de débat et de concertation au sein du parti.
Au contraire, des gens de l’extérieur d’Ettajdid nous reprochaient l’inflation de débats. A preuve, deux semaines après l’organisation du congrès, nous avons entamé le processus d’unification avec le Parti du travail tunisien, (PTT) on était ouvert sur tous les fronts mais ceux qui ont quitté El Massar veulent chercher la petite bête pour justifier et trouver des arguties à leur départ. C’est leur affaire. Mieux, la participation de Ahmed Brahim, alors président d’Ettajdid au gouvernement de Mohamed Ghannouchi n’a pas causé de crise comme dans les autres partis et nous n’avons enregistré aucune défection. Et si c’était à refaire on le referait, parce que nous avons longuement discuté de cette décision nécessaire pour assurer la continuité de l’Etat. L’un des mérites de Mohamed Ghannouchi, c’est d’avoir assuré la transition démocratique qui se fait avec l’ancien et le nouveau. La plus grande transition du 20e siècle s’est faite en Afrique du Sud, les victimes et les bourreaux ont assuré ensemble la transition démocratique. La courageuse décision  de participer au gouvernement Ghannouchi a été prise à l’unanimité. Toutes les décisions prises depuis la révolution jusqu’à aujourd’hui sont importantes. Et c’est dans l’échange et le débat, tout au long de notre Congrès, que nous sommes passés à un autre stade en ce sens que nous prônons le rassemblement tous azimuts.
D’aucuns reprochent à votre parti d’être un parti de salon, surtout par manque de travail sur le terrain...
Il y a du vrai, car après le congrès d’Ettajdid, on s’est occupé de l’unification à l’intérieur d’El Massar. On fait un travail de restructuration interne. Mais, à partir de cet été et dans la perspective de la préparation de notre prochain congrès qui aura lieu en octobre prochain, nous allons effectuer une série de tournées à l’intérieur de la République pour justement faire connaître El Massar et aller à la rencontre et au contact direct des citoyens.
Et si on vous attaquait comme on l’a fait pour d’autres partis? 
Nous apprendrons à défendre notre liberté. Les attaques et agressions sont antidémocratiques et honteuses. Chacun doit disposer de sa liberté de réunion et d’expression.
Quelles sont les principales décisions prises au sein de l’Assemblée constitutive d’El Massar ? 
La décision essentielle a consisté à considérer qu’El Massar n’est pas une fin en soi. Le parti El Joumhouri et nous-mêmes devons aller au-delà et ne point tomber dans l’autosatisfaction. Aujourd’hui, le paysage politique est tel qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin, mais faire en sorte d’œuvrer pour son  rééquilibrage. 
Justement, comment jugez-vous le paysage politique tunisien? 
Je vais retourner en arrière pour dire que la Tunisie a connu à travers son histoire, depuis l’indépendance, trois types de systèmes de partis: de 1956 à 1963, on a vécu un multipartisme colonial avec les archéos, le Néo-Destour et le Parti communiste. Depuis 1963, sous Bourguiba, on a vécu sous le régime du parti unique de fait. Sous Ben Ali, on a basculé dans le système du parti hégémonique avec autour des partis satellitaires de décor. Aujourd’hui, on constate les prémices d’un retour à un système de parti hégémonique, qui exerce la totalité des pouvoirs, avec autour des partis dérivés qui sont ces alliés et d’autres partis morcelés qui constituent l’opposition. C’est par définition le modèle du parti hégémonique. Si la situation politique ne change pas, c’est vers ce système qu’on se dirige à grands pas et si on n’arrive pas, dans les plus brefs délais, à rééquilibrer le paysage politique et à transférer le système de partis, d’un système de partis hégémoniques vers un système de partis réellement multipartisans,c’est la porte grande ouverte au retour de la dictature, sous quelque forme que ce soit.
Qu’est-ce qui cloche et entrave une marche à pas sûrs vers la démocratie ?
