jeudi 21 mai 2015

Cannes 2015

Themes contemporains

 De notre envoyée spéciale Samira DAMI
La Croisette est illuminée par le portrait de la grande actrice suédoise Ingrid Bergman, qui figure à l’affiche du 68e festival de Cannes,  et à laquelle la plus prestigieuse manifestation cinématographique du monde, rend, cette année, hommage. Qu’on se rappelle les films où elle a brillé tels «Casablanca» de Michael Curtiz, «Pour qui sonne le glas» de Sam Wood, «Les Enchaînés »,  et «Les Amants du Capricorne », tous deux signés Alfred Hitchcock ou encore «Les Stromboli» de Roberto Rossellini et «Sonate d’Automne» d’Ingmar Bergman. La carrière de l’actrice, disparue il y a 33 ans, a été couronnée par deux Oscars pour «Hantise» de Georges  Cukor et «Anastasia» d’Anatole Litvak ainsi que des dizaines  de distinctions dont le Golden Globe Awards.
Après  l’ouverture de cette 68e édition du festival de Cannes avec le film hors compétition sur la délinquance des jeunes, «La Tête Haute» de la réalisatrice française Emmanuelle Bercot, place à la compétition qui a démarré avec le film italien «Il Racconto del Racconti » ou Conte des contes de Matteo Garrone où le réalisateur se focalise sur trois royaumes voisins où règnent dans le premier un roi libertin, dans le second un souverain captivé par un animal étrange et dans le troisième une reine obsédée par un désir d’enfant.  L’enjeu du film n’étant autre que la force évocatrice du conte qui a nourri depuis toujours l’imaginaire universel. C’est en utilisant les personnages et  les ingrédients spécifiques au conte, entre monstres géants, fées bénéfiques et maléfiques, sorciers et autres  dans  des décors fantasmagoriques, entre châteaux et labyrinthes, que le réalisateur évoque des thèmes contemporains tels les effets du libertinage, les conflits de génération, le désir de procréation et de beauté éternelle.
L’auteur- réalisateur de «Gomorra » et de «Reality», deux opus ayant  obtenu le Grand Prix du jury, respectivement en 2008 et en 2012, véhicule une idée géniale: entremêler le langage du conte et celui du cinéma, mais, au final, le résultat, entre baroque et gothique, violence et prédation, est pesant et ennuyeux, malgré la volonté d’apporter une certaine touche d’humour à l’ensemble, outre que le casting international qui a réuni Salma Hayek, Vincent Cassel et Toby Jones n’apporte pas ce plus tant attendu.

The Lobster : une réflexion sur la solitude 
Autre film en compétition apprécié sur la Croisette, «The Lobster» du Grec Yorgos Lanthinos révélé il y a 6 ans avec «Canine» son second long métrage qui a remporté à Cannes le prix Un certain Regard, ce cinéaste représente, d’ailleurs, la génération de cinéastes qui se distingue par une vraie créativité générée par la crise que connaît la Grèce durant ces dernières années. Le cinéma de Lanthinos qui se particularise par une empreinte surréaliste ne déroge pas à la règle dans cette comédie romantique noire qui met en scène une société où les célibataires sont obligés de prendre une épouse à moins d’être transformés en animaux. Une réflexion, aux relents absurdes, entre humour et angoisse, sur la solitude, mais aussi sur la peur de vivre en couple. Le film est une dénonciation des rapports violents entre hommes et femmes ainsi que du  modèle sociétal et culturel grec.
C’est dans la section  hors compétition que «L’Homme Irrationnel», le dernier-né de Woody Allen, un habitué du festival de Cannes, a été projeté. Car le réalisateur de «La rose pourpre du Caire» et de «Annie Hall» n’apprécie pas la course aux récompenses et n’a jamais accepté de concourir pour la Palme d’Or, car à ses yeux « la compétition c’est pour les disciplines sportives mais pas pour les œuvres de création». «L’Homme Irrationnel» met en scène  l’histoire d’un professeur de philo, Abe (Joaquim Phoenix), envahi par le doute et qui se pose de multiples questions existentielles du genre : «Et si je trouve mon bonheur dans le crime?». Suivra une descente aux enfers féroce et cynique. Dans cet opus, le réalisateur américain quitte les décors des villes qu’il affectionne, notamment son Manhattan à New-York, pour planter le décor dans le campus universitaire d’une petite ville. «L’Homme Irrationnel» nous renvoie à au moins deux opus du cinéaste « Crimes et délits» et «Match Point» où il s’est déjà focalisé sur la philosophie et les grandes questions existentielles, nous plongeant dans une atmosphère noire et terrible où la conscience est saisie de doute. « Je doute, donc je suis», mais la conscience peut à tout moment sombrer dans la folie nourrie par le doute et la tourmente. Un film attachant où se mêle un faisceau de sentiments et de couleurs du blanc immaculé au noir maculé.

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