lundi 21 mars 2016

Retrovision du 20 mars 2016

MEDIA ET TERRORISME
Et le respect de la sécurité ?

L’attaque terroriste à Ben Guerdane a bénéficié, cela s’entend, d’une large couverture médiatique aussi bien locale qu’étrangère. Certains médias audiovisuels y ont consacré une couverture en direct dès le premier jour de l’attaque, telle la chaîne privée Nessma-TV. Toutes les chaînes ont couvert ce tragique événement avec force séquences prises sur le vif sur le terrain de la bataille, des témoignages de citoyens et des forces armées, des analyses et des commentaires d’hommes politiques, de journalistes et d’experts. Mais au-delà de la teneur et de la qualité de la couverture médiatique audiovisuelle de l’attaque à Ben Guerdane, une question s’impose : cette couverture a-t-elle respecté la sécurité nationale ? Autrement dit, les journalistes et les correspondants des chaînes audiovisuelles publiques et privées ont-il obéi aux règles de la profession impliquant l’exigence de la sécurité du pays ? Ou bien y a-t-il eu des dépassements et des dysfonctionnements sous prétexte du droit à l’information et à la liberté de presse ? Certes, en comparaison avec les attaques terroristes précédentes sous nos cieux, telles celles perpétrées au musée du Bardo, puis à Sousse en 2015, la couverture médiatique des attaques terroristes sur notre sol s’est quelque peu améliorée avec un sens plus accru de la responsabilité; néanmoins, certains dépassements et dérives graves ont nui au travail des forces armées et par là, à la sécurité du pays. Certains de ces dysfonctionnements ont constitué un grand danger pour les forces armées, car diffuser  en direct leurs positions au moment des combats contre les terroristes est un manquement aux règles les plus élémentaires du journalisme et un non-respect manifeste de la sécurité nationale. Cela d’autant que certains correspondants ont abusé de précisions et de détails à propos des opérations menées par les forces armées, des lieux et endroits stratégiques et même des noms de responsables et de coordinateurs de ces opérations militaires et sécuritaires. Et c’est malvenue, car cela livre aux groupes terroristes une mine d’informations et ne fait qu’entraver le travail des forces armées. Et le président de la Commission des négociations au sein du Syndicat des agents de sûreté de Tunis, Mohamed Ali Laâ- bidi, l’a déploré sur Nessma TV. Selon lui, «certains journalistes ne font pas encore preuve de prudence et de vigilance en s’entê- tant à diffuser des infos préjudicialbes à la vie et à la sécurité des forces armées». Et de donner un exemple précis : un terroriste arrêté lors de l’attaque de Ben Guerdane a révélé aux forces de sécurité que sept de ses pairs «Dawaech» se sont barricadés dans une maison aux environs de la ville de Ben Guerdane. Or, certaines chaînes audiovisuelles ont vite fait de diffuser cette information capitale et sensible, nuisant par là à l’efficacité de l’opé- ration menée par les forces armées. «On aurait pu réussir cette opération à 100%, mais les médias ont bousillé notre boulot», a martelé l’intervenant, dépité par autant de bêtises et par de tels dépassements. Et d’ajouter qu’il incombe aux journalistes de coordonner avec les forces de sécurité, car toute information diffusée promptement peut aider les terroristes. Nous avons, également, constaté des dépassements, voire «des manœuvres manipulatoires» sur des chaînes étrangères, telle France 24 qui a annoncé, dans la soirée du dimanche dernier, dans son News-bar «que des échanges de tirs ont lieu à Ben Guerdane», alors qu’il s’agissait, selon le ministère de l’Intérieur, «d’opérations de ratissage dans les environnements de Ben Guerdane».
Droit à l’information, mais pas à tout prix
Maintenant, disons qu’il est normal que les citoyens aient droit à l’information et les journalistes à la liberté d’expression, mais pas aux dépens de la sécurité nationale. C’est pourquoi il est impératif d’éviter par tous les moyens de renseigner les terroristes en diffusant en direct des séquences des positions des forces armées, prises en pleins combats contre les terroristes. Il est également nécessaire de multiplier les sources et de vérifier la véracité des informations en faisant fi des éléments contradictoires et des rumeurs. Il est, enfin, plus que jamais utile de créer un pool gouvernemental de vérification de l’information en matière de terrorisme. Ce qui n’implique guère que «les médias soient aux ordres du pouvoir». Quant aux experts et aux commentateurs, seules la vigilance et la distance pourraient garantir à leurs propos de la crédibilité. Ainsi, la diffusion en direct ou en léger différé des scènes de combats ne fait que servir, bêtement, les groupes terroristes. Et pour éviter celà, il est nécessaire de rationaliser l’information en créant une cellule ou un pool gouvernemental de communication de guerre. Enfin, de son côté, la Haïca (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) devrait pleinement jouer son rôle en épinglant tous les médias, auteurs de dérives et de dysfonctionnements et dont le seul souci est la course aux scoops, donc à l’audience. Il y va de la sécurité de nos forces armées et de notre sécurité!
S.D.

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