Quand on voit que nous avons des institutions postrévolutionnaires nouvellement créées, comme la présidence de la République, l’Assemblée  nationale constituante et même des instances comme l’Isie, l’Inric, qui n’arrivent pas à marquer leur territoire et à fonctionner et qu’en revanche, nous vivons tous les jours les interventions d’une personne comme Rached Ghannouchi qui n’a aucun rôle institutionnel, pour résoudre une crise entre la présidence et le gouvernement ou une crise au sein du gouvernement ou encore une crise à l’ANC, c’est dire que les institutions ne fonctionnent pas et que ce sont des acteurs a-institutionnels qui les remplacent pour nous faire croire qu’elles fonctionnent.
Pourquoi en est-on arrivé là ?
Je considère que le gouvernement et, derrière lui, le mouvement Ennahdha sont obnubilés par leur victoire et la légitimité démocratique. Ils oublient que nous sommes entrés dans une phase où c’est plutôt la légitimité consensuelle qui devrait être de mise. Nous sommes dans le dernier virage de la vie de ce gouvernement et  les échéances qui concernent les Tunisiens doivent être réglées par le biais d’un consensus.
Ennahdha et la Troïka peuvent vous répondre : «Nous avons gagné les élections et c’est normal que nous gouvernons».
Maintenant, le gouvernement a montré que malgré sa légitimité démocratique, il n’a pas trouvé de solutions ni aux problèmes du chômage, ni des martyrs et blessés de la Révolution, ni du déséquilibre régional, ni de la liberté de la presse, ni des élections, puisqu’aucun calendrier n’a été mené à son terme...Cela prouve que le gouvernement a besoin de concertation et de dialogue avec toutes les composantes économiques, sociales et politiques du pays. C’est pourquoi nous nous sommes, d’ailleurs, réjouis de l’initiative de l’Ugtt qui pose les jalons d’une concertation nationale. Or, c’est le gouvernement qui aurait dû faire cette proposition. La centrale syndicale a constaté qu’il était de sa responsabilité et dans l’intérêt général du pays de mettre en place un dialogue à l’échelle nationale.
Mais, jusqu’ici rien, aucun dialogue n’a été mis en place...
Je pense que l’initiative de l’Ugtt commence à prendre forme, c’est le sens de la rencontre qu’Ahmed Brahim et Maya Jeribi  ont eue avec le secrétaire général de l’Ugtt qui les a informés de la mise sur pied d’un certain nombre de commissions conjointes entre le gouvernement et les représentants de la société civile et la Ligue des droits de l’Homme, notamment la commission de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie).
Justement vous avez déclaré dans un média de la place que la bataille à mener maintenant concerne la mise en place d’une Isie indépendante...
Bien entendu, quand on dit qu’il est temps qu’on passe à une nouvelle légitimité constitutionnelle et institutionnelle pour la fixation d’une date pour les élections, il est nécessaire que dés aujourd’hui on mette en place l’Isie. Nous espérons que les choses vont s’accélérer avec la création de la commission de mise en place de l’Isie. 
Pensez-vous que les élections peuvent avoir lieu aux dates de mars ou avril 2013 proposées par le gouvernement et le président de l’ANC ? 
La date proposée qui va du printemps à l’été 2013 n’est pas réaliste, car si l’on tient compte des normes internationales, il faut au moins, huit mois pour préparer les élections. Donc, le plus plausible et logique c’est que les élections se tiennent à l’automne 2013. 
Pensez-vous qu’il y aura des élections vraiment indépendantes et démocratiques ? 
Je pense qu’on ne peut plus revenir en arrière et que les Tunisiens qui ont goûté à la liberté de choisir leurs représentants ne vont plus accepter qu’une tierce partie vienne les priver de leur libre choix et arbitre. Maintenant, toutes les tentatives faites au niveau des désignations, entre délégations et gouvernorats, aspirent juste à influencer d’une façon indirecte le choix des Tunisiens. D’ailleurs, concernant l’Isie II, elle ne sera pas en deçà de ce qu’a été l’Isie I, et selon le rapport des observateurs nationaux et internationaux, cette instance ne peut être que perfectionnée.Toute tentative de mettre en place un système au rabais est vouée à l’échec. L’Isie ne doit pas être politisée, il faut créer une instance neutre à l’égard de tous les partis politiques.
