dimanche 24 février 2013


RETRO 10 Février

L’assassinat de Chokri Belaid
Ils ne tairont pas les voix de la liberté

Le mercredi 6 février la Tunisie s’est réveillée sur la tragique nouvelle de l’assassinat du militant Chokri Belaid, secrétaire général du parti des patriotes démocrates unifié et l’un des chefs charismatiques du Front Populaire. Une bonne vingtaine de minutes après, l’information commence à circuler sur les réseaux sociaux et à être annoncée par les médias audiovisuels  d’ici et d’ailleurs.
Les radios locales se focalisent  sur ce meurtre tragique, minute par minute. Mais il faudra attendre les infos de 13 heures pour que la chaîne El Watania annonce le drame alors que les satellitaires internationales l’ont fait depuis quatre bonnes heures. Il n’empêche que durant l’après midi et la soirée les principales chaînes locales ont consacré leur programme au meurtre lâche et infâme du militant de gauche qui s’est engagé depuis sa prime jeunesse dans un long combat pour la liberté, la dignité, les droits de l’homme et la démocratie.
Au menu : débats, témoignages et reportages sur les heurts qui se sont déroulés devant le ministère de l’intérieur, à l’avenue Bourguiba, entre les manifestants et les forces de l’ordre qui ont eu l’ordre de les empêcher de passer en utilisant des  gaz lacrymogène. Pourtant les manifestants rendaient un dernier hommage au disparu en accompagnant le convoi transportant la dépouille du martyr. Ce qui a fait dire à une vieille dame voilée très en colère sur El Hiwar Ettounssi : «Ceux qui use de  gaz lacrymogène sur une  dépouille n’est pas musulman», une autre renchérit : «assassiner une personne aussi proche du peuple quasiment devant sa femme et ses enfants est horrible. Nous avons cohabité avec les Italiens, les Français, les juifs, mais on n’a jamais vu une telle haine et cet assassinat perpétré, de surcroît,  par des tunisiens, ce doigt avec lequel j’ai voté pour Ennahdha, je voudrais le couper».
 Les slogans lancés dont le fameux «Dégage» et autre tel : «Non à Ghannouchi» et la vue des séquences de milliers de manifestants dispersés par les Bop, dans un mouvement de flux et reflux rappellent la journée historique du 14 janvier. Des scènes semblables d’affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité se sont répétées dans plusieurs gouvernorats du pays et ont été diffusés par la plupart des chaînes locales exprimant, ainsi, le cri du cœur des citoyens et leur ras le bol de la situation politique, sociale et économique qui prévaut dans le pays : «Celui qui tue ne connait  pas Dieu» lance un vieil homme, une jeune femme en larmes éplorée s’écrie : «Je pleure la Tunisie, je pleure les militants qui ont tant milité et qu’on assassine devant leur domicile, aujourd’hui c’est Chokri, demain c’est Hamma Hammami, après demain c’est  Maya Jeribi, de son côté un jeune homme au bord de la crise de nerfs s’enflamme : « Vous les gens d’Ennahdha , laissez nous vivre, laissez la Tunisie en paix, vous avez divisé le pays».
Bref, ce qui ressort en substance des débats sur les plateaux de radio et de télés auxquels ont participé des hommes politiques, des Constituants et autres activistes, choqués et ébranlés par le meurtre du militant Chokri Belaid, est que les raisons de cet assassinat et de la violence politique qui s’amplifie dans nos murs, ne sont autres que l’incitation et les appels à la haine en toute impunité. Il est vrai qu’on a bien vu une vidéo montrant un Imam à Zarzis traiter Chokri Belaid et Ahmed Néjib Chebbi de mécréants appelant carrément à les liquider. Mais y a-t-il eu  une réaction de la part des autorités et du gouvernement à cette incitation au meurtre ? Non bien sûr.
Disons, pour notre part, que mis à part les mosquées, les plateaux de télé, notamment, ne sont pas dénués de violence verbale surtout que certains participants en sont presque venus aux mains, rappelez-vous Bahri Jelassi sur Ettounssia et Tunisna. Les agressions desdites ligues de protection de la révolution : le meurtre de Lotfi Nagdh, les attaques des locaux de l’Ugtt et de certains partis sont restés impunis. Et ces faux prédicateurs wahhabites qui appellent  à la destruction de mausolées millénaires dont déjà plus de 40 ont été saccagés ! Sans compter les enquêtes sur les événements du 9 avril, les agressions d’hommes politiques, d’artistes et de journalistes et autres forfaits dont l’appel au meurtre de Béji Caid Essebssi, sont demeurées sans suite. Pis, le militant disparu savait qu’il était visé et avait même déclaré dans une dernière intervention sur Nessma-Tv que «Le communiqué final du conseil de la Choura d’Ennahdha qui soutenait et réclamait la liberté pour les personnes impliquées dans l’assassinat de Lotfi Nagdh représentait une «Caution » pour les groupes terroristes et un  «feu vert » donné aux tueurs et aux agresseurs».
Mais, le meurtre du secrétaire général du Pdpu, que certains ont comparé à celui de l’immense Farhat Hached, a eu un effet contraire à celui escompté, car non seulement ces assassins, ces terroristes et leurs commanditaires qui servent l’obscurantisme et ses forces occultes n’ont pas réussi à semer la peur et la panique dans les esprits des opposants mais ont plutôt réussi, par leur acte vil et honteux, à immortaliser Chokri Belaid en tant que figure du militantisme tunisien.
Le macabre message des commanditaires du crime n’aura pas réussi à faire taire les voix de la liberté des téméraires  militants de tous bords, lesquelles  continueront à creuser le sillon de la démocratie,  que nous voulons voir naître, coûte que coûte, sous nos cieux. Mais à condition que les caches d’armes soient débusquées, que les ligues de protection de la révolution soient dissoutes afin de pouvoir entamer, sans violence, un vrai processus qui nous mènera à bon port aux prochaines élections.
Ceux qui n’acceptent pas le dialogue et le débat d’idées et préfère utiliser la force, la violence et le terrorisme qu’ils retournent d’où ils sont venus. Car, la violence, le terrorisme et l’obscurantisme ne font pas partie de nos habitudes. Faut-il attendre un meilleur sort pour le pays ? Si oui on peut dire que la mort de Chokri Belaid y aura largement  contribué.
Disons, enfin, que tous ces débats, reportages et témoignages ont été d’une bonne teneur et que c’est là le résultat d’un traitement  de l’information en toute liberté.
S.D.

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