RETROVISION 17 février
Besma Belaïd : la force tranquille
Les téléspectateurs
l’ont découverte après l’assassinat de Chokri Belaïd : Besma Khalfaoui Belaïd
incarne cette force tranquille de plus en plus rare de nos jours dans un pays
où les crises de nerfs, les tensions et la violence, en tous genres, sont devenues
notre pain quotidien.
Cette dame-courage,
si sereine, si stoïque face à l’épreuve de la mort et de la perte d’un être
cher, le compagnon d’une tranche de vie qui, plus est, est l’une des figures
les plus marquantes de l’opposition. Leader charismatique de l’extrême gauche,
il était l’une des voix les plus courageuses et les plus libres du pays.
Un orateur hors pair,
défenseur des pauvres et des opprimés, dont les seuls credo étaient : la
liberté, la justice sociale, les Droits de l’homme, le dialogue ainsi que le
refus de la violence politique, l’extrémisme et l’obscurantisme.
Or, justement, Chokri
Belaïd, dans la Tunisie actuelle, marquée par la violence et la tension, a été
victime de ses idées que sa femme, avec toute la détermination du monde, a juré
de défendre jusqu’au bout, en poursuivant le combat qu’il a entamé.
Paroles d’avocate
doublée d’une militante discrète, fuyant la célébrité et les médias, agissant
en arrière-plan, derrière son époux. Mais ne dit-on pas que «derrière chaque
grand homme il y a une femme». Et le plus souvent «une grande femme», ce qui
est bien le cas ici. Puisque aux premiers instantanés et séquences diffusés par
les médias et Internet, le monde entier découvre un visage, certes marqué
par la douleur et la détresse, mais ô combien amène, serein et empreint de
détermination.
Mais d’où lui vient cette force, quand d’autres, femmes ou hommes, auraient
été effondrés par un pareil malheur? «C’est
de l"amour des gens et de la force du martyr que je tire la mienne», a-t-elle
répondu à un animateur qui lui a posé la question.
Les scènes et images
reflétant, justement, cette force tranquille sont nombreuses : quand elle
brandit le V de la Victoire sur l’Avenue Habib Bourguiba, au moment où
l’ambulance, transportant la dépouille de son mari, passe devant le ministère
de l’Intérieur.
Quand elle appelle au
calme la marée humaine qui a accompagné le martyr à sa dernière demeure et qu’à
la vue des centaines de milliers de personnes accourues spontanément à ces
obsèques nationales, elle commente : «Qu’ils
sont beaux les Tunisiens!».
Des funérailles historiques qui ont généré tant d’images fortes dont l’une si significative :
rarement on a vu des femmes assister en si grand nombre ou assister tout court
à des obséques fussent-elles nationales. Les seules exceptions étant celles
de Moncef Bey, Farhat Hached et Bourguiba.
Tout ce beau monde,
frappé par ce drame, éploré, triste et en larmes, s’est déplacé pour
dire non à l’assassinat et à la violence politiques, pour dire non à l’extrémisme,
au wahhabisme que le martyr, symbole du militantisme sincère et de la parole
libre, a tant de fois fustigé et dénoncé sur les plateaux de télé, appelant au
dialogue et à la tenue d’un congrès national contre l’assassinat politique : «Une ligne rouge», ne
cessait-il de répéter.
Autre image marquante
: quand malgré les provocations des casseurs manipulés, les heurts, les
violences, les gaz lacrymogènes, les voitures incendiées et autres forfaits
pour entacher les funérailles, la foule a résisté pour mieux marquer son refus
des actes de violence, tout en manifestant sa colère contre le gouvernement et
les assassins de Chokri Belaïd.
Et cette image de la
petite Neïrouz, âgée de 8 ans, le regard aussi vif et intelligent que celui de
son père, fait preuve du même courage et bon sens que ses parents, en déclarant
devant la caméra: «Mon père a
vécu militant, il est mort en héros».
Et cette scène où
dans un élan de compassion et de solidarité, Besma Khalfaoui rend visite à la
veuve de l’agent de sécurité Lotfi Zar, tué le même jour que Chokri Belaïd, en
accomplissant son devoir de protection de la Tunisie face aux casseurs. Un
geste qu’elle qualifie de «réconciliateur» et «d’unificateur» contre la violence d’où qu’elle
vienne.
Enfin, cette séquence
où elle se rend devant l’Assemblée nationale pour protester contre l’échec du
gouvernement à arrêter la violence et à assurer la protection de son mari,
appelant ainsi à sa démission.
Voilà des images et
des séquences éloquentes qui ont fait le tour du monde et dont on devrait
normalement tirer les leçons. Mais est-ce le cas jusqu’ici?
Au final, on ne peut
que souhaiter bon vent à Besma Khalfaoui et à ses camarades du Parti des
patriotes démocratiques unifié pour la suite du combat.
Bon vent!
S.D.
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