dimanche 24 février 2013


Assassinat de Chokri Belaïd

Conférence de presse du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu) : «Nous continuerons le combat»

 «C’est après-demain qu’auront lieu les funérailles du camarade martyr Chokri Belaïd, secrétaire général du Ppdu»,  a affirmé Mohamed Jmour, secrétaire général adjoint du Ppdu, lors de la conférence donnée  hier par les membres du Bureau politique du parti. Cela se passait au sein de son propre siège, devant un parterre  de journalistes tunisiens et étrangers ainsi qu’un grand nombre de  partisans touchés au vif et  endeuillés par l’assassinat de leur camarade, militant dès sa prime jeunesse, dans la lignée des  patriotes démocrates et connu pour son  courage et son franc-parler.
Concernant les auteurs de l’assassinat, Mohamed Jmour a affirmé «qu’il s’agit d’assassins professionnels qui l’ont surveillé et qui, selon le  chef du district de la sûreté d’El Menzah VI, sont venus à plusieurs reprises sur les lieux du crime.
Ils connaissaient ses habitudes et ses horaires. Les coups de feu ont été tirés à bout portant et sur des points vitaux du corps: la première balle a été tirée en plein  cœur, la deuxième a atteint le cou, la troisième la poitrine et la quatrième  l’épaule. Avouez que personne ne peut en sortir vivant. Sachez, en outre, que le commissariat de police n’était qu’à 150 mètres du domicile du camarade  martyr».
Mohamed Jmour a, également, indiqué que «Chokri Belaïd devait rencontrer, hier matin, le secrétaire général de l’Ugtt, Houcine Abassi, pour discuter de la situation du pays et réactiver la conférence sur le dialogue national et, donc, l’initiative de la Centrale syndicale.
Or, justement, lors de la conférence de presse organisée la veille par le Ppdu, le camarade Belaïd avait dénoncé la violence politique et les dangers qu’elle faisait courir au pays, appelant à l’organisation d’un congrès national réunissant tous les partis démocratiques qui refusent la violence, pour  lutter contre ce phénomène inadmissible et dangereux, dont il imputait la responsabilité à Ennahdha.
L’assassinat de notre camarade représente l’assassinat de toutes les valeurs et credo qu’il symbolise».

Une version des faits : une manœuvre

A une question de La Presse concernant les différentes versions livrées çà et là par certains témoins du crime, et notamment la version de la journaliste Nadia Daoud, alléguant que «le chauffeur du secrétaire général du Ppdu  pourrait être un complice des assassins, étant donné qu’il n’a montré aucune surprise, ayant affiché un grand sang-froid lors de l’assassinat», Mohamed Jmour a qualifié cette version «de manœuvre dont le but est encore une fois de travestir la vérité».
Et de préciser : «Le chauffeur du camarade Chokri Belaïd est un homme de confiance et nous n’avons aucun différend au sein de notre parti. Le chauffeur a été  surpris par les tirs et était sous le choc. Chokri Belaïd est  mort sur place. Il y avait beaucoup de sang à l’intérieur et à l’extérieur de la voiture».
Chokri Belaïd était visé, selon les membres du Bureau politique du Ppdu : «Nous avions avisé, à plusieurs reprises, le ministère de l’Intérieur qu’il existait une volonté maléfique de liquider notre camarade. Et plusieurs faits le prouvent: d’abord la campagne dans les mosquées, où de prétendus imams ont qualifié le camarade C. Belaïd de mécréant et d’apostat, déclarant son “sang licite”.
Il a reçu, ensuite, il y a quelques semaines, des menaces  au cours d’une conférence de presse à Amilcar. Nous avons avisé le ministre de l’Intérieur qui n’a pas donné suite, n’y accordant aucune importance, les prenant à la légère. Il a également reçu des menaces au Kef, quand des milices ont envahi la tribune avec l’intention de l’assassiner, ce qu’il n’a pas caché, loin de là».

