lundi 17 décembre 2012


RETROVISION

La grève générale sous le prisme de nos médias

Toutes les chaînes d’ici, et même d’ailleurs, ont annoncé le mercredi dernier dans leurs journaux télévisés l’annulation de la grève générale prévue le jeudi 13 décembre et décidée par la Commission administrative de l’Ugtt suite à l’attaque, le 4 décembre, jour de la commémoration du 60ième anniversaire de la mort de Farhat Hached, du siège de la place Mohamed-Ali à Tunis. Attaque que la Centrale Syndicale a imputé à des membres des dites ligues de protection de la révolution. On s’attendait quelque peu à cette décision surtout que, depuis la veille, les deux chaînes publiques et Radio Mosaïque-FM , notamment, ont, avant même la réunion de la Commission administrative de l’Ugtt, seule habilitée à prendre la décision du maintien ou non de la grève générale, présenté quelques points de l’accord comme s’il était admis. S’agit-il d’une course au scoop ou d’une volonté manifeste d’influencer et de manipuler  l’opinion publique ? On pencherait, plutôt, vers la deuxième option. Drôle de conception de l’information, en tous cas !


Sur une autre satellitaire et dans une autre émission, Ettassiâ massa, l’animateur a clôt son émission qui portait, justement, sur ce sujet d’une actualité brûlante, en donnant  le résultat d’un sondage « Pas du tout scientifique » avoue-t-il, mais qu’à cela ne tienne il livrera, malgré tout, les chiffres : «35.000 sont  pour la grève générale et 43.000 sont contre» (sic). Or, si le concepteur de ce programme sait que ce genre de sondage est, pour le moins, bidon parce que non seulement il est loin d’être représentatif et scientifique, mais qu’une seule personne peut voter plusieurs fois. Alors à quoi servent ces pseudo-sondages ? Sommes nous dans El Ittijah El mouakkess d’El Jazeera et Moez Ben Gharbia serait-il devenu Fayçal El Kacimi ? Mais personne n’est dupe, car c’est là encore une fois «l’art de la manip» façon mystification.
Pis, alors que tout le monde s’est échiné à dire sur tous les plateaux de télé et ailleurs qu’aboutir à un accord entre la Centrale syndicale et le gouvernement ne veut nullement dire qu’il y a un perdant et un gagnant, voilà le genre de question que pose  Mosaïque-FM sur son site dans la Rubrique opinion : « Qui sort gagnant de l’annulation de la grève générale : l’Ugtt, le gouvernement, Ennahdha ?». De quoi contribuer à chauffer les esprits et gonfler les rancœurs. Inadmissible a fortiori de la part d’un média censé refléter tout le faisceau politique et social du pays !
Justement, Houcine Abassi, Secrétaire général de l’Ugtt, a bien déclaré que «c’est en raison des tensions sociales, du relâchement sécuritaire et de dangers à nos frontières que la grève a été annulée». Il a, donc, selon lui fait prévaloir l’intérêt  du pays et la voie de la raison. En somme l’Ugtt a pu éviter par cette décision que la Troïka au pouvoir ne lui fasse porter le chapeau de ce qu’aurait pu être la somme des pertes économiques et financières d’une journée de grève. Ce qui ne veut pas dire que la Centrale passera la main sur ses principales revendications, puisque selon Hassen Yahmadi, membre de la Commission administrative de l’Ugtt, qui s’est exprimé sur la satellitaire El Hiwar Ettounssi , le gouvernement devra franchement  condamner les agressions contre l’ugtt en attendant l’enquête sur les événements du 4 décembre et une action en justice contre les agresseurs et autres. Pour, lui, en revanche, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu comme l’ont avancé certains syndicalistes, internautes et même Constituants du parti majoritaire au pouvoir, ce qui est franchement malvenu de leur part, car cela ne fait qu’exacerber les tensions.
Mais au fil du zaping il semble clair que cet accord satisfaisant pour les uns, car ayant privilégié la voie du dialogue et fait prévaloir l’intérêt du pays, a été jugé comme une trahison par les autres, notamment des militants syndicaux de base mécontents et déçus, surtout qu’à leurs yeux, s’attaquer à l’Ugtt et aux syndicalistes, dont certains ont été violemment tabassés le jour même de la commémoration de la mémoire du martyr Farhat Hached, est intolérable, voire criminel. Cela d’autant que ce n’est pas la première fois que des agresseurs roulant, selon eux pour le parti Ennahdha, les ont attaqués. Ils auraient préféré une suspension ou un report de la grève réprouvant, par ailleurs, le contenu de l’accord qui n’évoque ni le gel ni la dissolution desdites ligues de la protection de la révolution, ni les événements de Siliana, ni autres revendications sociales. Mais, les membres de la Commission administrative et certains responsables de la Centrale sont clairs : «nous avons entre 10 et 40 jours pour jauger les intentions réelles, la sincérité et la bonne foi du gouvernement et s’ils reviennent nous reviendrons ». Et c’est sur ce quasi -slogan que s’est achevée la réunion de la Commission administrative selon certains de ses membres.
D’ailleurs il semble que la question de ces ligues et du phénomène de la violence politique n’est pas la seule préoccupation de l’Ugtt puisque la chaîne El Hiwar Ettounssi a annoncé  dans son JT que 20 associations et 50 avocats ont appelé à leur suspension et dissolution et comptent déposer plaintes : « Que le gouvernement prenne ses responsabilités sinon on va prendre des dispositions contre ces gens-là !». La chaîne a, également, recueilli le témoignage de chedly Fareh, syndicaliste et membre d’El Joumhoury agressé par ces adeptes de la manière forte. Est-ce, ainsi, qu’on protège la révolution ? Moncef Mouelhi  est, lui, un jeune issu d’El Hrairiya, il raconte qu’il a été accusé par ceux là même qui faisaient des rapports sur les jeunes du quartier qui sortaient des rangs, du temps de l’ancien régime. «Mais au moins, avant, ils ne nous violentaient pas, faudrait-il, un jour, qu’on achète la liberté d’expression ? ». «Le gouvernement est-il incapable de mettre fin à de pareils agissements ou se montre-t-il tolérant à l’égard de ces factions dont le rôle est de provoquer et intimider, citoyens et partis, opposants à la Troika ?» Une question posée par un des témoins  et à laquelle M. Alaya Allani, analyste politique, a répondu sur Hannibal-Tv, «j’ai l’impression que ces ligues se placent au dessus du gouvernement lui-même. D’où la nécessité de les dissoudre, car il faudrait que tout le monde sache qu’on ne peut aller à des élections démocratiques en adoubant de pareilles ligues qui prônent la violence politique». Voilà qui est bien dit.
S.D.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire