mercredi 7 décembre 2011

La parole aux constituants
Comment les membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC) ont-ils réagi à l’ordre du jour de la séance matinale?
Comment ont-ils réagi à l’article 5 relatif à la publication d’un communiqué fixant les conditions de la candidature à la présidence de la République?
Comment conçoivent-ils l’équilibre entre les deux présidences (gouvernement et République) de manière à ce que l’une ne domine pas l’autre et n’empiète pas sur ses compétences?
La Presse a donné la parole à plusieurs constituants ou membres de la Constituante et autres membres de la société civile.
Témoignages.


M. Moncef Marzouki (CPR) : «Je suis satisfait de tous les accords conclus par la coalition»
A une question de La Presse de savoir s’il est satisfait des prérogatives que lui confère le projet de la «petite Constitution» régissant le pouvoir présidentiel, M. Moncef Marzouki a répondu : «Je suis satisfait de tous les accords conclus par la coalition entre Ennahdha, le CPR et Ettakatol, donc des prérogatives du président de la République». Concernant tous les problèmes explosifs que vit le pays, le représentant du CPR et candidat à la présidence affirme: «Je suis conscient de tous les problèmes que vit le peuple et j’espère que tout rentrera dans l’ordre le plus vite possible».

Mme Maya Jeribi (PDP) : «Non à la précipitation»
«La discussion au cours de la séance matinale a eu lieu autour de trois points : le premier point concerne l’article 5 qui stipule qu’avant de voter tout le projet, on publie un communiqué annonçant l’ouverture des candidatures au poste de la présidence. Nous avons exprimé tout notre étonnement face à cette précipitation. Le deuxième point concerne l’importance de ce projet de loi dont on va débattre et où quelques articles stipulent qu’il doit être voté à la majorité absolue. Dès lors qu’il s’agit d’une “petite Constitution” régissant les pouvoirs publics pendant la phase transitoire, on ne comprend pas pourquoi elle n’est pas votée aux 2/3 des membres de la Constituante mais seulement à la majorité absolue 50+1. Le troisième point concerne la demande de reporter la discussion du projet de quelques heures pour permettre aux élus qui n’ont pas reçu le texte, la veille, de l’étudier en profondeur par souci d’égalité et d’équité et de respect des représentants du peuple. Malheureusement, la coalition semble pressée de soumettre son projet pour discussion, vote et adoption».

M. Néjib Chebbi (PDP) : «On aurait pu débattre de la situation sociale explosive»
«Nous avons voté en faveur du report de la discussion du projet de la petite Constitution parce qu’un grand nombre de constituants venus de Gafsa, Tataouine et autres régions lointaines du pays n’ont pas lu le texte qu’ils n’ont reçu que ce matin.
Donc il fallait reporter le délai de discussion d’au moins 24 heures. Ce qui n’est pas un retard énorme pour un texte organisant les pouvoirs politiques et publics. On aurait pu gagner du temps pour débattre de la situation sociale et économique explosive du pays.
Car si cette séance plénière avait été consacrée à débattre des problèmes du pays, le peuple aurait apprécié de voir ses représentants se soucier de lui, conscients de ce qu’il vit, mais notre proposition a été rejetée de manière démocratique, puisqu’il y a eu vote».

M. Noureddine B’hiri (Ennahdha) : «L’élection du président de la République au plus vite»
«A ceux qui affirment ne pas avoir lu le texte du projet, je réponds qu’un représentant du peuple n’est pas un fonctionnaire, mais un élu responsable. Et son devoir est d’être informé de tout ce qui se passe dans les commissions. Ces derniers jours quand il n’y avait pas de séances de travail, les représentants étaient là et toutes les formations étaient représentées dans les commissions.
Aujourd’hui, le peuple tunisien avec toutes ses composantes attend de ses élus qu’ils se mettent rapidement au travail afin de trouver des solutions aux problèmes économiques et sociaux qu’il vit. S’il ne tenait qu’à moi, je ferais en sorte que l’élection du président de la République se fasse au plus vite afin que le pays soit entre des mains sûres. Notre pays a besoin d’un gouvernement et d’institutions qui le représentent et se penchent désormais sur tous les problèmes socioéconomiques que connaît le pays».

M. Samir Taïeb (PDM) : «Tous les élus doivent être traités sur un pied d’égalité»
«Tout élu est le représentant du peuple et non pas celui de son parti. Nous sommes tous égaux, nous devons être tous traités de la même manière, sur un pied d’égalité. Est-ce que vous trouvez normal que certains constituants aient eu connaissance du texte du projet depuis hier, et d’autres non?. Alors que, en ce qui me concerne, j’étais à l’ANC, jusqu’à 19h00, sans pouvoir obtenir le texte en question. Est-ce que vous trouvez normal que les Constituants de Tunis aient eu accès au texte, tandis que leurs pairs des régions de l’intérieur ne l’aient pas eu ? On aurait dû organiser, depuis hier, une réunion pour étudier l’ordre du jour de la séance de ce mardi. Comment expliquez-vous que le président de la République transitoire, M. Foued Mebazaâ, ait réuni tous les représentants des partis qui se sont mis d’accord sur l’organisation et l’ordre du jour de la séance inaugurale de l’ANC tout en recevant les projets préparés par des experts, tandis que le président de l’ANC, M. Mustapha Ben Jaâfar, ne fasse pas de même ?.
Ce qui nous aurait épargné toute cette perte de temps. Il faut dire que la désorganisation a caractérisé cette séance matinale et c’est le président de l’ANC qui en est responsable».

Mme Rachida Neïfer (universitaire spécialiste en droit constitutionnel et vice-présidente du Centre de Tunis de droit constitutionnel) : «La petite Constitution influencera les futurs choix de l’ANC»
«Il y a une grande différence entre l’urgence et la précipitation. C’est vrai que la situation dans le pays est urgente et qu’on a besoin de lois organisant les pouvoirs publics pour remettre le pays sur pied; seulement il aurait fallu laisser le temps aux membres pour présenter un texte qui assure l’équilibre des pouvoirs de manière à ce qu’aucune composante de ce pouvoir ne domine les autres. Mais il faudrait aussi mettre en place des dispositifs qui empêchent la paralysie du fonctionnement des pouvoirs publics. Ce qui nécessite une discussion certes rapide mais profonde du projet soumis aux représentants du peuple.
Le report de 24 heures de la discussion du projet aurai été une bonne chose. Le peuple a attendu presqu’une année, il peut attendre 24 heures de plus. Car ce projet est un texte fondamental pour la transition démocratique et c’est pour cela qu’on l’appelle une petite Constitution. L’expérience dans le passé a montré que le régime adopté par la Constituante de 1959 était largement influencé par le texte organisant les pouvoirs publics du 21 septembre 1955. Cela veut dire que l’actuel projet de loi organisant les pouvoirs publics, une fois adopté, va influencer les futurs choix de l’ANC».

M. Mohamed Bennour (porte-parole d’Ettakatol) : «Pour un gouvernement dans les plus brefs délais»

«Le pays est en panne, l’économie doit être relancée, les attentes du peuple sont énormes. Tout le monde, maintenant, doit apporter sa contribution pour remettre le pays et toutes ses institutions en marche. Afin qu’un gouvernement se forme dans les plus brefs délais, chacun doit prendre ses responsabilités. Après une année de discussions, de dialogue et de palabres, il est temps de se remettre au travail. Mais il n’empêche que la société civile et les médias devraient être éveillés et vigilants. Aucune démission n’est permise pour contrôler ce qui se passe au sein de l’hémicycle. Tout le monde doit apporter sa contribution pour rédiger une Constitution qui réponde aux aspirations de ce bon peuple, artisan d’une révolution qui a fait honneur non seulement à la Tunisie, mais au monde entier».
Propos recueillis Par Samira DAMI

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