Avons-nous la tête à fêter la révolution ?
Si à Sidi Bouzid, on a fêté, samedi dernier, le premier anniversaire du déclenchement de la révolution survenue le 17 décembre 2010, il en fut autrement ce jour là à Tunis, où un groupe de manifestants baptisé «Beni Watani» a organisé ce qu’il a appelé «la marche du silence» estimant que «ce n’est nullement le moment de faire la fête, vu tout les problèmes politique et économique que connait le pays». Ce sont là des séquences diffusées dans le dernier numéro de Bila Moujamala sur Hannibal-TV. Pourquoi de telles positions antagonistes ? Quand donc tous les tunisiens comméreront-ils ensemble, du Nord au Sud, la révolution de la liberté et de la dignité que tout le monde admire. Rappelons-nous : Malgré tous les problèmes que nous connaissons, aujourd’hui, la révolution a été une vraie épopée tant certaines de ses images et séquences épiques rappellent celles véhiculées par les plus grands films ayant traités des révolutions tels La grève et Le Cuirassé Potemkine de l’inégalable S.M. Eisenstein.
D’où vient alors cette inquiétude, voire ce défaitisme ? Il faut dire que ce qui se passe actuellement sur la scène politique façon «querelles de bouffons» et «querelles des anciens et des modernes» n’incite guère à l’optimisme. Car mettre deux mois depuis les élections de l’Assemblée constituante pour constituer, enfin, un gouvernement, de surcroît pléthorique, n’envoie pas des signaux positifs et n’est pas pour rassurer surtout que les élections du 23 octobre, tout le monde le sait, ont pour objectif premier de rédiger la nouvelle Constitution dans un délai ne dépassant pas une année.
Quelles sont les autres raisons qui font qu’une bonne partie des tunisien(enne)s n’ont pas la tête à fêter «bruyamment» la révolution ? En voici une bonne poignée : aucune enquête officielle n’est venue éclairer le peuple sur ce qui s’est réellement passé pendant la révolution ainsi que la journée du 14 janvier pour que jaillisse, enfin, la vérité ou n’en serait-ce qu’une partie, les martyrs et les blessés de la révolution n’ont pas encore obtenu justice, le chômage s’accroît, la pauvreté s’étend et le coût de la vie augmente. Sans compter que le comportement extrémisme des uns ne fait pas le bonheur des autres d’autant que les premières victimes en sont les femmes de plus en plus inquiètes pour leur liberté et leur statut dans la société, donc leur avenir.
Autre raison capitale : le glissement progressif vers le refus de l’opinion et du point de vue différents, autrement dit du déni de la démocratie. A preuve, les débats radiophonique et télévisuel tournent le plus souvent à la foire d’empoigne et la tendance de certains membres de la Troïka au pouvoir à exiger de l’opposition, de manière quasi récurrente «une critique constructive». Voilà qui ranime en nous de mauvais souvenirs, car c’est là la sempiternelle réplique de l’ancienne dictature que nous espérons, une fois par toute, révolue. Ou alors doit-on déchanter ?
Enfin, il n’y a pas de quoi tranquilliser les esprits non plus quand, dans l’une des rubriques de l’émission Bila Moujamala on évoqua l’agression de la Troupe de musique El Manajem par un groupe de 60 Salafistes qui l’ont empêché de donner le concert prévue à la Maison de la Culture de Meknessy, pour fêter le déclenchement de la révolution. Pis, les attaquants ont agressé le public, faisant même des blessés, ont saccagé la salle et ont brisé les instruments de musique. Tout ça sans que personne parmi les dirigeants et membres de la Troïka, désormais au pouvoir, ne pipe mot ni ne réprouve ce genre de comportement et cette guerre déclarée à l’art et à la culture. Se peut-il qu’on laisse faire à ce point ? Où allons-nous ? Pourquoi personne n’intervient, entre forces de l’ordre et politiques, pour mettre, définitivement, fin à de tels actes ? Est-ce que les maisons de la Culture et les temples de l’art ne sont plus gardés et sécurisés ? Voilà un chapelet de questions qui nécessite réponse de la part des nouveaux responsables à la tête du pays. Wait and see.
S.D.
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