vendredi 27 avril 2012

Souheyr Belhassen présidente de la Fidh: l'Etat est responsable de la sécurité et de la protection du citoyen


« L’Etat est responsable de la sécurité et de la protection du citoyen »
Présente à la conférence de presse de soutien et de dénonciation des agressions subies par Jawhar Ben Mbarek, coordinateur du réseau Doustourna, ainsi que par plusieurs de ses membres, conférence qui s’est tenue hier à El Teatro, Mme Souheyr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (Fidh), juge la situation «dangereuse» et «grave» et appelle l’Etat à assurer la sécurité et la protection du citoyen. Voici sa déclaration à La Presse, que nous reproduisons.
«Ce qui me semble dangereux et grave dans les pratiques violentes contre les militants et activistes de la société civile, depuis les élections du 23 octobre, et même avant, c’est qu’elles ne se limitent plus au cercle de l’université, mais touchent les artistes, les hommes de culture, ainsi que les agitateurs d’idées et de pensées dans le domaine politique, qui sont particulièrement ciblés et qui représentent exactement la pensée opposée, pas seulement à celles des salafistes, mais à celle d’Ennahdha. Or le gouvernement représente l’Etat et devrait être normalement au-dessus de la mêlée. Mais ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que l’Etat est partie prenante dans la ‘‘querelle’’ entre modernistes et islamistes de manière générale.
Les salafistes apparaissent comme les bras armés du parti Ennahdha… lequel réfute cela; on veut bien le croire mais, malheureusement, il n’y a pas de preuves pour étayer ses déclarations. Et je prends pour exemples les affaires du cinéma ‘‘l’Africa’’, de la faculté de La Manouba et des événements du 9 avril 2012, tout le monde a vu les agresseurs, leurs photos existent, les vidéos aussi, ils ont été montrés à la télé avec leurs nom et adresse. On se demande, alors, où est l’autorité de l’Etat. On a l’impression que l’Etat, qui laisse ces éléments salafistes se développer depuis l’affaire de Sejnane jusqu’à celle de Kébili, est dépassé et que le mouvement Ennahdha est débordé. L’Etat risque de basculer dans le fascisme, et le pays dans l’anarchie ou dans la guerre civile. Ennahdha devrait se conduire, aujourd’hui, comme un parti au pouvoir, responsable de la sécurité et de la protection du citoyen, des activistes politiques et des militants. Son rôle n’est pas d’être partial en soutenant une partie contre une autre.
La Fidh a demandé à plusieurs reprises des enquêtes neutres et indépendantes. Elle demande que l’impunité des agresseurs cesse et que la justice puisse, à chaque fois, dire son mot de façon objective et sereine.
Car on a l’impression que la machine de la répression qui a fonctionné contre les militants et les activistes de la société civile du temps de Ben Ali est repartie de plus belle, avec des éléments nouveaux, comme cette milice armée de fusils mitrailleurs qui sévit lors des manifestations, notamment celle de 9 avril 2012. La sécurité et l’administration sécuritaire, comme la justice, fonctionnent exactement de la même façon que du temps de l’ancien régime, en employant le système du deux poids deux mesures.
Les filatures, les écoutes téléphoniques, le harcèlement des activistes et des opposants reprennent également, ce qui est absolument insupportable et intolérable après le 14 janvier.
Tout cela doit cesser et la loi doit être appliquée à tous sans exception ni distinction, quelle que soit l’appartenance des agresseurs et de ceux qui recourent à la violence.
Maintenant, comment amener les autorités à mettre fin à cette dérive? En la dénonçant, certes, mais cela est insuffisant, car il est de la responsabilité du gouvernement et de l’Etat d’y mettre fin».
Auteur : Propos recueillis par Samira DAMI

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