RETRO 10 Février
L’assassinat de Chokri Belaid
Ils ne tairont pas les voix de la liberté
Le mercredi 6 février la Tunisie s’est réveillée sur la
tragique nouvelle de l’assassinat du militant Chokri Belaid, secrétaire général
du parti des patriotes démocrates unifié et l’un des chefs charismatiques du
Front Populaire. Une bonne vingtaine de minutes après, l’information commence à
circuler sur les réseaux sociaux et à être annoncée par les médias audiovisuels
d’ici et d’ailleurs.
Les radios locales se focalisent sur ce meurtre tragique, minute par minute.
Mais il faudra attendre les infos de 13 heures pour que la chaîne El Watania
annonce le drame alors que les satellitaires internationales l’ont fait depuis
quatre bonnes heures. Il n’empêche que durant l’après midi et la soirée les
principales chaînes locales ont consacré leur programme au meurtre lâche et
infâme du militant de gauche qui s’est engagé depuis sa prime jeunesse dans un
long combat pour la liberté, la dignité, les droits de l’homme et la
démocratie.
Au menu :
débats, témoignages et reportages sur les heurts qui se sont déroulés devant le
ministère de l’intérieur, à l’avenue Bourguiba, entre les manifestants et les
forces de l’ordre qui ont eu l’ordre de les empêcher de passer en utilisant des
gaz lacrymogène. Pourtant les
manifestants rendaient un dernier hommage au disparu en accompagnant le convoi
transportant la dépouille du martyr. Ce qui a fait dire à une vieille dame
voilée très en colère sur El Hiwar Ettounssi : «Ceux qui use de gaz lacrymogène sur une dépouille n’est pas musulman», une autre
renchérit : «assassiner une personne aussi proche du peuple quasiment devant
sa femme et ses enfants est horrible. Nous avons cohabité avec les Italiens,
les Français, les juifs, mais on n’a jamais vu une telle haine et cet assassinat
perpétré, de surcroît, par des tunisiens,
ce doigt avec lequel j’ai voté pour Ennahdha, je voudrais le couper».
Les slogans lancés
dont le fameux «Dégage» et autre tel : «Non à Ghannouchi» et
la vue des séquences de milliers de manifestants dispersés par les Bop, dans un
mouvement de flux et reflux rappellent la journée historique du 14 janvier. Des
scènes semblables d’affrontements entre les manifestants et les forces de
sécurité se sont répétées dans plusieurs gouvernorats du pays et ont été
diffusés par la plupart des chaînes locales exprimant, ainsi, le cri du cœur
des citoyens et leur ras le bol de la situation politique, sociale et économique
qui prévaut dans le pays : «Celui qui tue ne connait pas Dieu» lance un vieil homme, une jeune
femme en larmes éplorée s’écrie : «Je pleure la Tunisie, je pleure les militants qui ont tant milité et
qu’on assassine devant leur domicile, aujourd’hui c’est Chokri, demain c’est
Hamma Hammami, après demain c’est Maya
Jeribi, de son côté un jeune homme au bord de la crise de nerfs
s’enflamme : « Vous les gens d’Ennahdha , laissez nous vivre,
laissez la Tunisie en paix, vous avez divisé le pays».
Bref, ce qui ressort en substance des débats sur les
plateaux de radio et de télés auxquels ont participé des hommes politiques, des
Constituants et autres activistes, choqués et ébranlés par le meurtre du
militant Chokri Belaid, est que les raisons de cet assassinat et de la violence
politique qui s’amplifie dans nos murs, ne sont autres que l’incitation et les
appels à la haine en toute impunité. Il est vrai qu’on a bien vu une vidéo
montrant un Imam à Zarzis traiter Chokri Belaid et Ahmed Néjib Chebbi de
mécréants appelant carrément à les liquider. Mais y a-t-il eu une réaction de la part des autorités et du
gouvernement à cette incitation au meurtre ? Non bien sûr.
Disons, pour notre part, que mis à part les mosquées, les
plateaux de télé, notamment, ne sont pas dénués de violence verbale surtout que
certains participants en sont presque venus aux mains, rappelez-vous Bahri
Jelassi sur Ettounssia et Tunisna. Les agressions desdites ligues de protection
de la révolution : le meurtre de Lotfi Nagdh, les attaques des locaux de
l’Ugtt et de certains partis sont restés impunis. Et ces faux prédicateurs
wahhabites qui appellent à la destruction
de mausolées millénaires dont déjà plus de 40 ont été saccagés ! Sans
compter les enquêtes sur les événements du 9 avril, les agressions d’hommes
politiques, d’artistes et de journalistes et autres forfaits dont l’appel au
meurtre de Béji Caid Essebssi, sont demeurées sans suite. Pis, le militant
disparu savait qu’il était visé et avait même déclaré dans une dernière
intervention sur Nessma-Tv que «Le communiqué final du conseil de la Choura
d’Ennahdha qui soutenait et réclamait la liberté pour les personnes impliquées
dans l’assassinat de Lotfi Nagdh représentait une «Caution » pour les
groupes terroristes et un «feu
vert » donné aux tueurs et aux agresseurs».
Mais, le meurtre du secrétaire général du Pdpu, que certains
ont comparé à celui de l’immense Farhat Hached, a eu un effet contraire à celui
escompté, car non seulement ces assassins, ces terroristes et leurs
commanditaires qui servent l’obscurantisme et ses forces occultes n’ont pas
réussi à semer la peur et la panique dans les esprits des opposants mais ont plutôt
réussi, par leur acte vil et honteux, à immortaliser Chokri Belaid en tant que
figure du militantisme tunisien.
Le macabre message des commanditaires du crime n’aura pas
réussi à faire taire les voix de la liberté des téméraires militants de tous bords, lesquelles continueront à creuser le sillon de la démocratie, que nous voulons voir naître, coûte que coûte,
sous nos cieux. Mais à condition que les caches d’armes soient débusquées, que
les ligues de protection de la révolution soient dissoutes afin de pouvoir entamer,
sans violence, un vrai processus qui nous mènera à bon port aux prochaines
élections.
Ceux qui n’acceptent pas le dialogue et le débat d’idées et
préfère utiliser la force, la violence et le terrorisme qu’ils retournent d’où
ils sont venus. Car, la violence, le terrorisme et l’obscurantisme ne font pas
partie de nos habitudes. Faut-il attendre un meilleur sort pour le pays ?
Si oui on peut dire que la mort de Chokri Belaid y aura largement contribué.
Disons, enfin, que tous ces débats, reportages et
témoignages ont été d’une bonne teneur et que c’est là le résultat d’un
traitement de l’information en toute
liberté.
S.D.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire