dimanche 24 février 2013


RETROVISION 17 février
Besma Belaïd : la force tranquille

Les téléspectateurs l’ont découverte après l’assassinat de Chokri Belaïd : Besma Khalfaoui Belaïd incarne cette force tranquille de plus en plus rare de nos jours dans un pays où les crises de nerfs, les tensions et la violence, en tous genres, sont devenues notre pain quotidien.
Cette dame-courage, si sereine, si stoïque face à l’épreuve de la mort et de la perte d’un être cher, le compagnon d’une tranche de vie qui, plus est, est l’une des figures les plus marquantes de l’opposition. Leader charismatique de l’extrême gauche, il était l’une des voix les plus courageuses et les plus libres du pays.
Un orateur hors pair, défenseur des pauvres et des opprimés, dont les seuls credo étaient : la liberté, la justice sociale, les Droits de l’homme, le dialogue ainsi que le refus de la violence politique, l’extrémisme et l’obscurantisme.
Or, justement, Chokri Belaïd, dans la Tunisie actuelle, marquée par la violence et la tension, a été victime de ses idées que sa femme, avec toute la détermination du monde, a juré de défendre jusqu’au bout, en poursuivant le combat qu’il a entamé.
Paroles d’avocate doublée d’une militante discrète, fuyant la célébrité et les médias, agissant en arrière-plan, derrière son époux. Mais ne dit-on pas que «derrière chaque grand homme il y a une femme». Et le plus souvent «une grande femme», ce qui est bien le cas ici. Puisque aux premiers instantanés et séquences diffusés par les médias et Internet, le monde entier découvre un visage,  certes marqué par la douleur et la détresse, mais ô combien amène, serein et empreint de détermination.
Mais d’où lui vient cette force, quand d’autres, femmes ou hommes, auraient été effondrés par un pareil malheur? «C’est de l"amour des gens et de la force du martyr que je tire la mienne», a-t-elle répondu à un animateur qui lui a posé la question.
Les scènes et images reflétant, justement, cette force tranquille sont nombreuses : quand elle brandit le V de la Victoire sur l’Avenue Habib Bourguiba, au moment où l’ambulance, transportant la dépouille de son mari, passe devant le ministère de l’Intérieur.
Quand elle appelle au calme la marée humaine qui a accompagné le martyr à sa dernière demeure et qu’à la vue des centaines de milliers de personnes accourues spontanément à ces obsèques nationales, elle commente : «Qu’ils sont beaux les Tunisiens!».
Des funérailles historiques qui ont généré tant d’images fortes dont l’une si significative : rarement on a vu des femmes assister en si grand nombre ou assister tout court à des obséques fussent-elles nationales. Les seules exceptions étant celles de Moncef Bey, Farhat Hached et  Bourguiba.
Tout ce beau monde, frappé par ce drame, éploré, triste et en larmes, s’est déplacé pour dire non à l’assassinat et à la violence politiques, pour dire non à l’extrémisme, au wahhabisme  que le martyr, symbole du militantisme sincère et de la parole libre, a tant de fois fustigé et dénoncé sur les plateaux de télé, appelant au dialogue et à la tenue d’un congrès national contre l’assassinat politique : «Une ligne rouge», ne cessait-il de répéter.
Autre image marquante : quand malgré les provocations des casseurs manipulés, les heurts, les violences, les gaz lacrymogènes, les voitures incendiées et autres forfaits pour entacher les funérailles, la foule a résisté pour mieux marquer son refus des actes de violence, tout en manifestant sa colère contre le gouvernement et les assassins de Chokri Belaïd.
Et cette image de la petite Neïrouz, âgée de 8 ans, le regard aussi vif et intelligent que celui de son père, fait preuve du même courage et bon sens que ses parents, en déclarant devant la caméra: «Mon père a vécu militant, il est mort en héros».
Et cette scène où dans un élan de compassion et de solidarité, Besma Khalfaoui rend visite à la veuve de l’agent de sécurité Lotfi Zar, tué le même jour que Chokri Belaïd, en accomplissant son devoir de protection de la Tunisie face aux casseurs. Un geste qu’elle qualifie de «réconciliateur» et «d’unificateur» contre la violence d’où qu’elle vienne.
Enfin, cette séquence où elle se rend devant l’Assemblée nationale pour protester contre l’échec du gouvernement à arrêter la violence et à assurer la protection de son mari, appelant ainsi à  sa démission.
Voilà des images et des séquences éloquentes qui ont fait le tour du monde et dont on devrait normalement tirer les leçons. Mais est-ce le cas jusqu’ici?
Au final, on ne peut que souhaiter bon vent à Besma Khalfaoui et à ses camarades du Parti des patriotes démocratiques unifié pour la suite du combat.
Bon vent!

S.D.

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