mardi 10 avril 2012

Témoignages sur le lundi noir

Hechmi Nouira, journaliste : « J’ai été agressé par des civils »

Notre collègue journaliste d’Essahafa a été tabassé hier matin à l’avenue Bourguiba quand il filmait la manifestation de la Journée du 9 avril, organisée par la société civile. Mais ce ne sont pas des policiers ou des Bop qui l’ont agressé, mais des civils. Voici son témoignage :«J’étais, vers 11h00, devant le café ‘‘Le Parnasse’’ accompagné de M. Abdelmajid Sahraoui, représentant de l’Ugtt à l’Union maghrébine et je filmais des passants fuyant l’odeur acre du gaz lacrymogène, quand un barbu m’a crié de ne pas filmer devant ce qu’il prétend être ses commerces». M. Sahraoui lui a rétorqué : «C’est un journaliste laissez-le faire son travail». Et d’ajouter : «Je vous connais, vous êtes un cadre du parti Ennahdha à Tataouine».
«Sur ce, le gérant du café ‘‘Le Parnasse’’, deux serveurs et un marchand ambulant de lunettes sont accourus s’acharnant sur nous à coups de poing et de pied et nous n’avons dû notre salut qu’à un homme en civil, que je pense être de la sûreté nationale. Toute cette violence m’a causé une double fracture du nez, j’étais tout en sang.
Je vais porter plainte, j’ai les photos de nos agresseurs. Que dire, sinon que moi qui croyais que le pays en avait fini avec les milices des partis, je les vois revenir en force s’attaquant aux activistes, aux journalistes et aux gens de partis et de la société civile. Voilà qui ne contribue nullement à atteindre les objectifs de la révolution au niveau des droits et des libertés, dont celles de manifester et de la presse.
Voilà qui ne contribue pas non plus à ce que la transition démocratique se déroule dans la paix et dans la dignité».

Zied El Hani, journaliste et membre du bureau directeur du Snjt : «…Je crains le retour de la dictature»
«J’étais, dès 9h00, à l’avenue Bourguiba pour aider les collègues à assurer la couverture de la manifestation du 9 avril et pour intervenir si jamais ils sont empêchés de faire leur travail. Je n’ai quitté l’avenue qu’à un seul moment, quand le caméraman de la chaîne El Hiwar Ettounsi a été frappé et empêché de filmer, pour aller déposer plainte au poste de police de la rue Radhia Haddad (ex-rue de Yougoslavie).
A mon retour j’ai été verbalement agressé par les milices d’Ennahdha pour les avoir vus à maintes reprises, lors de la manifestation des journalistes à la Kasbah, devant le Premier ministère, pour avoir débattu avec eux à la télévision et pour les avoir vu intervenir devant le ministère de l’Intérieur lors de la manifestation des agents de l’ordre. Ce sont pratiquement les mêmes qui, accompagnés de malabars, viennent perturber et faire avorter les manifestations et les sit-in.
En m’agressant verbalement ils m’ont poussé de l’allée centrale vers le trottoir d’en face tout en criant des insultes du genre : traître, suppôt de l’étranger, opposant notoire à Ennahdha en témoignent tes écrits sur les salafistes et l’émirat islamique.
Cette violence inouïe et ce comportement révèlent leur tentative de confiscation des droits des citoyens à l’expression de leur opinion et d’agresser les symboles politiques, entre représentants des partis, activistes ainsi que les journalistes et les jeunes qui ont contribué à la révolution et au changement».
Interrogé sur l’interdiction de manifester à l’avenue Bourguiba Zied El Héni rétorque : «En tant que journalistes nous étions à l’avenue non pas pour manifester mais pour faire notre travail. Nous sommes des témoins et non des acteurs. Pour conclure, je dirais qu’aujourd’hui les nouveaux «pasdarans», qui constituent une réplique des gardes révolutionnaires iraniens, sont en train d’envahir le paysage politique et d’imposer leur loi et je crains, donc, que nous soyons en train d’assister au retour de la dictature».
Auteur : S.D.

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