RETROVISION
La grève générale
sous le prisme de nos médias
Toutes les chaînes d’ici, et même d’ailleurs, ont annoncé le
mercredi dernier dans leurs journaux télévisés l’annulation de la grève
générale prévue le jeudi 13 décembre et décidée par la Commission
administrative de l’Ugtt suite à l’attaque, le 4 décembre, jour de la
commémoration du 60ième anniversaire de la mort de Farhat Hached, du
siège de la place Mohamed-Ali à Tunis. Attaque que la Centrale Syndicale a
imputé à des membres des dites ligues de protection de la révolution. On s’attendait
quelque peu à cette décision surtout que, depuis la veille, les deux chaînes publiques
et Radio Mosaïque-FM , notamment, ont, avant même la réunion de la Commission
administrative de l’Ugtt, seule habilitée à prendre la décision du maintien ou
non de la grève générale, présenté quelques points de l’accord comme s’il était
admis. S’agit-il d’une course au scoop ou d’une volonté manifeste d’influencer
et de manipuler l’opinion
publique ? On pencherait, plutôt, vers la deuxième option. Drôle de
conception de l’information, en tous cas !
Sur une autre satellitaire et dans une autre émission, Ettassiâ
massa, l’animateur a clôt son émission qui portait, justement, sur ce sujet
d’une actualité brûlante, en donnant le
résultat d’un sondage « Pas du tout scientifique » avoue-t-il,
mais qu’à cela ne tienne il livrera, malgré tout, les chiffres : «35.000
sont pour la grève générale et 43.000
sont contre» (sic). Or, si le concepteur de ce programme sait que ce genre
de sondage est, pour le moins, bidon parce que non seulement il est loin d’être
représentatif et scientifique, mais qu’une seule personne peut voter plusieurs fois.
Alors à quoi servent ces pseudo-sondages ? Sommes nous dans El Ittijah
El mouakkess d’El Jazeera et Moez Ben Gharbia serait-il devenu Fayçal El
Kacimi ? Mais personne n’est dupe, car c’est là encore une fois «l’art de
la manip» façon mystification.
Pis, alors que tout le monde s’est échiné à dire sur tous
les plateaux de télé et ailleurs qu’aboutir à un accord entre la Centrale syndicale
et le gouvernement ne veut nullement dire qu’il y a un perdant et un gagnant,
voilà le genre de question que pose
Mosaïque-FM sur son site dans la Rubrique opinion : « Qui
sort gagnant de l’annulation de la grève générale : l’Ugtt, le
gouvernement, Ennahdha ?». De quoi contribuer à chauffer les esprits et gonfler
les rancœurs. Inadmissible a fortiori de la part d’un média censé refléter tout
le faisceau politique et social du pays !
Justement, Houcine Abassi, Secrétaire général de l’Ugtt, a
bien déclaré que «c’est en raison des tensions sociales, du relâchement
sécuritaire et de dangers à nos frontières que la grève a été annulée». Il
a, donc, selon lui fait prévaloir l’intérêt
du pays et la voie de la raison. En somme l’Ugtt a pu éviter par cette
décision que la Troïka au pouvoir ne lui fasse porter le chapeau de ce
qu’aurait pu être la somme des pertes économiques et financières d’une journée
de grève. Ce qui ne veut pas dire que la Centrale passera la main sur ses
principales revendications, puisque selon Hassen Yahmadi, membre de la
Commission administrative de l’Ugtt, qui s’est exprimé sur la satellitaire El
Hiwar Ettounssi , le gouvernement devra franchement condamner les agressions contre l’ugtt en
attendant l’enquête sur les événements du 4 décembre et une action en justice
contre les agresseurs et autres. Pour, lui, en revanche, il n’y a ni vainqueur,
ni vaincu comme l’ont avancé certains syndicalistes, internautes et même
Constituants du parti majoritaire au pouvoir, ce qui est franchement malvenu de
leur part, car cela ne fait qu’exacerber les tensions.
Mais au fil du zaping il semble clair que cet accord
satisfaisant pour les uns, car ayant privilégié la voie du dialogue et fait
prévaloir l’intérêt du pays, a été jugé comme une trahison par les autres,
notamment des militants syndicaux de base mécontents et déçus, surtout qu’à
leurs yeux, s’attaquer à l’Ugtt et aux syndicalistes, dont certains ont été
violemment tabassés le jour même de la commémoration de la mémoire du martyr
Farhat Hached, est intolérable, voire criminel. Cela d’autant que ce n’est pas
la première fois que des agresseurs roulant, selon eux pour le parti Ennahdha,
les ont attaqués. Ils auraient préféré une suspension ou un report de la grève
réprouvant, par ailleurs, le contenu de l’accord qui n’évoque ni le gel ni la
dissolution desdites ligues de la protection de la révolution, ni les
événements de Siliana, ni autres revendications sociales. Mais, les membres de
la Commission administrative et certains responsables de la Centrale sont
clairs : «nous avons entre 10 et 40 jours pour jauger les intentions
réelles, la sincérité et la bonne foi du gouvernement et s’ils
reviennent nous reviendrons ». Et c’est sur ce quasi -slogan que s’est
achevée la réunion de la Commission administrative selon certains de ses
membres.
D’ailleurs il semble que la question de ces ligues et du
phénomène de la violence politique n’est pas la seule préoccupation de l’Ugtt
puisque la chaîne El Hiwar Ettounssi a annoncé
dans son JT que 20 associations et 50 avocats ont appelé à leur
suspension et dissolution et comptent déposer plaintes : « Que le
gouvernement prenne ses responsabilités sinon on va prendre des dispositions
contre ces gens-là !». La chaîne a, également, recueilli le témoignage
de chedly Fareh, syndicaliste et membre d’El Joumhoury agressé par ces adeptes
de la manière forte. Est-ce, ainsi, qu’on protège la révolution ? Moncef
Mouelhi est, lui, un jeune issu d’El
Hrairiya, il raconte qu’il a été accusé par ceux là même qui faisaient des
rapports sur les jeunes du quartier qui sortaient des rangs, du temps de
l’ancien régime. «Mais au moins, avant, ils ne nous violentaient pas, faudrait-il,
un jour, qu’on achète la liberté d’expression ? ». «Le gouvernement
est-il incapable de mettre fin à de pareils agissements ou se montre-t-il
tolérant à l’égard de ces factions dont le rôle est de provoquer et intimider,
citoyens et partis, opposants à la Troika ?» Une question posée par un
des témoins et à laquelle M. Alaya Allani,
analyste politique, a répondu sur Hannibal-Tv, «j’ai l’impression que ces
ligues se placent au dessus du gouvernement lui-même. D’où la nécessité de les
dissoudre, car il faudrait que tout le monde sache qu’on ne peut aller à des
élections démocratiques en adoubant de pareilles ligues qui prônent la violence
politique». Voilà qui est bien dit.
S.D.
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