lundi 30 janvier 2012


Ils ont dit du film, des personnages et de la production

Mohamed Damak, réalisateur : Une peinture sociale sous la dictature



« Il s’agit d’une comédie sociale farcie d’humour noir, racontant l’histoire d’une famille tunisienne avant la révolution, à travers laquelle on découvre une peinture de la société sous la dictature. En fait, on peut dire qu’il s’agit de la continuité de Dar Ennass où l’on est dans une lutte permanente et perpétuelle de la classe moyenne. Nous continuons à faire un travail de mémoire pour comprendre comment fonctionnait la dictature qui représentait un comportement et un état d’esprit une mentalité . Je tiens à dire finalement que c’est le premier film auquel ne participe pas en tant que scénariste mon compagnon de route, Mohamed Mahfoudh, qui m’a accompagné dans tous mes courts métrages, L’Horoscope, La mort en face, La fiesta ».

Fethi Heddaoui, dans le rôle de Mustapha : Un personnage façon le roi Lear



 L’acteur évoque son personnage qui est central : «Mustapha est un homme d’affaire qui a commis une erreur banale et il la paye fortement, sans compter ses problèmes familiaux et sanitaire, c’est un personnage façon le roi Lear de par ses errances. «Mieux», il tombe amoureux d’une fille qui a l’âge de ses enfants. Mustapha incarne une tranche de l’histoire de la Tunisie non sans cette dimension humaine qui tend vers l’universel. C’est pour moi, en tout cas un nouveau genre de personnage que j’interprète, peut-être avec des recoupements avec d’autres que j’ai joué précédemment. Il représente la génération sous Bourguiba et Ben Ali, c’est un milliardaire opportuniste, on ne sait pas comment il est arrivé. Côté  forme on est en présence d’une comédie noire qui suppose une prise en charge très sérieuse».

Dirige-t-on Fethi Heddaoui avons -nous demandés à l’acteur ? Réponse : «Je vous signale que j’ai joué dans La Coupe, le premier long-métrage de Mohamed Damak. On se connaît, donc, une amitié est née entre nous d’autant que la direction d’acteur est un dialogue évolutif,puisque ensemble réalisateur et acteurs faisons monter la mayonnaise pour aboutir au meilleur. On essaie de favoriser une dialectique positive et constructive : «Les grands comédiens »ne discutent pas les personnages mais le projet, nous avons des discussions fructueuses  qui se déroulent dans une ambiance conviviale et rigoureuse. Ce qui me réjouit également c’est de voir une nouvelle génération d’acteurs et de techniciens sur le plateau, ce qui est très positif. Jeudi après midi viendra certainement enrichir la filmographie tunisienne et j’espère qu’il aura du succès auprès du public».



Sawssen Maâlej, dans le rôle de Monia

« Monia est la fille aînée de Mustapha, elle est très proche de son père, mais malgré les réticences de ce dernier elle a épousé par amour son collègue de fac, Brahim, un militant opposant au régime avec lequel s’établiront, au fil des ans, des rapports conflictuels, d’autant qu’ils n’appartiennent pas à la même classe sociale et que Brahim est demeuré un éternel étudiant au chômage. Le couple à la dérive et au bord du divorce est assisté financièrement par Mustapha, en dépit des efforts de Monia usée entre la maison, les enfants, les cours particuliers et les problèmes familiaux, puisqu’elle se sent  responsable vis-à-vis de son frère et de sa sœur qui vivent de leur côté toutes sortes de difficultés et d’aléas».

Qu’est-ce qui a séduit l’actrice la  poussant à jouer ce rôle ? «Ce qui m’a séduit dans le personnage, répond Sawssen Maâlej, c’est sa spécificité typiquement tunisienne, Monia représente le modèle bâtard de la femme moderne tiraillée entre plusieurs occupations et préoccupations. A mes yeux, ce personnage reflète l’échec du type de femme tunisienne tel qu’il a été bricolé sous Ben Ali, notamment».