«Ennahdha est derrière cet assassinat»

Ziad Lakhdar, membre du bureau politique du Ppdu, a, de son côté, fait remarquer que «le ministère de l’Intérieur et la présidence étaient au courant des menaces qui visaient Chokri Belaïd. C’est pourquoi nous imputons la responsabilité de son assassinat au ministre de l’Intérieur, Ali Laârayedh, et à Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha.
Pouvez-vous imaginer un seul instant que le ministre de l’Intérieur, en personne, ne soit pas au courant de l’assassinat. Je l’ai moi-même informé et il aurait dû, en principe, venir lui-même sur les lieux du crime, d’autant que Chokri Belaïd n’est pas un inconnu, c’est un militant, un symbole. Le ministre de l’Intérieur ne l’a pas fait et n’a pas bougé. Ce qui confirme qu’il prend à la légère et n’accorde aucune importance à ce crime horrible et horrifiant, affichant ainsi son mépris pour notre camarade.
Vous avez vu par vous-même, aujourd’hui, que la manifestation qui a eu lieu  spontanément à l’avenue Habib-Bourguiba était pacifique. Or le ministère de l’Intérieur a attendu le passage de la dépouille du martyr, transporté dans une ambulance, pour donner l’ordre de tirer des bombes lacrymogènes. Vous voyez donc l’étendue de l’inimitié envers Chokri Belaïd et le rejet de l’opinion différente.
Aujourd’hui, Chokri Belaïd, qui a milité au sein du Parti des patriotes  démocrates unifié, qui luttait aussi bien contre le Parti socialiste destourien (PSD) au pouvoir contre les Frères musulmans, est assassiné par ces derniers et rejoint dans  l’au-delà Fadhel Sassi, l’un de nos autres martyrs assassiné par le PSD.
Assassiner, tuer, n’est pas étranger aux Frères musulmans, voyez l’histoire de l’Egypte et les horribles liquidations politiques.
Chokri Belaïd était un adversaire coriace qu’il fallait faire taire. Or, il était en train d’écrire un document pour la construction de notre propre parti et d’un parti de gauche unifié en Tunisie. Il est mort de la mort des grands.
Le président du Ppdu ne voulait en fait que la réalisation des objectifs de la révolution».

Nous voulons une enquête internationale
A une question sur le portrait de l’assassin, Mohamed Jmour a affirmé que «les auteurs du crime étaient au nombre de deux : l’un attendait sur une moto, l’autre a tiré, et selon le chef du district de la sûreté d’El Menzah VI, la police a connaissance de certains traits du tireur.
Quant à l’enquête sur l’assassinat de notre camarade martyr, nous n’avons aucune confiance en les ministères de l’Intérieur et de la Justice. Nous demandons donc la constitution d’une commission d’enquête internationale objective et neutre. Car cet Etat est sans souveraineté, surtout quand on voit lesdites ligues de protection de la révolution sévir en répandant la violence et les armes circuler dans le pays».
Mohsen Ben Hamed et Riadh El Fahem, également membres du bureau politique du Ppdu, ont pris la parole pour déclarer en substance : «Les funérailles de notre camarade Chokri Belaïd se dérouleront après-demain et seront accompagnées d’une grève générale, comme décidé  par plusieurs partis politiques dont El Joumhoury, Nida Tounès, El Massar, outre les deux jours de grève décidés par l’ensemble de la famille judiciaire, sans compter la suspension par les constituants du groupe démocratique de leur adhésion à l’ANC et l’union des efforts pour le départ de l’actuel gouvernement».
Et de conclure : «Vous ne nous faites pas peur. Bien au contraire, cet assassinat nous a unis encore davantage. Nous allons continuer notre combat et construire un parti de gauche unifié. Nous n’accepterons de condoléances qu’à l’heure où la Tunisie sera libre et réellement indépendante. Nous remercions tous ceux, vieux, jeunes, hommes, femmes, qui ont partagé spontanément notre malheur et notre deuil, mais soyons vigilants et prudents contre les casseurs et les semeurs de troubles».
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 07-02-2013

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