jeudi 13 décembre 2012

REPORTAGE


Ugtt-Gouvernement / Annulation de la grève générale

«S’ils reviennent, nous reviendrons!»

 La Place Mohamed-Ali grouillait de monde hier dès le début de l’après-midi: des responsables syndicaux sectoriels, des étudiants, des militants de base de la Centrale syndicale, entre hommes et femmes, étaient tous là dans une  attente fébrile.
Ils attendaient avec impatience les résultats de la réunion de la commission administrative de l’Ugtt, concernant la décision finale à propos de la grève générale annoncée pour aujourd’hui, suite aux événements dramatiques de la journée du 4 décembre où le  siège de la Centrale syndicale à Tunis a été attaqué par les ligues dites de protection de la Révolution.
Une question récurrente était sur toutes les lèvres: y aura-t-il annulation, suspension ou report de la grève générale ?
Plusieurs, parmi la foule, étaient accrochés à leur portable, recueillant quelques indiscrétions, ici et là, de la part de certains membres de la commission administrative encore en réunion. Dès 16h00, le bruit commençait à courir: un responsable syndical, engoncé dans son manteau, l’air mécontent, informe le groupe d’hommes et de femmes qui l’entoure: «La grève générale  est annulée, ils sont en train d’écrire le rapport de la réunion. Ça peut encore durer deux heures…»
— «Tu es sûr, réplique une femme, est-ce qu’il s’agit d’annulation ou de suspension» ?
— «Non, il s’agit bien d'annulation, c’est le mot que j’ai entendu», rétorque-t-il, la mine quasi déconfite.
La  place bruisse de rumeurs, une femme s’écrie : «La grève générale est annulée. Le secrétaire général de l’Ugtt a annoncé que la situation difficile que traverse le pays ne supporterait pas une grève générale mais n’était-il pas au courant de cette situation avant de décider d’une telle action?»
Une voix féminine s’élève au-dessus de la mêlée : «Eh Abassi, le peuple souffre, mais tu as vendu notre cause. Eh camarades, mettez-vous en rangs, venez présenter vos condoléances. Ce sont les funérailles de l’Ugtt !»
Mais tout de suite, sa voix est recouverte par des slogans scandés par la foule: «Ugtt, Ugtt, la plus grande force du pays».
Les commentaires, entre optimisme et pessimisme fusent. Mongia est membre du syndicat de base de l’enseignement, secteur de Tunis : «Je suis pour la suspension de la grève générale et non pour son annulation afin que le gouvernement ne revienne pas sur l’accord qui sera pris en commun et je sais qu’il en est capable !».

«Un  accord, grosso modo, positif»

Un jeune chômeur diplômé, cheveux longs et barbe fournie, nous tient le raisonnement suivant : «Il ne  s’agit pas dans cette grave affaire de perdants et de gagnants et si l’on veut un vrai changement, seules les forces révolutionnaires de gauche sont à même de l’imposer».
La Place Mohamed-Ali se remplit davantage, plusieurs citoyens viennent aux nouvelles, des slogans fusent: «Sur ta voie, ô Hached !», «Avec mon âme, avec mon sang, je me sacrifierai pour toi, Ugtt !». Bilal, secrétaire général du secteur des boulangeries, manifeste sa joie  : «Je suis content, voire heureux,  il n’y aura pas de jeudi noir comme en 1978, nous avons obtenu satisfaction, les ligues de  protection de la révolution vont être gelées en attendant les actions en justice contre les agresseurs. Mais j’avertis le gouvernement: au cas où les ligues ne seraient pas dissoutes, il n’est pas sûr que les affrontements cesseront».
Belgacem Nouri, secrétaire général du secteur de la poste, des télécommunications et des téléperformances de Ben Arous, a un avis mitigé : «L’acceptation par le gouvernement des quatre points les plus importants, soit le gel des activités des ligues de  protection de la révolution, l’action en justice contre les agresseurs, la condamnation du gouvernement et la prise en compte de l’agenda ou de la feuille de route présentée le 16 octobre par l’Ugtt, est un pas positif qui sauve la face de l’Ugtt, eu égard à la situation difficile et délicate que connaît le pays.Mais je dirais qu’il faudrait en finir avec la dramatisation de faits tels que les menaces à nos frontières et les caches d’armes qui ont pour seul but de détourner l’attention de l’opinion publique syndicale. Enfin, est-il normal qu’après l’élection de l’Assemblée nationale constituante et la mise en place d’un gouvernement que pareilles ligues agissent en parallèle prétendant protéger la révolution ?».
Ferjani Saâdalli, secrétaire général du syndicat de la Bibliothèque nationale et membre de la commission nationale de l’information et de la culture, adopte une position de responsable syndical teintée d’analyse : «Je sais que le débat au sein de la commission administrative de l’Ugtt a été chaud et que le rapport de la réunion et des décisions est corsé. Et vu les points entérinés par le gouvernement et l’Ugtt, je peux affirmer que l’accord est  grosso modo positif. Et je tiens à dire que Houcine Abassi a fait prévaloir l’intérêt du pays, donnant, ainsi, une leçon au gouvernement afin  qu’il assume de son côté sa responsabilité historique. Je le répète, cet accord satisfait les syndicalistes, d’autant que les négociations avec le gouvernement se poursuivront sur d’autres problèmes sociaux et syndicaux et qu’il y a la possibilité de mettre sur pied une autre commission administrative qui évaluera les résultats de cet accord avec le gouvernement, dans le sens “s’ils reviennent aux mêmes agissements et dépassements, nous reviendrons également de notre côté”».
Auteur : Samira DAMI

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