mardi 10 avril 2012







Rétrovision 8 Avril 2012

Des images chocs, signes de désespoir et de désillusion
Deux séquences  chocs ont marqué l’actualité au cours de la semaine écoulée. La première a été diffusée sur plusieurs chaînes, dont El Watania 1, dans un sujet poignant, voire émouvant, qui se focalise sur le sit-in des blessés et des parents des martyrs de la Révolution à l’intérieur et devant le ministère des Droits de l’homme et de la justice transitionnelle.

La caméra se fixe, dans un gros plan, sur le visage d’un jeune blessé affichant une expression de colère et de désespoir compréhensible, cependant ce qui interpelle le téléspectateur de manière impressionnante c’est que ses lèvres  sont cousus non pas de fil blanc, mais  de fil rouge. Atroce.  La caméra descend sur les bras du mutilé, on y voit des aiguilles enfoncées, puis, dans un plan moyen, le sit-inneur s’exprime par le geste, sans doute pour dire que depuis le 14 janvier rien n’a été fait pour qu’on lui rende justice et pour qu’il soit indemnisé. Mais, le comble c’est que les désormais invalides de la révolution ainsi que leurs parents et ceux des martyrs ont été tabassés et violentés, par les agents de sécurité du ministère des Droits de l(homme et ceux qui ont voulu leur porter secours, un jeune avait même la tête tout en sang. En témoignent les vidéos diffusées  durant les infos sur les satellitaires. Honteux et intolérable.



Cette image  représentant une bouche cousue nous renvoie directement à un instantané aussi cruel et désespéré qui  a fait le tour du net, il y a six ans, sous l’ère du président déchu, quand l’activiste et défenseur des Droits de l’homme, Mohamed Abbou s’était cousu la bouche avec des agrafes en signe de protestation contre le manque de liberté d’expression. Se peut-il qu’après le 14 janvier un jeune, et de surcroît blessé de la Révolution, reproduise ce même geste, fortement symbolique, qu’on croyait révolu avec la dictature. On se demande ce que pense M. Abbou, actuellement ministre chargé de la réforme administrative, de cet acte auquel lui-même avait recouru  pour crier sa rage contre la sinistre répression du régime de Ben Ali et comment le gouvernement postrévolutionnaire auquel il appartient a pu générer ce geste tragique de désenchantement et de désillusion. Plus, comment un gouvernement, dont plusieurs membres ont souffert du châtiment et de la torture et qui doit son existence à  ces mêmes martyrs et blessés de la Révolution, peut-il  les laisser non seulement s’enfoncer dans le désespoir mais aussi les voir violentés sans broncher.

La deuxième image choc,  diffusée dans les Journaux télévisés des chaînes El  Watania 2 et El Hiwar a frappé fortement les esprits : sur une interminable corde à linge qui court le long des murs de modestes maisons d’un quartier de la délégation de Jelma, à Sidi Bouzid, sur laquelle des jeunes ont étendu leurs diplômes par dizaines. Le message de ces diplômés chômeurs est clair : à quoi servent toutes ces «parchemins» devenus, à leur yeux, sans valeur aucune s’ils ne leur permettent pas d’accéder au travail qui leur assure salaire et dignité. Ainsi, la colère est intense et la déception est on ne peut plus nette chez les protestataires  surtout quand l’un d’entre eux témoigne  sur El Hiwar : «Nous sommes  tous, ici, des chômeurs diplômés, et certains depuis 1990, notre région a été marginalisée à l’époque de Bourguiba et durant l’ère Ben Ali et voilà que maintenant le ministre de l’emploi Abdelwahab Maâtar nous demande de chercher du travail en Lybie, mais moi je lui réponds que le fils du pauvre est prioritaire sur le fils du ministre». De quoi refléter non seulement les conditions difficiles et la misère qui prévalent dans les régions intérieures, mais aussi l’amertume et la détresse des jeunes sans emploi d’autant que le vent de la Révolution s’est levé contre l’oppression, la répression, le népotisme et la misère et pour l’emploi, la dignité et la liberté.

Ces deux séquences télévisées si frappantes devraient inciter le gouvernement à régler rapidement  et définitivement le dossier des martyrs et des blessés de la Révolution et à se pencher sérieusement, avec la contribution de tous les acteurs politiques et économiques, privés et publics, sur le problème aigu de l’emploi.

S.D.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire