mercredi 19 décembre 2012


Sakhr Materi court toujours

 • Soixante-deux fuyards demandés par la justice tunisienne

Après son interpellation, jeudi dernier, par la police des Seychelles alors qu’il tentait de franchir les frontières de ce pays avec un passeport diplomatique annulé, Sakhr Materi court toujours. Chacun y va de son explication:  «Il a regagné l’Arabie Saoudite», selon une source policière bien informée. Laquelle poursuit : «La Tunisie continue certes d’œuvrer avec Interpol afin d’extrader le gendre de Ben Ali, mais l’opération n’est pas facile vu la force financière qu’il représente, d’autant plus qu’il a récupéré une bonne partie de sa fortune qu’il a réinvestie dans les pays du Golfe. Mieux, il jouit avec ses beaux-parents de la protection de l’Arabie Saoudite».
Certes, notre ambassadeur à Addis-Abeba, Mokhtar Chaouachi, «accuse les autorités des Seychelles d’avoir été complices parce qu’ayant laissé Sakhr Materi partir librement   sans être inquiété», on peut se demander, dans ce cas, pourquoi elles ont manifesté  leur disposition à traiter avec les autorités tunisiennes, puis se sont rétractées à la dernière minute, selon la version de notre ambassadeur.  
D’aucuns évoquent la pression, dans les coulisses, de certains émirs des pays du Golfe sur les Seychelles, alors que d’autres expliquent cela par «la force financière de Sakhr Materi».
Interrogé, un juriste qui tient à l’anonymat nous a affirmé que  «pareilles opérations d’extradition dépendent du degré de respect du droit international et de l’indépendance de la justice, car ce sont les autorités judiciaires qui autorisent l’application du mandat d’arrêt et d’extradition».
Enfin, certains sont tout à fait sceptiques, avançant que le nom de Sakhr Materi n’existe même pas sur la liste d’Interpol.
Me Fadhel Saïhi, conseiller auprès du ministre de la Justice, précise que «le nom de Sakhr Materi se trouve bel et bien sur la liste rouge d’Interpol, mais que les données sur les individus recherchés ne peuvent être consultées par les visiteurs du site. Nous avons bien informé les autorités des Seychelles que le gendre de Ben Ali ne jouit plus de l’immunité parlementaire, car le Parlement dont il faisait partie a été dissous en vertu du décret-loi 6-2011 et qu’il est sous mandat d’amener. Les autorités des Seychelles sont donc dans l’obligation de remettre les personnes recherchées par l’intermédiaire d’Interpol».

«Pas de mélange entre le juridique et le politique»
A quoi donc aura servi toute cette opération que certains qualifient de «coup politique» ?
Me Fadhel Saïhi est catégorique : «D’abord, il n’est pas sûr que Sakhr Materi ait quitté les Seychelles. Si oui, avec quel document de voyage puisque son passeport diplomatique a été annulé par les autorités tunisiennes ? Mais ce qui est sûr, c’est que nous avons retrouvé sa trace et que l’étau se resserre autour de lui. Les autorités tunisiennes œuvreront plus que jamais à faire pression sur les Etats qui abritent toute personne ayant fui la justice tunisienne et tous les corrompus qui ont volé les deniers publics. Tous les Etats concernés, l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe, la France, le Canada, sont appelés à respecter le droit international et le droit du peuple tunisien, admiré pour sa révolution, à ce que les fuyards de l’ancien régime, qui ont commis des crimes de vols inadmissibles à son endroit, soient extradés dans les plus brefs délais».
Soixante-deux fuyards en tout sont demandés par la justice tunisienne. Cette liste comprend des membres du clan Ben Ali-Trabelsi, certains ministres et d’autres anciens responsables, mais jusqu’à présent aucun d’entre eux n’a été extradé. «C’est que, nous informe notre juriste, on ne peut obliger un pays à extrader des fuyards s’il n’y a pas de convention entre les Etats qui les contraint à les extrader. Car Interpol est une structure policière internationale dont la mission est d’arrêter les recherchés et non pas de les extrader. Il faut donc que les autorités tunisiennes établissent des dossiers solides et bien ficelés, car les recherchés peuvent toujours invoquer les droits de l’Homme, l’immunité, la confiscation et la vente illégale de leurs biens et faire des demandes d’asile politique.
Il ne faudrait donc point mélanger l’aspect policier et juridique avec le politique et revoir notre stratégie pour les  demandes d’extradition et de restitution des fonds et des biens volés».
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 19-12-2012

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