lundi 21 mars 2016

Retrovision du 14 février 2016

Attassia-TV
Entre le social et les concepts consommés
Après un premier démarrage à l’occasion du mois de Ramadan 2015, la chaîne généraliste privée, Attassia-TV, a officiellement lancé ses programmes le 23 janvier 2016. La satellitaire a programmé de nouvelles émissions, entre le social, le divertissement et le sport, en attendant les informations et les débats politiques. Mais rappelons d’abord qu’afin de marquer le coup et de se positionner dans le paysage audiovisuel tunisien (PAT), Attassia-TV s’est, à l’occasion du dernier Ramadan, associée avec la chaîne privée Tunisna, en proposant déjà quelques émissions spécifiques au mois saint, façon caméra cachée, jeux et fictions (Bolice, Ambulance et Leïlat Echak). La nouvelle grille annoncée comporte notamment deux talkshows, genre divertissement. D’abord RDV9, ou Rendez-vous 9 animé par une figure connue du monde du journalisme sportif, Mourad Zghidi, qui s’est révélé un animateur toutes options, puisqu’il est également présentateur-animateur d’une émission politique sur Radio-Kelma. Mais à force de vouloir brasser large, l’ancien journaliste sportif à Canal+ pourrait s’emmêler les pinceaux. Bref RDV 9 se focalise, chaque semaine, de manière décalée sur l’actualité politique, culturelle et autres, et ce, à travers plusieurs rubriques amusantes telle Caméra Houcem, en particulier, qui est concoctée par Houcem Hamed qui se fait un plaisir de titiller les hommes politiques et autres célébrités façon Le petit journal sur Canal+. D’autres rubriques sont pour le moins accrocheuses, telles Kima el youm (Comme aujourd’hui) dont l’enjeu est de raviver la mémoire des Tunisiens qui ont tendance à être oublieux de l’importance de plusieurs faits et événements de notre histoire. Chaâbouna El Adhim (Notre grand peuple), rubrique signée Mouna Dechri, met en situation des personnages dans la rue afin d’observer le comportement et la réaction des citoyens face à plusieurs problèmes et fléaux sociaux comme le racisme, et la violence dont sont victimes les femmes, etc. Ce genre de caméras cachées sont, aujourd’hui, galvaudées. Plusieurs émissions y ont recours ici (Mazalet el barka sur Al Watania 1) et partout ailleurs afin d’attirer l’attention de tous en dénonçant certains défauts et travers sociaux. Free Style est cette autre rubrique goupillée, dans un style libre, percutant et satirique, par le chroniqueur Haythem El Mekki, l’une des voix de Mosaïque FM, connue pour sa verve et sa liberté de ton dans les commentaires de la vie politique. Dans Free Style, il décortique, au gré de l’actualité, le discours des hommes politiques et autres événements importants de la semaine. De son côté Quoi d’9, à l’intitulé venu d’ailleurs, se veut un talk-show de divertissement, à l’image des Enfants de la télé animé par Arthur sur TF1. Amel Smaoui, qui a roulé sa bosse dans plusieurs chaînes de télé dont Nessma TV et les défuntes Canal+ Horizons et Telvza TV, anime ce talk-show marqué par certaines hésitations et pesanteurs dues, entre autres, à la maladresse de certains nouveaux chroniqueurs, entre hommes et femmes, qui sont loin d’avoir séduits. D’où la question : sur quels critères les a-t-on choisis?
La dimension sociale accrocheuse
