dimanche 24 février 2013

Profanation du Mémorial dédié à Chokri Belaid


 "Un rassemblement contre la violence et la barbarie"

«C’est lâche et criminel. Oser saccager et profaner un  mémorial en souvenir du martyr Chokri Belaïd, c’est l’assassiner une  seconde fois», lance une femme emmitouflée dans son manteau noir lors du rassemblement de protestation qui s’est tenu hier vers 18h00 à El Menzah VI. Cela s’est passé à la place où a été  assassiné le leader Chokri Belaïd et où a été érigée, à sa mémoire,  une sculpture en marbre réalisée par des artistes plasticiens.
Quelques centaines de personnes, entre citoyens, voisins, militants et politiques, ont défié le froid et la pluie pour venir  manifester leur colère et condamner cet acte qu’ils jugent «inqualifiable».
Disposée en cercle autour de bougies, des gerbes de fleurs qui ont été piétinées par des inconnus, la foule scande : «Emploi, liberté et dignité».
Prenant la parole, un militant du Ppdu (Parti des patriotes démocrates unifié) a condamné cet acte barbare indiquant que «les assassins de Chokri Belaïd recourent, encore une fois, au mépris de l’Etat, à la violence en profanant la sculpture commémorative dédiée à sa mémoire».
Il a enfin condamné cet acte  de vandalisme à travers lequel Chokri Belaïd a été assassiné une seconde fois. Basma Belaïd, qui se trouvait parmi la foule, a pour sa part déclaré que «les profanateurs du mémorial dédié à Chokri Belaïd sont dépourvus de toute humanité. En fait, les assassins qui le craignent autant mort que vivant lui envient l’amour des gens. Cet acte ne fait qu’ancrer davantage ma volonté et ma détermination à poursuivre l’action militante».
Abdelmajid Belaïd, frère du martyr, l’air triste et chagriné, ne comprend pas que des «humains» puissent s’attaquer à un  mémorial. Pourtant, dimanche dernier, 3.000 personnes parmi lesquelles des opposants et autres personnalités de la société  civile se sont rassemblées de  leur plein gré sur l’esplanade d’El Menzah VI, à l’initiative d’un groupe d’artistes, entre musiciens, hommes et femmes de théâtre, plasticiens, pour assister à la manifestation intitulée «A  qui profite le crime ?».
Tous exigeaient la vérité sur cet assassinat et sur les auteurs du crime. Tous ont rendu hommage au martyr à travers des chants, des discours, des dessins, des peintures et une sculpture installée vers 19h00 et profanée deux heures plus tard,  quand la place était dans l’obscurité totale et que des inconnus ont déplacé le socle et détruit la sculpture.

«Bientôt du nouveau sur l’assassinat de Chokri Belaïd»

Le frère du défunt commente cet acte lâche: «L’art invite à l’amour, Chokri prônait l’amour du prochain et l’union de tous les partis et citoyens pour l’échange et le dialogue. Or, ces assassins et profanateurs sont contre l’art et l’amour. Ils n’ont pas cette culture. Mais qu’à cela ne tienne, le syndicat des artistes plasticiens s’est engagé à réaliser une énorme sculpture qui sera installée à la place du martyr Chokri Belaïd».
D’ailleurs le syndicat a, dans un communiqué, exprimé «son rejet et sa ferme condamnation de tels actes qui témoignent encore une fois d’un nouvel épisode de la spirale de la violence ciblant les politiques, les artistes et les défenseurs des libertés».
Salah Zghidi, un des acteurs politiques les plus importants de la place, est venu lui aussi assister au rassemblement. Il raconte : «J’étais avec Basma Khalfaoui-Belaïd quand on a entendu la mauvaise nouvelle après 21h00. Cela m’a mis hors de moi. Peut-on descendra aussi bas ?
Comment des gens peuvent-ils en arriver à profaner une petite sculpture à la gloire d’un mort et  piétiner des gerbes de fleurs ? Certains ont dit que c’est un acte “lâche”, moi je dirai plutôt dégueulasse car on peut être lâche en politique, mais là c’est écœurant.
En voyant la scène de profanation commise par les obscurantistes, je me suis rappelé la Fatwa d’un mufti saoudien qui a interdit aux parents et proches qui visitent leur malade à l’hôpital d’offrir des fleurs, car d’abord cela relève de la culture occidentale et qu’ensuite les fleurs éloignent le malade de Dieu qu’il doit prier à tout instant.
Mais d’où sortent ces gens. On savait qu’il y avait des islamistes et des obscurantistes mais on ne savait pas qu’ils étaient capables de tels actes criminels».
Et d’ajouter concernant le rassemblement spontané pour condamner cet acte vil : «Je salue tout ce beau monde et toutes ces personnes scandalisées par cet acte ignoble et qui sont là pour rejeter toute violence et condamner la barbarie et l’obscurantisme. Il est maintenant capital d’agir pour que la vérité soit dévoilée et que le peuple sache qui est derrière l’assassinat infâme de Chokri Belaïd.
D’ailleurs, on envisage de constituer un comité pour connaître la vérité sur l’assassinat du martyr. Il sera composé de juristes, avocats, journalistes, défenseurs des droits de l’Homme et autres et nous ferons en sorte de faire pression sur les ministères de l’Intérieur et de la Justice et nous communiquerons au fur et à mesure les informations dont nous disposerons. L’opinion publique doit connaître la vérité car  13 jours après l’assassinat nous n’avons aucune information, alors que normalement, le ministère de l’Intérieur doit organiser chaque jour un point de presse sur ce meurtre».
Interrogé sur cette question, Abdelmajid Belaïd répond: «On nous a informés que très bientôt il y aura du nouveau. Espérons !».
On remarque d’ailleurs le même souci chez les participants;  plusieurs conversations tournent autour du retard accusé par l’enquête sur l’assassinat de Chokri Belaïd puisque  la vérité n’est pas près d’être dévoilée.
«C’est tragi-comique», commente une  femme qui ajoute: «On est tous là, on est fatigués, on est venus directement de notre travail, on a laissé nos enfants pour venir protester contre la violence politique et exprimer notre refus de voir davantage de sang couler dans notre pays».

 Précisions du ministère de l’Intérieur
Le ministère de l’Intérieur a décidé de mettre en place une patrouille de police permanente pour protéger le domicile de Besma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaïd, suite à la destruction dimanche soir de la sculpture érigée à sa mémoire sur les lieux où il a été assassiné.
Le porte-parole officiel du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, a déclaré, hier, à l’agence TAP que le ministère a chargé depuis quelques jours une patrouille de police mobile d’assurer la protection du domicile de Besma Khalfaoui, indiquant  que les agents de police ont inspecté hier les dégâts subis par la sculpture commémorative et procédé à l’ouverture d’une enquête pour dévoiler les auteurs de cet acte.
S’agissant du déroulement de l’enquête sur l’assassinat le 6 février 2013 de l’homme politique et opposant Chokri Belaïd, Khaled Tarrouche a indiqué que «l’enquête progresse pour découvrir les criminels».
Sur un autre plan, le porte-parole officiel du ministère de l’Intérieur a affirmé que le ministère a reçu de nombreuses demandes d’hommes politiques et de journalistes réclamant une protection, précisant que les moyens disponibles «ne permettent pas d’assurer une protection rapprochée à toute personne qui la demande sauf en cas de menaces sérieuses».
«Le ministère de l’Intérieur est en train d’examiner les demandes de protection et de vérifier la gravité des menaces», a-t-il noté, relevant que des unités sécuritaires assurent actuellement la protection de plusieurs acteurs politiques et journalistes.
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 19-02-2013

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