Pour quel régime politique opteriez-vous? 
Nous sommes pour un régime mixte qui tient compte de la volonté des électeurs quand ils choisiront la majorité qui va gouverner, et l’élection d’un président au suffrage universel va renforcer le système démocratique, car le président veillera à l’unité du pays, à la pérennité de l’Etat et à la continuité du système démocratique.
D’après vous, pourquoi le mouvement Ennahdha tient-il tant au régime parlementaire ? 
La lecture qu’a Ennahdha du régime parlementaire est très classique. Aujourd’hui, tous les régimes parlementaires qui optent en même temps pour l’élection du président de la République au suffrage universel relèvent du système primo-ministériel. Donc, c’est le Premier ministre issu d’une majorité parlementaire qui mène la politique publique avec l’aide d’un gouvernement, alors qu’en face, le président élu au suffrage universel garantit justement la continuité et la permanence du régime démocratique.
Les Tunisiens reprochent aux constituants de ne pas avoir, jusqu’à aujourd’hui, écrit une seule ligne de la Constitution, que répondez-vous ? 
Au contraire, notre travail avance sûrement, les débats portent sur le système à choisir. Une fois que l’on s’entend sur le contenu concernant les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, les instances indépendantes, les droits et libertés, il ne restera que la rédaction. Et si le travail conceptuel nécessite 6 à 8 mois, la rédaction n’exigera que 2 ou 3 semaines.
Quelles sont les questions qui bloquent une avancée plus rapide du travail des constituants ?  
Au départ, la question de la charia, ainsi que celles des libertés et leur place dans la Constitution, des organes administratifs indépendants, du régime politique. Si vous prenez la Commission des pouvoirs exécutif et législatif et de la relation entre eux, je vous dirais que nous sommes d’accord à 80% sur les contours. Mais c’est la question du système de l’élection du président de la République soit par le peuple, soit par le parlement qui nous bloque. 
Peut-on concevoir des élections sans des instances indépendantes de régulation et de contrôle, telles l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) et la Haïca (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) ?
Moi, je dirais à qui profite l’autodissolution de l’Inric. Je considère que ni le gouvernement, ni les partis politiques, ni les Tunisiens ne peuvent sortir vainqueur, dans ce rapport de force entre les professionnels, leurs représentants, les instances indépendantes et le gouvernement. Il faut, une fois pour toutes, que ce gouvernement admette que la presse écrite et audiovisuelle doit être libre, qu’il s’agisse d’un organisme public ou privé, et doit cesser toute ingérence et  comprendre que les médias publics ne sont pas gouvernementaux et que les médias privés ne peuvent pas être amadoués par l’argent et la publicité et qu’actuellement, le seul acquis de cette révolution, c’est la liberté d’information. C’est ce qu’on a gagné de la Révolution jusqu’à aujourd’hui. Or, fragiliser ce secteur, c’est fragiliser la Révolution tunisienne. L’existence d’un organisme de régulation des médias écrits et audiovisuels est une garantie fondamentale pour le plein exercice de l’information et de la presse. Sans cela, on retournera à la case départ et à une information domestiquée.
Nous avons appris que dans la Commission des droits et libertés l’un des projets concernant la presse et la création artistique limite leur liberté. Est-ce vrai ?
Il paraît que le projet présenté par Ennahdha à la Commission des droits et libertés stipule que la liberté de la presse et de création artistique est limitée par le respect de l’ordre public et les bonnes mœurs.Si l’on sait que la presse et les arts ne peuvent vivre et évoluer que librement, je pense que de telles dispositions constituent de véritables contraintes à la liberté d’expression et de création.
La motion de censure qu’un groupe de constituants a déposée contre le gouvernement ne passera pas après le retrait de deux signatures. Quelle est votre réaction ? 
