jeudi 21 mai 2015

68e festival international de Cannes

«Mia Madre» fait l’unanimité sur la Croisette

De notre envoyée spéciale, Samira DAMI
La Croisette est divisée sur tous les films qui ont été projetés jusqu’ici dans cette 68e édition du festival de Cannes : car ni «Notre petite sœur» du Japonais Kore-Eda Hirokazu, ni « Saul Fia» du Hongrois Làszlo Nemes, ni «The Lobster» du Grec  Yorgos Lanthinos, ni The «Sea of Trees» de l’Américain Gus Van Sant hué en projection de presse, ni «Mon Roi» de la Française Maïwenn n’ont suscité l’adhésion totale du public cannois et de la critique internationale. Seul ‘‘Mia Madre’’ de l’Italien Nanni Moretti a fait à la fois rire et pleurer la Croisette, faisant, ainsi, l’unanimité avec en prime 10 minutes d’applaudissements, lors de sa projection. Mieux, cet opus a remporté le plus grand nombre de palmes d’Or dans les pronostics quotidiens de la critique française publiés dans la revue «Le Film Français». Plus il a été désigné par la critique internationale comme l’un des candidats les plus sérieux à la Palme d’Or.
La fable de «Mia Madre» ou «Ma mère» est des plus attachantes : Margherita (Margherita Buy) est une réalisatrice en plein tournage d’un film dont le rôle principal est tenu par le célèbre et insupportable acteur américain d’origine italienne Barry (John Turturro). A ses questionnements d’artiste engagée, se mêlent des angoisses d’ordre privé : sa mère, Ada (Guilia Lazzarini) est à l’hôpital, sa fille, Livia (Béatrice Mancini) est en pleine crise d’adolescence, et son frère Giovanni (Nanni Moretti) se montre, lui, comme toujours irréprochable. Margherita parviendra-t-elle à se sentir à la hauteur dans son travail comme dans sa famille ?
Margherita n’est autre que l’alter ego féminin du cinéaste, il s’agit d’un personnage en crise qui ne comprend pas tout ce qui se passe autour de lui, ses échecs sentimentaux, la maladie de sa mère, la crise d’ado de sa fille, la mythomanie de son acteur principal… Margherita serait-elle le double du cinéaste dans cette fiction, puisque lors du tournage de «Habemus Papam», Nanni Moretti avait perdu sa mère. « Il y a beaucoup de moi dans ce personnage mais pas tout…tandis que Giovanni, le frère de Margherita, qui maîtrise la situation est peut-être la personne que je voudrais être », a avoué le réalisateur  lors de la conférence de presse donnée après la projection de son film. Le côté autobiographique est clair dans ce film qui nous renvoie à cet autre opus du réalisateur romain «La Chambre du fils» où il évoque la perte d’un fils par une famille qui s’effondre  et se disloque suite à ce drame. Ce film a également ému la Croisette, remportant, au final la Palme d’Or de Cannes 2001.
Dans «Mia Madre», l’histoire intime est mêlée à l’histoire professionnelle d’une réalisatrice dont la mère est mourante et qui est en butte à un tournage difficile, du coup la réalité s’entremêle à la fiction, le dramatique au comique, générant une réflexion désopilante sur le cinéma et la fiction. Le réalisateur va plus loin en s’interrogeant si la réalité ne représente pas, en fait, la mort de la fiction et inversement.
Entre rires et larmes, l’action s’égrène de manière subtile tout en sensibilité, en finesse et en émotion. Tous les sentiments humains se déclinent dans ce film où, malgré la tristesse et la mélancolie, le traitement est des plus aériens entre drôlesse et grâce d’un grand réalisateur dont les propos sont d’une grande profondeur humaine.
Le jeu d’une grande justesse et tout en finesse de Margherita Buy qui a déjà été dirigée par le réalisateur dans «Le Caïman» et «Habemus Papam» est déjà pressentie par la critique internationale comme une possible candidate au prix d’interprétation féminine. De son côté, l’acteur John Turturro, rappelons-le, a déjà obtenu le prix d’interprétation en 1991 justement dans «Barton Fink»  qui a également obtenu la Palme d’Or et qui est l’œuvre des frères Cohen, ceux-là mêmes qui président le jury de la présente édition de Cannes.

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