Evoquant  le jeu et la direction d’acteur la comédienne apprécie l’esprit partageur qui règne sur le plateau : «On se connait tous pratiquement, ce qui génère une certaine générosité et solidarité entre tous les membres de l’équipe du film, car on ne se limite pas à faire son travail, chacun de son côté, de manière classique, mais on s’implique dans tout le film, chacun  apportant sa propre énergie et son petit grain de folie artistique. Concernant la direction d’acteur, le réalisateur privilégie l’échange et n’intellectualise pas du tout son propos filmique, il discute et accepte les propositions sans jouer au dictateur sur le plateau. J’essaye  de produire un jeu plus élaboré, plus évolué par rapport à ma première expérience avec Mohamed Damak  dans Dar Enness où l’instinctif et l’émotif à travers le jeu et les regards dominaient, mais là  dans Jeudi après- midi il y a un panel d’acting fort intéressant, ce qui décuple mon énergie artistique».


Najwa Slama, productrice (Digipro) : Les coûts de production ont augmenté en flèche

Elle est productrice, mais aussi réalisatrice, car après avoir été, depuis les années 80, 1ère assistante sur plusieurs films d’ici et d’ailleurs, elle a réalisé, au cours de la décennie 1990, des émissions hebdomadaires de cinéma et de musique à Canal Horizons ainsi que des spots publicitaires. A l’orée des années 2000 elle passe enfin, quoique tardivement, à la fiction, «car très perfectionniste», en réalisant en 2010 son premier court-métrage, Tiraillement, qui a raflé un bon lot de prix, six en tout, dans les festivals internationaux, notamment. Elle a également obtenu, cette année, une aide à l’écriture pour son premier long-métrage, Faouzi Mostari. Sa boîte de production Digipro , Najwa Slama l’a créé, il y a dix ans, offrant des prestations de service, de la postproduction et de la production exécutive aux films, feuilletons, pubs, émissions de télé (Des racines et des ailes et des séries avec la BBC-World) etc.

En tant que productrice de Jeudi après-midi elle avoue être une amie de longue date de Mohamed Damak qui lui a raconté le pitch du film  qu’elle a apprécié : «J’aime le style de ses films qui rappellent les  comédies à l’italienne, j’ai donc présenté le scénario à la commission d’aide à la production et j’ai obtenu une subvention de 450 milles dinars. Le budget estimatif du film étant de 1,4 millions de dinars, je suis bien loin du compte, mais outre mon propre apport, j’espère pouvoir compter, si tout va bien, sur celui de la  société de production syrienne, «Post-House», qui est de 250.000 dinars. Cela dans l’attente de la subvention de la télévision publique. J’ai pris le risque d’attaquer le tournage avec zéro millimes, car la première tranche de la subvention n’a  pas été débloquée, puisque l’aide à la production cinématographique a été comptabilisée sur le budget- 2012 du ministère de la Culture. J’ai donc demandé un crédit bancaire qui, d’habitude, est octroyé d’office mais, les responsables des crédits hésitent en raison de certains dires affirmant que les Salafistes comptent faire obstacle à tous les arts.

J’espère dépasser cette période de doute et terminer le tournage avec les trois tranches de l’aide à la production. D’ailleurs, les coûts des décors, costumes, matériel de tournage, cachets des techniciens et  acteurs et autres ont augmenté en flèche, or, le taux plafond de l’aide par rapport au coût global du film est toujours, depuis des années, de 35%, c’est pourquoi l’association de cinéastes a demandé de passer à un taux de 50%. Car, sinon on aura des films professionnellement et esthétiquement bâclé, moi je travaille selon l’école ancienne qui consiste à satisfaire toutes les demandes des chefs de département qui peuvent exiger, chacun, jusqu’à trois assistants. Le ministère de tutelle est d’un autre avis et soutient qu’on peut réaliser des films avec des petits ou moyens budgets ou carrément, mais cela pourrait se faire au dépens de la qualité de la forme. On pense même à utiliser la vidéo, pourquoi pas, mais dans ce cas il faudrait retirer l’article de la loi qui stipule que la livraison du film doit se faire obligatoirement en pellicule 35 mm. Bref, je souhaite, vraiment, résoudre ces problèmes financiers afin que Jeudi après-midi, soit fin prêt pour les JCC 2012».

Propos recueillis par Samira DAMI
















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire