dimanche 8 janvier 2012

retro du 2 janvier 2012




La liberté de la presse sur la sellette

Dans un entretien accordé, mardi dernier, à El Watania, Hamadi Jebali, chef du gouvernement, a entre autres déclaré que «La presse doit se hisser à la hauteur de la Révolution et des attentes du peuple » Mais qu’attend justement le public si ce n’est une presse libre, transparente et démocratique ? Ce que n’a pas manqué de rappeler, juste dans la foulée de cette réplique, le locataire d’El Kasbah.


Où réside le problème alors ? A moins que l’interviewé ne considère que les médias ne sont pas assez libres, transparents et démocratiques. Supposons que ce soit le cas : aux journalistes, alors, de se débarrasser des oripeaux de l’information de l’ancienne ère et de se focaliser sur les préoccupations et problèmes du peuple. tout en prônant une ligne éditoriale indépendante et un traitement libre et démocratique. L’enjeu étant on ne peut plus clair : désigner du doigt les maux sociaux, économiques, politiques, sportifs, culturels que connait le pays et user d’un esprit critique à l’égard des partis au pouvoir mais aussi des partis d’opposition.

Comment cela ? Simple comme bonjour : il suffit d’appliquer ce qu’on leur a appris dans les écoles et instituts de journalisme. Par exemple, concernant la télé, d’ouvrir le Journal non pas par des activités anodines d’un responsable politique, fusse-t-il président, mais par un fait ou une info qui intéresse, en premier lieu, le large public. La proximité étant l’un des premières conditions pour réussir un journal de qualité où se retrouve la majorité des téléspectateurs.

Or, si l’on scrute le JT du mardi dernier on constatera que l’info ou le fait qui a bouleversé les Tunisiens n’est autre que le kidnapping d’un bébé de l’hôpital des enfants de Bab Saâdoun, par une femme voilée. Toutefois cette info a été reléguée au cinquième ou sixième plan derrière les activités politique du chef du gouvernement et du président provisoires, des Constituants, de l’Ugtt, etc. Or, la hiérarchisation de l’info concoctée, ce soir là, ne répondait nullement aux attentes du public qui n’avait d’yeux que pour l’enlèvement de la petite Linda. Comment qualifier pareil traitement de l’information ? Sinon de «vieux jeu» où les anciens réflexes affluent à la surface à travers une hiérarchisation des faits «digne» du temps du déchu où comptaient ses activités, d’abord, celles de son épouse, ensuite et de ses conseillers, enfin, les membres du gouvernement, eux, n’avaient pas, alors, droit de cité dans le grand-messe du 20H00, mais seulement dans le bulletin de 18H00.

Il est, donc difficile de parler de presse libre et démocratique, si l’on n’ose pas hiérarchiser les faits, selon les attentes du peuple. Aujourd’hui l’enjeu est on ne peut plus clair : mettre le doigt sur les maux sociaux, économiques, politiques, sportifs, culturels que connait le pays et user d’un esprit critique à l’égard des partis aussi bien ceux au pouvoir que ceux d’opposition. Enfin, prôner une ligne éditoriale indépendante et un traitement libre et démocratique



Mais toute cette volonté de changement et de bien faire suffit-elle ? Car, il nous est arrivé d’entendre Samir Dilou, sur une autre chaîne de télé, qualifier El Watania 1 de «Banafsajia»(mauve) comprendre encore sous la coupe de ZABA. Il nous est arrivés, également, d’entendre d’autres personnes qualifier El Watania 1 de Nahdhaouiya, autrement dit proche d’Ennahdha, de gauchiste et même d’Ugétéiste, soit manipulée par l’Ugtt. Rappelons- nous,aussi, comment Béji Caïd Essebsi, le précédent premier ministre, avait réagi après le discours qu’il avait prononcé devant la Haute Instance, quand une journaliste du JT lui posa une question qu’il jugea tendancieuse et non objective, il l’accusa de rouler pour une certaine partie politique et de servir son agenda. Rached Ghannouchi accusa également, devant de jeunes partisans d’Ennahdha, la presse nationale «de mener une campagne néfaste orchestrée pour diffuser le pessimisme dans la société malgré les sondages qui disent que 92% du peuple est optimiste».Or, peut-on parler de sondages scientifiques sous nos cieux, sans compter que pour la plupart ce sont ces mêmes sociétés de sondage qui sévissaient du temps du déchu en diffusant des chiffres approximatifs. Et d’ajouter : « Les médias, entre presse écrite et audio-visuelle ne parlent que de sit- in, de grèves, et de devise qui va bientôt manquer, et le principal responsable de tout ça, selon eux, c’est Ennahdha, c’est vraiment une presse destructrice qui n’a aucun respect pour le peuple… »Si les médias ne parlent pas de faits dominants qui ont marqué durant ce mois le pays, de quoi vont-ils parler sinon ? Les médias sont le reflet de la société et aujourd’hui, tout le monde le sait, durant le mois de décembre les grèves et sit-in ont été légion et plein d’usines et d’entreprises, ont fermé leur porte, une centaine en tout. Comment taire tout ça et faire semblant de ne pas voir comme du temps du déchu, c’est ce qu’on nous invite à faire : fermer les yeux et la bouche et se boucher les oreilles. Les accusations de presse destructrice qui « s’attaque et veut couper les ponts avec la Turquie, les pays du Golfe, la Lybie, l’Algérie, le Qatar qui veulent financièrement aider la Tunisie » reproduisent le même discours de l’ancienne dictature qui, sous prétexte d’intérêt suprême de l’Etat, empêchait les journalistes d’écrire et les censurait. Alors qu’il faut juste répondre à ces pays : « Chez nous la presse et libre » comme le font et le faisaient tout les pays démocratiques quand zaba protestait que tels journaux, radios et télés se sont attaqués à son régime. Rached Ghannouchi qui se plaignait du musellement des médias sous l’ancienne dictature veut-il, une fois son parti au pouvoir,reconduire le même système de bâillonnement des médias, qui, au nom de l’intérêt national deviendraient uniformes et monocolores.

