jeudi 20 décembre 2012

la cinémathèque de Bologne



Visions du passé et du présent

 Que les cinéphiles se rappellent : huit films restaurés, et pas des moindres, (La Momie, de Chadi Abdesselem, Voyage en Italie, de Roberto Rossellini, Touki Bouki, de Djibril Diop Mambetty, Transes, de Ahmed Maânouni et autres) ont été  projetés dans la section «Le cinéma retrouvé», lors de la 25e édition des Journées cinématographiques de Carthage. La restauration de ces opus que le public a eu le plaisir de découvrir dans une forme rénovée est l’œuvre de la cinémathèque de Bologne ou «Cineteca di Bologna». Son directeur Gian Luca Farinelli était parmi nous à cette occasion et a pu assister à la projection de certains de ces films ainsi que d’autres programmés dans les différentes sections du festival.
«Cette opération de restauration, rendue possible grâce à l’acquisition, par la cinémathèque, de machines techniquement à la pointe, est une action des plus utiles qui permet, affirme M. Farinelli, non seulement de permettre aux films de résister à l’usure du temps et de conserver la mémoire, mais aussi de regarder le passé avec les yeux du présent et d’établir le dialogue entre eux». D’ailleurs c’est là le rôle d’une cinémathèque : préserver et perpétuer la mémoire du cinéma. C’est pourquoi, en visite à Bologne, nous n’avons pas hésité à nous rendre à ce temple où se pratique l’amour du cinéma.


Montrer, conserver et animer

C’est au 72 via Riva Di Reno, non loin du centre-ville et de la piazza Maggiore (Grande place) qu’est située la Cineteca, à l’architecture originale, de forme circulaire, peinte en rouge. Ce soir-là, vers 20H00, des femmes et des hommes d’un âge certain et quelques jeunes, qui ont bravé le froid mordant, s’empressent de s’engouffrer par la porte centrale menant au duplex «Lumière» comprenant deux salles : Scorsese et Mastroianni. Tous les soirs des films du présent ou du passé y sont à l’affiche.
A la «Sala Scorsese» est programmé le long métrage La vérité sur B.B. Donge de Henri Decoin, campé par le charismatique Jean Gabin et la sublime Danielle Darrieux. Cet opus qui date de 1952, inaugure le cycle des meilleures adaptations cinématographiques des romans de Georges Simenon. Les lumières de la salle s’éteignent, l’écran s’allume sur une séquence du film, quelques minutes plus tard les lumières se rallument... Le directeur Gian Luca Farinelli et son collègue s’avancent sur la scène pour présenter le film : «Cette séquence de huit minutes que vous allez revoir lors de la projection a été coupée dans la version italienne programmée dans les années cinquante». Censure? Sûrement. La présentation continue : les animateurs éclairent le public sur l’écrivain Simenon, le réalisateur, les acteurs et sur le DVD du film que les spectateurs peuvent acquérir et qui contient une critique du film, l’affiche, des photos et autres. A la fin de la projection, quelques spectateurs discutent et échangent leurs impressions et opinions. Certains se connaissent, ils sont des habitués parce que des abonnés. Pour les étudiants, l’abonnement coûte 20 euros (40 dinars) et leur permet de consulter des ouvrages sur le cinéma et d’emprunter des films et autres.
Il faut dire que la cinémathèque, dont le budget est de 300.000 euros (600.000 dinars) provenant des aides de la commune et autres institutions ainsi que la vente d’abonnements et de billets, accueille, chaque année, 100.000 spectateurs. Son programme étant diffusé par deux autres salles de la ville : «Cinéma Jolly» et «Arlecchino» ainsi que sa propre bibliothèque portant le nom de Renzo Rizi, critique et écrivain. La bibliothèque qui accueille le public pour la consultation de livres et la vision de films sur des écrans d’ordinateurs abrite l’ensemble des archives, 35.000 ouvrages en tout, dont un lot de 1200 livres consacrés uniquement  au grand cinéaste italien Pier Paolo Pasolini. Outre 1.500.000 photos, 60.000 films en 35 mm et 16mm, de la période du muet à nos jours, «cela, affirme M. Farinelli, grâce à la politique d’acquisition que nous prônons». Et enfin, 18.000 films en VHS et DVD, datant des origines du cinéma jusqu’à nos jours, dont plusieurs du genre classique ont été restaurés par «La Cineteca» qui a vu le jour en 1972 et s’est développée à l’orée de la décennie 2000 afin de contribuer à l’action cinématographique et culturelle dans la ville de Bologne.

Un menu dense et varié

Le programme se veut un dosage «Entre cinéma du passé et cinéma du présent» explique le directeur de la Cineteca. Et de poursuivre: «Le programme est ventilé sous forme d’hommages, cycles, événements et de festivals». Le menu du mois de décembre est, ainsi, consacré à des hommages aux  acteurs hollywoodiens Fred Astaire et Robert Redford. Outre un cycle dédié au cinéma d’auteur tels Joseph Losey et Wes Anderson. Sans compter les séances réservées aux films en première vision, les mercredis du documentaire et le ciné-club pour enfants.
D’autre part, la cinémathèque organise, chaque année, au mois de février un festival du court et du moyen métrage «Visioni Italiane» (Visions italiennes) qui propose des films récemment réalisés par des jeunes et qui sont en lice pour plusieurs prix et récompenses. En juillet, un festival intitulé «Le cinéma retrouvé» se déroule aussi bien dans les salles qu’en plein air à la Piazza Maggiore drainant le large public.
Gian Luca Farinelli est le directeur de la cinémathèque depuis 14 ans, mais il y travaille depuis presque 30 ans, il évoque sa longue expérience en ces termes: «L’expérience est stimulante et intéressante, mais aujourd’hui les choses ont changé, car avant il était difficile de voir les films de tous genres  à Bologne, aujourd’hui il y a les satellitaires, Internet, les DVD. Mais comme le discours sur le cinéma a perdu de sa profondeur, le rôle de la cinémathèque est de retrouver cette élévation et surtout d’aider le public à découvrir et à nouer le lien avec le cinéma du passé».
Ainsi on voit bien que la Cineteca di Bologna assure de multiples tâches et fonctions : montrer, archiver, restaurer et conserver les films afin d’établir un lien entre le passé et le présent, mais aussi animer, éduquer et former à travers des stages en tous genres pour les jeunes.
En sortant de la cinémathèque, nous sommes envahis par un sentiment de regret, de voir notre pays privé d’un temple cinématographique pareil. Ah, si l’embryon de la cinémathèque tunisienne né à la salle du ministère de l’Information, vers la fin des années 70 et, où les plus beaux films du cinéma mondial y ont été projetés, avait pu être développé! On ne serait pas encore à attendre, l’ouverture de la Cité de la Culture afin que la capitale puisse, enfin, jouir d’une cinémathèque. Que de temps perdu! Espérons qu’on pourra le rattraper, le plus tôt possible, afin de pérenniser la cinéphilie et l’amour du cinéma sous nos cieux.
S.D.

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