 Les émissions sociales semblent cet autre pilier de la satellitaire. Ainsi, deux émissions Yed Wahda (L’union) et L’Eria du genre téléréalité ont-elles été programmées. Yed Wahda, présentée par l’homme aux multiples casquettes, le comédien, humoriste, animateur de radio et de télé et metteur en scène, Jaâfar Guesmi, décline un concept déjà vu et consommé ailleurs sur d’autres télés arabes. L’important, c’est qu’on y expose la situation de citoyens démunis, vivant sous le seuil de la pauvreté, dans la Tunisie profonde, tout en incitant «les âmes généreuses» à réagir en venant en aide à tous les laissés-pour-compte afin de contribuer à les faire sortir de la misère et à combattre, aussi, la précarité et l’exclusion sociale. Accusé par certains d’utiliser la pauvreté comme un fonds de commerce et d’user d’un style populiste, le présentateur, qui a animé, durant Ramadan dernier, une émission du même genre sur Radio IFM, rejette toutes ces accusations en bloc, en rétorquant que «dans le contrat qui le lie pendant 5 ans à Attassia TV, il est stipulé qu’il cède tous ses droits et son salaire au profit de ces mêmes démunis». Toutefois, moins de dramatisation dans la forme apporterait une touche supplémentaire de sincérité afin d’éviter tout populisme et exploitation dans un but d’audience. Coproduite par IFM, l’émission apporte du bonheur à certaines familles mais ne représente pas pour autant une solution à la détresse humaine. Car c’est au gouvernement de mettre en place un plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Mais entre-temps, on ne perd rien à réaliser les rêves de quelques personnes démunies. L’Eria est cette autre émission sociale du genre téléréalité qui se focalise sur le parcours terriblement dramatique d’anciens prisonniers qui souhaitent se reconstruire et se réinsérer au sein de la société. Des trajectoires de Sikimimi, Jamel Zguem, Regaïeg et autres, on peut tirer plusieurs enseignements sur l’enfer des prisons et leurs méfaits physiques et psychologiques sur les emprisonnés ainsi que ses effets sur leurs familles. On pourrait reprocher, toutefois, à l’émission sa forme par trop hachée et speedée. Dans sa grille automnale, la chaîne a déja consacré une plage horaire importante au football à travers la retransmission de deux matches par semaine de la Ligue 1 et l’émission hebdomadaire Attassiâ foot. Or, dans la nouvelle grille, on s’attendait à des émissions sportives consacrées à d’autres disciplines que le foot. Mais ne voilà-til pas que la satellitaire remet, encore une fois, en avant le sport roi en programmant Baâd el match (Après le match), animée par le duo Kattou-Hosni, soit une sorte d’analyse d’un match donné, concept déja vu sur d’autres chaînes européennes. Mais n’est-ce pas là forcer la dose ? Assurément oui ! Surtout quand on sait que le reste des disciplines sportives sont marginalisées sur toutes les chaînes locales. De plus, les commentaires de Attissaâ foot and co sont longuets et par trop tactico-techniques, parfois pour un match qui ne mérite même pas qu’à s’y arrête. Ainsi, le retour de la chaîne privée dirigée par le journaliste et animateur Moëz Ben Gharbia s’est décliné, notamment avec des émissions de divertissement aux concepts déjà consommés du sport et des émissions sociales assez accrocheuses en attendant les infos et les débats politiques. Toutefois, il manque, actuellement à la chaîne une émission fédératrice en access prime time afin de fidéliser les téléspectateurs. Il manque, également, à la satellitaire, malgré la diffusion de Mamnoô (Défendu) animé par A. Dabbar, dont l’animation emphatique détonne avec l’ensemble du style adopté par la chaîne, des culturelles qui se braquent sur l’actualité culturelle, le livre et autres expressions artistiques. Concernant la forme, l’on ne peut qu’être gênés par l’exiguïté des plateaux qui secrète un sentiment d’étouffement. Cela sans compter ces lumières obscures et ces tons, entre rouge et noir, un parti pris de la chaîne qui génère une certaine incommodité au niveau de la vision. Enfin, nous ne terminerons pas sans faire remarquer, du moins pour l’avenir, que ce n’est pas parce que la chaîne s’appelle Attassia-TV qu’il faudrait flanquer le chiffre 9 à toutes les sauces et à tous les titres d’émissions. Car ces répétitions sont pour le moins rébarbatives.
S.D.

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