Bref, si autant de gens accusent, chacun de son côté, notre satellitaire de rouler pour tel ou tel autre parti c’est que finalement, malgré tout ce qu’on peut dire, la chaîne commence à se frayer son propre chemin en roulant pour ce qu’elle croit être le meilleur pour son public. Mais opter pour l’objectivité du contenu et le relookage de la forme suffit-il pour convaincre son monde ? Ne vaudrait-il pas mieux, afficher son indépendance d’esprit et rouler pour la proximité et la liberté avant toute chose.

Peut-on se passer d’un Fonds de solidarité ?

Encore et toujours dans le même entretien sur El Watania 1, Hamadi Jebali, a souligné, concernant la proposition faite par la précédente équipe gouvernementale relative aux prélèvements quatre journées de travail du salaire des travailleurs, «qu’il n’est pas question de ponctionner les salaires de manière verticale mais qu’il s’agira de donations volontaires ouvertes à toutes les catégories sociales et à tous les secteurs aussi bien public que privé et libéral qui en manifesteront le désir».

Mais disons qu’après son rejet par l’Ugtt cette proposition, somme toute impopulaire, a été également annulée depuis mercredi, par la commission d’examen du projet de lois de finances 2012 au sein de la Constituante. Ce qui s’accorde avec ce que pense la majorité des Tunisiens qui ont subi depuis la création du FSN (Fonds de Solidarité Nationale) ou 26-26, de cette injustice de faire des dons sous la contrainte, alors qu’initialement il s’agissait de dons volontaires. En fait, les agents et cadres des secteurs public et privé étaient, malgré eux, délestés d’une journée de travail et même plus, sans compter les sommes exigées des élèves par les directeurs d’écoles et de lycées dont les parents étaient doublement pénalisés pour ne pas dire arnaqués, puisqu’il n’y avait aucun contrôle d’aucune sorte, encore moins parlementaire, sur le FSN. A preuve tout le peuple a découvert médusé le dénuement, la pauvreté et la misère des régions d’où est parti la première étincelle de la Révolution, car visiblement ce Fonds dont les objectifs étaient soi-disant de « désenclaver les zones d’ombre, améliorer les conditions de leurs habitants, la création de projets générateurs de revenus », n’avait nullement touché ces différents endroits du pays, pourtant si précaires.

Pis, les anciens responsables, entre ministres et PDG : qui réunira le maximum de millions pour satisfaire le bon vouloir du Prince et de son clan, fut-ce en dépouillant les citoyens déjà laminés par les bas salaires, la précarité et la cherté de la vie ? C’est à se demander où est passé tout l’argent amassé ? Pourquoi n’ouvrirait-on pas ce dossier pour savoir exactement l’état de lieux de ce Fonds et s’il y a eu détournements et à quelle degré ?

La leçon à tirer de cette mauvaise expérience du passé, qui a péché par manque de contrôle donc de transparence et d’information, est que tout don ne peut être que volontaire, car faire une donation de manière obligatoire, voire sous la contrainte, est tout simplement impopulaire. Voilà pourquoi il faudrait, maintenant, créer un nouveau fonds de solidarité régi par une structure de suivi et de contrôle des dépenses avec le parti pris d’informer les citoyens sur toutes les réalisations concrétisées afin d’éviter toute exploitation individuelle abusive, détournements et malversations. Car peut-on se passer, en cette étape difficile que traverse le pays, d’un fonds de solidarité, plus que jamais nécessaire pour venir en aide aux zones de l’ombre qui émaillent le pays ainsi qu’aux personnes en difficulté d’entre les plus démunis. Et les Tunisiens ont montré, à différentes reprises, au fil des événements qui ont marqué la Révolution, leur générosité, maturité et humanité.

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