La motion de censure que nous avons décidé de présenter contre le gouvernement a requis le nombre de signatures nécessaires, puisqu’on a déposé une motion avec 74 signatures. Mais une pression amicale du président de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar, a contraint deux des quatre constituants à retirer leurs signatures. Néanmoins sur un plan purement juridique, aucun retrait de signature n’est possible après le dépôt de la motion de censure pour  justement fermer la porte à toute forme de pression. A titre d’exemple, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale française interdit tout retrait de signature après le dépôt. Et, donc, nous considérons que notre motion de censure est valable sur le plan juridique, et nous allons pousser pour faire en sorte qu’elle soit discutée. Une délégation des présidents des groupes parlementaires signataires de la motion de censure va rencontrer le président de l’ANC afin de lui expliquer ce point. Nous nous réunirons, ensuite, de nouveau pour décider de la suite à donner à cette question.
Actuellement se déroule à Tunis le congrès d’Ennahdha. Comment jugez-vous cet important événement ? 
Je pense que la forme a été privilégiée sur le fond. Nous avons vu un grand show et une démonstration de force politique avec plus de mille congressistes et plusieurs invités étrangers pour imprégner les esprits et laisser entendre que c’est l’unique force politique du pays. C’est une grande opération de Com. Les militants d’Ennahdha continuent de dire qu’ils gagneront les élections à plus de 50% et considèrent qu’il est de l’intérêt de leur parti et du pays que Rached Ghannouchi demeure à la tête d’Ennahdha, moi je leur réponds: qu’il reste pour l’intérêt de leur mouvement, oui, mais pas pourquoi pour l’intérêt du pays. Parler ainsi, c’est continuer à affaiblir les institutions et saper l’Etat de droit. J’ai, également, constaté des contradictions dans le discours de Rached Ghannouchi à l’ouverture du congrès, car d’un côté il parle de la nécessité du consensus, et de l’autre, il évoque la Troïka comme un modèle positif et exemplaire. En tout cas, ce congrès devrait être une occasion pour qu’Ennahdha clarifie ses positions sur la question de la nature de l’Etat en disant clairement si elle est pour l’Etat civil ou non, et sur le principe de l’alternance.
En tant qu’universitaire comment jugez-vous le procès intenté au doyen de la faculté des Lettres de la Manouba Habib Kazdaghli ?
Le procès intenté au doyen H. Kazdaghli est une atteinte grave à la liberté académique. Le fait de traîner en justice un doyen élu démocratiquement par ses pairs est une honte pour la Révolution tunisienne. Jamais sous Ben Ali un doyen n’a été humilié de la sorte.
Les salafistes ont pratiquement disparu, où sont-ils passés, selon vous ?
Ils ont disparu parce que les forces de l’ordre ont eu le feu vert pour traiter avec tous ceux qui se mettent hors la loi. C’est ce que nous avions demandé, et le ministre de l’Intérieur également, depuis le mois de mars. On voit le résultat aujourd’hui : les salafistes ont pratiquement disparu de la scène politique. Nous sommes dans une phase de flux et reflux entre salafistes et forces de sécurité. Ces derniers devraient, désormais, protéger les libertés des Tunisiens et des Tunisiennes contre tous ceux qui voudraient porter atteinte à ces acquis. Si, depuis 4 mois  on avait pris la décision de dissuader ces gens-là, on aurait certainement sauvé la saison touristique et donné une meilleure image de la Tunisie après la Révolution.
Mais, ils viennent de se manifester en agressant Néjib Chebbi, le président du bureau politique du parti El Joumhouri, et contre des chômeurs qui manifestaient.
Cela prouve que les forces de l’ordre ne doivent pas baisser les bras. De leur côté, Ennahdha et son chef  doivent adopter une position claire et cesser d’affirmer que «le problème n’est pas le salafisme, mais les résidus de l’ancien régime». Concernant l’agression de Néjib Chebbi, nous condamnons toute forme de violence et exprimons notre entière solidarité. Nous appréhendons, enfin, ce phénomène de la violence, qui est le plus grand danger que connaît actuellement notre pays et pourrait bloquer tout le processus démocratique. C’est pourquoi les forces de sécurité doivent être fermes et maintenir la vigilance pour combattre ce phénomène.
Auteur : Propos recueillis Par Samira DAMI
Ajouté le : 17-07-2012

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